TITRE IV - PLANS DE DÉPLACEMENTS URBAINS

Article 14 - Régime juridique des plans déplacements urbains

Article 28 de la LOTI

L'article 14 qui nous est soumis procède à une réécriture de l'article 28 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 ainsi qu'à l'insertion d'articles 28-1, 28-2 et 28-3 nouveaux dans cette loi qui est le texte central de l'organisation des transports dans notre pays. Sur le plan des principes, il faut accueillir ces novations avec satisfaction dans la mesure où la loi d'orientation - la LOTI - avait pu apparaître jusqu'à présent comme une bible intangible.

? La première phrase du texte proposé pour l'article 28 de la LOTI reprend la première phrase du deuxième alinéa du texte actuellement en vigueur de l'article 28. Un adjectif disparaît : le terme « généraux » pour qualifier les principes de l'organisation des transports. Deux termes apparaissent pour qualifier ces transports : « de personnes et de marchandises » .

La nouvelle rédaction aboutit à la disparition de l'actuel premier alinéa de l'article 28 qui prévoyait que le plan de déplacements urbains pouvait porter « sur tout ou partie du territoire compris à l'intérieur d'un périmètre de transports urbains » . Dans la rédaction proposée, la troisième phrase du premier alinéa de l'article 28 précise que le plan de déplacements urbains « couvre l'ensemble du territoire compris à l'intérieur du périmètre. »

Le nouveau texte est, en outre, inspiré par le souci d'assurer la cohérence des plans de déplacements urbains, non seulement avec les documents d'aménagement :

- schémas directeurs ;

- schémas de secteurs ;

mais aussi avec les plans régionaux pour la qualité de l'air, tel qu'ils sont institués par le titre II (article 6 à 8) du présent projet de loi.

Un tel souci de cohérence est louable. On peut toutefois observer que le projet omet de faire référence aux directives territoriales d'aménagement, dont l'édiction a été rendue possible par l'article 4 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 28 vise ensuite à préciser l'objet des plans de déplacements urbains. Cette rédaction diffère de la rédaction actuellement en vigueur, sans pour autant lui faire perdre son caractère indicatif dont on peut regretter la relativement faible valeur normative.

Dans la rédaction actuelle, les objectifs assignés aux plans de déplacements urbains sont :

- l'utilisation « plus rationnelle » de la voiture - terme dont la valeur juridique permet des commentaires infinis mais qui n'en a pas moins été repris, s'agissant de l'énergie, dans le titre même du projet qui nous est soumis ;

- la bonne « insertion » - terme qui relève du jargon technocratique - des piétons, des véhicules à deux roues et des transports en commun.

La nouvelle rédaction proposée vise :

- « l'équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d'accès ; »

- « la protection de l'environnement » .

Les objectifs assignés sont :

- un « usage coordonné de tous les modes de déplacements » - le pluriel employé ici apportant peu au sens. On remarquera que le terme « d'usage coordonné de tous les modes » est plus clair que celui d'insertion. Il correspond bien au concept d'intermodalité mis en évidence à de nombreuses reprises depuis le rapport « Carrère » de juillet 1992. L'objectif de coordination doit être atteint « notamment » - terme qui ouvre la porte à toute hypothèse - par une affectation « appropriée » de la voirie - terme, lui aussi, vague - ;

- « la promotion des modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie ». Cette formule, si elle est plus explicite que la notion « d'utilisation rationnelle » de la voiture n'en reste pas moins faiblement normative. On observera qu'elle ne fait, en réalité, que préciser le concept de « protection de l'environnement » utilisé plus haut.

? Le second alinéa du texte proposé pour l'article 28 est, en revanche, parfaitement normatif. Il rend obligatoire l'élaboration d'un plan de déplacements urbains dans toute agglomération de plus de 250.000 habitants.

Une telle rédaction soulève deux questions. D'abord la notion « d'agglomération de plus de 250.000 habitants », déjà employée à l'article 3 et à l'article 9, mérite d'être explicitée. À l'évidence, les auteurs du projet de loi n'ont pas entendu limiter l'application de cette mesure aux seules villes de plus de 250.000 habitants qui, au vu des résultats du recensement de 1990, ne sont qu'au nombre de sept (Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Strasbourg et Nantes). Il conviendrait dont qu'une cartographie précise des zones de population agglomérée dépassant 250.000 habitants vînt préciser cette notion.

