CHAPITRE III - POSITION DE VOTRE COMMISSION SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION n° 332

Votre commission a souscrit aux réserves émises par la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la proposition de directive E-510. Aussi a-t-elle approuvé l'essentiel du dispositif de la proposition de résolution n° 332.

Elle vous propose, cependant, d'y apporter deux compléments. Le premier concerne le transfert aux régions, afin de prendre en compte le souci d'aménagement du territoire et de péréquation des ressources entre celles-ci. Le second tend à mentionner de façon très claire le souci de voir la SNCF entreprendre des réformes et une démarche innovatrice.

Au cours de sa séance du 12 juin 1996, après l'exposé général de votre rapporteur, un débat s'est instauré.

Répondant à M. Félix Leyzour qui l'interrogeait sur le lien entre l'examen de la proposition de résolution et le débat sur la SNCF, le rapporteur a déclaré qu'il avait choisi d'étudier la proposition afin de contribuer à la réflexion sur l'avenir de la SNCF.

M. Félix Leyzour s'est, en outre, déclaré inquiet de l'incidence d'une libéralisation sur l'équilibre et l'assainissement de la situation de la SNCF.

Après avoir donné acte au rapporteur des ajouts qu'il avait apportés à la proposition de résolution, Mme Danièle Pourtaud s'est déclarée défavorable à plusieurs des considérants de la proposition de résolution, estimant que ceux-ci préjugeaient de la position du Sénat avant le débat qui doit se tenir fin juin.

M. Henri Révol, vice-président, a répondu que, compte tenu des contraintes du calendrier communautaire, les assemblées françaises étaient tenues dans le cadre de l'application de l'article 88-4 de la Constitution de faire connaître rapidement leur position afin que celle-ci puisse être prise en compte par le Gouvernement français au moment où le Conseil des ministres européen serait appelé à statuer.

Au terme de cette discussion, la commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par son rapporteur, les groupes socialiste et communiste votant contre.

Votre commission vous demande d'adopter cette proposition de résolution.

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PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition d'acte communautaire E 510 ;

Considérant que l'unification de l'espace européen peut constituer un facteur important de renouveau pour le transport ferroviaire ;

Considérant que la directive 91/440 du 29 juillet 1991, relative au développement des chemins de fer européens, repose sur quatre piliers : l'indépendance des entreprises ferroviaires à l'égard des États, l'assainissement financier, la séparation entre activité de transport et gestion de l'infrastructure, enfin une ouverture limitée du réseau ferroviaire à la concurrence ;

Considérant que le bilan de l'application de la directive précitée présenté par la commission européenne ne permet aucunement d'évaluer les résultats de ce premier texte, qui n'a pas encore été transposé dans l'ensemble des États membres ;

Considérant que la proposition d'acte communautaire E 510 a pour objet d'étendre les droits d'accès à l'infrastructure, qui seraient désormais accordés à toutes les entreprises souhaitant offrir des services de transport de marchandises ou des services internationaux de transport de voyageurs ;

Considérant que les conséquences possibles de l'extension des droits d'accès n'ont fait l'objet d'aucune réflexion préalable, notamment en ce qui concerne les risques d'écrémage du marché, la nécessité de maintenir un haut niveau de sécurité et un niveau de formation du personnel satisfaisant ;

Considérant que la coopération entre opérateurs ferroviaires peut souvent permettre des progrès substantiels dans l'unification de l'espace européen ; que la politique communautaire de la concurrence doit prendre en compte les particularités du transport ferroviaire ;

Considérant également que l'ouverture progressive à la concurrence est un phénomène irréversible et que les entreprises ferroviaires peuvent en tirer un important profit en termes d'efficacité ;

Considérant que l'absence de prise en compte de certains coûts externes -pollution, encombrements, accidents...- nuit au développement du transport ferroviaire ; que le chemin de fer ne pourra toutefois profiter d'une modification de cette situation que s'il améliore sensiblement ses performances dans le domaine du transport de marchandises ;

Considérant que la politique de l'Union européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport paraît aujourd'hui fragilisée du fait de l'absence de financements suffisants ;

Considérant que l'harmonisation technique entre réseaux et matériels européens a progressé tout en restant insuffisante ; que les incompatibilités techniques sont source de coûts importants, qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire ;

