Rapport n° 402 (1995-1996) de MM. Paul MASSON , sénateur et Alain MARSAUD, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 4 juin 1996

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N° 2833

N° 402

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1995 DIXIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l 'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire,

PAR M. ALAIN MARSAUD PAR M. PAUL MASSON

Député Sénateur

1 Cette commission est composée de : MM. Pierre Mazeaud, député, président ; Jacques Larché, sénateur , vice-président ; Alain Marsaud, député ; Paul Masson, sénateur , rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Jacques Limouzy, Yves Bonnet, Paul-Louis Tenaillon, Jean-Pierre Philibert, Julien Dray, députés ; MM. Jean-Jacques Hyest, Michel Rufin, Georges Othily, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo, sénateurs.

Membres suppléants : MM. Raoul Béteille, Christian Vanneste, Jérôme Bignon, Philippe Houillon, Xavier de Roux, Maurice Depaix, Jacques Brunhes, députés ; MM. Guy Allouche, Robert Badinter, François Blaizot, Christian Demuynck. Paul Girod, Charles Jolibois, Jean-Pierre Schosteck, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1 re lecture : 2302, 2406 et TA 442.

2 e lecture: 2521, 2638 et TA. 521.

3 e lecture : 2793.

Sénat : 1 re lecture : 156, 178 et TA. 71 (1995-1996).

2 e lecture : 321, 345 et T.A. 125.

Droit pénal.

MESDAMES, MESSIEURS.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire s'est réunie à l'Assemblée nationale le 4 juin 1996.

Elle a procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

-- M. Pierre MAZEAUD, député, président ;

-- M. Jacques LARCHÉ, sénateur, vice-président.

La commission a désigné :

-- M. Alain MARSAUD, député,

-- M. Paul MASSON, sénateur,

comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

Elle est ensuite passée à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que ces articles étaient au nombre de cinq : les articles premier et premier bis relatifs à la définition des infractions terroristes, les articles 15 et 19 concernant le délit de destruction, dégradation ou détérioration de biens commise avec cumul de circonstances aggravantes, et l'article 23 A qui interdit toute poursuite pénale à l'encontre des proches d'un étranger clandestin l'ayant aidé à séjourner irrégulièrement en France

Sur les articles premier et premier bis , M Paul Masson a précisé que le désaccord portait sur l'opportunité de faire explicitement des délits et crimes terroristes des infractions commises de façon intentionnelle, puisque contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat a estimé, à l'unanimité de ses membres et avec l'accord du Gouvernement, que le caractère intentionnel des infractions terroristes devait faire l'objet d'une mention expresse dans la loi. Certes, en vertu d'un principe général de notre droit, aujourd'hui codifié à l'article 121-3 du code pénal, l'auteur d'un crime ou d'un délit ne peut être condamné s'il n'est pas établi qu'il a agi en connaissance de cause. Toutefois, les actes de terrorisme ne sont pas des infractions ordinaires : il s'agit de crimes ou délits de droit commun - pour lesquels l'intention coupable doit indiscutablement être démontrée -, mais commis dans un contexte et avec des moyens particuliers puisqu'ils doivent être en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Or, rien ne permet d'affirmer avec certitude que le principe général de l'article 121-3 s'applique à ces circonstances particulières et que, juridiquement, un délinquant ne peut être considéré comme terroriste s'il n'a pas eu effectivement l'intention de participer à une entreprise terroriste. D'ailleurs, a ajouté M. Paul Masson, on trouve dans le code pénal d'autres exemples d'infractions dont le caractère intentionnel a été expressément souligné par le législateur, comme le recel ou les atteintes à la vie privée.

M. Alain Marsaud, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que l'Assemblée nationale avait estimé cette adjonction inutile et dangereuse, dans la mesure où le principe général posé à l'article 121-3 du code pénal ne souffre aucune exception sauf mention expresse de la loi, son application aux infractions terroristes ne fait donc pas de doute ; elle risque en outre de créer a contrario une incertitude sur le caractère volontaire des infractions pour lesquelles l'élément intentionnel ne ferait pas l'objet d'une disposition expresse. Le Parlement ne vient-il pas d'ailleurs de renoncer, alors qu'il y était vivement invité par certains, à faire explicitement une infraction intentionnelle du délit de blanchiment du produit d'un crime ou d'un délit nouvellement créé ? Et s'il est vrai que certains articles du code pénal mentionnent le caractère intentionnel du crime ou du délit qu'ils incriminent, il s'agit avant tout de scories qu'il conviendrait de corriger dès que possible.

