Rapport n° 374 (1995-1996) de M. Georges OTHILY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 mai 1996

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N° 374

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi relatif à la détention provisoire,

Par M. Georges OTHILY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry. Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro : Sénat : 330 (1995-1996).

Droit pénal.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 22 mai sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M. Georges Othily, le projet de loi relatif à la détention provisoire.

M. Georges Othily a souligné l'importance du sujet en rappelant que la détention provisoire pouvait, comme toute mesure privative de liberté, entraîner de graves conséquences (menaces sur l'équilibre physique et psychique résultant du traumatisme de l'incarcération, de la perte d'un emploi, de la rupture du lien familial) pour une personne pourtant présumée innocente.

Il a indiqué que plus de 60 000 personnes étaient incarcérées chaque année avant même d'avoir fait l'objet d'un jugement définitif.

Le rapporteur a ensuite présenté les trois séries de modifications proposées par le projet de loi.

La première de ces modifications concerne l'un des motifs autorisant le placement en détention provisoire, à savoir le souci de préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction. M. Georges Othily a indiqué que le projet de loi visait à préciser ce critère, parfois contesté pour son caractère flou, en exigeant que le trouble causé soit exceptionnel compte tenu de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission et du préjudice causé.

La deuxième série de modifications tend à limiter la durée de la détention provisoire. Le projet de loi propose notamment de consacrer en droit français la notion de « durée raisonnable » -inspirée du délai raisonnable exigé par l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme- laquelle s'apprécierait au regard de la gravité des faits reprochés à la personne détenue et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Il prévoit également une motivation particulière des décisions de prolongation de la détention provisoire lorsque celle-ci excède un an ; le juge d'instruction devra alors fournir les indications qui justifient la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; il ne serait toutefois pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder. La troisième série de modifications prévues par le projet de loi a trait au « référé-liberté ». M. Georges Othily a fait observer que ce dispositif, dû à une initiative du président Jacques Larché afin de réduire autant que possible le traumatisme lié aux premières heures d'incarcération, n'avait pas donné tous les résultats escomptés : 397 utilisations en 1994 (pour plus de 47 000 mandats de dépôt dans le cadre d'une instruction) dont 6 % seulement avaient conduit à une remise en liberté. Il a notamment expliqué cet échec par le lien entre le référé-liberté et l'appel (alors que seulement 10 % des décisions de placement en détention provisoire sont frappées d'appel) et par le contrôle limité du Président de la chambre d'accusation, qui ne peut conduire à une remise en liberté que si la détention provisoire n'est manifestement pas nécessaire. Le rapporteur a indiqué que le projet de loi conférait à ce magistrat un plein pouvoir d'appréciation, portant sur le respect des conditions prévues par le code de procédure pénale pour recourir à la détention provisoire et non plus seulement sur leur méconnaissance manifeste. Le Président de la chambre d'accusation ne se limiterait plus à déclarer l'appel suspensif mais pourrait infirmer la décision du juge d'instruction, la chambre d'accusation étant alors dessaisie.

M. Georges Othily a qualifié le projet de loi de « pierre d'attente » dans la perspective d'une réforme globale de la procédure pénale. Il a cependant jugé souhaitable de le compléter afin d'assurer que la détention provisoire devienne véritablement, s'agissant d'une personne présumée innocente, un ultime recours.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a adopté à l'unanimité huit amendements permettant au juge d'instruction de substituer le placement sous surveillance électronique à la détention provisoire. Ce procédé -étudié en détail par le président Guy Cabanel, parlementaire en mission- consiste à proposer à une personne, au lieu et place de l'incarcération, le port d'un bracelet (le plus souvent à la cheville), permettant de contrôler à distance sa présence sur certains lieux à certaines périodes. S'appuyant sur l'expérience des États qui l'ont consacré (États-Unis, Canada, Suède, Angleterre, Pays-Bas ...) M. Georges Othily a indiqué que les nouvelles technologies garantissaient la discrétion du système, qui ne saurait être assimilé à un pilori des temps modernes, marquant le porteur d'un bracelet électronique du sceau de l'infamie. Il a insisté sur le fait que le recours au placement sous surveillance électronique serait, de manière expresse, un substitut à la détention provisoire, ce qui excluait de le voir devenir un substitut au contrôle judiciaire, voire un « super contrôle judiciaire » : seules pourraient en bénéficier des personnes qui, en cas de refus, seraient -ou demeureraient- incarcérées.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a adopté neuf autres amendements tendant notamment à :

- interdire toute détention provisoire supérieure à un an en matière correctionnelle ;

- fixer un délai (de six mois susceptible d'être prolongé de trois mois par décision spéciale du président de la cour d'assises) entre la fin d'une instruction en matière criminelle et la comparution devant la Cour d'assises. Le rapporteur a justifié cet amendement par l'existence de situations dans lesquelles l'accusé attend sa comparution dix-huit mois, voire deux ans :

- permettre aux parties, en l'absence d'investigation pendant quatre mois (ramenés à deux mois au profit de la personne placée en détention provisoire), de saisir la chambre d'accusation qui pourrait décider d'évoquer elle-même l'affaire ou de la renvoyer à un autre juge d'instruction.

Ce projet de loi sera examiné en séance publique les mercredi 29 et jeudi 30 juin 1996.

Article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. ».

Article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme : « Toute personne arrêtée ou détenue (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure. »

Mesdames, Messieurs.

Comme toute mesure privative de liberté, la détention provisoire peut être à l'origine de dommages irréparables pour l'individu, d'atteintes particulièrement graves à son équilibre physique et psychologique résultant notamment de la rupture du lien familial, de la perte d'un emploi et, souvent, de la mise au ban de la société.

Elle constitue en outre une exception notable aux principes, fondamentaux dans un État de droit, de la liberté individuelle et de la présomption d'innocence.

La détention provisoire s'applique en effet par hypothèse à des personnes dont la culpabilité n'a pas encore été définitivement établie, soit qu'elles demeurent mises en examen, soit qu'elles attendent de comparaître devant la juridiction de jugement (après une instruction ou dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate), soit que les délais prévus pour les voies de recours ne soient pas encore expirés.

Le législateur s'est en conséquence efforcé de conférer à la détention provisoire le caractère véritablement exceptionnel qui doit être le sien.

Le projet de loi soumis à notre examen se situe dans la droite ligne d'une politique qui, depuis un quart de siècle, tend à soumettre le recours à cette mesure à des conditions toujours plus strictes.

Son adoption constituerait la neuvième réforme en treize ans. Cette instabilité normative ne traduit-elle pas une insatisfaction chronique ? Ne résulte-t-elle pas d'une certaine timidité du législateur, au demeurant compréhensible s'agissant d'un équilibre à trouver entre, d'une part, la préservation de la liberté individuelle et de la présomption d'innocence et, d'autre part, les impératifs liés à la recherche de la vérité dans le domaine judiciaire ?

Telles sont les questions que s'est posée votre commission lors de l'examen de ce projet de loi. Tout en se félicitant du souci du Gouvernement de réduire la détention provisoire, elle a jugé le dispositif proposé quelque peu timoré : inspiré sur plusieurs points du rapport « pour une meilleure prévention de la récidive » remis au Premier ministre par le président Guy Cabanel, parlementaire en mission auprès du Garde des Sceaux -M. Pierre Méhaignerie puis M. Jacques Toubon-, le projet de loi ne reprend cependant pas toutes les solutions envisagées par ce document après une réflexion approfondie.

Les conclusions du rapport de notre collègue Guy Cabanel ainsi que les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont mis en avant plusieurs solutions susceptibles de compléter ce projet de loi.

Les propositions de votre commission se situent dans la droite ligne de ces travaux. Elles visent à assurer que la détention provisoire devienne véritablement, s'agissant d'une personne présumée innocente, l'ultime recours nécessité par les stricts besoins de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté.

I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI

Selon les termes de l'article 137 du code de procédure pénale. « la personne mise en examen reste libre sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumise au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placée en détention provisoire... ».

Depuis la loi du 17 juillet 1970, s'il apparaît impossible de laisser libre la personne mise en examen (ou inculpée avant 1993), le principe est le recours au contrôle judiciaire. La détention provisoire (dite auparavant « préventive ») ne peut être prononcée qu'à titre subsidiaire, « si les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes ».

Le législateur a prévu un dispositif qui, tout en permettant la détention provisoire, encadre strictement cette mesure exceptionnelle que constitue l'incarcération d'une personne bénéficiant de la présomption d'innocence.

A. UN DISPOSITIF DESTINÉ À CONFÉRER À LA DÉTENTION PROVISOIRE UN CARACTÈRE EXCEPTIONNEL

Afin d'assurer à la détention provisoire un caractère tout à fait exceptionnel, le législateur a soumis la décision de recourir à cette mesure à des conditions de fond et de procédure dont le caractère restrictif a été régulièrement renforcé. En outre, une fois la détention provisoire prononcée, la prolongation obéit également à des règles strictes destinées en limiter la durée.

1. Les conditions de fond du placement en détention provisoire

a) Les conditions tenant à la gravité de l'infraction

La décision de recourir à la détention provisoire suppose que les faits reprochés à la personne mise en examen présentent une certaine gravité. C'est ce que précise l'article 144 du code de procédure pénale qui l'autorise, dès lors que le contrôle judiciaire est insuffisant :

- en matière criminelle ;

-en matière correctionnelle si la peine encourue est égale ou supérieure à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant ou à deux ans dans les autres cas. Toutefois, la détention provisoire peut également être ordonnée, quelle que soit la peine encourue, lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

Il convient de noter que la gravité de l'infraction étant appréciée en fonction de la peine encourue par la personne mise en examen -et non en fonction de la peine prévue pour le délit-, l'éventuel état de récidive de l'intéressé peut autoriser son incarcération pour des faits certes délictuels mais relativement bénins. En effet, la peine encourue en cas de récidive étant doublée, la détention provisoire devient alors possible -en cas de flagrant délit- pour une infraction passible de six mois d'emprisonnement.

b) Les critères de placement en détention provisoire

Quelle que soit la gravité de l'infraction qui lui est reprochée, la personne mise en examen bénéficie de la présomption d'innocence. Aussi son placement en détention provisoire doit-il être justifié par des motifs sérieux justifiant une entorse à ce principe fondamental dans un État de droit. Ces motifs sont prévus par l'article 145 du code de procédure pénale dont les 1° et 2° énumèrent les critères du placement en détention provisoire. Ils les classent en deux catégories qui correspondent en substance aux deux justifications à l'atteinte à la liberté de la personne mise en examen admises par l'article 137.

