Rapport n° 66 (1996-1997) de M. Charles DESCOURS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 novembre 1996

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N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès verbal de la séance du 6 novembre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 . ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

TOME I

ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX
ET ASSURANCE MALADIE

Par M. Charles DESCOURS.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne. Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 10 éme législ.) : 3014. 3053. 3064 et T.A. 589

Sénat : 61 et 68 (1996-1997).

Sécurité sociale.

Mesdames, Messieurs,

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale a concrétisé l'engagement pris par le Premier ministre, M. Alain Juppé, lors de sa déclaration de politique sociale du 15 novembre 1995, de permettre au Parlement « d'exercer les responsabilités qui doivent être les siennes dans ce domaine » , pour reprendre les termes de l'exposé des motifs de la loi organique du 22 juillet 1996.

Qualifiée de « clé de voûte » de la réforme de la protection sociale, la place du Parlement dans l'architecture nouvelle de la sécurité sociale est consacrée par le dépôt et la discussion de lois de financement de la sécurité sociale sur lesquelles il est appelé à se prononcer. L'article 34 de la Constitution prévoit en effet désormais que :

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » .

L'adoption de la révision constitutionnelle comme de la loi organique du 22 juillet 1996 a donné l'occasion au Sénat de définir les trois principes qui devaient régir, selon lui, les lois de financement de la sécurité sociale et qui ont été présentés par son rapporteur, M. Patrice Gélard :

- les lois de financement de la sécurité sociale devaient permettre au Parlement de se prononcer de façon claire sur des choix essentiels ;

- l'exercice du droit d'amendement devait pouvoir s'exercer pleinement mais sans conduire à une surcharge de la séance publique ;

- les conditions d'examen de la loi de financement devaient être compatibles avec la discussion de la loi de finances au Sénat.

Définis en plein accord avec votre commission des Affaires sociales, ces principes ont inspiré les amendements qui ont été suggérés par le Sénat et dont procède une grande partie du texte finalement promulgué.

La présente loi de financement permet, pour la première fois depuis la mise en place du système de sécurité sociale, du Parlement de se prononcer directement sur les équilibres financiers des régimes qui la composent.

Votre commission des affaires sociales mesure à la fois l'importance de cette nouvelle compétence mais également les responsabilités qui en résultent.

Comme cela est rappelé ci-dessus, la mise en place des lois de financement dans le paysage institutionnel s'est opérée très rapidement. Dans l'ensemble, il convient de saluer les efforts accomplis pour que cette réforme soit engagée dans les meilleurs délais même si, elle se trouve en quelque sorte « en période de rodage ».

Sur les comptes des régimes de sécurité sociale eux-mêmes, votre commission a considéré qu'ils ne devraient pas sortir aggravés des travaux du Parlement. Aussi, tout en procédant à une analyse approfondie des perspectives financières pour 1997 proposées par ce texte, elle a souhaité faire en sorte de rétablir l'équilibre initialement prévu tout en prévoyant le financement des dépenses particulières qu'elle souhaite prendre en compte pour le prochain exercice.

PREMIERE PARTIE - EQUILIBRES FINANCIERS GENERAUX

I. LA MISE EN PLACE TRES RAPIDE DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE DANS LE PAYSAGE INSTITUTIONNEL

Les questions relatives aux conditions et aux délais de préparation des projets de loi de financement ayant occupé une large part des travaux préparatoires de la loi organique, votre rapporteur a jugé utile de préciser les étapes de l'élaboration du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et d'apporter diverses précisions d'ordre méthodologique dans le cadre de cette première partie.

A. LA PROCEDURE EN AMONT : UNE NECESSAIRE PERIODE DE RODAGE

Le dépôt au Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale est précédé d'un ensemble de travaux préparatoires mettant en jeu les différents acteurs du système de sécurité sociale.

1. La Conférence nationale de santé

Instituée par l'article premier de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et codifiée à l'article L. 766 du code de la santé publique, la Conférence nationale de santé constitue le premier temps fort de cette phase préparatoire à l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Comme le précise le rapport introductif à l'ordonnance précitée : « l'é laboration d'une véritable politique de santé doit éclairer les choix financiers essentiels qui relèvent désormais du Parlement. L'institution des conférences de santé réunies dans chaque région et au niveau national permettra de mieux évaluer les besoins sanitaires de la population et de hiérarchiser les priorités d'action. Sur la base de travaux scientifiques, elle ouvrira un large débat public et préparera l'intervention du législateur » .

Les travaux de la Conférence nationale sont en effet éclairés à la fois par ceux des conférences régionales de santés prévues par la même ordonnance dont les rapports lui sont directement transmis et par les analyses et les propositions du Haut Comité de la santé publique. On peut noter également qu'elle fait appel en tant que de besoin aux services, organismes et personnes compétents en matière de santé.

Votre commission relève que cette année, cette conférence de la santé s'est tenue (du 2 au 4 septembre) dans des conditions particulièrement précipitées puisque ses membres n'ont été désignés que deux jours avant la tenue de la séance inaugurale.

Toutefois, elle ne sous-estime pas les difficultés de la préparation d'une telle conférence réunie pour la première fois sans pouvoir bénéficier, de surcroît, des travaux des conférences régionales dont l'installation n'a pu être réalisée au préalable. Elle ne doute pas que l'an prochain le calendrier proposé sera moins « serré » et même que, comme l'a envisagé le ministre du Travail et des Affaires sociales, cette conférence puisse se tenir dès le début de l'été.

Elle note, par ailleurs, que les membres de la Conférence ont pu bénéficier d'un rapport du Haut Comité de la santé publique -qui depuis sa création en 1992 n'en avait remis qu'un seul (en 1994)- dressant un bilan de la situation sanitaire en France et formulant un certain nombre d'axes et de domaines d'action prioritaires qui sont développés dans le volet assurance maladie du présent rapport.

En rapport avec l'importance de son rôle dans la définition des objectifs de santé publique qui conditionnent eux-mêmes une large part du contenu du projet de loi de financement, la Conférence de la santé doit d'être mieux articulée avec le calendrier de préparation de ce texte.

En effet, cette conférence doit rester le lieu des propositions et des échanges en vue de la définition des objectifs que le Parlement est appelé à débattre.

Enfin, votre commission observe que ni la politique de la famille, ni la politique en faveur des personnes âgées ne bénéficient d'une procédure comparable. Certes, une conférence de la famille se tient régulièrement à l'instigation des associations familiales. De plus, dans le prolongement de la conférence de la famille du 6 mai dernier, cinq groupes de travail ont été mis en place et doivent remettre au Gouvernement avant la fin de l'année leurs conclusions destinées à accroître l'efficacité de la politique familiale.

Notons, également, dans ce sens, que le 29 octobre dernier le Président a annoncé que le Gouvernement veillerait à inclure dans le nombre de personnalités qualifiées siégeant au Conseil économique et social, des représentants des retraités. Toutefois, ces initiatives ne sont pas encore articulées avec le dispositif de la loi de financement de la sécurité sociale comme c'est le cas pour les professionnels et les acteurs du secteur de la santé.

2. Le rapport de la Cour des Comptes

La loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu que « chaque année, la Cour des Comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce rapport présente, en outre, une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle et fait une synthèse des rapports et avis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance » (art. L.0. 132-3 du code des juridictions financières).

Ce rapport est joint au projet de loi de financement en vertu de l'article premier de cette loi organique (et du III de l'article L. 0111-4 du code de la sécurité sociale).

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a en effet donné à la Cour un rôle nouveau dans le cadre de la préparation et du contrôle de la mise en oeuvre des lois de financement de la sécurité sociale.

Dans son volumineux rapport rendu public le 23 septembre, la Cour des Comptes précise d'emblée que le rapport transmis a été achevé avant que la loi organique du 22 juillet 1996 soit entrée en vigueur.

Elle s'est donc efforcée d'actualiser ses constatations qui portent essentiellement sur les exercices 1994 et 1995. Le rapport 1996 comporte quatre parties :

- dans la première, sont décrites et évaluées les méthodes utilisées par l'administration pour prévoir l'évolution des recettes et des dépenses de la sécurité sociale. Elle analyse ensuite certains des dispositifs de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie ;

- la deuxième partie est consacrée à l'analyse des comptes de la sécurité sociale, sous le double point de vue des méthodes comptables et des résultats ;

- la troisième partie présente une synthèse de l'activité des CODEC et les résultats d'enquêtes particulières qu'ils ont menées ;

- la quatrième partie est consacrée aux observations formulées par la Cour à la partie des contrôles qu'elle a effectués au cours des derniers mois et qu'il lui a paru opportun de porter à la connaissance du Parlement.

Le rapport insiste tout particulièrement sur la nécessité d'apporter davantage de clarté dans les comptes, les modalités de financement et le fonctionnement de la sécurité sociale. Cette exigence de clarté doit s'appliquer tant à la production de données chiffrées incontestables qu'aux relations entre l'État et la sécurité sociale, aux relations financières entre les régimes et aux systèmes d'évaluation des performances des organismes. Le rapport fournit ainsi de nombreux exemples des insuffisances, voire des aberrations, constatées dans ce domaine.

Il souligne par ailleurs la gravité des déficits enregistrés entre 1993 et 1995 en rappelant les trois causes identifiées de son rapport de 1994 : dérive structurelle tenant à l'évolution divergente en longue période des prestations et des cotisations, insuffisance des recettes liée à la conjoncture, interventions des pouvoirs publics. Face aux mesures annoncées en novembre 1995, le rapport souligne l'importance de deux conditions encore imparfaitement réalisées : l'existence de mécanismes efficaces de régulation des dépenses, une répartition plus juste des efforts et des avantages entre les diverses catégories d'assurés.

Le rapport relève qu'en général les mesures nouvelles présentées au Parlement ne sont pas assorties d'une évaluation suffisante de leur coût et de leurs effets, en prenant pour exemple la loi famille du 24 juillet 1994. Plus grave, il note que les structures de l'administration et les moyens mis à sa disposition ne lui permettent pas d'exercer efficacement le pilotage et le contrôle de l'action menée en vue d'assurer la cohérence des objectifs et des interventions, comme en témoignent les analyses sur les dispositifs d'aide à la garde et à l'accueil des jeunes enfants et sur les retraites des professions non salariées non agricoles.

La Cour des Comptes estime enfin que le redressement financier de la sécurité sociale suppose que les mécanismes de solidarité à la base de son organisation jouent de façon équitable. En effet, la solidarité ne doit pas seulement s'appliquer à des mouvements financiers - du type transferts de compensation entre régimes- mais également à la répartition des efforts et des avantages. A titre d'exemple, la Cour livre ainsi à une vue critique du régime de protection sociale des exploitants agricoles et des aides à l'accueil et à la garde des jeunes enfants.

En conclusion, le rapport souligne l'aspect nécessairement global de la réforme de la sécurité sociale qui va des domaines les plus techniques, comme la comptabilité, à ceux qui ont trait aux relations entre catégories sociales et professionnelles. Or cette immense entreprise repose sur un petit nombre de services de l'État dont les moyens sont souvent insuffisants.

Votre commission des Affaires sociales tient à souligner la qualité et la densité du document ainsi transmis aux Assemblées. Celui-ci constitue une véritable « mine d'informations », particulièrement éclairantes pour ses propres travaux préparatoires.

Le présent rapport tient d'ailleurs compte des données et observations fournies par la Cour sur lesquelles de nombreuses analyses concernent les différentes branches de la sécurité sociale -assurance maladie, famille, assurance vieillesse- s'appuient directement.

Elle manifeste également le souhait de travailler à l'avenir en amont, de manière plus directe encore, sur le fondement des dispositions de l'article 2 de la loi organique (ou L. 132-2-1 du code des juridictions financières) qui dispose : « La Cour des Comptes peut être saisie par la commission parlementaire compétente de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède, dans ce cadre et à la demande de cette commission, aux enquêtes sur les organismes soumis à son contrôle » .

Un certain nombre des thèmes du prochain rapport de la Cour des comptes pourrait ainsi être défini selon cette procédure.

3. Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale

Le calendrier des travaux de la commission des comptes a également été sensiblement modifié pour prendre en compte les nouvelles contraintes organiques.

La loi organique du 22 juillet 1996 prévoit en effet que les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale sont communiqués au Parlement. On notera toutefois que dans sa décision n° 96-379 DC du 16 juillet 1996, le Conseil constitutionnel a estimé que cette disposition, sans être contraire à la Constitution, est étrangère au domaine de la loi organique tel que défini par les articles 34 et 47-1 de la Constitution. Elle n'a donc que le caractère d'une simple loi.

Le décret n° 96-834 du 20 septembre 1996 modifiant le code de la sécurité sociale relatif à la commission des comptes de la sécurité sociale précise que la commission se réunit au moins deux fois par an à l'initiative de son président -c'est-à-dire le ministre chargé de la sécurité sociale. La commission est réunie une première fois entre le 15 avril et le 15 juin et traite des comptes du régime général de sécurité sociale. La seconde réunion se déroule entre le 15 septembre et le 15 octobre. Il ajoute « les comptes de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale y sont présentés à la commission et analysés par elle ».

La commission a été réunie le 23 septembre. Contrairement au passé, le rapport n'a pas été transmis aux membres une semaine avant la réunion mais remis à chacun d'entre eux le jour même, en séance plénière. Le ministre avait évoqué les trop nombreuses fuites dans la presse des informations contenues dans les précédents rapports pour annoncer aux membres de la CCSS, dès juin dernier, que la procédure serait désormais ainsi modifiée.

Votre rapporteur qui est également membre de cette commission précise que l'anticipation de cette réunion de plus d'un mois par rapport aux années précédentes rendait, de toute manière, impossible une diffusion de ce document plus tôt.

Comme à l'accoutumée, le rapport se compose de deux tomes très détaillés : le premier consacré aux observations d'ensemble et aux comptes du régime général ; le second relatif aux autres régimes.

Les conditions nouvelles d'élaboration de ce rapport, marquées par l'urgence, ont manifestement pesé sur son contenu. Ce secrétaire général semblant devancer la critique évoque dès l'introduction l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de « procéder à tous les rapprochements et consultations habituels ».

Surtout, s'il constitue indéniablement l'un des principaux éléments d'information du Parlement dans le cadre du projet de loi de financement, son contenu n'a pas été suffisamment aménagé en fonction du nouveau cadre juridique dans lequel pourtant il s'inscrit.

Votre commission observe d'abord que la compétence de la commission s'étend à des régimes qui ne sont pas visés par les lois de financement tels que les régimes complémentaires obligatoires.

Elle note également que les concepts utilisés par la loi organique pour définir le contenu des lois de financement n'ont pas encore été intégrés dans les statistiques et les analyses figurant dans le rapport, tel que la motion de branche.

Ceci conduit au fait que la majeure partie des informations présentées ne recoupent pas celles soumises par le Gouvernement au Parlement à l'occasion du projet de loi de financement et notamment ses annexes. Il en résulte également une difficulté de fond considérable qui est celle d'apprécier la crédibilité des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes des régimes obligatoires de base concernés.

Il est regrettable que, ne pouvant s'appuyer sur un cadre statistique fiable et fondé sur les mêmes postulats, le Parlement et a fortiori votre commission se trouvent ainsi privés d'une partie des moyens nécessaires à son contrôle.

4. La consultation des caisses de la sécurité sociale

En vertu de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 15 de l'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996, les conseils d'administration de la CNAMTS, de la CNAVTS, de la CNAF et de l'ACOSS et de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des rapports qui les accompagnent et qui présentent les orientations et les objectifs déterminant les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Pour se conformer au calendrier spécifique du projet de loi de financement de l'année qui doit être déposé devant le bureau de l'Assemblée nationale avant le 15 octobre, le Gouvernement a modifié le délai de consultation de ces caisses. Jusqu'ici fixé à 21 jours pour les projets de mesure législative ou réglementaire et à 11 jours en cas d'urgence, ce délai a été ramené à 7 jours dans le cas d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale par le décret n° 96-792 du 10 septembre 1996.

Les membres de ses conseils n'ont pas manqué de regretter, dans le cadre des auditions auxquelles votre rapporteur a procédé, les conditions matérielles dans lesquelles ils ont dû se prononcer. Leurs observations sont en général réservées même parmi les organisations qui ont soutenu la mise en place de la réforme de la sécurité sociale. Beaucoup d'entre elles ont déploré l'absence de temps et de recul pour formuler autre chose que des réserves et des pétitions de principe.

Votre commission s'est donc interrogée sur l'opportunité d'envisager une procédure mieux adaptée aux nouvelles conditions créées par la loi de financement et qui laisse aux partenaires sociaux le temps de la réflexion et de faire des propositions.

Elle considère que dans le cadre de la nouvelle organisation de la sécurité sociale, les caisses pourraient se prononcer directement sur le projet de loi de financement et non sur un vague avant-projet, généralement assez largement modifié après son passage devant le Conseil d'État.

Cette solution aurait l'avantage pour les intéressés de leur permettre de se prononcer sur le texte du projet de loi lui-même, de présenter jusqu'à la discussion du texte par chaque assemblée leurs observations et leurs propositions d'amendements directement à celles-ci.

Le Parlement bénéficierait aussi utilement de l'avis plus élaboré des organismes concernés, ceux qui ont pu être transmis cette année.

5. Le passage au Conseil d'État

Votre commission relève que le texte finalement déposé au bureau de l'Assemblée nationale après passage au Conseil d'État a été sensiblement allégé dans son contenu et sa présentation.

Ainsi, le rapport joint au projet de loi a été réduit des trois quarts et que divers articles importants pour l'équilibre financier des régimes en ont finalement été dissociés.

Si elle ne cherche pas à contester les arguments d'ordre juridique qui ont sans doute été à l'origine de ces modifications 1 ( * ) , elle observe cependant qu'elles ne vont pas dans le sens de la clarification souhaitée par les auteurs de la réforme.

Ainsi, le versement exceptionnel de l'État à la CNAMTS qui devait résulter du règlement du contentieux entre EDF/GDF et les URSSAF qui avait été présenté le 23 septembre 2 ( * ) par M. Jacques Barrot comme faisant partie des mesures du projet de loi de financement a finalement été retiré de ce texte, mais le rapport relatif aux conditions générales de l'équilibre financier le mentionne expressément.

Il a fait ensuite l'objet d'un amendement déposé au Sénat par le Gouvernement au projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique qui est en navette entre les deux assemblées. Le lien avec l'objet de ce texte paraît pourtant bien tenu, plus encore semble-t-il qu'avec une loi de financement de la sécurité sociale !

Enfin, l'Assemblée nationale a précisé par amendement au rapport précité, lors de la première lecture du projet de loi de financement, qu'un « dispositif sera proposé prochainement au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 1996 : il consistera en un versement par le budget de l'État d'une contribution exceptionnelle de 3 milliards de francs, liée au règlement des contentieux entre EDF/GDF et les URSSAF ».

La procédure finalement retenue apparaît bien complexe -et par certains côtés juridiquement aussi douteuse- eu égard à l'objectif poursuivi !

B. LES INNOVATIONS DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE

Dans le cadre de ce chapitre, votre rapporteur souhaite rappeler le contenu de la loi annuelle de financement de la sécurité sociale tel qu'il est défini par la loi organique du 22 juillet 1996 et la procédure en aval qui permet la mise en oeuvre pratique des règles fixées par ladite loi.

Ces développements répondent à une préoccupation d'ordre méthodologique. Votre rapporteur a constaté, lors de ses auditions, la grande confusion qui prévalait dans les esprits sur les concepts retenus dans le cadre du projet de la loi de financement et de ses annexes.

Les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas manqué de relever certains aspects technocratiques de ce texte. Il estime que l'essentiel ne doit pas être perdu de vue, à savoir la définition des objectifs et des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour 1997 ainsi que leur déclinaison au niveau des acteurs de ce système.

1. Le contenu de la loi de financement

Les lois de financement disposent d'un domaine exclusif de compétences défini au paragraphe I de l'article LO 111-3. Hormis une loi de financement rectificative, aucune autre loi ne peut modifier leurs dispositions en cours d'année.

Ce contenu comporte trois dispositions essentielles qui seront résumées brièvement ci-après.

a) Des orientations et des objectifs présentés dans le cadre d'un rapport

Dès l'origine, le Sénat a considéré que ce rapport devait être présenté en vue de l'information du Parlement et qu'en conséquence, il ne devait faire l'objet d'aucun vote, ni d'aucun amendement, comme le rapport économique et financier joint au projet de loi de finances de l'année.

Le Gouvernement a choisi à l'Assemblée nationale d'accepter des amendements sur ce rapport présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour 1997.

Le débat a donc donné lieu à une série de retouches terminologiques et de pétitions de principe qui ont plus occupé l'ordre du jour qu'aucun des autres articles à portée normative de ce texte.

Le rapport a ainsi été modifié par une vingtaine d'amendements alors qu'il est dépourvu d'effets juridiques !

Votre commission des Affaires sociales ne proposera qu'un nombre très limité d'amendement sur le rapport du Gouvernement, ce qui ne l'empêche pas de l'analyser, voire de formuler certaines réserves 3 ( * ) .

Elle suggère une fois encore à la Haute Assemblée de recentrer le débat sur l'essentiel, c'est-à-dire les dispositions à caractère normatif de ce texte.

b) Les prévisions de recettes

Les recettes sont présentées par catégorie afin d'avoir une vision synthétique du financement de l'ensemble des régimes obligatoires de base. Y sont également intégrés les ressources du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui concourent au financement de la branche vieillesse. En revanche, celles affectées à la Caisse d'amortissement de la dette sociale en sont exclues.

Contrairement à la proposition faite par le Sénat, les catégories retenues à l'article 2 du projet de loi ne permettent pas d'avoir une approche des transferts de compensation entre régime, le Gouvernement ayant considéré que ces transferts sont internes aux régimes et que la somme des dépenses et des recettes effectuées à ce titre est nulle.

Votre commission constate que cette présentation prive néanmoins le Parlement d'un débat 4 ( * ) à l'occasion de l'examen des articles 2 et 3 sur des transferts de plus en plus contestés, même si grâce à l'article 30, ce sujet ne manquera pas, au moins cette année, d'être abordé.

Elle regrette également l'absence de prévisions globales sur la part du financement public dans les ressources des régimes de sécurité sociale. Celle-ci est évaluée à près de 350 milliards (soit 21 % du total) par la commission des finances de l'Assemblée nationale soit beaucoup plus que la simple addition des contributions publiques et des impôts et taxes affectés de l'article 2.

Pour le Parlement, l'intérêt essentiel de cet article et, en effet, de pouvoir suivre l'évolution comparée des cotisations et du financement public, en rapport avec la réforme du financement de la sécurité sociale engagée par le Gouvernement.

c) Les objectifs de dépenses par branches

Seuls les régimes comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. Ce plancher permet de centrer le projet de loi sur une vingtaine de régimes seulement au lieu des 144 régimes de base que compte notre pays 5 ( * ) . Le fait que le champ d'application des prévisions de recettes soit différent de celui des objectifs de dépenses n'a pas grande incidence car ces dernières assurent environ 99 % des prestations de sécurité sociale.

Votre commission remarque que l'intitulé des articles 3 et 4 du projet de loi peut prêter à confusion car l'article 3 comporte également un objectif pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès (661.8 milliards) qui est différent de celui présenté à l'article 4 (600.2 milliards). La différente porte, selon l'exposé des motifs, essentiellement notamment sur les indemnités journalières et les dépenses de gestion.

Même si la définition de la branche maladie pourrait donner lieu à des interrogations, comme le note ce dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, le choix du Gouvernement de se calquer sur celle retenue pour le régime général -ce qui conduit en particulier à retenir quatre branches distinctes- n'apparaît pas fondamentalement contestable.

