B. LES MESURES URGENTES DE REDRESSEMENT FINANCIER

Dès son discours du 15 novembre 1995, le Premier ministre a annoncé une série de mesures à incidence financière immédiate destinées à ramener le découvert prévisionnel du régime général de 60 à 17 milliards de francs en 1996. Le cantonnement de la dette sociale, à lui seul (- 17 milliards de francs pris en charge par la CADES au titre de l'exercice 1996) permettait d'abaisser ce solde à 53 milliards. Le Gouvernement proposait donc un effort supplémentaire d'environ 37 milliards de francs.

Pour 1996, ces mesures correspondaient à :

- 11 milliards d'économies ;

- 16 milliards de mesures de gestion ;

- 10 milliards de prélèvements supplémentaires.

Leurs effets devaient se prolonger en 1997. Selon les estimations fournies à l'époque, sur l'exercice 1997, la portée des mesures d'urgence devait représenter par rapport au déficit :

- 21 milliards au titre des mesures d'économie ;

- 14 milliards au titre des mesures de gestion ;

- 24 milliards au titre des prélèvements supplémentaires.

Le Gouvernement escomptant donc un redressement rapide des comptes du régime général avec un solde négatif limité à environ 17 milliards fin 1996 et un solde positif d'environ 12 milliards fin 1997.

Après avoir rappelé pour chaque branche le contenu des mesures qui ont effectivement été mises en oeuvre depuis l'annonce du plan de redressement, on analysera les écarts constatés au plan des résultats.

1. Un plan de redressement très ambitieux

Le plan d'urgence présenté par le Premier ministre était particulièrement ambitieux quant à son contenu (une vingtaine de dispositions nouvelles) et à sa portée financière (37 milliards environ).

Il devait être décliné par branche et mis en oeuvre par le biais d'ordonnances.

Cette procédure que votre commission a approuvée permettait au Gouvernement d'agir plus rapidement et de surmonter les corporatismes, d'où qu'ils viennent, qui auraient, comme cela s'est produit par le passé, freiner la réalisation des objectifs que le Parlement avait pourtant soutenus.

En effet, la loi n° 95-1348 du 30 décembre 1995 a autorisé le Gouvernement par application de l'article 38 de la Constitution à recourir aux ordonnances pour réformer la protection sociale.

Les mesures d'urgence ont fait en particulier, l'objet d'une ordonnance n° 96-51 en date du 24 janvier 1996.

Il faut noter que le Gouvernement aurait prévu, à juste titre, un rééquilibrage branche par branche, compte tenu du principe de gestion séparée posé par la section I de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

En novembre 1995, l'impact des annonces dans le cadre du plan Juppé avait été évalué ainsi :

Plan annoncé du 15 novembre 1995
Mesures d'effet immédiat

(en milliards de francs)

Dans le document annexé au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, on constate que les prévisions elles-mêmes ont été légèrement révisées :

Les effets des mesures d'urgence annoncées le 15 novembre 1995

Pour l'analyse des différentes mesures correspondant à chaque branche, on se rapportera aux rapports de votre commission des affaires sociales relatifs aux différentes branches de la sécurité sociale. Ne sont donc abordés ci-après que des considérations d'ordre général.

a) Branche vieillesse

Le déficit tendanciel de cette branche devrait être ramené de - 12,7 milliards à - 1 milliard en 1996 et à 0,3 milliard en 1997.

Initialement, outre le report de l'application de la prestation d'autonomie, le Premier ministre avait annoncé :

- la prise en charge par le FSV d'une part croissante des dépenses de solidarité jusqu'alors financées par la CNAVTS à hauteur de 11 milliards ;

- une contribution des entreprises qui souscrivent pour leurs salariés des contrats de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire à hauteur de 2,5 milliards.

Ces deux mesures ont été mises en oeuvre, mais avec une portée inégale, comme le montre le tableau figurant en annexe du projet de loi.

S'agissant du FSV, l'extension de la prise en charge des dépenses de solidarité supportées par le régime général a effectivement contribué à rééquilibrer la branche vieillesse à hauteur d'un montant légèrement supérieur à celui prévu, soit 11,7 milliards.

Ce transfert a été réalisé par la majoration du salaire de référence pris en compte pour déterminer le montant des validations gratuites de période de chômage.

Cette validation est calculée actuellement sur une base forfaitaire qui est passée en 1996, de 60 % à 90 % du SMIC. Ce dernier taux a été calculé afin de « calibrer » les transferts entre le FSV et les régimes de retraite à hauteur des disponibilités dégagées par le recentrage des missions du fonds résultant de la création de la CADES. En reprenant à son compte les versements annuels de 12,5 milliards au titre du remboursement de la dette sociale, la CADES a libéré des ressources que le FSV a pu réaffecter à la prise en charge des dépenses de solidarité assumées par la CNAVTS.

En revanche, le prélèvement concernant les primes d'assurances de groupe ne figure pas dans le tableau inséré dans l'addendum aux annexes jointes au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale (p. 9). Pourtant le produit initialement attendu de cette mesure s'élevait à 2,5 milliards de francs.

Elle a pourtant été instituée par l'article 8 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 au profit du FSV à compter du 1er janvier 1996.