1.- La détention provisoire à raison des nécessités de l'instruction

Le 1° de l'article 144 du code de procédure pénale autorise le placement en détention provisoire lorsque cette mesure est « l'unique moyen » :

- de conserver les preuves ou les indices matériels ;

- d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ;

- d'empêcher une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices.

2.- La détention provisoire à titre de mesure de sûreté

Le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale autorise le placement en détention provisoire lorsque cette mesure est « nécessaire » :

- pour mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

- pour garantir le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice ;

- pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

2. La procédure de placement en détention provisoire

S'agissant des conditions relatives à la procédure, trois séries de textes sont intervenus, avec des succès différents, au cours des douze dernières années.

a) La loi du 9 juillet 1984 : une avancée significative

La loi n° 84-576 du 9 juillet 1984, votée à l'initiative de notre collègue M. Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, a opéré deux modifications essentielles concernant la procédure relative au placement en détention provisoire :


• L'exigence d'un débat contradictoire préalable à la décision du juge d'instruction. Au cours de ce débat, doivent être entendues d'abord les réquisitions du ministère public puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.


• La suppression de l'effet suspensif de l'appel du procureur de la République d'une décision de mise en liberté. Celle-ci est dès lors devenue immédiatement exécutoire.

Force est de constater que l'entrée en vigueur de cette loi, intervenue le 1er janvier 1985, coïncide avec une inversion de l'évolution du nombre de prévenus incarcérés : alors que ceux-ci étaient passés, entre le 1er janvier 1975 et le 1er janvier 1985, de 13 000 environ à 22 044, leur nombre a par la suite nettement diminué pour se stabiliser à partir de 1988 aux alentours de 20 000.

Même si, comme il sera indiqué ultérieurement, l'évolution du nombre de prévenus incarcérés dépend de plusieurs facteurs, il est largement admis que la loi de 1984, et notamment l'exigence d'un débat contradictoire, a représenté une avancée significative.

b) Le recours à la collégialité : des dispositions restées lettre morte

Depuis le milieu des années 1980, trois réformes législatives sont intervenues pour confier à un organe collégial la décision de placement en détention provisoire. Il s'agissait des lois :

- du 10 décembre 1985, qui instituait auprès de chaque tribunal de grande instance une chambre d'instruction, composée de trois magistrats du siège dont deux au moins devaient être juges d'instruction ;

- du 30 décembre 1987, qui abrogeait la précédente et créait une « chambre des demandes de mise en détention provisoire », composée de trois magistrats parmi lesquels ne pouvait figurer le juge d'instruction ; ces dispositions furent abrogées par la loi du 6 juillet 1989 ;

- du 4 janvier 1993, dont les dispositions relatives à la collégialité ont été abrogées par la loi du 24 août 1993. L'organe compétent était composé d'un magistrat et de deux échevins.

Toutes ces réformes ont achoppé sur le problème du manque de moyens nécessaires pour leur mise en oeuvre. Le législateur en avait d'ailleurs conscience puisqu'il a toujours prévu le report de l'entrée en vigueur des dispositions instituant la collégialité pour le placement en détention provisoire. La loi du 4 janvier 1993 avait quant à elle confié, à titre transitoire, la décision sur la détention provisoire au président du tribunal ou à un magistrat délégué par lui. Ce dispositif, qui fut appliqué de mai septembre 1993, est fréquemment désigné par l'appellation de « système du juge-délégué ».

c) Le « référé-liberté » : des résultats décevants

La loi du 2 août 1993, qui a abrogé celle du 4 janvier de la même année, n'a pas pour autant opéré un retour pur et simple au statu quo ante.

Son initiateur, Monsieur le Président Jacques Larché, avait en effet souhaité limiter dans toute la mesure du possible, voire éviter, le traumatisme des premières heures de l'incarcération. À cette fin, il avait proposé de donner à la personne faisant l'objet d'une ordonnance de détention le droit de saisir dans les vingt-quatre heures un magistrat d'une demande de mise en liberté qui devait être examinée au plus vite.

Cette initiative devait donner naissance au mécanisme dit du « référé-liberté », consacré au sein de l'article 187-1 du code de procédure pénale et dont les principes sont les suivants :

- le magistrat chargé d'examiner la demande est le Président de la chambre d'accusation (et non, comme l'avait initialement proposé le Président Larché, le président du tribunal) ou son remplaçant ;

- la demande doit être formée en même temps que l'appel lequel doit être interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention ;

- le Président de la chambre d'accusation dispose de trois jours ouvrables pour se prononcer ;

- il peut déclarer suspensif l'appel de l'ordonnance (et la personne est alors remise en liberté) s'il « n'est manifestement pas nécessaire que la personne mise en examen soit détenue jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel ».

Dans son principe, cette procédure constitue, comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, « une garantie essentielle contre les détentions abusives ».

Elle n'a cependant pas, loin de là, répondu aux espoirs qu'elle avait suscité lors de sa création. Le référé-liberté est en effet une procédure relativement peu appliquée : 397 demandes en 1994 (et vraisemblablement encore moins en 1995) dont environ 6 % donneraient effectivement lieu à une remise en liberté. Selon une étude du ministère de la justice concernant deux cours d'appel, une seule mise en liberté sur dix-sept demandes a été accordée à Reims en 1994 et sept mises en liberté sur cinquante-quatre demandes ont été accordées à Douai la même année.

Pour la cour d'appel de Paris, 183 appels ont été intentés contre une décision de placement en détention provisoire (sur 6 391 décisions) 102 ont fait l'objet d'un référé-liberté dont 6 ont donné lieu à mise en liberté.

Certes, il convient de faire preuve de prudence dans l'interprétation de ces résultats. En effet, au-delà des chiffres, la possibilité d'un référé-liberté a pu conduire à une certaine autodiscipline des juges d'instruction dans les affaires où un doute subsistait sur la nécessité de la détention. À cet égard, force est de constater que la proportion de personnes placées en détention parmi l'ensemble des personnes en examen, qui était de l'ordre de 44 % dans les années 1980, a chuté à partir de 1993 (35 %) pour atteindre 34 % en 1994.

Par ailleurs, même s'il a donné lieu à peu de mises en liberté, les statistiques démontrent que le référé-liberté n'est pas resté lettre-morte.

Il n'en demeure pas moins que la quasi-totalité des personnes entendues par votre rapporteur ont souligné les insuffisants résultats du référé-liberté. Parmi les nombreuses explications avancées (qui seront détaillées dans l'examen des articles) figurent notamment :

- le lien entre l'appel et le référé-liberté, qui réduit sensiblement les demandes formées sur le fondement de cette procédure dans la mesure où la quasi-totalité des ordonnances de placement en détention provisoire (à la différence des décisions rejetant les demandes de mise en liberté) ne sont pas frappées d'appel. Selon l'étude conduite auprès des cours d'appel de Reims et de Douai, le taux d'appel serait de l'ordre de 4 % ;

- le pouvoir d'appréciation limité du Président de la chambre d'accusation, qui ne concerne pas le fond de la détention mais seulement son éventuel caractère manifestement infondé ;

- le pouvoir de décision lui-même limité de ce magistrat, qui ne peut que maintenir la personne en détention ou la mettre en liberté et ne dispose pas de la faculté de prononcer cette voie intermédiaire que représente le placement sous contrôle judiciaire.

3. Un encadrement de la durée de la détention provisoire

Le législateur s'est également efforcé de limiter dans la mesure du possible la durée de la détention provisoire. Il a tout d'abord prévu que la décision de placement en détention provisoire ne saurait excéder une certaine durée : quatre mois en matière correctionnelle, un an en matière criminelle.

Cette décision est cependant susceptible d'être prolongée par ordonnance motivée pour des durées qui diffèrent selon la gravité de l'infraction et selon les antécédents judiciaires de la personne mise en examen :

- une seule prolongation possible, d'une durée de deux mois, si la personne mise en examen n'encourt pas plus de cinq ans d'emprisonnement et n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle soit à une peine d'emprisonnement ferme supérieure à un an (article 145-1 du code de procédure pénale) ;

- plusieurs prolongations possibles d'une durée ne pouvant excéder quatre mois chacune dans les autres affaires correctionnelles ; toutefois, au-delà d'un an, chaque prolongation doit être précédée d'un débat contradictoire ; la durée totale ne peut excéder deux ans lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans (article 145-1 du code de procédure pénale) ;

- plusieurs prolongations possibles d'une durée ne pouvant excéder un an chacune en matière criminelle, chaque prolongation devant être précédée d'un débat contradictoire (article 145-2 du code de procédure pénale).

Le tableau ci-après résume, en fonction des différentes hypothèses, la durée maximale possible de la détention provisoire, prolongation comprise, autorisée par le code de procédure pénale.

Durée de la détention provisoire (pour une personne majeure)

MATIÈRE

CRIMINELLE

DURÉE

INITIALE

DURÉE DE

PROLONGATION

DURÉE TOTALE

MAXIMALE

criminelle

1 an

1 an

Pas de limite

Correctionnelle (en cas de peine encourue supérieure ou égale à deux ans ou à un an en cas de flagrant délit)

4 mois

2 mois

si la personne mise en examen n'a pas été condamnée auparavant à la prison ferme supérieure ou égale à un an et à condition que la peine encourue soit inférieure ou égale à 5 ans

6 mois

(une seule prolongation possible)

4 mois

dans les autres cas

. 2 ans

si la peine encourue ne dépasse pas cinq ans

. pas de limite lorsque la peine encourue dépasse cinq ans

Outre ces dispositions de droit interne, la durée de la détention provisoire se doit de respecter les exigences du droit international et notamment de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales dont l'article 5, paragraphe 3, stipule que toute personne en détention provisoire « a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ».

Ce délai raisonnable est une notion à géométrie variable qui s'apprécie en fonction des circonstances de l'espèce. La Cour européenne des droits de l'homme contrôle le respect de cette exigence par les États parties. Elle tient notamment compte de la complexité de l'affaire, de l'existence effective d'un risque de fuite ou de suppression des preuves, de la conduite de la personne détenue...

B. DES RÉSULTATS ENCORE INSUFFISANTS

Selon le système de collecte SPACE (Statistique pénale annuelle du Conseil de l'Europe), la France a longtemps figuré parmi le pays du Conseil de l'Europe ayant le plus fort taux de détention provisoire. Elle occupait même encore la première place en 1988 (il convient bien entendu de prendre garde aux comparaisons hâtives, la France admettant une définition très large de la détention provisoire).

Cette situation s'est légèrement améliorée puisque la France était au sixième rang en 1993. Mais si la progression de la détention provisoire a été semble-t-il enrayée, la situation actuelle est encore loin de donner satisfaction.

1. La stabilisation du nombre de prévenus incarcérés

a) Le constat

L'évolution générale de la détention provisoire au cours des dernières années se caractérise par une relative stabilité.