L'objectif essentiel reste celui attaché à l'assurance maladie compte tenu de ses incidences juridiques directes qui sont rappelées à la fin de ce chapitre.

d) Des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes ou améliorant le contrôle du Parlement

Conformément à la conviction initiale du Sénat, le projet de loi de financement comporte de très nombreuses dispositions concernant ce dernier volet qui a pourtant été mal évalué lors du débat sur la loi organique (85 % des dispositions présentées). Tout en visant à prohiber de manière spécifique les « cavaliers sociaux », le paragraphe III de l'article LO 111-3 permet de dépasser le cadre purement comptable pour aborder les dispositions de nature normative rendues nécessaires par les besoins de financement constatés ou prévisionnels des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Votre commission considère néanmoins que de tels projets de loi doivent garder leur cohérence et ne pas être dénaturé par la multiplication de demandes de rapports du Parlement, qui ne sont pas strictement utiles à la réalisation des objectifs définis.

2. La procédure en aval

On se souvient des longs débats qui au Sénat ont tourné autour de la portée juridique jugée « douteuse » des lois de financement.

Le contenu du présent projet ne laisse place à aucun doute. Comme l'avait prédit le Président Jean-Pierre Fourcade, en l'espèce « la pratique dira le droit ». D'éminents juristes ont également mis définitivement un terme à ce débat.

a) La portée juridique des lois de financement est désormais incontestable

Comme le note Xavier Prétot dans son article publié dans la revue Droit social (septembre-octobre 1996) et intitulé le Parlement et le financement de la sécurité sociale :

« Du point de vue strictement juridique, les lois de financement de la sécurité sociale n'apparaissent pas davantage de toute portée.

On observera, en premier lieu, que le constituant n'a pas simplement habilité le Parlement à se prononcer par un vote sur les conditions de l'équilibre financer de la sécurité sociale, mais qu'il a entendu instituer une nouvelle catégorie de lois, en sus des lois ordinaires, des lois organiques, des lois de finances et des lois de programme. Par ailleurs, reprenant la règle applicable aux lois de finances, le Parlement est tenu de procéder à l'examen et à l'adoption de la loi de financement sous de strictes conditions de délai, faute de quoi le Gouvernement est habilité à mettre en oeuvre le projet de loi par voie d'ordonnance. Si les dispositions de la loi organique demeurent quelque peu imprécises, l'intention du constituant ne saurait donc être méconnue.

En pratique, les dispositions de la loi de financement ne revêtent sans doute pas toutes la même portée. Ainsi, lorsqu'elle approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale qui déterminent les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale, ou lorsqu'elle fixe des prévisions de recettes, la loi de financement devrait s'avérer essentiellement indicative, ces dispositions étant sans doute privées, dès lors, de véritable portée normative. On ne saurait formuler une même observation, s'agissant des dispositions de la loi qui fixent des objectifs de dépenses, a fortiori de celles qui assignent un plafond aux emprunts destinés à couvrir les besoins de trésorerie ».

b) Le caractère normatif de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie n'est pas moins évident

Ce caractère normatif est bien mis en évidence par les ordonnances n° 96-344, 96-345 et 96-346 du 24 avril 1996 relatives à l'organisation de la sécurité sociale, à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et à la réforme de l'hospitalisation publique et privée.

Elles montrent bien toutes les conséquences, pour l'assurance maladie et le système de santé, de la fixation par le Parlement de l'objectif annuel de dépenses.

Ainsi, l'ordonnance n° 96-344 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale prévoit la conclusion, entre l'État et les caisses nationales d'assurance maladie (caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et caisse centrale de la mutualité sociale agricole), de conventions d'objectifs et de gestion qui détermineront « les conditions de conclusion des avenants en cours d'exécution de chaque convention, notamment en fonction des lois de financement de la sécurité sociale ».

Pour la branche maladie, l'ordonnance prévoit spécifiquement qu' » un avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion détermine, en fonction de l'objectif annuel d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville (...) ainsi que les conditions et les modalités de sa mise en oeuvre » .

Pour les dépenses de soins de ville, l'ordonnance n° 96-345 dispose que « chaque année, compte tenu de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville, une annexe à la ou aux conventions prévues à l'article L. 162-5 fixe, pour les médecins généralistes d'une part, pour les médecins spécialistes d'autre part, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de prescription » . Cet objectif est opposable aux médecins. Son respect conditionne de possibles revalorisations d'honoraires tandis qu'un reversement d'honoraires à l'assurance maladie est prévu en cas de dépassement.

Enfin, l'ordonnance n° 96-346 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée prévoit que « chaque année, les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale, du budget et de l'économie déterminent, en fonction de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des établissements (...) et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses hospitalières prises en compte pour le calcul de la dotation globale et des tarifs de prestations des établissements susvisés » . L'ordonnance dispose que le montant des dotations globales est limitatif.

Pour les établissements non financés par dotation globale -en clair, les cliniques privées- l'ordonnance prévoit qu'un avenant annuel à la convention déterminera « la répartition par discipline du montant total annuel, arrêté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, des frais d'hospitalisation pris en charge par les régimes d'assurance maladie des établissements ayant passé contrat avec les agences régionales de l'hospitalisation » .

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par le Parlement a bien, à travers ces mécanismes conventionnels ou leurs mesures réglementaires de substitution, une portée normative.

Il sera analysé au détail dans la seconde partie du présent rapport.

II. LE BILAN DES MESURES DE REEQUILIBRAGE A COURT TERME PRESENTEES DANS LE CADRE DU PLAN DU 15 NOVEMBRE 1995 DOIT ÊTRE APPRECIE A SA JUSTE MESURE

Au-delà des mesures structurelles, la réforme de la protection sociale, annoncée par le Premier ministre le 15 novembre dernier, comportait des mesures financières à effets immédiats pour les exercices 1996 et 1997.

L'objectif du Gouvernement était de ramener le déficit du régime général à 17 milliards en 1996 et à un excédent de près de 12 milliards en 1997. Les mesures prises concernaient à la fois l'apurement de la dette sociale accumulée et les mesures d'urgence visant les différentes branches.

A. L'APUREMENT DE LA DETTE SOCIALE

La CADES a été créée par l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Établissement public national à caractère administratif placé sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la sécurité sociale, la CADES a été instituée pour une durée de treize ans et un mois afin d'apurer les déficits sociaux constatés à cette date.

Cette mission s'articule autour de trois opérations définies à l'article 4 de l'ordonnance précitée :


• l'amortissement de la dette de l'ACOSS à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations constatée au 31 décembre 1995 à hauteur de 137 milliards de francs. Le montant de 137 milliards correspond aux déficits des exercices 1994 et 1995 (120 milliards) et au déficit prévisionnel pour 1996 (17 milliards) ;


• le versement à la CANAM au cours de l'exercice 1996 d'une somme au plus égale à 3 milliards de francs destinée à couvrir une partie de son déficit cumulé constaté au cours de l'année ;


• le transfert chaque année au budget général de l'État jusqu'en 2008 d'une somme de 12,5 milliards de francs. Ce versement correspond au financement de la dette de 110 milliards reprise par l'État fin 1993 et assuré jusque là par le Fonds de solidarité vieillesse.

Les ressources de la CADES sont constituées par :

- à titre principal, le produit des contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

- le reversement par la CNAMTS des sommes correspondant au remboursement de créances sur des organismes étrangers de sécurité sociale afférentes à des prestations liquidées avant le 31 décembre 1995 ;

- les produits de la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales du régime général et de l'ACOSS. L'inventaire qui a été notifié le 22 juillet 1996 fait état d'un patrimoine estimé au total à 8 milliards de francs pour la CNAMTS et pour la CNAVTS.

1. Une mise en place encore incomplète

Le décret n° 96-353 du 24 avril 1996 a précisé les modalités de fonctionnement de la nouvelle caisse.

Comme cela est rappelé dans le cadre de l'annexe F du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, les membres du conseil d'administration ont été désignés dès le 25 avril 1996. Sa composition fait apparaître une prédominance des représentants du ministère du budget bien que cet établissement soit également placé sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale.

L'article 3-II de l'ordonnance a prévu par ailleurs la constitution d'un comité de surveillance qui comprend notamment des membres du Parlement et des représentants des conseils d'administration des organismes nationaux du régime général et de la CANAM ainsi que le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Or, alors que la composition de ce conseil a été précisée par l'article 4 du décret du 24 avril 1996 précité, il n'a encore jamais été réuni.

Cette situation est d'autant plus insatisfaisante que les parlementaires membres de la CADES dont votre rapporteur fait partie, auraient pu utilement apporter leur éclairage aux travaux préparatoires à l'examen du présent projet de loi.

Considérant que le comité de surveillance est tenu de se réunir au moins une fois par an et qu'il émet un avis sur le rapport annuel d'activité de la CADES, votre commission forme le voeu que les membres du comité soient convoqués et réunis d'ici la fin de la discussion au Parlement de ce texte.

2. La nécessité d'une plus grande transparence

L'article 11 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 prévoit que « le Gouvernement rend compte chaque année au Parlement dans un rapport particulier des opérations réalisées par les caisses d'amortissement de la dette sociale » .

Or, aucun compte prévisionnel de cet organisme n'a été communiqué au secrétariat de la commission des comptes de la sécurité sociale avant sa réunion du 23 septembre dernier. Pourtant dès son rapport de juin 1996, la commission manifestait le souhait de « prendre régulièrement connaissance des comptes de cette caisse dont il conviendra de ne pas oublier au fil des ans qu'elle a été un mode d'externalisation des dettes du régime général » .

Votre commission regrette d'autant plus cette absence de relations qu'une meilleure coordination de leurs travaux aurait permis d'éviter la publication à quelques jours d'intervalle de deux séries d'informations concernant la CADES, l'une figurant dans le rapport de la CCSS et l'autre à l'annexe F du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sensiblement différente bien que portant sur le même exercice :

Extrait du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale 1996 (p. 89)

Comptes de la CADES présentés à l'annexe F du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Selon les informations disponibles dans le cadre de la mise en forme de l'article 5 de l'ordonnance n° 96-50, la CADES a :

- contracté auprès des banques un crédit syndiqué de 60 milliards de francs en deux tranches, l'une de 40 milliards à échéance de cinq ans, l'autre de 20 milliards à un an ;

- émis deux emprunts obligataires sur le marché français : le premier de 14 milliards de francs au taux de 5,5 % à échéance 2002, le second à échéance 2007 de 11 milliards de francs au taux de 6,25 % ;

- procédé à des émissions de billets CADES, d'une durée inférieure à un an, par l'intermédiaire d'agents placeurs, pour un montant dépassant 40 milliards de francs ;

- émis du papier commercial d'une durée inférieure à un an pour des montants excédant 40 milliards de francs sur le marché américain et sur celui de l'euro. Ce papier a été levé en devises et immédiatement « swapé » en francs pour éviter tout risque de change.

Le programme d'emprunt de la CADES adopté par le conseil d'administration et approuvé par le ministre de l'économie et des finances, se décompose de la façon suivante :

- des émissions obligataires en francs français ou en devises pour un volume maximal de 70 milliards de francs ; ces émissions constituent le mode de financement le plus économique et le plus sûr à moyen et long termes, et ont donc vocation à constituer progressivement, en fonction des capacités du marché, l'essentiel des financements de la CADES ;

- des émissions de billets de trésorerie en francs français pour un volume maximal de 50 milliards de francs ;

- des émissions de papier commercial en devises, pour un montant effectif maximal de 50 milliards de francs ;

- des placements privés en francs français ou en devises, pour un montant maximal de 30 milliards de francs ;

- un ou des crédits bancaires syndiqués à court ou moyen terme libellés en francs ou en devises, pour un montant maximal de 80 milliards de francs.

Sur les modalités de remboursement et de financement de la dette sociale par la CADES, la Cour des Comptes a, dès la création du Fonds de solidarité vieillesse en 1994, critiqué le procédé consistant à faire figurer les versements du FSV, en capital et intérêts, en recettes non fiscales du budget de l'État, considérant que la partie correspondant au capital à rembourser devait être constatée sous la forme d'une ressource de trésorerie venant en diminution de la créance de l'État sur le FSV.

Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des Comptes réitère sa critique en soulignant que ce procédé, qui a été confirmé lors de la création de la CADES, a conduit à « majorer très sensiblement les prélèvements obligatoires tout en limitant l'apport net dont bénéficie le régime général. La prise en charge des seuls intérêts de la dette aurait permis au contraire d'affecter la majeure partie des ressources nouvelles au redressement de l'équilibre courant des comptes sociaux » .

D'un point de vue concret, les ressources de la CADES sont en réalité seulement constituées de la CRDS. Les autres sources de financement théoriques ne figurent d'ailleurs pas dans les comptes prévisionnels transmis au Parlement (annexe F) pour les exercices 1996 et 1997.

Le rendement de cette contribution est estimé à 21,5 milliards en 1996 et à 25,5 milliards (+ 17 %) en 1997 compte tenu « de l'élargissement de son assiette aux prestations familiales et à un certain nombre d'instruments d'épargne (assurance vie, plan d'épargne populaire...) ainsi que de l'augmentation attendue du revenu des ménages » .

Il convient de souligner que le rendement d'un point de CRDS est ainsi supérieur de près de 20 % à celui d'un point de CSG (avant élargissement de l'assiette).

Compte tenu des caractéristiques de ses ressources de nature fiscale et à destination sociale, il paraît légitime que la représentation nationale soit à l'avenir complètement et clairement informée sur des opérations certes complexes, effectuées par cet organisme.

Votre commission s'interroge en particulier sur la signification du solde positif prévu pour 1997 à hauteur de 6,5 milliards et qui figure à la dernière page de l'annexe consacrée à la CADES.

Même si cette annexe précise qu'il ne s'agit pas d'un excédent de trésorerie mais d'une capacité de financement correspondant à la différence entre les recettes et les dépenses avant amortissement des dettes passées, votre commission se demande s'il ne conviendrait pas de compléter le cadre comptable de la CADES afin d'avoir une présentation plus significative de ses comptes.

B. LES MESURES URGENTES DE REDRESSEMENT FINANCIER

Dès son discours du 15 novembre 1995, le Premier ministre a annoncé une série de mesures à incidence financière immédiate destinées à ramener le découvert prévisionnel du régime général de 60 à 17 milliards de francs en 1996. Le cantonnement de la dette sociale, à lui seul (- 17 milliards de francs pris en charge par la CADES au titre de l'exercice 1996) permettait d'abaisser ce solde à 53 milliards. Le Gouvernement proposait donc un effort supplémentaire d'environ 37 milliards de francs.

Pour 1996, ces mesures correspondaient à :

- 11 milliards d'économies ;

- 16 milliards de mesures de gestion ;

- 10 milliards de prélèvements supplémentaires.

Leurs effets devaient se prolonger en 1997. Selon les estimations fournies à l'époque, sur l'exercice 1997, la portée des mesures d'urgence devait représenter par rapport au déficit :

- 21 milliards au titre des mesures d'économie ;

- 14 milliards au titre des mesures de gestion ;

- 24 milliards au titre des prélèvements supplémentaires.

Le Gouvernement escomptant donc un redressement rapide des comptes du régime général avec un solde négatif limité à environ 17 milliards fin 1996 et un solde positif d'environ 12 milliards fin 1997.

Après avoir rappelé pour chaque branche le contenu des mesures qui ont effectivement été mises en oeuvre depuis l'annonce du plan de redressement, on analysera les écarts constatés au plan des résultats.

1. Un plan de redressement très ambitieux

Le plan d'urgence présenté par le Premier ministre était particulièrement ambitieux quant à son contenu (une vingtaine de dispositions nouvelles) et à sa portée financière (37 milliards environ).

Il devait être décliné par branche et mis en oeuvre par le biais d'ordonnances.

Cette procédure que votre commission a approuvée permettait au Gouvernement d'agir plus rapidement et de surmonter les corporatismes, d'où qu'ils viennent, qui auraient, comme cela s'est produit par le passé, freiner la réalisation des objectifs que le Parlement avait pourtant soutenus.

En effet, la loi n° 95-1348 du 30 décembre 1995 a autorisé le Gouvernement par application de l'article 38 de la Constitution à recourir aux ordonnances pour réformer la protection sociale.

Les mesures d'urgence ont fait en particulier, l'objet d'une ordonnance n° 96-51 en date du 24 janvier 1996.

Il faut noter que le Gouvernement aurait prévu, à juste titre, un rééquilibrage branche par branche, compte tenu du principe de gestion séparée posé par la section I de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

En novembre 1995, l'impact des annonces dans le cadre du plan Juppé avait été évalué ainsi :

Plan annoncé du 15 novembre 1995
Mesures d'effet immédiat

(en milliards de francs)

Dans le document annexé au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, on constate que les prévisions elles-mêmes ont été légèrement révisées :

Les effets des mesures d'urgence annoncées le 15 novembre 1995

Pour l'analyse des différentes mesures correspondant à chaque branche, on se rapportera aux rapports de votre commission des affaires sociales relatifs aux différentes branches de la sécurité sociale. Ne sont donc abordés ci-après que des considérations d'ordre général.

a) Branche vieillesse

Le déficit tendanciel de cette branche devrait être ramené de - 12,7 milliards à - 1 milliard en 1996 et à 0,3 milliard en 1997.

Initialement, outre le report de l'application de la prestation d'autonomie, le Premier ministre avait annoncé :

- la prise en charge par le FSV d'une part croissante des dépenses de solidarité jusqu'alors financées par la CNAVTS à hauteur de 11 milliards ;

- une contribution des entreprises qui souscrivent pour leurs salariés des contrats de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire à hauteur de 2,5 milliards.

Ces deux mesures ont été mises en oeuvre, mais avec une portée inégale, comme le montre le tableau figurant en annexe du projet de loi.

S'agissant du FSV, l'extension de la prise en charge des dépenses de solidarité supportées par le régime général a effectivement contribué à rééquilibrer la branche vieillesse à hauteur d'un montant légèrement supérieur à celui prévu, soit 11,7 milliards.

Ce transfert a été réalisé par la majoration du salaire de référence pris en compte pour déterminer le montant des validations gratuites de période de chômage.

Cette validation est calculée actuellement sur une base forfaitaire qui est passée en 1996, de 60 % à 90 % du SMIC. Ce dernier taux a été calculé afin de « calibrer » les transferts entre le FSV et les régimes de retraite à hauteur des disponibilités dégagées par le recentrage des missions du fonds résultant de la création de la CADES. En reprenant à son compte les versements annuels de 12,5 milliards au titre du remboursement de la dette sociale, la CADES a libéré des ressources que le FSV a pu réaffecter à la prise en charge des dépenses de solidarité assumées par la CNAVTS.

En revanche, le prélèvement concernant les primes d'assurances de groupe ne figure pas dans le tableau inséré dans l'addendum aux annexes jointes au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale (p. 9). Pourtant le produit initialement attendu de cette mesure s'élevait à 2,5 milliards de francs.

Elle a pourtant été instituée par l'article 8 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 au profit du FSV à compter du 1er janvier 1996.

Dès sa création, votre commission avait critiqué cette mesure en raison des risques sérieux qu'elle faisait peser sur le développement des contrats concernés le plus souvent destinés à des personnels non cadres, employés par des petites et moyennes entreprises. Cette mesure lui apparaissait très inéquitable par rapport à la situation réservée à d'autres formes de protection complémentaire.

Dans une lettre du 31 juillet 1996 adressée au directeur de l'ACOSS, le ministre du Travail et des Affaires sociales a annoncé que cette taxe n'était plus exigible des employeurs occupant au plus neuf salariés. Il faut noter que ces dispositions s'appliquent rétroactivement à compter du 1er janvier 1996, les employeurs concernés ont pu demander aux URSSAF le remboursement des sommes équilibrées au titre de cette taxe.

Il convient de s'interroger toutefois sur la portée juridique de cette exonération qui n'a pas encore fait l'objet d'une confirmation législative. Tant que l'ordonnance n'avait pas été ratifiée, le Gouvernement pouvait en effet procéder par voie réglementaire à une telle modification. Mais qu'en est-il depuis le dépôt du projet de loi de ratification des ordonnances ?

b) La branche famille

Pour la branche famille, les mesures annoncées visaient à ramener le déficit tendanciel de 10,5 milliards à 4,8 milliards en 1996 et à + 6,5 milliards en 1997. Elles s'appuyaient à la fois sur des mesures d'économies et des ressources nouvelles en 1997.

En 1996, les économies prévues pour cette branche étaient les suivantes :

- la non revalorisation de la base mensuelle BMAF en janvier 1996 : 2,6 milliards ;

- diverses mesures de rationalisation des prestations familiales et des aides au logement dont la mise sous condition de ressources de « l'APJE courte » 6 ( * ) : 2,4 milliards ;

- le transfert de la gestion des prestations familiales des régimes spéciaux à la CNAF : 0,7 milliard.

Les effets des mesures visant la branche famille sont inférieurs de 1,4 milliard par rapport aux prévisions annoncées.

Si on examine dans le détail les résultats obtenus, on constate que cet écart a deux origines :

- d'une part, un impact moins important que prévu des mesures de rationalisation des prestations familiales et des aides au logement ;

- d'autre part, l'absence de mise en oeuvre de la mesure concernant les prestations familiales des régimes spéciaux.

S'agissant de cette dernière mesure, le plan du 15 novembre 1995 prévoyant, afin « d'achever le marché vers l'universalité des modalités de gestion et de versements des prestations familiales », d'aligner le taux de cotisation de l'État et de ses entreprises publiques sur les taux applicables à l'ensemble des entreprises et à transférer progressivement la gestion des prestations familiales à la CNAF.

Mais l'article 7 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 a prévu que celle-ci entrerait en vigueur à la date d'application d'une convention conclue entre les organismes concernés la CNAF et l'ACOSS. Les retards dans la conclusion des conventions nécessaires sont à l'origine du retard constaté dans sa mise en oeuvre.

Quant aux mesures de rationalisation, on peut noter que le présent projet de loi de financement accentue les mesures prévues à l'article 5 de l'ordonnance précitée, restreignant l'accès à certaines prestations (en l'occurrence l'allocation de parent isolé) par le biais des conditions de ressources.

c) Branche maladie

Pour la branche maladie, le déficit devait être ramené de 30 milliards (solde tendanciel) à 12 milliards en 1996 et se transformer en excédent dès 1997 à hauteur de 3 milliards.

La mesure la plus importante concernait les cotisations maladie des retraités imposables et des chômeurs indemnisés au-dessus du SMIC dont le taux devait être relevé de 1,2 point en 1996 et en 1997.

Les autres mesures portaient sur les dépenses pour 1996 des mesures d'économies à hauteur de 4,3 milliards et des mesures de gestion avoisinant 6,4 milliards. Parmi celles-ci figuraient la fixation d'un objectif quantifié national indexé pour les prises tant pour l'hôpital que pour la médecine ambulatoire et des efforts de solidarité demandés notamment à l'industrie pharmaceutique à hauteur de 2,5 milliards.

Le bilan présenté en annexe du présent projet de loi de financement montre que sur le rééquilibrage de 17,8 milliards attendu de la mise en oeuvre des mesures d'urgence relatif à la branche maladie, seuls 12,9 milliards ont été dégagés.

On relèvera également que les prévisions initiales présentées en novembre 1995 ont été globalement revues à la baisse (- 1 milliard).

Les écarts les plus importants concernent les postes suivants :

- la mise en oeuvre de la première étape de l'harmonisation des cotisations maladie des retraités imposables et des chômeurs indemnisés au SMIC (4,9 contre 7,1 milliards soit un rendement inférieur de 30 %) ;

- le respect des objectifs de dépenses (son rendement est de 2,2 milliards contre 3,3 milliards, soit un écart d'un tiers) ;

- les frais de recours contre tiers (son rendement est inférieur des deux tiers aux prévisions) ;

- la contribution des médecins (l'écart est d'un tiers).

Enfin, s'agissant des économies de gestion des caisses, l'objectif de 1,5 milliard d'économies a été réalisé.