Selon certains, il n'y aurait pas lieu d'introduire de seuil pour la réalisation d'un plan de déplacements urbains. De tels plans devraient, à leurs yeux, être obligatoires pour tous les périmètres de transport urbain. Tout en relevant la valeur de ces remarques, la commission n'a pas jugé opportun de rendre une telle mesure systématique, afin de conserver au projet son caractère incitatif.

Pour finir, ce n'est pas l'élaboration du plan, mais le plan lui-même qui devrait être rendu obligatoire. Il y â donc, là aussi peut-être, un resserrement de l'expression à envisager.

Article 28.1 de la LOTI

? Le 1° du texte proposé pour l'article 28.1 de la LOTI soulève une difficulté conceptuelle. Il indique, en effet, que « les orientations - terme qui vient concurrencer les concepts de « principes » et de « prescriptions » posés à l'article 28 - « du plan de déplacements urbains portent sur le développement des transports collectifs ». En soi, l'expression « transports collectifs » ne serait pas insolite dans la LOTI. On retrouve, en effet, ce terme dans l'article 3 de la loi, par opposition, aux « transports individuels » . Mais il se trouve que, dans sa rédaction actuelle, l'article 28 de la LOTI, en son troisième alinéa, comporte l'expression de « transports en commun ». Les rédacteurs du projet de loi ont préféré à cette dernière expression celle de « transports collectifs ». Un doute subsiste sur l'opportunité d'un tel choix en ce que l'expression retenue ne fait référence ni au transport des voyageurs ni à celui des marchandises, mais on peut penser que c'est du seul transport de voyageurs qu'il s'agit. Or, la LOTI fait, à son article 7, emploi de l'expression « services de transport public régulier de personnes » qui paraît, d'un point de vue juridique, plus exacte. On pourrait y adjoindre l'expression de « transport public de marchandises » , introduite par le dernier alinéa de l'article 5 de la même loi.

Le 1° du texte proposé pour l'article 28.1 de la LOTI précise ensuite que les orientations du plan de déplacements urbains portent sur « le développement [...] des moyens de déplacement économes et les moins polluants » . Outre le fait que le terme « économe » , employé isolément, semble abscons, une telle formule est un peu redondante par rapport à la notion de « promotion des modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie » posée au premier alinéa de l'article 28, dans la nouvelle rédaction proposée.

On observera, en outre, que l'adjonction d'un membre de phrase commandé par le mot « notamment » - terme qui affaiblit toujours la force normative d'un texte - commande l'évocation, qui pourrait sembler insolite à certains, de « l'usage de la bicyclette et de la marche à pied ». Cette expression fait écho à la notion « d'insertion des piétons, des véhicules à deux roues » présente dans la rédaction actuelle du deuxième alinéa de l'article 28.

? Le 2° du texte proposé pour l'article 28.1 de la LOTI prévoit que les orientations des plans de déplacements urbains porteront sur l'aménagement et l'exploitation du réseau principal de voirie d'agglomération. La rédaction est affaiblie par l'expression « afin de rendre plus efficace son usage » qui n'apporte que peu de précision. Quant au terme « notamment » , il ouvre une énumération dont le caractère vague risque d'être une source de contentieux.

Enfin, si l'information sur la circulation constitue une idée judicieuse, il conviendrait de préciser que celle-ci ne porte que sur le périmètre de transport urbain couvert par le plan.

Article 28.2 de la LOTI

Le texte proposé pour l'article 28.2 de la LOTI reprend d'abord des éléments de l'actuelle rédaction du premier alinéa de l'article 28 en précisant la procédure à suivre.

La nouvelle rédaction est, sur plusieurs points, plus précise que celle de l'actuel article 28 dont le dernier alinéa renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser la procédure d'élaboration et de mise en oeuvre des plans de déplacements urbains.

Dans cette nouvelle rédaction, l'initiative de l'élaboration ou de la révision du plan de déplacements urbains est confiée à « l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains sur le territoire qu'il couvre » . Le projet de plan est arrêté par délibération de cette même autorité.

Il est, ensuite, soumis pour avis non seulement aux conseils municipaux - comme c'était le cas jusqu'alors -, mais aussi aux conseils généraux et régionaux intéressés, ainsi qu'aux préfets. Cet avis doit être rendu dans un délai de trois mois, sauf à être réputé favorable. Cette condition de délai ne figure pas dans la rédaction actuelle. Les avis ainsi donnés sont annexés au projet.