Cette stabilité est en soi un élément positif pour deux raisons :


• elle contraste avec l'augmentation continue du nombre de personnes en détention provisoire jusqu'au milieu des années 1980.
À cet égard, l'entrée en vigueur de la loi précitée du 9 juillet 1984 (soit l'année 1985) marque bien un tournant que le tableau ci-après permet de mettre en évidence.

Nombre de personnes placées en détention provisoire au 1er janvier

1976

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

Nombre

12 825

17 643

20 161

22 044

21 125

21 588

20 222

19 477

Indice

100

138

157

172

165

168

158

152

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Nombre

19 976

19 043

19 578

20 439

20 026

22 159

20 899

Indice

156

148

153

159

156

173

163


• elle conduit, compte tenu de l'augmentation du nombre des condamnes, a une diminution de la part des prévenus parmi l'ensemble des personnes incarcérées. Il a ainsi été mis progressivement fin à ce que l'on pouvait considérer comme une spécificité de la France : la part majoritaire des prévenus (présumés innocents !) au sein de la population carcérale. C'est ce que retrace le tableau suivant :

Évolution du taux de prévenus au sein de la population carcérale (%)

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

52

51

50

45

41

43

45

40

41

42

40

43

40

Au-delà de ce constat purement quantitatif, votre rapporteur s'est longuement penché sur les facteurs de cette évolution.

b) Les facteurs de la stabilisation

La stabilisation depuis une dizaine d'années du nombre de prévenus résulte d'une double évolution : d'une part, une tendance à l'accroissement de la durée moyenne de la détention provisoire ; d'autre part, une diminution régulière du nombre d'incarcérations annuelles due essentiellement à la baisse des détentions prononcées dans le cadre d'une instruction.

1. - Une légère progression de la durée moyenne de détention provisoire

Au cours des dix dernières années, la durée de la détention provisoire a tout d'abord connu une diminution régulière, passant de 3,9 mois en 1985 à 3,4 mois en 1992. Depuis lors, elle a sensiblement progressé pour atteindre 4,1 mois en 1995.

Sur cette période de dix années, la durée moyenne en matière criminelle est supérieure à 21 mois. En matière délictuelle, elle est passée de 3 mois en 1984 à 3,4 mois en 1993.

L'augmentation de la durée moyenne de la détention provisoire à partir de 1993 semble pouvoir s'expliquer par une complexité croissante des instructions ouvertes due :

- à l'accroissement du nombre moyen de personnes mises en examen dans le cadre d'une même information (1,8 aujourd'hui contre 1,2 au début des années 1980) ;

- le caractère de plus en plus contradictoire de la procédure, due en large partie à la loi du 4 janvier 1993.

2. - Une diminution des incarcérations en cours d'instruction

Sur la période 1985-1984, la tendance est à une diminution quasi continue du nombre de personnes placées chaque année en détention provisoire dans le cadre d'une instruction.

Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont expliqué cette évolution favorable par une diminution du nombre de personnes mises en examen. Si ce dernier phénomène est bien réel, son ampleur est sans commune mesure avec la réduction des incarcérations prononcées dans le cadre d'une instruction : sur une base de 100 en 1985, l'indice correspondant au nombre de ces incarcérations en 1994 était de 74 contre 95 pour l'indice correspondant au nombre de personnes mises en examen.

Ainsi, depuis 1986, la proportion de personnes placées en détention provisoire parmi l'ensemble des personnes mises en examen est passée de 45 % à 34 %, avec une accélération particulièrement nette à partir du début des années 1990. Cette évolution est pour votre rapporteur la meilleure preuve des efforts réalisés par les juges d'instruction pour éviter de recourir à l'incarcération.

Détention provisoire et instruction

(Source : cadres des parquets)

En fait, comme il a déjà été indiqué, il faut garder présent à l'esprit que les personnes placées en détention provisoire ne représentent qu'une partie (environ les deux-tiers) des prévenus incarcérés.

Il convient notamment d'y ajouter les personnes en attente de comparution après instruction (dont le nombre au 1er janvier est passé de 2 506 en 1985 à 3 077 en 1995) ainsi que les prévenus incarcérés dans le cadre d'une comparution immédiate (dont le flux a représenté 18 183 personnes en 1995 contre 10 363 en 1985).

2. Des améliorations nécessaires

a) La place en apparence médiocre de la France parmi les autres pays européens

En dépit des progrès réalisés au cours des dernières années, la France occupait en 1996 la sixième place au sein des pays du Conseil de l'Europe pour la part de prévenus parmi la population carcérale (39,1 %), derrière la Turquie (55,9 %), l'Italie (54 %), la Belgique (48,7 %), la République tchèque (47,1 %) et la Roumanie (40,6 %).

Part des prévenus au sein de la population carcérale

Pays

Taux de prévenus

(en %)

Turquie

Italie

Belgique

République tchèque

Roumanie

France

Lituanie

Allemagne

Portugal

Autriche

Luxembourg

Bulgarie

Espagne

Pologne

Suède

Ecosse

Finlande

Irlande

Islande

55,9

54,0

48,7

47,1

40,6

39,1

38,1

38,1

37,4

33,9

32,2

31,3

29,8

24,1

21,8

17,7

8,7

7,9

3,9

(source : Conseil de l'Europe)

Il convient cependant de relativiser cette position en apparence peu satisfaisante car la France admet une conception fort large de la notion de détention provisoire qui inclut les détenus en appel ou en pourvoi ou dans les délais permettant d'y recourir.

Environ 30 % des personnes en détention provisoire ne font en effet pas (ou ne font plus) l'objet d'une instruction. Ainsi, selon le Centre de Recherches sociologiques sur le Droit et les institutions pénales (CESDIF), les « vrais détenus provisoires (ceux qui sont toujours en attente de jugement) ne représentent que (...) 29,05 % de l'effectif des prisons françaises » (en 1991).

Aussi, la place médiocre de la France parmi les autres pays européens doit-elle être relativisée.

b) Des placements en détention qui pourraient être évités

Chaque année, 3 % des personnes incarcérées au titre de la détention provisoire (soit entre 1 600 et 2 300 prévenus) sont en définitive mis hors de cause par la justice (acquittement, relaxe ou non-lieu).

On ne saurait bien entendu affirmer qu'il s'agit d'autant de victimes d'un dysfonctionnement de la justice. Dans certains cas, le placement en détention provisoire pouvait en effet se justifier, en particulier pour protéger l'intéressé lui-même.

Il n'en demeure pas moins vrai que, chaque année, des personnes qui auraient pu -et même parfois auraient dû- demeurer en liberté sont incarcérées. Le législateur l'a d'ailleurs reconnu en créant une commission d'indemnisation, chargée d'accorder une indemnité aux personnes mises hors de cause par la justice et qui ont subi une détention provisoire leur ayant causé un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité.

Mais on ne saurait considérer l'indemnisation des victimes des dysfonctionnements judiciaires comme suffisante pour effacer une incarcération qui n'aurait pas due être.

Dans ces conditions, ce sont les conditions de placement en détention provisoire qu'il conviendrait de modifier. Deux voies peuvent a priori être explorées : restreindre les critères de placement et améliorer le référé-liberté (dont on rappellera qu'il fut créé pour éviter le traumatisme lié aux premières heures de l'incarcération).

c) Des durées de détention parfois fort longues

La durée moyenne de la détention provisoire ne saurait occulter des situations, loin d'être exceptionnelles, même en matière délictuelle, où cette mesure excède huit mois, voire un an.

Durée de détention provisoire des personnes condamnées en 1993

(source : casier judiciaire)

Crimes

Délits

Nombre de personnes condamnées ayant été placées en détention provisoire

2 478

44 030

Détentions inférieures à 4 mois

161 (6%)

30 631 (69 %)

Détentions entre 4 et 8 mois

123 (5%)

8 260 (19 %)

Détentions entre 8 mois et 1 an

160 (6%)

2 973 (7 %)

Détentions supérieures à 1 an

2 034 (82 %)

2 166 (5 %)

En matière criminelle, il n'est pas rare que la détention provisoire dure plus de deux ans, en raison notamment d'un délai parfois fort long (un an voire dix-huit mois selon plusieurs personnes entendues par votre rapporteur) entre l'acte d'accusation et la comparution devant la Cour d'assises.

II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI

L'exposé des motifs du projet de loi distingue trois séries de dispositions : les premières tendent à restreindre les critères du placement en détention provisoire par une meilleure définition de la notion d'ordre public ; d'autres visent à limiter la durée de cette mesure ; la dernière a pour objet d'améliorer le « référé-liberté ».

A. UNE RESTRICTION DES CONDITIONS DE FOND DU PLACEMENT EN DÉTENTION PROVISOIRE (ARTICLES 1 ET 6)

Pour ce faire, le projet de loi propose de mieux définir l'un des critères permettant le placement en détention provisoire : la préservation de l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, ce dernier critère a suscité des critiques « en raison de (son) imprécision et des abus qu'il autoriserait ». Sa suppression a d'ailleurs été demandée à plusieurs reprises, mais n'a pas été retenue par le législateur.

Le refus d'une telle suppression s'explique tout d'abord par le caractère rarissime des placements en détention justifiés par ce seul motif. Quoique la Chancellerie ne dispose pas de statistiques sur ce point, l'exposé des motifs fait observer que, « le plus souvent (...), d'autres critères (risque de fuite, de pression, de concertation, de disparition des preuves ou de réitération de l'infraction) justifient également la détention. La suppression du critère de l'ordre public n'aurait dès lors qu'un effet réduit sur le nombre de placements en détention provisoire ».

En revanche, comme l'avait déjà souligné le rapport de mission de notre collègue le président Cabanel, l'exposé des motifs estime que sa suppression pourrait -dans des cas certes tout à fait exceptionnels mais plausibles- poser certaines difficultés : crime passionnel, profanation de sépulture à caractère raciste.

Telles sont les raisons qui ont conduit les rédacteurs du projet de loi à conserver le critère de l'ordre public mais à « en préciser les contours, afin de mettre en évidence qu'il s'agit d'un motif de mise en détention provisoire qui ne peut être placé sur le même plan que les autres critères de détention prévus par l'article 144. »

Selon l'article premier, ce critère ne pourrait servir de fondement à l'incarcération que si l'infraction (en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission et de l'importance du préjudice qu'elle a causé) « a provoqué un trouble exceptionnel à l'ordre public, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin ».