2. Un rééquilibrage contrarié par le ralentissement de l'activité économique

Votre commission souhaite insister dans le cadre du présent rapport, sur l'évolution globale des dépenses et des recettes du régime général en 1996, tout en renvoyant aux rapports consacrés aux branches maladie, famille et vieillesse.

Incontestablement, on observe que la progression des dépenses du régime général s'est infléchie en 1996. Mais cette tendance a été neutralisée en totalité par des rentrées de cotisations considérablement plus faibles que celles initialement prévues.

a) Une évolution des dépenses dans l'ensemble comparable aux estimations

L'annexe C du présent projet de loi fait état d'une évolution des dépenses du régime général comme suit :

Ces chiffres font apparaître une quasi stagnation des dépenses du régime général qui n'augmenteraient que de 4 milliards sur l'exercice 1996.

Au sein de chaque branche, le rythme de progression des dépenses s'est ralenti.

- S'agissant de la branche maladie-maternité-invalidité-décès, la progression est de 14 milliards, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à 1995 ;

- la branche accidents du travail enregistre une stagnation de celle-ci ;

- la branche vieillesse-veuvage connaît une progression de 13,7 milliards, soit + 4 % ;

- la branche famille enregistre en revanche une baisse de ses dépenses de 24,1 milliards, soit - 9,2 %.

Si on se réfère aux évolutions passées retracées dans les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le taux de progression des dépenses du régime général a été de 6,4 % en 1993, de 3 % en 1994, de 7,2 % en 1995 et de 0,4 % en 1996 7 ( * ) .

Le principe des dépenses ainsi réalisé apparaît donc tout à fait incontestable même si les écarts entre branches restent significatifs.

Le bilan de la mise en oeuvre des mesures d'urgence présenté par le Gouvernement met essentiellement l'accent sur le freinage des dépenses d'assurance maladie.

Il précise, en outre, que les deux postes qui expliquent le surcroît de dépenses enregistré par rapport aux prévisions des précédentes Commissions des comptes de la sécurité sociale sont celles du secteur médico-social (dont le rythme annuel est supérieur à 8 %) et aux dépenses induites par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille qui se sont révélées plus dynamiques que les prévisions initiales.

Cette analyse rejoint dans ses grandes lignes celles présentées dans le cadre des deux rapports de la CCSS de juin et septembre 1996. L'accroissement des prévisions de dépenses contenues dans le premier rapport affecte en effet principalement la CNAF et résulte pour l'essentiel de la nouvelle majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire qui n'avait pas été inscrite dans les prévisions de juin 1996. S'y ajoute une aggravation de la dérive financière imputable à la mise en oeuvre de la loi famille.

Quant aux dépenses de la CNAMTS, l'alourdissement des prévisions de dépenses trouve son origine, selon la CCSS, dans les dépenses d'hospitalisation, notamment privée. Dans le secteur de l'hospitalisation publique, elle relève l'alourdissement des dépenses afférentes aux établissements médico-sociaux (+ 650 millions de francs) et aux établissements conventionnés avec l'aide sociale (+ 320 millions). L'alourdissement des prévisions de dépenses de soins ambulatoires est présenté comme étant d'un montant comparable à celui de l'hospitalisation.

D'un point de vue général, on regrettera une fois encore les écarts entre les comptes prévisionnels figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1996.

Par ailleurs, les comptes prévisionnels du régime général présentés par le Gouvernement supposent le strict respect de l'objectif quantifié des dépenses d'assurance maladie correspondant à 2,1 % des dépenses remboursables par rapport aux résultats dégagés en 1995 par l'ensemble des régimes sociaux, et à 2,2 % pour le régime général.

Comme le note le rapport de la CCSS susmentionné, compte tenu de l'inflexion à la baisse constatée au cours des derniers mois, les prévisions de dépenses ne paraissent pas irréalistes.

b) Un effondrement des recettes

Le plan de rééquilibrage des comptes du régime général présenté le 15 novembre 1995 étant fondé sur des prévisions de recettes calculées à partir d'une hypothèse de croissance de 2,8 % et d'une progression de la masse salariale estimée à 5,3 % pour 1996.

Celles-ci conduisaient le Gouvernement à envisager un déficit prévisionnel du régime général de - 53,3 milliards pour 1996 8 ( * ) (hors charges d'intérêts) soit :


• - 30,1 milliards pour la branche maladie ;


• - 10,5 milliards pour la branche famille ;


• - 12,7 milliards pour la branche vieillesse.

Or ces prévisions ont été revues à la baisse de manière drastique. En 1996, la croissance du PIB français est désormais estimée à 1,3 % et celle de la masse salariale à 2,3 %.

Selon la CCSS de juin 1997, le tassement de la croissance constatée en fait dès la deuxième partie de l'année 1995 et qui s'est prolongé durant le premier semestre 1996, a affecté défavorablement les prévisions de recettes de la sécurité sociale et notamment celles portant sur les cotisations sociales. La moindre croissance enregistrée sur la fin de l'année 1995 a eu un premier effet en conduisant à une diminution de 6,8 milliards de la masse des recettes sur l'exercice 1995. S'y ajoutent les conséquences du taux de progression de l'assiette des cotisations attendues en 1996 (soit environ 22,7 milliards de recettes), le report, imputable aux mouvements sociaux de la fin de l'année, sur 1996 de l'encaissement de cotisations de 1995, à hauteur de 3,2 milliards.

Ce constat recoupe largement l'analyse présentée par le Gouvernement en annexe du présent projet de loi et qui est résumée dans le tableau suivant :

Il en ressort que les pertes de recettes liées à la conjoncture sont intervenues pour 85 % dans l'écart constaté entre l'objectif initialement défini et le résultat prévisionnel sur l'exercice 1996.

Cette « évolution catastrophique » selon l'expression de Jean Marmot (rapport CCSS juin 1996) appelle deux remarques majeures :

1) Elle conduit à s'interroger d'abord sur la fiabilité des hypothèses macro-économiques qui sous-tendent les prévisions de recettes et de dépenses des régimes de sécurité sociale. Il faut rappeler que le budget économique de la Nation d'octobre 1995 pronostique une augmentation de la masse salariale de 5,7 %, comme plusieurs instituts indépendants de conjoncture. On mesure l'ampleur de l'erreur d'appréciation commise par ces instituts. On peut constater d'ailleurs qu'aucun institut de conjoncture ne prévoyait à l'automne 1995 une croissance de la masse salariale inférieure à 3,8 %.

Il paraît indispensable, en outre, que les hypothèses macro-économiques retenues seront identiques pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale compte tenu de liens étroits qu'unissent les comptes sociaux et les comptes publics.

On ne saurait en revanche qu'encourager le Gouvernement à présenter comme le fait d'ailleurs régulièrement la CCSS 9 ( * ) les estimations proposées par les différents instituts de conjoncture économique afin d'apprécier si les projections présentées sont cohérentes, plutôt pessimistes ou plutôt optimistes, ou irréalistes.

2) L'impact du ralentissement constaté de la croissance a été d'autant plus important sur les comptes de la sécurité sociale que son mode de financement dépend très étroitement de l'évolution de la masse salariale.

Le financement de la sécurité sociale dans notre pays est encore largement assuré par les cotisations sociales. Celles-ci représentent 85 % du financement du régime général. De surcroît, 80 % des cotisations reçues par ce régime sont issues du secteur privé.

Cette situation conduit naturellement à soulever la question du mode de financement des régimes de sécurité sociale et en particulier de celui du régime général. On notera que les réformes entreprises depuis le début des années 90 sont allées dans le sens d'un élargissement de l'assiette des cotisations et du financement par l'impôt de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi de financement ne fait que proposer de franchir une étape supplémentaire dans ce mouvement de fond qui tend à rendre les recettes de la sécurité sociale moins sensibles à la conjoncture.

*

* *

Au total, les mesures urgentes de redressement financier ont eu un impact financier de 29,4 milliards de francs sur les 35 milliards attendus 10 ( * ) en permet au Gouvernement d'affirmer que 85 % de l'objectif assigné a donc été atteint.

Ce résultat appelle trois observations :

1°) les prévisions présentées en novembre 1995 lors de l'annonce du plan de réforme de la protection sociale fixaient cet objectif à 36,7 milliards. Le rendement des mesures prises représente, par rapport aux données initiales, 85 % de cet objectif ;

Dès son rapport de juin 1996, la Commission des comptes de la sécurité sociale annonçait la réalisation de 85 % de l'objectif affiché (p. 28 de ce rapport). Toutefois, certaines informations apparaissent contradictoires, comme une prévision des recettes de 0,4 milliard au titre des prestations familiales servies par les régimes spéciaux alors que le bilan présenté par le Gouvernement ne fait apparaître aucune somme à ce titre et que le commentaire qui l'accompagne précise même que cette mesure n'interviendra qu'en 1997. On ne saurait que souhaiter à l'avenir une meilleure harmonisation des données transmises par le ministère des Affaires sociales à la Commission des comptes de la sécurité sociale avec celles transmises au Parlement.

2°) sur les causes de l'écart de 85 % entre les prévisions et les réalisations présentées par le Gouvernement, le bilan figurant en annexe invoque à titre principal le report sur l'exercice 1997 de deux mesures : d'une part, la participation de la branche « accidents du travail » à la prise en charge par la CNAMTS des maladies professionnelles ; d'autre part, l'augmentation du taux de cotisations familiales pour les entreprises publiques. Ces deux mesures auraient dû selon les prévisions initiales rapporter environ 1,7 milliard de recettes supplémentaires à la branche maladie, soit seulement 30 % du manque à gagner constaté (1,7 milliard sur les 5,6 milliards de différence entre les prévisions et les réalisations figurant en annexe).

En réalité, l'essentiel du dérapage apparaît lié aux dépenses résultant de la loi famille dont le coût en 1996 s'est révélé de 3 milliards supérieurs aux dépenses prévisionnelles.

3°) 90 % des écarts constatés apparaissent, en définitive, liés à la faiblesse des recettes constatées en 1996.

III. LES PERSPECTIVES DE L'EQUILIBRE FINANCIER DE LA SECURITE SOCIALE RESULTANT DU PRESENT PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

Avec le présent projet de loi de financement, le Gouvernement engage à la fois une réforme structurelle du mode de financement de l'assurance maladie à travers l'accroissement de la part de la CSG dans ses recettes et propose de nouvelles mesures de rééquilibrage du déficit prévisionnel pour 1997.

A. L'EXTENSION A L'ASSURANCE MALADIE D'UNE REFORME DEJA BIEN ENGAGEE DU FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE

La diminution de la part des cotisations sociales dans les ressources des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale est une évolution amorcée depuis plusieurs années mais qui a connu une accélération depuis la mise en place de la contribution sociale généralisée. Celle-ci apparaît comme la principale composante de cette réforme structurelle et conforte sa vocation de « cotisation sociale universelle » selon l'expression employée par le ministre Jacques Barrot, lors de son audition devant la commission des Affaires sociales.

1. L'évolution du financement de la sécurité sociale depuis 1990

L'annexe G du projet de loi qui est relative aux comptes de la protection sociale contient des renseignements tout à fait éclairants sur les caractéristiques et la structure de financement de la protection sociale dans notre pays.

Le champ de la protection sociale est beaucoup plus large que celui couvert par les lois de financement de la sécurité sociale dont l'objet est limité aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Ces dernières correspondent à 65 % des ressources du compte de la protection sociale.

Néanmoins, l'analyse de ce document est intéressante car, d'une part, elle permet une approche comparative avec les autres États de l'Union européenne et, d'autre part, elle révèle l'évolution en profondeur du financement des dépenses sociales dans notre pays.

a) Quelques rappels sur le financement de la protection sociale en général

Dans la structure du financement de la protection sociale, les cotisations sociales constituent les ressources prédominantes, soit environ les trois quarts du total ! Toutefois, sur la période 1990/1995, elles voient leur part relative diminuer de près de quatre points entre 1990 et 1995 au profit des impôts et taxes affectés, comme le montre le tableau ci-dessous :

Source : Compte de la protection sociale

L'évolution de la part des cotisations s'explique tant par le développement d'autres modes de financement que par la faible progression voire la baisse en 1993, de la masse salariale dans le secteur privé et les mesures d'exonérations de cotisations, notamment au titre des allocations familiales. Les mesures donnant lieu à exonérations sont passées de 13,7 milliards en 1992 à 43,4 milliards en 1995. Seulement une partie n'est pas compensée par une prise en charge de l'État (14 milliards environ en 1995) et correspond aux dispositifs intervenus avant la loi du 25 juillet 1994.