Dès sa création, votre commission avait critiqué cette mesure en raison des risques sérieux qu'elle faisait peser sur le développement des contrats concernés le plus souvent destinés à des personnels non cadres, employés par des petites et moyennes entreprises. Cette mesure lui apparaissait très inéquitable par rapport à la situation réservée à d'autres formes de protection complémentaire.

Dans une lettre du 31 juillet 1996 adressée au directeur de l'ACOSS, le ministre du Travail et des Affaires sociales a annoncé que cette taxe n'était plus exigible des employeurs occupant au plus neuf salariés. Il faut noter que ces dispositions s'appliquent rétroactivement à compter du 1er janvier 1996, les employeurs concernés ont pu demander aux URSSAF le remboursement des sommes équilibrées au titre de cette taxe.

Il convient de s'interroger toutefois sur la portée juridique de cette exonération qui n'a pas encore fait l'objet d'une confirmation législative. Tant que l'ordonnance n'avait pas été ratifiée, le Gouvernement pouvait en effet procéder par voie réglementaire à une telle modification. Mais qu'en est-il depuis le dépôt du projet de loi de ratification des ordonnances ?

b) La branche famille

Pour la branche famille, les mesures annoncées visaient à ramener le déficit tendanciel de 10,5 milliards à 4,8 milliards en 1996 et à + 6,5 milliards en 1997. Elles s'appuyaient à la fois sur des mesures d'économies et des ressources nouvelles en 1997.

En 1996, les économies prévues pour cette branche étaient les suivantes :

- la non revalorisation de la base mensuelle BMAF en janvier 1996 : 2,6 milliards ;

- diverses mesures de rationalisation des prestations familiales et des aides au logement dont la mise sous condition de ressources de « l'APJE courte » 6 ( * ) : 2,4 milliards ;

- le transfert de la gestion des prestations familiales des régimes spéciaux à la CNAF : 0,7 milliard.

Les effets des mesures visant la branche famille sont inférieurs de 1,4 milliard par rapport aux prévisions annoncées.

Si on examine dans le détail les résultats obtenus, on constate que cet écart a deux origines :

- d'une part, un impact moins important que prévu des mesures de rationalisation des prestations familiales et des aides au logement ;

- d'autre part, l'absence de mise en oeuvre de la mesure concernant les prestations familiales des régimes spéciaux.

S'agissant de cette dernière mesure, le plan du 15 novembre 1995 prévoyant, afin « d'achever le marché vers l'universalité des modalités de gestion et de versements des prestations familiales », d'aligner le taux de cotisation de l'État et de ses entreprises publiques sur les taux applicables à l'ensemble des entreprises et à transférer progressivement la gestion des prestations familiales à la CNAF.

Mais l'article 7 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 a prévu que celle-ci entrerait en vigueur à la date d'application d'une convention conclue entre les organismes concernés la CNAF et l'ACOSS. Les retards dans la conclusion des conventions nécessaires sont à l'origine du retard constaté dans sa mise en oeuvre.

Quant aux mesures de rationalisation, on peut noter que le présent projet de loi de financement accentue les mesures prévues à l'article 5 de l'ordonnance précitée, restreignant l'accès à certaines prestations (en l'occurrence l'allocation de parent isolé) par le biais des conditions de ressources.

c) Branche maladie

Pour la branche maladie, le déficit devait être ramené de 30 milliards (solde tendanciel) à 12 milliards en 1996 et se transformer en excédent dès 1997 à hauteur de 3 milliards.

La mesure la plus importante concernait les cotisations maladie des retraités imposables et des chômeurs indemnisés au-dessus du SMIC dont le taux devait être relevé de 1,2 point en 1996 et en 1997.

Les autres mesures portaient sur les dépenses pour 1996 des mesures d'économies à hauteur de 4,3 milliards et des mesures de gestion avoisinant 6,4 milliards. Parmi celles-ci figuraient la fixation d'un objectif quantifié national indexé pour les prises tant pour l'hôpital que pour la médecine ambulatoire et des efforts de solidarité demandés notamment à l'industrie pharmaceutique à hauteur de 2,5 milliards.

Le bilan présenté en annexe du présent projet de loi de financement montre que sur le rééquilibrage de 17,8 milliards attendu de la mise en oeuvre des mesures d'urgence relatif à la branche maladie, seuls 12,9 milliards ont été dégagés.

On relèvera également que les prévisions initiales présentées en novembre 1995 ont été globalement revues à la baisse (- 1 milliard).

Les écarts les plus importants concernent les postes suivants :

- la mise en oeuvre de la première étape de l'harmonisation des cotisations maladie des retraités imposables et des chômeurs indemnisés au SMIC (4,9 contre 7,1 milliards soit un rendement inférieur de 30 %) ;

- le respect des objectifs de dépenses (son rendement est de 2,2 milliards contre 3,3 milliards, soit un écart d'un tiers) ;

- les frais de recours contre tiers (son rendement est inférieur des deux tiers aux prévisions) ;

- la contribution des médecins (l'écart est d'un tiers).

Enfin, s'agissant des économies de gestion des caisses, l'objectif de 1,5 milliard d'économies a été réalisé.

* 6 Allocation pour jeune enfant.

Page mise à jour le

Partager cette page