Cette rédaction a pour objet d'imposer une motivation précise des ordonnances se fondant sur ce critère qui permettra un meilleur contrôle de la chambre d'accusation. Il appartiendra en effet au juge d'instruction d'indiquer :

- en quoi le trouble à l'ordre public est véritablement « exceptionnel » ;

- par référence à des considérations précises, à savoir soit la gravité de l'infraction, soit les circonstances de sa commission, soit l'importance du préjudice qu'elle a causé ;

- en quoi la détention est l'unique moyen de mettre fin au trouble à l'ordre public (et non plus seulement en quoi elle est « nécessaire pour préserver l'ordre public »), ce qui suppose de démontrer non seulement que les obligations résultant d'une autre mesure (et notamment du contrôle judiciaire) sont insuffisantes, mais également (conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation) que le trouble à l'ordre public est actuel et non passé ou potentiel.

B. DES DISPOSITIONS TENDANT À LIMITER LA DURÉE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

1. La consécration de la notion de « durée raisonnable » (article 2)

S'inspirant de la notion de « délai raisonnable » des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le projet de loi pose le principe de la « durée raisonnable » que ne peut excéder la détention provisoire, « au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ».

Selon l'exposé des motifs, cette consécration permettra un meilleur contrôle de la Cour de cassation en cas de maintien abusif en détention.

Dans le même esprit, il est expressément exigé que le juge ordonne la mise en liberté immédiate de la personne dès lors que les conditions du recours à la détention provisoire ne sont plus remplies.

En revanche, contrairement à ce que proposait notamment notre collègue Guy Cabanel, le Gouvernement s'est refusé à « instituer de nouveaux délais "butoirs" à la durée totale de la détention provisoire, car des solutions trop drastiques risqueraient d'entraver la répression de la délinquance ou de la criminalité organisée ».

2. Une limitation de la durée de prolongation de la détention provisoire en matière criminelle (article 4)

Reprenant une proposition de M. Cabanel, le projet de loi propose de réduire de un an à six mois la durée de chaque prolongation de la détention provisoire en matière criminelle. Serait ainsi assuré un réexamen plus fréquent par le magistrat instructeur de la nécessité de la détention provisoire.

3. L'exigence d'une motivation particulière des décisions de prolongation de la détention provisoire lorsque celle-ci excède un an (article 5)

Le projet de loi pose en principe l'exigence d'une motivation particulière pour les décisions ordonnant la prolongation -ou rejetant les demandes de mise en liberté- d'une détention dont la durée excède un an : le magistrat instructeur devrait ainsi fournir « les indications qui justifient la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure » (art. 5 alinéa 1).

Mais le juge d'instruction ne serait pas tenu « d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder, notamment lorsque cette indication risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations » (art. 5 alinéa 2).

Une distinction est donc faite entre les indications qui justifient la poursuite de l'information (qui doivent être fournies) et l'indication de la nature des investigations envisagées (qui peuvent ne pas l'être). Selon l'exposé des motifs, il s'agit des difficultés qui pourraient se poser « notamment en matière de criminalité organisée ou de terrorisme, le juge devant obligatoirement faire connaître à l'avance le détail des actes qu'il va accomplir ».

C. L'AMÉLIORATION DU « RÉFÉRÉ-LIBERTÉ » (ARTICLE 7)

Deux modifications essentielles sont prévues :

1. Une modification du rôle du Président de la chambre d'accusation

Le projet de loi confère au Président de la chambre d'accusation le soin « d'examiner immédiatement (l')appel sans attendre l'audience de la chambre d'accusation » (et non plus seulement de déclarer l'appel suspensif).

Par ailleurs, et surtout, le président ou la chambre d'accusation exercerait désormais un contrôle au fond , portant sur le respect des conditions prévues par l'article 144 du code de procédure pénale et non plus seulement sur leur méconnaissance manifeste.

Il s'agit donc d'une véritable modification du référé-liberté qui devient, selon l'expression de l'exposé des motifs, « une sorte d'appel en deux phases ».


Si le Président de la chambre d'accusation infirme l'ordonnance du juge d'instruction, il ordonne la remise en liberté (ou le placement sous contrôle judiciaire) et la chambre d'accusation est dessaisie. L'objectif est de répondre à la critique selon laquelle les remises en liberté consécutives à un référé-liberté sont rares en raison de la crainte du Président de la chambre d'être désavoué par sa juridiction.


Si le président la chambre confirme l'ordonnance, il renvoie l'examen de l'appel à la de chambre d'accusation.

2. Permettre au Président de la chambre d'accusation de prononcer une mesure de placement sous contrôle judiciaire

Cette modification, préconisée par le rapport de M. Cabanel, est la conséquence logique du plein pouvoir d'appréciation et de décision confié au Président de la chambre d'accusation saisi par la voie du référé-liberté.

Elle lui permet de sortir de l'alternative mise en liberté-maintien en détention en l'autorisant à prononcer une mesure intermédiaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : COMPLÉTER DANS TOUTE LA MESURE DU POSSIBLE UN PROJET DE LOI QUI VA DANS LA BONNE DIRECTION

Les nombreuses auditions auxquelles a procédé votre rapporteur -dont la liste figure en annexe du présent rapport- ont permis de dégager un large consensus sur le projet de loi : pour la totalité des personnes entendues, il traduit un louable souci de réduire la détention provisoire (même si, pour plusieurs, la réalisation de cet objectif dépend avant tout de la responsabilité personnelle du juge) ; mais la plupart se sont montrées sceptiques sur ses effets réels, jugeant trop timoré le texte soumis à notre examen. Certaines ont notamment regretté que ne soit pas abordé le problème de la séparation des pouvoirs d'investigation et de la décision de mise en détention. Ce regret a été partagé par plusieurs de nos collègues, et notamment par MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter, lors de l'examen de ce texte par votre commission. M. Michel Dreyfus-Schmidt a également évoqué le problème de la responsabilité de l'État et des magistrats en cas de détention provisoire injustifiée, estimant inadmissible que seul « un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité » (article 149 du code de procédure pénale) puisse donner lieu à indemnisation.

Il convient cependant de considérer le présent projet de loi comme une pierre d'attente, comme une réforme touchant au fond et qui pourrait être complété dans le cadre d'une réforme globale de la procédure pénale, élaboré à partir des réflexions d'ensemble menées par Mme le professeur Michèle-Laure Rassat ainsi que par la mission d'information de votre commission sur la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction dont le rapporteur fut notre excellent collègue M. Charles Jolibois.

Votre commission n'a cependant pas considéré ce projet de loi comme intangible. À ses yeux, il va indéniablement dans la bonne direction. Sans négliger les effets positifs qu'il pourrait avoir (notamment en raison du référé-liberté), elle estime nécessaire de le compléter pour limiter dans toute la mesure du possible la détention provisoire.

A. LA CONSÉCRATION D'UN NOUVEAU SUBSTITUT À LA DÉTENTION PROVISOIRE : LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE

Dans son rapport établi au nom de votre commission des Lois sur le projet de loi relatif à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, notre excellent collègue Pierre Fauchon écrivait : « le progrès des techniques de télé-information permet d'envisager des modes de contrôles automatiques, surprenants pour nos habitudes mais qui n'en méritent pas moins une réflexion approfondie ». Il faisait ainsi allusion à la surveillance électronique qui consiste à proposer à une personne, au lieu et place de l'incarcération, le port d'un bracelet (le plus souvent à la cheville) permettant de contrôler à distance sa présence sur certains lieux à certaines périodes.

Quelques semaines auparavant, une délégation de votre commission -présidée par M. Jacques Larché et comprenant, outre M. Pierre Fauchon, nos collègues, MM. Germain Authié, Christian Bonnet, Guy Cabanel, Lucien Lanier, René-Georges Laurin et Robert Pagès- avait constaté l'existence dans plusieurs provinces du Canada de ce « substitut original à l'emprisonnement » que constitue la « prison à domicile ». Son rapport de mission (Sénat - 1994-1995, n° 203) appelait également de ses voeux « une étude approfondie de la part de la Chancellerie, car la crise de notre système carcéral et là pour nous dissuader de négliger a priori la moindre piste de réflexion ».

Cette étude a été conduite par notre collègue le Président Cabanel à l'occasion de sa mission pour le Garde des Sceaux. Son rapport « Pour une meilleure prévention de la récidive » souligne les bons résultats obtenus par les États qui ont décidé de recourir à la surveillance électronique.

1. Le recours à la surveillance électronique : une solution acceptable dans son principe

Avant même d'envisager la faculté de consacrer la surveillance électronique comme substitut à la détention provisoire, votre rapporteur s'est longuement interrogé sur le principe même de ce dispositif dont il reconnaît, avec M. Fauchon, le caractère « surprenant pour nos habitudes ». Il a ainsi acquis la conviction, renforcée par les auditions auxquelles il a procédé, que cette solution représentait de nombreux avantages pour des inconvénients aisément surmontables. C'est ce qu'a parfaitement démontré notre collège Guy Cabanel.

a) Une solution respectueuse de la dignité de la personne

Le port d'un bracelet électronique, permettant de surveiller un individu à distance, serait pour certains attentatoire à la dignité humaine. C'est ce que l'on pourrait appeler, pour reprendre l'expression de M. Cabanel, « le syndrome Big Brother ».

Une telle argumentation ne saurait cependant emporter la conviction dans la mesure tout d'abord où, par hypothèse, la surveillance électronique permet à l'intéressé d'éviter l'incarcération, mesure on ne peut plus contraignante pour l'individu.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique suppose bien évidemment le consentement de l'intéressé. Comment celui-ci pourrait-il accepter une mesure qu'il jugerait contraire à sa dignité ?

Il ne s'agit en outre aucunement de « marquer au fer rouge » la personne surveillée. Le bracelet électronique ne saurait être comparé à une forme modernisée du pilori, à une nouvelle « lettre écarlate » marquant son porteur du sceau de l'infamie. Les procédés modernes permettent en effet de garantir la discrétion de ce dispositif, lui assurant une confidentialité bien supérieure à l'incarcération. C'est une considération qu'il convient de souligner dans la perspective d'une meilleure protection de la présomption d'innocence, droit fondamental de la personne auquel votre commission est particulièrement attachée.

b) Des avantages incontestables

Le principal avantage attendu de la surveillance électronique consiste à éviter l'effet traumatisant, « désocialisant », de l'incarcération, surtout lorsque celle-ci est appelée à être de courte durée. Les données statistiques contenues dans le rapport de M. Cabanel démontrent que, dans les pays pour lesquels on dispose de telles informations (États-Unis, Canada et Suède), le placement sous surveillance électronique est une réussite pour plus de 90 % des bénéficiaires.

Ce procédé peut également constituer un instrument efficace de lutte contre la surpopulation carcérale. Ainsi, en Colombie Britannique, 2.450 personnes, soit 13 % de la population pénale, en ont bénéficié sur la période 1992-1993.