Le projet est alors mis à disposition du public pour un délai de deux mois. Cette procédure vient se substituer à celle d'enquête publique prévue actuellement par le deuxième alinéa de l'article 28.

À l'issue de la mise à disposition, le plan, éventuellement - ce n'est qu'une éventualité - modifié pour tenir compte des observations du public est approuvé par l'organe délibérant de l'autorité organisatrice des transports. Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 28.2 de la LOTI se substituerait ainsi à la rédaction du troisième alinéa de l'actuel article 28.

Il est, pour finir, précisé que les « orientations du plan » - terme dont le caractère imprécis a déjà été évoqué plus haut - sont :

- mises en oeuvre par l'autorité « compétente pour l'organisation des transports urbains » ;

- « prises en compte » - terme juridiquement ambigu qui confère une faible opposabilité aux plans de déplacements urbains - par les autorités chargées de la voirie et de la police de la circulation dans le périmètre de transports urbains.

Ces prévisions reprennent les dispositions de l'actuel quatrième alinéa de l'article 28 de la LOTI.

Article 28.3 de la LOTI

Le texte proposé par l'article 14 pour l'article 28.3 de la LOTI institue, s'agissant des plans de déplacements urbains, un régime spécifique pour la région Île-de-France. Alors que le texte proposé pour l'article 28.2 de la LOTI définit le régime des plans de déplacements urbains pour l'ensemble des régions, l'article 28.3 revêt un caractère dérogatoire en inversant les termes de la procédure.

C'est à l'État - à travers sa direction régionale de l'Équipement - et non pas à l'autorité organisatrice des transports urbains que revient l'initiative de l'élaboration, puis de la révision du plan. En revanche, le Syndicat des transports parisiens (STP) qui, en région Île-de-France, est l'autorité organisatrice et qui est présidé par le préfet de région est associé à l'élaboration et délibère sur le projet de plan.

Ce caractère dérogatoire résulte de la situation particulière dans laquelle se trouve la région d'Île-de-France pour l'organisation des transports. En effet, la région ne figure pas, de fait, à la différence des conseils généraux des départements concernés, dans les instances dirigeantes du Syndicat des transports parisiens où l'État détient la majorité. Si une réforme du Syndicat des transports parisiens a été envisagée à plusieurs reprises, celle-ci n'a pas été réalisée jusqu'à présent et, en tout état de cause, tel ne serait pas l'objet du présent projet de loi.

Les auteurs du projet de loi ont donc opté, s'agissant des plans de déplacements urbains, pour une procédure qui, tout en prévoyant la consultation du Syndicat des transports parisiens, permet à la région d'Île-de-France d'être, elle aussi, consultée.

Le texte proposé pour l'article 28.3 précise, par ailleurs, que les « prescriptions » du plan - terme qui pourrait être précisé - doivent être compatibles avec les orientations du schéma directeur de l'Île-de-France prévu par l'article L.141-1 du code de l'urbanisme. Il convient de rappeler que l'article 141-1 résulte, dans sa rédaction actuelle, de l'article 40 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

S'agissant de la consultation des usagers et des associations, on remarquera qu'une extension de cette consultation aurait pu être prévue au profit des professionnels du transport.

Des conditions identiques à celles définies à l'article 28.2 pour la mise à disposition du public sont fixées, s'agissant de la région d'Île-de-France.

Le plan est arrêté par « l'autorité administrative ». C'est-à-dire, selon toutes apparences, le préfet de région.

La consultation, dans un délai de six mois, du Conseil de Paris et des conseils généraux des départements composant la région est prévue. En revanche, aucune consultation des préfets des mêmes départements n'est expressément prévue.

Plus délicate risque de s'avérer, en outre, la consultation prévue, dans le même délai de six mois, des conseils municipaux. En effet, la région d'Île-de-France compte 1.281 communes. Il semble irréaliste d'imaginer pouvoir convier tous les maires en une seule session de consultation. La solution d'une procédure consultative par fractions du plan de déplacements urbains semble donc devoir être retenue dans les faits.

Pour finir, le plan devra être « pris en compte » par les autorités chargées de la voirie et de la police de la circulation dans le périmètre de transports urbains. S'il présente l'avantage de la souplesse et le caractère de l'incitation, le concept de « prise en compte » présente, en revanche, celui du flou juridique. En clair, la force d'opposabilité des plans de déplacements urbains pourrait rester faible et ceux-ci n'auraient qu'une valeur indicative.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 14, sous réserve de quatre amendements.

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