Parallèlement, la part des contributions publiques et des impôts et taxes affectés a augmenté de 4,2 points pour représenter 20,4 % des ressources en 1995.

Le montant des impôts et taxes a été en particulier multiplié par 3, passant de 63,8 milliards à 179,5 milliards sur la période de 1990/1995 en raison de la création de certaines taxes (exemple sur les alcools) et surtout de la CSG.

Le rythme d'évolution des contributions publiques apparaît plus chaotique, marqué par des périodes de fortes hausses de 1991 à 1993 et une baisse en 1990 et 1995. La forte augmentation des dépenses en matière d'emploi, d'insertion professionnelle, de lutte contre l'exclusion et d'aides au logement entre 1991 et 1993, puis leur ralentissement, explique une grande partie de l'évolution de ces dépenses sur cette période.

Par rapport à l'ensemble des pays de l'Union européenne, la France reste du point de vue de la structure du financement de sa protection sociale dans une situation originale.

Les cotisations sociales représentent en moyenne pour ces pays seulement les deux tiers des recettes courantes mais avec des écarts considérables.

Dans l'ensemble des pays de l'Union européenne (à douze), les cotisations sociales représentent en 1993, en moyenne, les deux tiers des recettes courantes de protection sociale.

La France reste le pays où cette proportion est la plus élevée. Comme en France, mais dans une moindre proportion, le mode de financement en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et dans les pays du sud de l'Europe, repose essentiellement sur des cotisations. Au sein de l'Union européenne, les pays qui accordent une part prépondérante aux ressources d'origine fiscale sont très minoritaires. Il s'agit du Danemark où ces ressources représentaient, en 1994, 80,7 % du total et des pays anglo-saxons (Royaume-Uni 58,3 %, Irlande 61,8 %). L'entrée dans l'Union de la Suède et de la Finlande vient renforcer ce dernier groupe de pays alors que l'Autriche a un système de financement proche du système allemand.

L'importance relative des cotisations patronales est un peu plus forte en France et dans les pays du sud de l'Europe que dans les autres pays européens. Si l'évolution des structures de financement laisse apparaître une certaine convergence, ces évolutions sont lentes et les différences entre pays demeurent importantes, comme le montrent le graphique et le tableau suivants :

Structure du financement des dépenses de protection sociale dans l'Union
européenne en 1994

Structure du financement de la protection sociale en 1994 dans l'Union européenne

b) L'évolution du financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale

Votre commission regrette qu'une étude aussi exhaustive que celle présentée dans le cadre de l'annexe G ne soit pas disponible en ce qui concerne le financement de la sécurité sociale stricto sensu.

Elle relève, toutefois, qu'en 1995 le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale a esquissé une approche de cette évolution, mettant en évidence une forte augmentation du total « contributions publiques » et des « impôts et taxes affectés » entre 1991 et 1994 (+ 50 % en trois ans, retracée dans le tableau suivant :

Elle se félicite par ailleurs de la transmission pour la première fois au Parlement d'une annexe au projet de loi de finances consacrée au produit des impositions de toutes natures affectées à des organismes de sécurité sociale, conformément à l'article 18 de la loi du 5 juillet 1996 portant règlement définitif du budget 1994. Ce document (qui figure en annexe du présent rapport) évalue à 166,4 milliards en 1996 et à 224,6 milliards de francs en 1997 ne constitue toutefois pas un document suffisant pour appréhender l'ensemble des concours de l'État à ces organismes. N'y figurent pas en effet les contributions publiques telles que les subventions d'équilibre et les compensations d'exonérations sociales 11 ( * ) .

2. Une nouvelle étape dans la réforme du financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi propose de franchir une nouvelle étape dans la substitution du financement par l'impôt et celui par les cotisations sociales, par le biais, certes, de la contribution sociale généralisée mais également, et ceci ne doit pas être minoré, par l'augmentation des taxes sur les alcools et les tabacs. C'est bien par rapport à cet ensemble que votre commission des Affaires sociales a mené sa réflexion sur ce sujet.

S'agissant du régime général, la progression du financement public apparaît encore plus nette. La contribution sociale généralisée a été instituée par la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990 au taux de 1,1 %. Jusqu'au 1er janvier 1994, elle a été affectée au financement de la branche famille (CNAF) pour un montant qui est passé de 30 milliards en 1991 à 44,2 milliards en 1996.

A compter du 1er janvier 1994, son taux a été augmenté de 1,3 point et le produit correspondant à cette hausse a été affecté au financement des dépenses d'assurance vieillesse relevant de la solidarité nationale par le biais du FSV. Le produit de cette part de CSG est passé de 48,1 milliards en 1994 à environ 52,5 milliards en 1996.

Le régime actuel de la CSG a fait l'objet d'un certain nombre d'observations critiques de la part du Conseil des impôts dans son quatorzième rapport (1995).

Par ailleurs, la structure de financement de l'assurance maladie apparaît de plus en plus inadaptée. Ses ressources reposent encore, à titre quasiment exclusif, sur les cotisations sociales, contrairement à l'évolution amorcée dans les autres branches. Cette situation a plusieurs conséquences.

D'une part, on l'a rappelé, l'équilibre de cette branche est particulièrement dépendant de la conjoncture économique et de l'évolution de la masse salariale.

D'autre part, elle est source d'iniquité puisqu'à revenu égal et pour des prestations identiques, l'effort demandé aux assurés est très variable selon la structure de leurs revenus, les cotisations sociales ne pesant essentiellement que sur les revenus d'activité.

Or, comme l'a souligné le Conseil des impôts, la structure des revenus tend à évoluer au profit des revenus du patrimoine dont la part est passée de 7 % à plus de 11 % dans le revenu des ménages.

a) La nouvelle assiette de la CSG reste légèrement inférieure à celle de la CRDS

L'extension de l'assiette envisagée par le présent projet de loi tend à la rapprocher de celle de la CRDS instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 au profit de la CADES. Elle est mise en oeuvre par les articles 7 à 12 du projet de loi auxquels il vous est proposé de vous reporter.

Toutefois, son assiette reste légèrement en-deçà de celle du CRDS.

1 - Les revenus d'activité

L'élargissement porte en particulier sur les contributions patronales de retraite et de prévoyance complémentaire, les produits de la participation et des sommes versées au plan d'épargne d'entreprise. Il conduit à une identité d'assiette entre la CSG et la CRDS.

S'agissant de l'assujettissement des contributions patronales de retraite et de prévoyance, votre commission réitère les réserves qu'elle a déjà eu l'occasion d'exprimer sur l'accroissement des prélèvements les concernant. Si ces dernières peuvent conduire, dans certains cas, à une véritable évasion fiscale et sociale au profit de titulaires de revenus élevés, elles vont peser sur un mode de protection sociale original dont le développement risque d'être, à l'avenir, fortement freiné. Comme pour la CRDS, la taxation des contributions visées soulève des difficultés pratiques indéniables en particulier pour les plus petites entreprises disproportionnées par rapport aux sommes en cause.

Et sur les produits de la participation et des sommes versées dans les plans d'épargne d'entreprise, on notera qu'ils seront désormais précomptés à la fois « à l'entrée » dans les dispositifs et « à la sortie » sur les produits qui en seront issus.

Votre commission rappelle que, jusqu'à une période récente, la participation et l'épargne salariale ont été considérées comme des dispositifs à encourager, bénéficiant de régimes fiscaux et sociaux dérogatoires en droit commun des revenus salariaux. En contrepartie, les sommes étaient bloquées pendant cinq ans. Il s'agissait d'ancrer ces dispositifs dans nos pratiques d'entreprise et de donner un fondement à la participation des salariés à la gestion des entreprises.

Or, ce dispositif est en train de perdre sa spécificité par alignement progressif de son régime d'imposition fiscale et sociale sur les revenus salariaux, ce qui risque de freiner le processus de participation à la gestion qui a déjà bien du mal à se mettre en place.

Il convient de souligner également que 75 % de l'épargne salariale sont répartis sur des comptes inférieurs ou égaux à 21.000 F et apparaissent ainsi beaucoup plus « populaires » que le livret A qui, lui, n'est pas assujetti.

Quant aux rémunérations des travailleurs frontaliers, le débat à l'Assemblée nationale a montré la sensibilité de ce sujet et a conduit, compte tenu de la spécificité de cette population, à retenir une solution que votre commission approuve.

2 - Les revenus de remplacement

On notera pour ces derniers que l'élargissement de l'assiette de la CSG reste en-deçà de l'assiette de la CRDS notamment en matière d'aides personnelles au logement et de prestations familiales.

Surtout, s'agissant des pensions de retraite et d'invalidité, le texte du projet de loi déconnecte l'assujettissement à la CSG de celui de l'impôt sur le revenu. Il transpose ainsi à la CSG les règles en vigueur pour l'exonération de taxe d'habitation des personnes âgées de plus de 60 ans, veuves ou invalides prévues par l'article 1417 du code général des impôts. Celui-ci permet de calculer la CSG sur un revenu constitué pour l'essentiel, avant imputation des réductions d'impôt et avoirs fiscaux.

Il vise à soumettre à la CSG un certain nombre de bénéficiaires de ces pensions qui actuellement ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu et qui se trouveront néanmoins assujettis à la CSG dès lors que leur cotisation d'impôt sur le revenu, recalculée selon les règles de l'article 1417 du code général des impôts, sera supérieure au seuil de mise en recouvrement.

Toutefois, le projet de loi de finances pour 1997 prévoit également de modifier la rédaction de l'article 1417 du code général des impôts, ce qui conduit à faire mention dans le présent projet de loi de la rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 1997.

Ceci montre les difficultés et la complexité du dispositif ainsi mis en place.

3 - Sur les autres revenus

Comme lors de l'introduction de la CRDS, votre commission approuve globalement l'élargissement de l'assiette de la CSG aux revenus du patrimoine et de l'épargne dès lors que demeureront exonérés les produits de « l'épargne populaire » : livrets A des caisses d'épargne, des CODEVI, des livrets d'épargne populaire et des livrets « jeunes ».

Elle relève que le Gouvernement n'a pas étendu l'assiette de la CSG aux ventes de métaux précieux, de bijoux et d'objets d'art, de collection ou d'antiquité comme pour la CRDS.

En ce qui concerne les jeux d'argent, votre commission considère que, comme l'a rappelé M. Charles de Courson à l'Assemblée nationale, au taux de 3,4 %, le rendement initial de la contribution sur les jeux sera au total d'environ 1,27 milliard à raison de 330 millions pour la Française des jeux, 420 millions pour le pari mutuel, 520 millions pour les casinos.

Après examen de ce texte à l'Assemblée nationale, ce rendement a été réduit de 300 millions de francs.

Votre commission relève que la disparité d'assiette, même limitée, entre la CSG et la CRDS ne va pas dans le sens d'une simplification des formalités de précomptes à la charge des organismes employeurs gestionnaires de cette prestation. En particulier, elle ne contribue pas à la simplification de la fiche de paie tant réclamée par les organismes et notamment les PME.

b) La déductibilité de la CSG maladie appelle des réserves

Le principe de la déductibilité de la part de la CSG affectée aux régimes obligatoires d'assurance maladie est annoncé dans le rapport annexé au présent projet de loi. Il est précisé en outre que la disposition sera introduite dans la loi de finances pour 1997 alors que la part affectée à la branche famille (1,1 point) et celle affectée au FSV (1,3 point) demeureraient non déductibles. Le coût de cette mesure avoisine 7 milliards.

Votre commission exprime quelques réserves sur cette disposition tant pour des raisons de principe que pour des considérations d'ordre pratique.