Enfin, même si cette considération est accessoire eu égard aux autres avantages du procédé, le coût de la surveillance électronique est sensiblement inférieur -tant au niveau de l'investissement que du fonctionnement- à celui de l'incarcération. S'agissant de la France, il pourrait se situer entre 80 et 120 F par personne et par jour, soit quatre fois moins que le coût d'une place de prison.

2. La surveillance électronique comme substitut à la détention provisoire : une solution à explorer

Dans son rapport « pour une meilleure prévention de la récidive », le président Cabanel réservait en priorité la surveillance électronique aux personnes condamnées (soit à une courte peine d'emprisonnement, soit n'ayant plus qu'un certain reliquat de peine à accomplir). C'est également cette solution que préconisait M. Gilbert Bonnemaison, dans un rapport de 1989 sur la modernisation du service public pénitentiaire : « la création d'un système de surveillance électronique (...), tout en imposant à certains délinquants des restrictions importantes de liberté, facilitera leur insertion sociale et les placera en situation d'indemniser réellement leurs victimes ».

La plupart des personnes entendues par votre rapporteur ont également considéré que la surveillance électronique offrait le plus d'utilité pour les personnes condamnées.

Mais ces réserves traduisaient moins des objections qu'un certain scepticisme quant à l'efficacité réelle de la détention électronique en tant que substitut à la détention provisoire. Il s'expliquait par les objectifs du recours au mandat de dépôt (éviter les pressions sur les victimes ou les témoins, les concertations entre coauteurs...), objectif que la surveillance électronique ne serait pas à même d'atteindre. Ces réserves ont été reprises par notre excellent collègue, M. Jean-Jacques Hyest, lors de l'examen du projet de loi.

Votre commission ne partage cependant pas ce scepticisme pour deux raisons essentielles :

ï La surveillance électronique lui paraît tout d'abord susceptible de s'appliquer à des hypothèses pouvant justifier le placement en détention provisoire et notamment pour garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ou pour prévenir le renouvellement de l'infraction ;

ï en second lieu, les modifications du référé-liberté prévues par le projet de loi changeront sensiblement les données du problème.

Les réserves sur l'efficacité de la surveillance électronique reposaient en effet dans une large mesure, comme l'ont confirmé la majorité des personnes entendues par votre rapporteur, sur le postulat qu'elle ne pourrait être prononcée que par le juge d'instruction. Dans ces conditions, il était effectivement probable que ce magistrat n'aurait guère utilisé ce procédé, le recours à la détention provisoire étant un moyen simple, radical et connu de répondre aux nécessités liées au bon déroulement de son information.

Mais ces réserves n'ont plus lieu d'être dès lors que la surveillance électronique peut également être prononcée par une autre personne que celle chargée de la conduite de l'instruction, à savoir le Président de la chambre d'accusation saisi par la voie du référé-liberté. Celui-ci est en effet mieux à même, dans les hypothèses où il apparaîtrait que la surveillance électronique pourrait fournir pratiquement autant de garanties que la détention, de concilier le principe de la liberté de la personne mise en examen et les impératifs liés au bon fonctionnement de l'instruction.

Dans ces conditions, votre commission estime que la surveillance électronique pourra se révéler dans certaines hypothèses un substitut utile à la détention provisoire. La consécration de ce procédé en ce domaine ne saurait d'ailleurs exclure de le consacrer en tant que substitut à de courtes peines d'emprisonnement ou en tant que modalité d'exécution d'une fin de peine. Comme l'a notamment fait observer M. le Président Jacques Larché c'est dans son application a des personnes condamnées que le PSE présenterait le plus de perspectives.

3. Le dispositif proposé par votre commission

Votre commission vous propose de consacrer le placement sous surveillance électronique (PSE) comme substitut à la détention provisoire.

a) Conjurer le risque d'un « super contrôle judiciaire »

Le PSE ne saurait devenir un « super-contrôle judiciaire ». Il doit être un substitut à la détention provisoire pour permettre à des personnes qui auraient été incarcérées, et seulement à de telles personnes d'éviter le traumatisme de l'incarcération. S'il en allait autrement, le PSE, loin d'alléger les contraintes pesant sur la personne mise en examen, les renforcerait.

C'est pour conjurer ce risque de la voir devenir un « super contrôle judiciaire » que votre commission vous propose de consacrer le PSE en précisant qu'il peut être « substitué à la détention provisoire »et ce lorsque la décision de recourir à cette mesure a été prise.

Une telle rédaction marque bien que le PSE ne peut être proposée qu'à une personne qui, si elle la refuse, sera ou demeurera incarcérée. Comme l'a fait observer notre excellent collègue M. Charles Jolibois, le PSE sera une modalité d'exécution de la détention provisoire.

Le recours à ce procédé supposera donc rempli l'un au moins des critères permettant le placement en détention provisoire.

Dans ces conditions, le PSE pourra être prononcé :

- soit ab initio : au moment où le juge d'instruction sera sur le point de décerner un mandat de dépôt, le traumatisme de l'incarcération pourra être évité ;

- soit après une certaine durée d'incarcération (qui pourra d'ailleurs être brève si le PSE est prononcé à la suite d'un référé-liberté). La personne mise en examen pourra notamment demander sa mise en liberté sous le régime du PSE.

b) Le respect des droits fondamentaux de la personne

Votre commission vous propose de subordonner le recours au PSE à l'accord de l'intéressé, donné en présence de son avocat.

Le procédé technique devra avoir été homologué par le ministre de la justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Sa mise en oeuvre devra garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne. Un examen médical sera d'ailleurs de droit à la demande de l'intéressé.

Bien entendu, l'application du PSE ne sera ni générale, ni absolue :

- elle sera limitée à certaines périodes fixées par le juge d'instruction en tenant compte des nécessités liées à l'organisation de la défense de la personne mise en examen, à sa vie familiale ou professionnelle ou au suivi d'un traitement médical ou d'une formation ;

- elle ne fera pas obstacle, même pendant les périodes fixées, à tout déplacement de l'intéressé, le juge d'instruction pouvant fixer plusieurs lieux d'assignation (et accorder des dispenses ponctuelles).

B. RÉDUIRE AUTANT QUE POSSIBLE LA DURÉE MAXIMALE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

1. Fixer à douze mois la durée maximale de la détention provisoire en matière correctionnelle

L'article 145-1 fixe à six mois la durée maximale de la détention provisoire lorsque la personne mise en examen n'encourt pas plus de cinq ans d'emprisonnement et n'a pas été auparavant condamnée à au moins un ans d'emprisonnement ferme.

Dans les autres cas, la durée de la détention provisoire est limitée à deux ans si et seulement si la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement. Votre commission considère cette durée de deux ans comme trop importante s'agissant d'une personne présumée innocente.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont appelé de leurs voeux la fixation de « délais-butoirs » à la détention provisoire, ainsi que l'avait d ailleurs préconisé le Président Guy Cabanel.

M. le Président Robert Badinter a pour sa part estimé que le principal problème lié à la détention provisoire était celui de sa durée et a suggéré de la limiter à un an, quitte à prévoir des exceptions pour les affaires les plus graves.

Cette suggestion a été retenue par votre commission qui vous propose de fixer à huit mois la durée maximale de principe de la détention provisoire en matière correctionnelle et de n'autoriser qu'un seul renouvellement pour une durée n'excédant pas quatre mois. Ainsi, en matière correctionnelle une personne mise en examen ne pourra être maintenue en détention au-delà de douze mois.

Cette durée, qui correspond à plus du triple de la durée moyenne de la détention provisoire, paraît réaliser un juste équilibre entre le respect des droits d'une personne présumée innocente et les nécessités liées au bon déroulement de l'instruction. En matière correctionnelle, environ 5 % des personnes placées en détention provisoire par le juge d'instruction le sont pour une durée supérieure à un an.

2. Réduire les délais entre l'acte d'accusation et la comparution devant une cour d'assises

Aux termes de l'article 179 du code de procédure pénale, en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant le maintien en détention provisoire cesse de produire effet à l'expiration d'un délai de deux mois.

Une telle disposition n'existe pas en matière criminelle. Ainsi, des personnes ayant fait l'objet d'un acte d'accusation peuvent rester fort longtemps en attente de comparution devant la cour d'assises (parfois plus de dix-huit mois d après les informations fournies à votre rapporteur lors des auditions auxquelles il a procédé).

Pour remédier à cette situation, le rapport de notre collègue Cabanel proposait de fixer un délai entre la clôture de l'instruction et l'audience devant la cour d'assises.

Votre commission a approuvé cette suggestion. Elle s'est efforcée d'y donner suite en tenant compte des contraintes inhérentes à la procédure criminelle liées notamment aux régimes des sessions.

Aussi vous propose-t-elle de fixer à six mois la durée d'exécution de l'ordonnance de prise de corps, celle-ci pouvant cependant exceptionnellement être prolongée une fois pour une durée de trois mois par le président de la cour d'assises.

3. Accroître les droits du prévenu incarcéré

a) La faculté de saisir la chambre d'accusation pour défaut d'investigation

L'article 221-1 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour la chambre d'accusation, « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice », d'évoquer elle-même une affaire ou de la renvoyer à un autre juge d'instruction lorsqu'elle est saisie à cette fin par son président.

Votre commission vous propose de conférer aux parties la faculté de saisir directement cette juridiction en ramenant même le délai de deux mois lorsque la personne mise en examen est en détention provisoire.

Il appartiendra au président de décider s'il fait ou non droit à cette demande en vérifiant notamment si le défaut d'investigation résulte d'une abstention fautive du magistrat ou s'il est indépendant de sa volonté (commission rogatoire plus longue que prévue, attente de résultats d'expertise...).

Certes, la personne détenue peut déjà, dans une telle hypothèse, présenter une demande de mise en liberté et, en cas de refus, en saisir la chambre d'accusation. Mais plusieurs raisons peuvent la conduire à ne pas recourir à cette procédure, soit parce qu'elle considère sa détention pendant l'instruction comme nécessaire à sa protection soit parce qu'elle estime que sa détention est justifiée (exemple parce que le juge d'instruction peut légitimement craindre un risque de fuite ou une concertation entre complices).

Dans ces hypothèses où la détention est justifiée mais où la procédure risque de prendre du retard, l'amendement de votre commission conférera à la personne détenue la faculté d'accélérer le cours de l'instruction, ce qui demeure pour elle la seule solution pour hâter sa mise en liberté.

b) L'information de la personne détenue sur la suite de la procédure

Ainsi qu'il a été indiqué, la portée de l'obligation pour le juge d'instruction d'indiquer les éléments justifiant la poursuite de l'information (article 5 du projet de loi) est sensiblement atténuée par la faculté reconnue audit magistrat de ne pas indiquer « la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder ».