M. Paul Masson a fait valoir que le délit de blanchiment était une infraction ordinaire, à laquelle s'applique sans ambiguïté le principe général de l'article 121-3, alors que l'acte de terrorisme suppose en outre un contexte particulier.

MM. Jacques Larché et Michel Dreyfus-Schmidt, partageant les remarques de M. Paul Masson, se sont prononcés en faveur de la rédaction du Sénat, tandis que le Président Pierre Mazeaud et M. Yves Bonnet ont déclaré préférer celle de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a adopté les articles premier et premier bis dans le texte du Sénat.

M. Paul Masson a estimé que l'article 15, supprimé par le Sénat, alourdissait à l'excès les peines encourues pour destruction, dégradation ou détérioration d'un bien en cas de cumul de circonstances aggravantes : la peine d'emprisonnement serait en effet portée de cinq à sept ans si deux circonstances sont réunies et à dix ans si trois le sont ; par coordination, le Sénat a modifié l'article 19 excluant de la compétence du juge unique le délit visé par l'article 15.

M. Alain Marsaud ne s'est pas opposé à la suppression de l'article 15, tout en soulignant que les maxima proposés étaient conformes à l'échelle des peines correctionnelles prévue par le code pénal.

La Commission a supprimé l'article 15 et, par voie de conséquence, adopté l'article 19 dans la rédaction du Sénat.

M. Paul Masson a ensuite observé que l'article 23 A, qui crée une immunité pénale au profit des proches parents de l'étranger clandestin qui l'ont aidé à séjourner irrégulièrement en France, résultait d'un amendement présenté par le Gouvernement au Sénat après qu'il eut été rejeté par l'Assemblée nationale. Si le texte voté par le Sénat va trop loin en instituant un régime d'irresponsabilité pénale totale, la position de l'Assemblée nationale ne prend pas en compte l'évidente solidarité dont les proches d'une même famille doivent faire preuve les uns envers les autres, quelles que soient les circonstances. Souhaitant qu'un compromis puisse être trouvé sur ce délicat sujet, il a soumis à la commission mixte paritaire un dispositif qui exclut toute poursuite pénale sur la base de l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France à rencontre du conjoint, des ascendants et des descendants de l'étranger : ce dispositif préserverait la possibilité de poursuivre les intéressés pour les mêmes faits au titre de la complicité sur la base de l'article 19 de l'ordonnance, qui fait de l'entrée ou du séjour irrégulier en France un délit puni d'un an emprisonnement ; ainsi, les membres de la famille n'encourraient plus la peine de cinq ans d'emprisonnement prévue par l'article 21 mais resteraient passibles de celle d'un an instituée par l'article 19.

M. Alain Marsaud a rappelé que l'Assemblée nationale n'avait pas fait sienne la proposition du Gouvernement de créer une immunité pénale au profit des proches de l'étranger clandestin en considérant de mauvaise technique législative d'adopter, dans un projet de loi sur la répression du terrorisme, des dispositions modifiant la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France et qui constituent en réalité un « cavalier » législatif. Mais désireux, lui aussi, que la commission mixte paritaire parvienne à un accord sur ce point, il a accepté le principe de la solution avancée par M. Paul Masson, tout en doutant que des poursuites puissent effectivement être engagées sur la base de l'article 19, lequel vise l'étranger lui-même qui est entré ou a séjourné irrégulièrement en France.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé que la commission mixte soit préalablement consultée sur l'amendement initial qu'il avait déposé au Sénat, instituant en matière d'aide au séjour une immunité familiale semblable à celle déjà prévue par l'article 434-6 du code pénal en matière de recel de criminel. La Commission a rejeté cet amendement.

Après un débat auquel ont participé MM. Robert Badinter, Yves Bonnet, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Philibert, le Vice-président Jacques Larché et les deux rapporteurs, M. Alain Marsaud a suggéré, pour lever toute incertitude, de préciser explicitement qu'il sera possible de poursuivre sur la base de l'article 19 les proches parents comme complices de l'étranger qui se sera rendu coupable du délit de séjour irrégulier en France.

Ainsi complété et rectifié à l'initiative de M. Jacques Larché, le texte proposé par M. Paul Masson a été adopté.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble du texte soumis à ses délibérations.