Considérant que le transport combiné, malgré les soutiens dont il fait l'objet, tant au niveau communautaire qu'au niveau français, ne connaît qu'un développement assez lent et ne détient encore que des parts de marché limitées ;

Considérant que la politique européenne n'est pas la source des difficultés de la SNCF ; que l'action communautaire offre au contraire une opportunité de mettre en oeuvre des réformes indispensables trop longtemps différées ;

Considérant que la SNCF est aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile, qui pose la question de sa survie dans un environnement en profonde évolution ;

Considérant qu'il est aujourd'hui en pratique impossible d'identifier les responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans la situation et l'évolution du transport ferroviaire ; que la séparation comptable entre exploitation et gestion de l'infrastructure doit permettre de progresser dans cette voie ; qu'il paraît désormais peu souhaitable de laisser la SNCF prendre en charge la construction des nouvelles infrastructures ferroviaires ;

Considérant que la situation financière de la SNCF n'est aujourd'hui plus supportable pour l'entreprise et qu'elle conduit à une démotivation profonde ; que la directive du 29 juillet 1991 invite les États à assainir la situation des entreprises ferroviaires ;

Considérant que la France est légitimement attachée au maintien de missions de service public ; que la SNCF n'est pas un service public, mais qu'elle est appelée à exercer des missions de service public ; que ces missions ne sont actuellement pas clairement identifiées :

Considérant que le transfert aux régions de la gestion du transport régional contribuera à la clarification des responsabilités et permettra de rapprocher la décision de l'usager ; qu'un tel transfert doit naturellement être accompagné d'un transfert de moyens suffisants ; qu'il convient, dans un premier temps, de mettre en place une expérimentation réversible ;

Considérant que la SNCF est une entreprise, qu'elle doit, à ce titre, disposer d'une large autonomie pour entreprendre les réformes indispensables à l'amélioration de son efficacité ; qu'elle doit dès lors être jugée sur les résultats qu'elle obtiendra ;

- Demande au Gouvernement de s'opposer à la proposition d'acte communautaire E 510 afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ; souhaite qu'un bilan approfondi de cette directive puisse être établi par la commission européenne et que les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence soient étudiées avec précision ;

- Demande que les accords de coopération entre opérateurs soient examinés en fonction des spécificités du transport ferroviaire et non seulement au regard des principes généraux de la politique communautaire de la concurrence ;

- Estime important de poursuivre les études sur la prise en compte des coûts externes entraînés par les différents modes de transport, afin de parvenir à une concurrence plus équilibrée entre le rail et la route ;

- Invite le Gouvernement à agir au sein du Conseil afin qu'une clarification soit apportée sur la situation des projets de réseaux transeuropéens de transport, dont la réalisation paraît aujourd'hui compromise, faute de financements suffisants ;

- Souligne la nécessité de renforcer les actions menées dans le domaine de l'harmonisation technique, afin de faciliter l'unification de l'espace européen ;

- Souhaite que le transport combiné, compte tenu de ses avantages, fasse l'objet de mesures de soutien renforcées, tant au niveau communautaire qu'au niveau français ;

- Souligne la nécessité d'une clarification des responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans l'organisation du transport ferroviaire en France ; estime qu'il convient d'envisager une prise en charge par l'État de la construction de nouvelles infrastructures ;

- Estime qu'un assainissement important et rapide de la situation financière de la SNCF est indispensable ;

- Réaffirme son attachement à l'existence d'un service public du transport, élément indispensable de la politique d'aménagement du territoire et de la cohésion sociale ; observe que les missions de service public confiées à la SNCF devraient être définies de manière plus précise ;

- Souhaite une mise en oeuvre rapide du transfert aux régions de la responsabilité du transport régional, dans le cadre de l'expérimentation prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 ; estime que ce transfert devrait se faire dans le cadre d'une réflexion globale, au niveau de l'État, sur l'avenir du transport ferroviaire, et sur la péréquation des ressources entre les régions ;

- Souligne que la SNCF, qui dispose de nombreux atouts, doit entreprendre de profondes réformes en matière d'organisation et d'adaptation de sa gestion, qu'elle doit en outre améliorer rapidement ses performances, notamment en faisant appel à l'expérimentation et à l'innovation, afin de devenir un opérateur dynamique et conquérant dans l'espace européen.

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