Votre commission comprend les raisons qui ont conduit les rédacteurs du projet de loi à prévoir une telle exception. Elle vous propose cependant d'en limiter strictement le champ en indiquant que le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations prévues sera le seul motif (et non un motif parmi d'autres) permettant de dispenser le juge d'instruction de renseigner la personne mise en examen.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Critères du placement en détention provisoire

Cet article a pour objet de modifier l'article 145 du code de procédure pénale relatif aux critères autorisant le placement en détention provisoire.

Dans sa rédaction actuelle, cet article 144 distingue deux séries de critères, faisant chacun l'objet d'un paragraphe.


• Le 1° énumère des critères liés à la recherche de la vérité. Il autorise en effet la détention provisoire de la personne mise en examen lorsque cette mesure est « l'unique moyen » :

- de conserver les preuves ou les indices matériels :

- d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ;

- d'empêcher une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices.


• Le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale énumère des critères liés à la sécurité puisqu'il autorise la détention provisoire lorsqu'elle est « nécessaire » :

- pour protéger la personne concernée ;

- pour mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

- pour garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

- pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

L'article premier du présent projet de loi a pour objet de préciser les contours de ce dernier critère, qui a parfois été considéré comme imprécis et donc source d'abus. À cette fin, il propose de scinder le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale en deux paragraphes : l'un (qui conserverait la référence 2°) reprendrait les critères autres que la préservation de l'ordre public (à savoir la nécessité de la détention provisoire pour protéger la personne mise en examen, garantir son maintien à la disposition de la justice ou mettre fin à l'infraction) ; l'autre (qui constituerait le 3° de l'article 144) serait exclusivement consacré à la préservation de l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

Il serait cependant précisé que ce trouble doit être exceptionnel , en raison de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé.

*

Comme l'ensemble des dispositions du présent projet de loi, l'article premier a été dans son principe approuvé par toutes les personnes entendues par votre rapporteur.

L'exigence d'un trouble « exceptionnel » à l'ordre public imposera au juge d'instruction, s'il envisage de placer une personne en détention provisoire en se fondant sur ce seul critère, à motiver sa décision d'autant plus précisément qu'il devra se référer à la gravité de l'infraction, aux circonstances de sa commission ou au préjudice causé.

On observera par ailleurs que la détention devra être « l'unique moyen de mettre fin » au trouble à l'ordre public (et non plus « nécessaire (...) pour préserver l'ordre public »). Cette nouvelle formulation est révélatrice du souci des rédacteurs du projet de loi de considérer la détention provisoire comme l'ultime recours, souci auquel votre commission ne peut que se rallier. Elle met en outre l'accent sur le fait que le trouble à l'ordre public doit être actuel : en aucune manière un trouble potentiel à l'ordre public -même exceptionnel- ne saurait justifier à lui seul un placement en détention provisoire.

Si l'unanimité s'est faite pour considérer que le présent article premier allait dans la bonne direction, certaines personnes entendues par votre rapporteur ont suggéré de poursuivre dans cette voie en supprimant purement et simplement l'ordre public comme critère de placement en détention provisoire. Cette position a également été défendue par le Président Michel Dreyfus-Schmidt lors de l'examen du projet de loi par votre commission.

Force est en effet de constater, en dépit de l'absence de statistiques sur ce point, que la nécessité de préserver l'ordre public n'est en pratique quasiment jamais le seul motif d'un placement en détention provisoire. Il est presque toujours accompagné de la référence à un autre critère (risque de fuite, de pression sur les témoins ou les victimes...), ainsi que le fait observer l'exposé des motifs du projet de loi.

Mais cette utilisation pour le moins parcimonieuse de ce critère n'est-elle pas précisément de nature à justifier son maintien, et ce d'autant plus que dans des hypothèses certes rarissimes mais pouvant se réaliser (telles que les crimes passionnels), il se présente comme la seule justification d'un placement en détention dont le principe n'est pas contesté ?

C'est parce que la préservation de l'ordre public n'est utilisée qu'exceptionnellement comme seul critère d'incarcération et que sa suppression pourrait, à la marge, poser certaines difficultés que votre commission a retenu la solution du projet de loi, consistant à en préciser les contours plutôt qu'à la supprimer.

Elle ne vous propose cependant pas d'adopter le présent article premier sans modification.

Conformément à une suggestion de notre excellent collègue M. Maurice Ulrich, elle a estimé souhaitable, dans un souci d'expressivité, de rappeler le caractère exceptionnel de la détention provisoire au sein de l'article 144 du code de procédure pénale.

Elle vous soumet donc un amendement à cette fin et vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié

Article 2 - Durée raisonnable de la détention provisoire

Cet article a pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale un article 144-1 afin de poser le principe de la durée raisonnable de toute détention provisoire.

L'exposé de motifs du projet de loi fait expressément référence aux articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquels prévoient respectivement :

- le droit pour toute personne arrêtée avant jugement « d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure » ;

- le droit pour toute personne « à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ».

- C'est pour traduire ces impératifs en droit interne que l'article 2 du projet de loi propose de prévoir expressément que la détention provisoire ne pourra excéder une durée raisonnable. Il est précisé que cette durée s'appréciera au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la recherche de la vérité.

Il est par ailleurs exigé que le juge d'instruction ordonne la mise en liberté immédiate de la personne détenue dès lors que les conditions du recours à la détention provisoire ne sont plus remplies.

*

La consécration au sein de notre droit interne de la notion de durée raisonnable doit bien entendu être approuvée.

Votre commission s'est cependant interrogée sur la possibilité d'aller au-delà et de fixer de manière précise des durées limites de détention. À cet égard, on rappellera que notre collègue le Président Guy Cabanel proposait dans son rapport de mission des limites variant en fonction de la peine encourue :

- six mois pour une peine encourue inférieure à cinq ans ;

- un an pour une peine encourue comprise entre cinq et dix ans ;

- deux ans pour une peine encourue supérieure ou égale à dix ans (voire, à titre exceptionnel, trois ans en matière criminelle).

Une telle solution lui est apparu éminemment souhaitable en son principe.

Il convient cependant de tenir compte du fait que la durée de l'instruction et celle de la détention ne dépendent pas de la seule diligence du magistrat instructeur lequel peut notamment se heurter à des commissions rogatoires ou à des expertises nécessitant une certaine durée et demandées par les parties elles-mêmes.

Pour tenir compte de ces considérations, votre commission vous proposera de modifier l'article 3 du projet de loi afin de poser certaines limites à la détention provisoire pour la seule matière correctionnelle.

Elle vous propose d'adopter le présent article 2 sans modification.

Article additionnel après l'article 2 - Motivation de l'ordonnance de placement en détention provisoire

Après l'article 2, votre commission vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de modifier l'article 145 du code de procédure pénale, relatif à la procédure de placement en détention provisoire.

Comme l'a fait observer M. le Président Michel Dreyfus-Schmidt, la jurisprudence n'exige pas que l'ordonnance de placement en détention provisoire indique en quoi le contrôle judiciaire serait insuffisant. C'est ce qu'a notamment précisé la Cour de cassation dans un arrêt en date du 24 novembre 1976 :

« Attendu qu `aucune disposition de la loi n'exige que, lorsque la détention provisoire est ordonnée ou maintenue, le juge constate auparavant en termes exprès l'insuffisance dans le cas qui lui est soumis des obligations du contrôle judiciaire au regard des fonctions définies à l'article 137 du code de procédure pénale ; que le seul fait que la Chambre d'accusation infirme, comme en l'espèce, sur appel du Ministère public, l'ordonnance entreprise et ordonne la détention provisoire des inculpés établit nécessairement qu `elle a estimé insuffisantes, dans le cas particulier, les obligations du contrôle judiciaire ».

L'amendement que vous propose votre commission reprend donc une suggestion de M. Michel Dreyfus-Schmidt tendant à exiger que l'ordonnance de placement en détention provisoire précise les raisons pour lesquelles le contrôle judiciaire serait insuffisant.

Article 3 - Prolongation de la détention provisoire en matière correctionnelle

Cet article a pour objet de modifier l'article 145-1 du code de procédure pénale relatif à la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle et notamment aux conditions de la prolongation de cette mesure.

Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, une distinction est actuellement faite par cet article 145-1 selon la gravité de l'infraction et le passé judiciaire de la personne mise en examen :

- si la personne mise en examen n'encourt pas une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans et si elle n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement ferme supérieure à un an, la durée totale de la détention provisoire en matière correctionnelle ne peut excéder six mois (quatre mois de détention initiale plus deux mois de prolongation) ;

- dans les autres cas la durée maximale de la détention est en principe d'un an. Elle peut cependant être exceptionnellement prolongée pour une durée maximale de quatre mois par ordonnance motivée rendue après un débat contradictoire. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure (sous réserve de ne pas dépasser deux ans lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans).

Le présent article 3 a pour simple objet de préciser que le renouvellement de cette décision (c'est-à-dire de la décision de prolonger la détention provisoire au-delà d'un an) devra respecter les dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale (que propose d'insérer l'article 5 du présent projet de loi) lequel prévoit que, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an, les décisions ordonnant sa prolongation doivent notamment comporter les indications qui justifient la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure.

L'article 3 se présente donc comme une disposition de coordination avec l'article 5.

*

Afin de réduire autant que faire se peut la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle, votre commission vous propose un amendement visant à une nouvelle rédaction de l'article 3. Celui-ci comprendrait trois paragraphes :

ï Le paragraphe I ramène d'un an à huit mois la durée maximale de principe de la détention provisoire en matière correctionnelle (soit quatre mois de durée initiale plus une prolongation de quatre mois). Le juge d'instruction pourra toujours prolonger la détention provisoire au-delà de ces huit mois mais il devra le faire sous de strictes conditions (et notamment après un débat contradictoire) compte tenu du caractère exceptionnel d'une telle décision.

ï Le paragraphe II reprend en substance le dispositif de coordination proposé par l'article 3 du projet de loi. Il l'intègre cependant dans la deuxième phrase -et non la quatrième- du troisième alinéa de l'article 145-1 du code de procédure pénale.

ï
Le paragraphe III limite à une durée unique de quatre mois la faculté de prolonger la détention provisoire en matière correctionnelle, quelle que soit la peine encourue .

Ce faisant, la durée totale de détention provisoire ne saurait excéder une année (huit mois pour la décision initiale plus une prolongation de quatre mois).


• La paragraphe IV supprime, par coordination, les deux dernières phrases du troisième alinéa de l'article 145-1, qui n'ont plus lieu d'être.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 4 - Prolongation de la détention provisoire en matière criminelle

Cet article a pour objet de modifier l'article 145-2 du code de procédure pénale relatif à la durée de la détention provisoire en matière criminelle et notamment aux conditions de prolongation de cette mesure.