Sur le plan des principes, elle observe que :

- la CSG est une recette de nature fiscale 12 ( * ) comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel par sa décision du 28 décembre 1990 et les impôts ne sont pas déductibles. Le fait que la CSG se substitue en l'espèce à une partie de la cotisation d'assurance maladie ne modifie en rien sa nature juridique. Admettre la déductibilité de la CSG, c'est introduire une disparité de régimes qui juridiquement ne présente aucun fondement et en fait qu'accroître la confusion des règles législatives notamment au regard des deux autres CSG (famille et vieillesse) précédemment mises en place ;

- la déductibilité de la CSG apparaît, en outre, contraire à l'équité et à la justice sociale : elle procure en effet un avantage d'autant plus important que le revenu est élevé et la famille peu nombreuse. Ainsi, comme le note le rapport du Conseil des impôts précité, un ouvrier gagnerait en moyenne 4 fois moins à la déductibilité de la CSG actuelle (2,4 points) qu'un cadre supérieur en raison du taux marginal de l'imposition qui croît avec le revenu.

Elle est également défavorable aux familles puisque l'avantage quelle procure est d'autant plus grand que le nombre de parts du quotient familial est réduit. En perdant son caractère d'impôt proportionnel, la CSG perd également le caractère d'imposition de solidarité qui la caractérise et qui a été consacré par sa codification dans le code de la sécurité sociale en 1993.

D'un point de vue pratique , la déductibilité appelle également des réserves :

- à l'évidence, la multiplication des régimes applicables à des contributions de nature comparable telles que la CSG et le CRDS rend matériellement plus complexe les opérations de précompte à la charge des organismes qui en sont chargés. Mais lorsque la disparité résulte d'une même contribution, la complexité et l'incompréhension qui en résultent pour nos concitoyens ne peuvent qu'être dénoncées ;

- cette disposition sera en outre particulièrement délicate à mettre en oeuvre pour la contribution sur les revenus du patrimoine. La CSG payée en 1997 portera sur les revenus du patrimoine de 1996 mais ne sera déductible du revenu imposable qu'en 1998. En outre, la fraction déductible de la CSG devra venir en déduction du revenu imposable net global en distinguant les revenus relevant du barème progressif et ceux soumis au taux proportionnel comme les plus-values...

c) Les modalités de la substitution de la CSG à la cotisation maladie doivent être équitables

L'opération de substitution de la CSG à la cotisation maladie se décompose en deux volets :

- d'une part, une augmentation de 1 point du taux de la CSG qui portera le taux global de cette contribution à 34 %. La majoration d'un point de CSG déductible procurera 44,3 milliards de francs de recettes supplémentaires. Le rendement total de la CSG sera ainsi porté de 96 milliards à 150 milliards ;

- d'autre part, une baisse d'1,3 point de cotisation maladie qui sera compensée pour chaque régime obligatoire d'assurance maladie.

Votre commission approuve la mesure de substitution ainsi mise en oeuvre. Elle s'inscrit dans la réforme plus générale du financement de la sécurité sociale initiée notamment en 1991 avec la branche famille (avec le financement par le CSG puis l'allégement des taux de cotisations sociales sur les bas salaires compensé par l'État) puis avec la branche vieillesse avec l'instauration du FSV en 1993.

Elle s'interroge néanmoins sur le mécanisme de compensation des allégements de cotisations d'assurance maladie :

1°) Il convient de souligner qu'un point de CSG ayant un rendement inférieur à 1,3 point de cotisation maladie (44,2 milliards contre 45,9 milliards) la substitution se serait révélée défavorable (perte de 1,7 milliard) si une recette nouvelle n'était venue compléter la CSG « maladie » : l'affectation d'une partie des droits sur les alcools prélevés jusqu'ici au profit du FSV d'un montant de 5,3 milliards de francs.

Sur ce montant de 5,3 milliards de francs, ramené à 4,65 milliards à l'Assemblée nationale 13 ( * ) , 1,7 milliard seront directement affectés à la compensation des pertes subies par les régimes du fait de la baisse de leurs cotisations.

La répartition des 3,6 milliards restants devrait théoriquement bénéficier prioritairement à la CANAM et à la CNAMTS puis aux autres régimes présentant un déficit comptable.

En réalité, les simulations réalisées par le ministère et qui figurent dans le rapport de M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, révèlent que seuls la CANAM et la CNAMTS en bénéficieront à hauteur respectivement de 800 millions et 2,8 milliards de francs. Il faut noter que pour la CANAM, les 800 millions prévus correspondent exactement au manque à gagner résultant de l'opération de substitution.

2°) Certaines modalités de substitution mériteraient d'être adaptées à la situation des régimes concernés.

Ainsi pour la CANAM, la répartition de la CSG pourrait être opérée plus équitablement :

- en déplafonnement de 9 points de 5 à 6 fois le plafond de la sécurité sociale ;

- en abaissant corrélativement le seuil de la cotisation de 40 % à 35 % du plafond de la sécurité sociale. Il convient de rappeler que cette cotisation minimale est actuellement d'un montant d'environ 8.400 F pour des revenus inférieurs et égaux à 65.000 F (l'équivalent de 40 % du plafond annuel en vigueur au 1er juillet de l'année considérée).

Le manque à gagner pour la CANAM serait de 400 millions de francs qui pourrait être financé par une part supplémentaire de C3S ou par la seconde répartition prévue par le 2° de l'article L. 139-2 nouveau du code de la sécurité sociale.

3°) L'écart entre le rendement prévu initialement et celui résultant de l'examen par l'Assemblée nationale pèsera sur l'équilibre des régimes à hauteur de 950 millions de francs (650 millions au titre des alcools, 300 au titre de la CSG sur les jeux).

3. Vers une réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales ?

Le problème de la réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales a fait l'objet d'importants débats à l'Assemblée nationale. Les députés ont en effet rappelé l'engagement pris par le Premier ministre le 15 novembre 1995 de procéder à une « réforme des cotisations patronales dont l'assiette devra être diversifiée en intégrant, par exemple, la notion de valeur ajoutée de l'entreprise ».

Le ministre du travail et des affaires sociales a tenu à préciser, notamment en réponse à un amendement présenté par M. Jean-Yves Chamard, que le Gouvernement souhaite en effet revoir les modalités de calcul de là cotisation patronale. A cet effet, il a chargé M. Jean-François Chadelat, actuellement directeur du Fonds de solidarité vieillesse, d'animer un groupe de travail sur ce sujet.

Il ressort des échanges qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale à l'occasion du rapport mentionné à l'article premier du projet de loi de financement de la sécurité sociale que la mise en compte du seul critère de la valeur n'est pas souhaitable. M. Jean-Yves Chamard a proposé d'y ajouter le ratio « nombre de salariés sur chiffre d'affaires ».

a) Effets macro-économiques

Sur le plan macro-économique, les simulations opérées par les institutions de prévision, tels que l'OFCE, indiquent en première analyse 14 ( * ) qu'à prélèvement global inchangé, deux types d'effets seraient à attendre :

- un transfert de charges des entreprises où la part des salaires dans la valeur ajoutée est supérieure à la moyenne vers les entreprises où cette part est inférieure à la moyenne ;

- un allégement du coût relatif du travail par rapport au capital.

Toutefois, il faut noter que ce processus n'aura d'effet qu'à moyen terme (il faut compter plus de cinq ans pour que l'essentiel des effets soit enregistré) et que son incidence sur le niveau du chômage sera secondaire par rapport à l'effet qu'aurait, par exemple, une augmentation d'un point du taux de croissance du PIB.

Par ailleurs, cette mesure aurait une incidence sur le produit des cotisations qui n'évoluerait alors plus de la même manière :

- quand les salaires augmenteraient plus vite que la valeur ajoutée des entreprises (ce qui a été le cas jusqu'au début des années quatre-vingts, le produit des cotisations assises sur la valeur ajoutée progresserait spontanément moins vite que le produit des cotisations assises sur les seuls salaires ;

- le contraire se produirait lorsque les salaires augmenteraient moins vite que la valeur ajoutée ; il est clair que, dans la première moitié des années 90, le produit des cotisations des employeurs aurait ainsi été accru si elles avaient été assises sur la totalité de la valeur ajoutée et non sur les seuls salaires.

En définitive, par rapport à l'assiette actuelle, la valeur ajoutée serait macro-économiquement plus neutre du point de vue de la substitution capital/travail et du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits.

b) Effets ponctuels

Outre les effets rappelés ci-dessus qui ne permettent pas d'escompter une amélioration de l'emploi à court-moyen terme à la suite d'une telle mesure, divers inconvénients doivent être soulignés 15 ( * ) .

En premier lieu, cette mesure risque de pénaliser fortement les entrepreneurs individuels (la rémunération du chef d'entreprise n'étant pas entièrement assimilable à une rémunération du travail mais aussi à un revenu et un amortissement du capital), et, parmi les sociétés, les institutions financières, la location immobilière, le secteur énergétique et le commerce.

En second lieu, plus immédiatement sensible à la conjoncture économique que la masse salariale, le choix d'une assiette valeur ajoutée rendrait difficile la recherche de l'équilibre des comptes sociaux. Connue avec un délai d'un an, il faudrait prévoir un système d'acompte, un tel prélèvement ne pourrait de ce fait jouer un rôle de stabilisateur automatique.

De plus, les difficultés de gestion seraient importantes. Il faudrait tout d'abord instaurer des régimes spécifiques pour les entreprises individuelles soumises au régime forfaitaire -pour lesquelles les renseignements comptables déclarés à l'administration sont, soit inexistants soit fournis à titre purement indicatif-, pour les professions libérales (qui ne tiennent qu'une comptabilité de trésorerie), pour les banques et compagnies d'assurance (qui possèdent un plan comptable différent). Il faudrait ensuite retenir un mode de calcul de l'assiette qui ne tienne pas compte des modes d'acquisition des immobilisations. En comptabilité d'entreprise en effet, la valeur ajoutée dépend étroitement des modes d'acquisition des immobilisations, les loyers de crédit bail étant une charge prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée.

Une autre difficulté majeure serait celle du contrôle. La valeur ajoutée n'est pas en effet une notion utilisée par l'administration fiscale, ni pour asseoir l'impôt, ni pour le contrôler. Des obligations déclaratives nouvelles à accomplir auprès de l'administration fiscale ou d'administration sociale chargée du contrôle devraient donc être créées.

B. LES DISPOSITIONS TENTENT DE REDUIRE DE MANIERE REALISTE, LE SOLDE TENDANCIEL

Le projet de loi de financement pour 1997 propose, par ailleurs, un ensemble de mesures visant à accentuer le rééquilibrage des comptes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. De ces mesures découlent les prévisions de recettes et de dépenses des régimes concernés qui sont soumises au Parlement.

Comme le note le dernier rapport de la Cour des Comptes, ces prévisions ont pris, avec la loi de financement, une importance accrue : de leur qualité dépendra, en effet, celle des schémas de financement qui sont débattus puis votés par le Parlement.

Par ailleurs, ces prévisions permettent au Parlement d'appréhender le solde prévisionnel des régimes concernés et d'engager un large débat sur les moyens envisageables pour parvenir progressivement à l'équilibre.

1. Des prévisions de recettes cohérentes avec les hypothèses macro-économiques retenues pour le projet de loi de finances pour 1997

Les prévisions de recettes appellent deux observations principales.

a) Une dépendance toujours très forte à l'égard de la conjoncture

Les prévisions macro-économiques sont rappelées dans l'examen des articles et résumées ci-dessous :

Les prévisions de recettes présentées à l'article 2 du projet de loi permettent de constater que 80 % de celles-ci proviendront de cotisations. Or, les dernières sont très largement dépendantes des hypothèses macro-économiques concernant la masse salariale.

Au cours des dernières années et plus particulièrement pour l'exercice 1996, on a pu se rendre compte de la rapidité des retournements conjoncturels et des limites des prévisions réalisés par les instituts comme par le Gouvernement.

La Cour des Comptes a également souligné d'autres facteurs relativisant les prévisions de recettes. Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, elle note que le développement des exonérations de cotisations introduit un élément de fragilité dans les prévisions de recettes du régime général, dans la mesure où il déconnecte les encaissements de cotisations des URSSAF de l'évolution de la masse salariale. Une étude de la direction de la prévision fait ressortir que, sur la période 1997-1995, lorsque l'accroissement de la masse salariale est de 1 %, celui des cotisations du secteur privé est de 0,93 % seulement.