*

* *

En conséquence, elle vous demande d'adopter l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte élaboré par elle et reproduit ci-après.

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS TENDANT À RENFORCER LA RÉPRESSION DU TERRORISME

Section I - Dispositions modifiant le code pénal

Article premier.

L'article 421-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° AA Dans le premier alinéa, après les mots : « lorsqu'elles sont », il est inséré le mot : « intentionnellement » ;

1 ° A Supprimé

1 ° à 4 Non modifiés

Article premier bis.

Dans le premier alinéa de l'article 421-2 du même code, après les mots : « lorsqu'il est », il est inséré le mot : « intentionnellement ».

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Section 2 - Dispositions modifiant le code de procédure pénale

........................................................................................................................................

Section 3 - Disposition modifiant le code civil

CHAPITRE II - DISPOSITIONS TENDANT À RENFORCER LA RÉPRESSION DES ATTEINTES AUX PERSONNES DÉPOSITAIRES DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE OU CHARGÉES D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC

Art. 15

Supprimé.

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Art. 19.

Au 5° de l'article 398-1 du code de procédure pénale, après la référence : « 322-14, », il est inséré la référence : « 433-3 (premier alinéa), ».

.....................................................................................................................................

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLICE JUDICIAIRE

.....................................................................................................................................

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES

Art. 23 A.

L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est complété par un III ainsi rédigé :

« III. -- Sans préjudice de l'article 19, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement du présent article l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsqu'elle est le fait :

« 1° d'un ascendant ou d'un descendant de l'étranger ;

« 2° du conjoint de l'étranger, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément. »

..................................................................................................................

TABLEAU COMPARATIF

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Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

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CHAPITRE PREMIER

Dispositions tendant à renforcer la répression du terrorisme

Section I

Dispositions modifiant le code pénal

Article premier

L'article 421-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° AA Supprimé ..........................................

1 ° A Supprimé .............................................

1 ° à 4° Non modifiés.............................................

Article premier bis

Supprime.

....................................................................................

Section 2

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Projet de loi adopté par le Sénat en deuxième lecture

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CHAPITRE PREMIER

Dispositions tendant à renforcer la répression du terrorisme

Section I

Dispositions modifiant le code pénal

Article premier

(Alinéa sans modification).

1° AA Dans le premier alinéa, après les mots : » lorsqu'elles sont » , il est inséré le mot : « intentionnellement » :

.....................................................

.......................................................

Article premier bis

Dans le premier alinéa de l'article 421-2 du même code, après les mots : « lorsqu'il est », il est inséré le mot : « intentionnellement » .

........................................................................

Section 2

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

----

Section 3

Disposition modifiant le code civil

[division et intitulé nouveaux]

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CHAPITRE II

Dispositions tendant à renforcer la répression

des atteintes aux personnes dépositaires

de l'autorité publique ou chargées

d'une mission de service public

...........................................................................

Art. 15.

L'article 322-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et 700.000 F d'amende lorsque l'infraction définie au premier alinéa de l'article 322-1 est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° à 5° du présent article. Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 1.000.000 F d'amende si elle est commise dans trois de ces circonstances. »

...........................................................................

Art. 19.

Au 5° de l'article 398-1 du code de procédure pénale, les références aux articles 322-1 à 322-4 sont remplacées par les références aux articles 322-1, 322-2, 322-3 (1° à 5°) et 322-4 ; après la référence : « 322-14, », il est inséré la référence : « 433-3 (premier alinéa), ».

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CHAPITRE III

Dispositions relatives à la police judiciaire

Projet de loi adopté par le Sénat en deuxième lecture

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Section 3

Disposition modifiant le code civil

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CHAPITRE II

Dispositions tendant à renforcer la répression

des atteintes aux personnes dépositaires

de l'autorité publique ou chargées

d'une mission de service public

...........................................................................

Art. 15.

Supprimé.

...........................................................................

Art. 19.

.. pénale, après...

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CHAPITRE III

Dispositions relatives à la police judiciaire

Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

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CHAPITRE IV

Dispositions diverses

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Projet de loi adopté par le Sénat en deuxième lecture

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CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Art. 23 A (nouveau)

L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est complété par un III ainsi rédigé :

« III. -- Ne peut donner lieu à des poursuites pénales l'aide au séjour irrégulier d'un étranger commise :

« 1° Par un ascendant ou un descendant de l'étranger ;

« 2° Par le conjoint de l'étranger, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément. »

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