Dans sa rédaction actuelle, cet article 145-2 pose le principe d'une durée maximale d'un an de la détention provisoire en matière criminelle.

Il autorise cependant la prolongation de cette mesure, pour une durée qui ne saurait excéder un an, par décision motivée du juge d'instruction rendue après un débat contradictoire. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure sans durée limite.

Le présent article 4 apporte deux modifications à ce dispositif :

- en premier lieu, et conformément à une proposition du rapport de mission du Président Cabanel, il réduit de un an à six mois la durée maximale d'une décision de prolongation (mais celle-ci peut toujours être renouvelée sans limite de temps) ;

- en second lieu, et comme l'article 3, il opère une coordination avec l'article 5 du projet de loi en précisant que le renouvellement de la décision prolongeant la détention au-delà d'un an devra respecter les dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale.

Votre commission approuve ces modifications. Elle vous soumet cependant un amendement tendant à insérer la coordination proposée avec l'article 5 au sein de la deuxième phrase de l'article 145-2 du code de procédure pénale -et non au sein de la troisième-.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 - Prolongation de la détention provisoire au-delà d'un an

Cet article a pour objet d'insérer au sein du code de procédure pénale un nouvel article 145-3 (l'actuel 145-3 devenant l'article 145-4) afin d'exiger une motivation particulière des décisions défavorables à la personne mise en examen lorsque la durée de la détention excède un an. Il s'agit :

- des décisions ordonnant la prolongation de la détention provisoire pour lesquelles le droit actuel (articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale) exige une ordonnance motivée et un débat contradictoire ;

- des décisions rejetant une demande de mise en liberté pour lesquelles il est actuellement exigé (article 148 du code de procédure pénale) une ordonnance motivée.

Le présent article 5 prévoit que, outre ces considérations, les décisions précitées devront comporter « les indications qui justifient la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure » dès lors que la durée de la détention provisoire excédera un an.

Toutes les indications justifiant la poursuite de l'information ne devront cependant pas être mentionnées. En effet, le second alinéa du texte proposé pour l'article 145-3 dispense le juge d'instruction d'indiquer « la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder, notamment lorsque cette indication risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations ».

L'exposé des motifs du projet de loi justifie cette exception par le souci de ne pas « empêcher le déroulement de certaines informations, notamment en matière de criminalité organisée ou de terrorisme, parce que le juge devrait faire connaître à l'avance le détail des actes qu'il va accomplir ».

*

Sur le plan des principes, votre commission approuve ce dispositif qui conduira le juge d'instruction à expliquer plus fréquemment les raisons d'un maintien en détention provisoire. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont d'ailleurs fait observer que, ce faisant, l'article 5 consacrait une pratique déjà largement répandue.

Elle vous propose néanmoins, outre un amendement rédactionnel et un amendement tendant à supprimer une redondance, deux amendements ayant respectivement pour objet de :


Ramener de un an à huit mois en matière correctionnelle la durée de détention à compter de laquelle le juge d'instruction devra donner des indications sur la suite de la procédure.

Cette modification s'imposait dès lors que, comme vous l'a proposé votre commission à l'article 3, la détention provisoire en matière correctionnelle ne pourrait plus, par hypothèse, excéder un an.


Limiter la faculté reconnue au juge d'instruction de ne pas indiquer la nature des investigations auxquelles il entend procéder à la seule hypothèse où cette indication risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations .

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 5 ainsi modifié.

Article 6 - Maintien de la détention provisoire après renvoi devant le tribunal correctionnel

Cet article a pour objet de modifier le troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale, relatif aux conditions dans lesquelles le juge d'instruction peut, après avoir ordonné le renvoi, maintenir le prévenu en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel.

En cas de maintien en détention provisoire, cet alinéa exige que la décision soit justifiée par la nécessité d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de protéger le prévenu, de garantir son maintien à la disposition de la justice ou de préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction.

Le présent article 6 opère en fait une simple coordination avec l'article premier en isolant la préservation de l'ordre public des autres critères et en précisant que le trouble provoqué par l'infraction doit être exceptionnel « en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou des l'importance du préjudice qu'elle a causé ».

Votre commission vous propose cependant de réécrire cet article, par simple coordination avec sa position sur le placement sous surveillance électronique.

Article 7 - Référé-liberté

Cet article a pour objet de modifier substantiellement l'article 187-1 du code de procédure pénale, relatif aux modalités du « référé-liberté ».

La rédaction de cet article 187-1 résulte de la loi du 24 août 1993, votée à l'initiative du Président Jacques Larché.

Le référé-liberté, que l'exposé des motifs du présent projet de loi considère à juste titre comme « une garantie essentielle contre les détentions abusives », permet à la personne mise en examen ou au procureur de la République, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, de demander au Président de la chambre d'accusation -ou à son remplaçant- de déclarer cet appel suspensif.

Le recours à cette procédure est subordonné à deux conditions qui s'expliquent par l'objectif même du référé-liberté, à savoir réduire autant que possible -voire éviter- le traumatisme des premières heures de l'incarcération :

- d'une part, que l'appel soit interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention (alors que la personne mise en examen dispose pour faire appel d'un délai de dix jours, et le procureur de la République d'un délai de cinq jours) ;

- d'autre part, que la demande tendant à déclarer l'appel suspensif soit formée en même temps que l'appel.

Le Président de la chambre d'accusation doit statuer au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande, par une ordonnance non motivée insusceptible de recours. Il ordonne la suspension des effets du mandat de dépôt jusqu'à la décision de la chambre d'accusation s'il estime « qu'il n'est manifestement pas nécessaire que la personne mise en examen soit détenue jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel ». Dans ce cas, la personne est remise en liberté (et ne pourra être incarcérée que si la chambre d'accusation confirme l'ordonnance de placement en détention provisoire).

Ainsi qu'indiqué dans l'exposé des motifs du présent rapport, le dispositif du référé-liberté demeure peu utilisé. Trois considérations sont fréquemment avancées pour expliquer ce constat :

- la décision du Président de la chambre ne porte pas sur le fond mais seulement sur le caractère manifestement infondé de la détention, ce qui réduirait pas trop son pouvoir d'appréciation ;

- bien que concernant par hypothèse les abus les plus flagrants, la décision du magistrat de déclarer l'appel suspensif n'opère pas dessaisissement de la chambre d'accusation ; le risque de voir celle-ci désavouer son président -quoique largement théorique- aurait alors un effet psychologique défavorable pour la personne mise en examen ;

- enfin, placé devant l'alternative maintien en détention -remise en liberté, le Président de la chambre d'accusation d'un pouvoir de décision trop limité : l'impossibilité de décider d'un placement sous contrôle judiciaire le conduirait inéluctablement, dans les hypothèses où la détention serait trop sévère mais où la remise en liberté pure et simple ne pourrait être ordonnée, à maintenir la personne en détention.

À ces considérations s'ajoute le fait que le nombre de demandes de référé-liberté demeure modeste pour trois raisons essentielles :

- le nombre d'appels des décisions de placement en détention provisoire est lui-même limité ;

- l'enjeu du référé-liberté (le caractère suspensif de l'appel) n'est pas toujours bien perçu par le justiciable ;

- compte tenu du nombre limité de chances d'obtenir une mise en liberté sur ce fondement, certains avocats dissuaderaient leurs clients de recourir à cette procédure, une décision négative du Président de la chambre d'accusation ne pouvant que rendre plus difficile l'infirmation par la chambre d'accusation elle-même.

*

Pour remédier à ces inconvénients, le présent article 7 propose trois modifications essentielles au dispositif du référé-liberté :


• donner un plein pouvoir d'appréciation au Président de la chambre d'accusation
: celui-ci ne se limiterait plus à examiner le caractère manifestement infondé de la détention. Il examinerait l'appel immédiatement et infirmerait l'ordonnance du juge d'instruction dès lors que les conditions prévues par l'article 144 ne seraient pas remplis. Le Président de la chambre d'accusation ou son remplaçant statuerait donc véritablement sur le fond ;


prévoir le dessaisissement de la chambre d'accusation si le président infirme la décision du juge d'instruction : le Président de la chambre d'accusation ne rendrait plus une décision de suspension des effets du mandat de dépôt ; il pourrait infirmer la décision du juge d'instruction et la chambre d'accusation serait alors dessaisie. Comme le fait observer l'exposé des motifs du projet de loi, le référé-liberté deviendrait « une sorte d'appel en deux phases » : la détention ordonnée par le juge d'instruction pourrait être infirmée par un magistrat statuant en juge unique, alors qu'elle ne pourrait être confirmée que par une formation collégiale ;


permettre au Président de la chambre d'accusation d'ordonner le placement sous contrôle judiciaire : cette innovation, qui avait été préconisée par le rapport de mission du Président Cabanel, serait la conséquence logique du plein pouvoir d'appréciation conféré au Président de la chambre d'accusation. Elle lui permettrait de sortir de l'alternative maintien en détention-remise en liberté.

Le dispositif d'appel en deux phases proposé par le présent article 7 paraît pour le moins novateur. Il érige en quelque sorte le Président de la chambre d'accusation en juge d'appel du juge d'instruction.

Il n'en a pas moins été approuvé par l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur, qui y voient le principal apport du projet de loi. Il paraît en effet de nature à relancer efficacement l'utilisation d'une procédure dont le principe est en soi une garantie essentielle pour la préservation des droits de la personne mise en examen.

Aussi votre commission vous propose-t-elle d'adopter cet article modifié par un simple amendement de coordination.

Article 8 - Placement en détention provisoire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate

Cet article a pour simple objet d'opérer une coordination au sein du troisième alinéa de l'article 396 du code de procédure pénale, relatif aux conditions dans lesquelles le président du tribunal ou son délégué peut placer un prévenu en détention provisoire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate.

Cet alinéa exigeant que l'ordonnance de placement en détention soit motivée « par référence aux dispositions des 1° et 2° de l'article 144 », le présent article 8 y ajoute la référence au 3°, créé par l'article premier du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Articles additionnels après l'article 8 - Placement sous surveillance électronique

Après l'article 8, votre commission vous propose d'adopter six amendements tendant à insérer des articles additionnels afin de consacrer le placement sous surveillance électronique (PSE) comme substitut à la détention provisoire.

Le premier de ces amendements crée au sein du code de procédure pénale une sous-section consacrée au PSE et comprenant six articles, portant les références 150-1 à 150-6.


• L'article 150-1 autorise le juge d'instruction à substituer le PSE à la détention provisoire.

Cette notion de substitution est essentielle : elle signifie que le PSE ne peut être proposé qu'à des personnes placées ou sur le point d'être placées en détention provisoire . Elle ne saurait en aucune manière être considérée comme une forme moderne de contrôle judiciaire qu'elle viendrait en quelque sorte remplacer ou compléter : substitut à la détention provisoire, le PSE ne peut être proposé que si les conditions du recours à celle-ci sont remplies. Reprenant une suggestion de M. le Président Robert Badinter, votre commission vous propose de préciser, pour éviter toute ambiguïté, que le PSE suppose que le juge d'instruction ait préalablement décidé de recourir à la détention provisoire.

Sans être hostiles au principe même de ce nouveau procédé, la plupart des personnes entendues par votre rapporteur se sont montrées quelque peu sceptiques quant à l'efficacité réelle du PSE comme substitut à la détention provisoire, estimant qu'il ne pourrait qu'exceptionnellement répondre aux nécessités qui justifient l'incarcération d'un prévenu. À leur yeux, c'est en l'appliquant aux personnes condamnées (et notamment en fin de peine) que le PSE donnerait les meilleurs résultats.

Votre commission considère pour sa part le PSE pourrait, dans certaines hypothèses telles que le risque de fuite ou de renouvellement de l'infraction, éviter le placement en détention (ou permettre la mise en liberté). Il pourrait également présenter une utilité dans le cas - souvent oublié lorsque l'on évoque les conditions de placement en détention provisoire - où la personne mise en examen se soustrairait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. Dans cette hypothèse en effet, le juge d'instruction ne peut actuellement qu'ordonner l'incarcération. Le PSE lui offrirait une solution moins contraignante pour la personne mise en examen.

Bien entendu cette mesure ne pourrait être prononcée qu'avec le consentement de la personne mise en examen (qui pourrait d'ailleurs demander à en bénéficier) donné en présence de son avocat. Afin de lui permettre de donner son accord en toute connaissance de cause, le juge d'instruction devrait lui faire préalablement part des conséquences du PSE.

Par ailleurs, le PSE ne saurait consister en une forme modernisée de la « lettre écarlate », en un pilori de l'ère technologique qui marquerait la personne mise en examen du sceau de l'infamie. Il est en conséquence prévu que le procédé permettant de la surveiller devra être homologué par le ministre chargé de la justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et que sa mise en oeuvre devra garantir le respect de la dignité -notamment sa discrétion -, de l'intégrité et de la vie privée de la personne.

Enfin, l'application de la surveillance électronique ne saurait être ni générale ni absolue. Elle ne fera donc pas obstacle à des déplacements en dehors des lieux désignés par le juge d'instruction puisqu'il appartiendra à celui-ci de fixer des périodes d'assignation. À cette fin, il lui faudra concilier les nécessités de l'information et les nécessités liées à l'organisation de la défense de la personne mise en examen, à sa vie familiale et professionnelle et, le cas échéant, au suivi d'une formation ou d'un traitement médical.


• L'article 150-2 précise les modalités du contrôle à distance de l'exécution du PSE. Il relèvera d'un service de l'État désigné par décret en Conseil d'État. Votre commission considère que cette mission de surveillance devrait relever en priorité des comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL).

Parmi les services ainsi habilités, le juge d'instruction désignera celui qui sera effectivement chargé de contrôler sur place la présence de la personne mise en examen et de l'informer en cas d'absence irrégulière. Par ailleurs, indépendamment d'un désignation expresse, les services de police ou de gendarmerie pourront toujours constater une absence irrégulière et en faire rapport au juge d'instruction.


• L'article 150-3 envisage les éventuelles modifications concernant les modalités d'exécution du PSE. Dans la mesure où la personne mise en examen n'aura donné son consentement à cette mesure qu'après avoir été informée des lieux et des périodes d'assignation, ceux-ci ne pourront être modifiés qu'après avoir recueilli son consentement.

ï Afin d'éviter toute contre-indication, et conformément aux conclusions du Président CABANEL , l'article 150-4 prévoit la désignation d'un médecin. Elle peut intervenir à tout moment, soit à l'initiative du seul juge d'instruction, soit à la demande de la personne mise en examen.

ï L'article 150-5 envisage l'hypothèse où la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations résultant du PSE. Le juge d'instruction peut alors recourir au placement en détention provisoire à la condition qu'un agent du service chargé du contrôle de la mesure ait préalablement constaté sur les lieux l'absence de l'intéressé.

ï L'article 150-6 tire les conséquences du fait que le PSE repose toujours sur le consentement de la personne mise en examen en permettant à celle-ci d'en demander à tout moment la mainlevée.

ï Les cinq autres amendements opèrent de simples coordinations avec le dispositif ci-dessus présenté. Quatre modifient chacun un article du code de procédure pénale, à savoir :


• L'article 137, afin de préciser que le juge d'instruction pourra désormais soumettre la personne mise en examen non seulement au contrôle judiciaire ou à la détention provisoire, mais également au PSE.


• L'article 141-2, qui permet actuellement au juge d'instruction de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt en vue de la détention provisoire de la personne mise en examen qui se soustrait volontairement aux obligations de contrôle judiciaire. La modification proposée consiste à autoriser également le juge d'instruction, dans la même hypothèse, à décerner un tel mandat en vue de notifier à la personne mise en examen son PSE (PSE qui ne pourra bien entendu être décidé que si les conditions prévues par l'article 150-1 et suivants, et notamment l'accord de l'intéressé, sont remplies) ;


• L'article 179, relatif aux conséquences d'un renvoi devant le tribunal correctionnel. Actuellement, une telle décision met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire sauf si le juge d'instruction en décide autrement. La modification proposée consiste à prévoir le même dispositif en cas du PSE. Il convient de souligner que, comme pour la détention provisoire, le maintien sous surveillance électronique prendra fin à l'expiration d'un délai de deux mois ;


• L'article 186, relatif aux décisions du juge d'instruction susceptibles d'être frappées d'appel à l'initiative des parties. La modification proposée consiste à conférer le droit d'appel pour la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions relatives au PSE.

Le cinquième amendement modifie, toujours par coordination, l'intitulé de la section du code de procédure pénale relative au contrôle judiciaire et à la détention provisoire afin d'y ajouter le PSE.

Article additionnel après l'article 8 - Renvoi devant la Cour d'assises

Après l'article 8, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de compléter l'article 215 du code de procédure pénale.

En sa rédaction actuelle, cette disposition prévoit que l'arrêt d'accusation décerne ordonnance de prise de corps contre l'accusé.

Toutefois, et contrairement au dispositif prévu en matière correctionnelle - où le maintien en détention après une ordonnance de renvoi ne saurait excéder deux mois - aucune limite n'est fixée quant à la durée de validité de l'ordonnance de prise de corps. Cette situation ne va pas sans soulever certaines difficultés, des personnes pouvant rester dix-huit mois, voire deux ans, en détention provisoire dans l'attente de leur comparution.

L'amendement de votre commission vise à mettre fin à ces extrêmes, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à la procédure criminelle et notamment à l'organisation des sessions des cours d'assises - en principe trimestrielles.

Il fixe à six mois la durée de validité de l'ordonnance de prise de corps, le président de la cour d'assises pouvant cependant, par ordonnance motivée, prolonger les effets pour une durée qui ne saurait excéder trois mois.

Article additionnel après l'article 8 - Saisine de la chambre d'accusation pour défaut d'investigation

Après l'article 8, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'insérer au sein du code de procédure pénale un article 221-2 autorisant les parties à saisir directement la chambre d'accusation en cas de défaut d'investigation pendant un délai de quatre mois.

En l'état actuel du droit, cette saisine est laissée à l'initiative du Président de la chambre d'accusation (article 221-1) qui n'y recourt qu'exceptionnellement. La chambre d'accusation ainsi saisie peut alors, « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice », soit évoquer elle-même l'affaire, soit renvoyer le dossier au juge d'instruction ou à un autre.

Votre commission vous propose de conférer un droit de saisine directe de cette juridiction au profit des parties, à l'issue du même délai, celui-ci étant ramené à deux mois au profit de la personne placée en détention provisoire.

On pourrait s'interroger sur l'utilité de l'amendement que vous présente votre commission dans la mesure où il serait plus simple pour la personne mise en examen de présenter au juge d'instruction une demande de mise en liberté, quitte à en saisir la chambre d'accusation en cas de refus.

Mais une telle demande est vouée à l'échec si, bien que l'instruction traîne en longueur, la détention provisoire est justifiée. Dans cette hypothèse, seule une instruction rapidement achevée permettra à la personne mise en examen de recouvrer la liberté à brefs délais. L'amendement de votre commission lui donnerait un moyen supplémentaire d'accélérer le cours de l'information dans les cas où le juge d'instruction, notamment en raison d'une surcharge de travail, ne procéderait pas régulièrement à des investigations permettant de découvrir la vérité.

Article 9 - Application dans les territoires d'outre-mer t la collectivité territoriale de Mayotte

Cet article a pour objet de rendre applicable la loi soumise à notre examen dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.

Répondant à une interrogation de notre excellent collègue M. Daniel Millaud, votre rapporteur a indiqué que, selon ses informations, les assemblées territoriales n'auraient été consultées qu'officieusement sur cette extension. M. Millaud a alors annoncé son intention de proposer un amendement tendant à disjoindre cet article 9 si leur avis n'était pas transmis au Parlement avant le passage en séance publique. Comme l'a indiqué le Président Jacques Larché, votre commission pourra réserver le meilleur accueil à un tel amendement.

Article 10 - Entrée en vigueur

Cet article fixe au 1er octobre 1996 la date d'entrée en vigueur de la loi soumise à notre examen.

Votre commission vous propose de l'adopter sans modification .

ANNEXE : AUDITIONS DU RAPPORTEUR

- Syndicat de la magistrature (M. BOUVIER, secrétaire général)

- Union Syndicale des Magistrats (M. TURCEY, secrétaire général)

- Maître Bernard VATIER, Bâtonnier de Paris

- Association Professionnelle des Magistrats (M. FENECH, président ; M. VOIRAIN, secrétaire général)

- Association Française des Magistrats chargés de l'Instruction (M. GENTIL, président ; M. ALBERT ; M. RICARD)

- Syndicat des Avocats de France (Maître Françoise MATHE)

- Conférence des Bâtonniers (Maître BARBIER)

- Maître DEZAC, Bâtonnier de Bobigny

- Ministère de la Justice (M. Rapone, conseiller technique au Cabinet du Garde des Sceaux ; M. GUERIN, sous-directeur des Affaires criminelles)

- Ligue des Droits de l'Homme (Maître Henri LECLERC, président)

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