L'estimation prévisionnelle des transferts de l'État pose des problèmes spécifiques liés notamment, selon la Cour, au « souci de minimiser le déficit budgétaire et la croissance des dépenses de l'État qui a pu conduire à sous-estimer certains transferts aux régimes sociaux ».

Telles qu'elles résultent du présent projet de loi, les prévisions de recettes apparaissent en accord avec les hypothèses retenues pour le projet de loi de finances et que, par conséquent, leur fiabilité est la même que pour celle des recettes prévisionnelles du budget de l'État pour 1997.

Il faut noter une prévision d'évolution des effectifs de 0,8 % (soit 150.000 créations d'emplois) assez volontariste. La progression des recettes paraît également sensiblement supérieure à la masse salariale avec 1.658,9 milliards en 1997 contre 1.601 milliards en 1996 (+ 3,6 %).

b) Le recours à de certaines recettes ponctuelles

La seconde caractéristique qui apparaît à l'analyse est que les recettes soumises au Parlement présentent, pour un nombre non négligeable d'entre elles, un caractère ponctuel.

Ainsi en est-il, en premier lieu, de diverses mesures intéressant le régime général :

- l'intégration financière du régime militaire de sécurité sociale va permettre un transfert des réserves accumulées par ce régime à hauteur d'environ 1,2 milliard. Comme cela est rappelé dans le commentaire de l'article 26, ces réserves sont le résultat du mécanisme de compensation qui a pour effet de suréquilibrer ce régime par des transferts en provenance pour l'essentiel du régime général. Sans contester l'opportunité de la mesure prévue par le présent projet de loi de financement, on peut noter que le produit résultant de cette opération n'est pas reconductible puisqu'il s'agit d'un excédent cumulé sur plusieurs exercices ;

- le versement exceptionnel de l'État au titre du règlement du contentieux EDF/GDF alourdira la branche maladie à hauteur de 3 milliards en 1997. Le projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique, actuellement en discussion au Parlement, a prévu une validation des versements de cotisations effectués jusqu'au 31 décembre 1996 sur la base de l'arrêté interministériel du 29 juin 1960 fixant le taux et l'assiette des cotisations à verser au titre des assurances sociales pour les salariés bénéficiaires des dispositions du statut national du personnel d'industries électriques et gazeuses. Cet arrêté avait été déclaré illégal par le Conseil d'État le 10 juillet 1996. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 1996, l'État reversera au régime général les sommes correspondant au règlement de ce contentieux.

S'agissant des autres régimes, on peut également relever des mesures d'une portée purement conjoncturelle :

- la plus évidente concerne la caisse de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) qui bénéficiera des réserves constituées au titre de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales pour un montant fixé à 4,5 milliards par l'article 30 du présent projet de loi. Cette mesure est destinée à permettre à ce régime de préserver son équilibre jusqu'en 1998, date à laquelle se reposera inévitablement la question de la couverture de ses besoins structurels de financement.

Votre commission des affaires sociales ne peut que, une fois encore, regretter qu'une réflexion approfondie sur les causes du déséquilibre financier de ce régime, n'ait pas été engagée et que des solutions plus satisfaisantes n'aient pas été proposées.

- les régimes des travailleurs non salariés non agricoles sont également visés par une mesure temporaire prévue à l'article 31 du projet de loi. Ce dernier prévoit qu'à titre exceptionnel, le solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (la C3S) sera entièrement affecté à la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA contribuant ainsi à leur équilibre pour 300 millions supplémentaires, au-delà des quelque 14 milliards qui leur sont déjà versés à ce titre.

Pour les autres aspects de ces versements, on se reportera à l'examen des articles susmentionnés. En tout état de cause, l'importance de ces mesures de nature ponctuelle conduit à s'interroger d'ores et déjà sur les nouvelles recettes qui devront être recherchées pour les régimes concernés, soit un montant de 9 milliards.

*

Votre commission relève qu'à l'issue de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, les prévisions de recettes ont été minorées de 950 millions de francs, représentant le coût des amendements adoptés sur le produit brut et les gains des casinos ainsi que sur les droits relatifs aux alcools.

Elle considère, par souci de rigueur et compte tenu du solde des régimes de sécurité sociale qui s'établit ainsi à 26,9 milliards, que l'objectif du Sénat doit être de ramener les comptes aussi près que possible de l'équilibre, notamment en proposant de nouvelles recettes.

2. Des objectifs de dépenses qui traduisent un réel freinage

Les objectifs de dépenses fixés par le Gouvernement tendent à montrer un freinage réel des dépenses dont le taux de progression passe de 2,9 % entre 1995 et 1996 à 2,3 % entre 1996 et 1997 (voir l'examen de l'article 3).

Par rapport au solde tendanciel, le projet de loi de financement 1997 propose de ramener les dépenses de 1690,4 milliards à 1684,9 milliards, soit un écart de 5,5 milliards.

Toutefois on ne peut que constater la disparité des données statistiques fournies par le Gouvernement et celles présentées par la Commission des comptes de la sécurité sociale qui ne reposent pas sur les mêmes conventions (la différence portant sur plus de 100 milliards !)

Évolution des dépenses de la sécurité sociale

Il faut noter que le freinage porte principalement sur la branche maladie qui progressera de 1,9 % en 1997, soit une évolution proche de l'inflation prévisionnelle (1,7 %)

En revanche, les dépenses des branches famille et accidents du travail progressent de plus de 10 points pour les raisons qui sont explicitées sous l'article 3 du projet de loi (+ 11,4 % pour la branche accidents du travail et + 10,55 % pour la branche famille)

La branche vieillesse enregistre une croissance relativement modérée (+ 2,58 %). La ventilation par branche confirme par ailleurs le poids pris par les prestations dans l'ensemble des dépenses de sécurité sociale puisque leur montant totalise 44 %.

Pour 1997, si les objectifs des dépenses sont respectés, la part des différentes branches dans le total des dépenses s'établira ainsi :

La branche maladie quant à elle, représente 39 % du total, le reste étant partagé entre la famille (14 %) et les accidents du travail (3 %).

La maîtrise des dépenses d'assurance maladie ne saurait donc suffire à moyen terme. Elle devra également s'accompagner d'une réflexion sur l'évolution de la branche vieillesse comme l'a démontré le rapport du Commissariat général au plan sur les perspectives d'évolution des régimes de retraite élaboré par un groupe de travail sous la direction de M. Raoul Briet, en 1995. Si pour le régime général la réforme instituée par la loi du 23 juillet 1993 a contribué au freinage des dépenses, le problème reste entier pour les autres régimes.

Votre commission relève également l'importance des économies proposées au titre de l'exercice 1997.

Les économies porteront sur l'ensemble des branches à travers d'une part la fixation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie et d'autre part la réforme des aides au logement et de l'allocation de parent isolé, le non-cumul de l'abattement temps partiel et des conventions de préretraite. Leur rendement total avoisine 5 milliards.

3. L'amélioration du solde tendanciel

L'analyse du solde entre les prévisions de recettes de l'article 2 et celles des dépenses de l'article 3 est certes à manier avec précaution.

En effet, les prévisions de recettes portent sur l'ensemble des régimes alors que les objectifs de dépenses ne concernent que les régimes obligatoires de base de plus de 20.000 cotisants, actifs ou retraités.

Cette différence a été souhaitée par le Gouvernement qui n'envisageait pas de transformer les lois de financement en lois de finances sociales dotées d'un article d'équilibre.

Les dépenses retenues ne couvrent que 99 % de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Les dépenses devraient être majorées d'environ 4,5 milliards selon la commission des finances de l'Assemblée nationale pour harmoniser les agrégats. Cet écart correspond aux dépenses des « petits régimes » (moins de 20.000 cotisants) et à des opérations en capital à hauteur respective de 2,5 et 2 milliards 16 ( * ) .

En s'en tenant aux seules données du projet de loi, les chiffres présentés aux articles 2 et 3 du projet de loi, on constate que l'écart initial était de 26 milliards et est passé à 26,9 milliards après son passage à l'Assemblée nationale. Il convient de noter que le solde tendanciel pour 1997, avant mesures, s'établissait à 43,7 milliards en 1997 (et à 44,8 milliards dans les prévisions pour 1996 et 57,9 milliards de francs dans les résultats pour 1995).

Outre le freinage constaté entre 1995 et 1997, on note que l'amélioration du solde ainsi projetée est de l'ordre de 17 milliards (solde tendanciel moins solde prévisionnel).

S'agissant de la situation du régime général, le redressement est encore plus net. Les évolutions prévisionnelles sont rappelées dans le tableau ci-joint :

Solde prévisionnel 1997 du régime général par branche

(en millions de francs)

Par ailleurs, le tableau suivant détaille l'ensemble des mesures prévues dans le cadre du projet de loi de financement pour le seul régime général :

Schéma de redressement financier du régime général pour 1997

* *

*

Pour autant, le rééquilibrage amorcé suscite quelques interrogations.

La première concerne le financement du solde constaté fin 1997. Si pour l'exercice 1997, le déficit du régime général est bien ramené à - 29,7 milliards, il convient de rappeler que pour l'exercice 1996 le solde du régime général devra s'établir à - 35 milliards (à vérifier) soit au total un solde cumulé d'environ - 66 milliards. La commission des Affaires sociales entend donc interroger le Gouvernement sur les moyens qui seront mis en oeuvre pour assurer une résorption de ce déficit.

Elle se demande, à cet égard, si une opération comparable à l'externalisation de la dette sociale réalisée par la création de la CADES est susceptible d'être renouvelée. Elle paraît pourtant difficilement envisageable tant en raison des dispositions prévues par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 que des conséquences sur les marchés financiers déjà très sollicités par la CADES.

Elle relève que selon les travaux du Service des Études du Sénat (Division des Études macro-économiques), les déficits spontanés des comptes sociaux (imputables essentiellement à l'assurance maladie) nécessiteraient une augmentation de 1 point de la CSG en 1998 en raison de recettes encore insuffisantes face à un freinage des dépenses qui paraît encore difficile à obtenir à court terme.

Votre commission s'interroge parallèlement sur les prochaines étapes de la substitution de la CSG aux autres cotisations d'assurance maladie et sur les conséquences de la mise en place des lois de financement, vis-à-vis des régimes spéciaux. Ne va-t-on pas vers une unification des ressources conduisant à une harmonisation des prestations ? Ce thème sera abordé dans la seconde partie de ce rapport.

C'est dans cette perspective que la commission des affaires sociales vous suggère de porter les efforts du Parlement afin de déterminer les régimes concernés par la loi de financement et tout particulièrement le régime général sur les conditions nécessaires à leur retour à l'équilibre financier.

DEUXIEME PARTIE - ASSURANCE MALADIE

L'année 1996 a été une année difficile pour l'assurance maladie, ses comptes et ses principaux acteurs. En effet, alors que les comptes de l'assurance maladie présentent un déficit persistant, l'inquiétude des professions de santé alourdit le climat dans lequel se déroule une progressive refondation de l'assurance maladie et du système de santé.

I. UNE ANNÉE DIFFICILE POUR L'ASSURANCE MALADIE

A. UN DEFICIT PERSISTANT, MAIS DES SIGNES ENCOURAGEANTS EN FIN D'ANNEE

Après les bons résultats de 1994 consécutifs à la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie et à l'application du plan Veil de sauvegarde de la sécurité sociale, l'année 1995 avait été caractérisée par une très forte dégradation des comptes avec un déficit de 39,7 milliards de francs pour la seule branche maladie du régime général.

En 1996, malgré les mesures exceptionnelles de redressement évoquées dans le rapport consacré aux équilibres financiers généraux de la sécurité sociale, l'ampleur du déficit n'a été réduite que de 6 milliards de francs.

La Commission des comptes de la sécurité sociale estime en effet que le solde négatif de la branche maladie du régime général s'établira à - 33,6 milliards de francs en 1996 et à - 31,2 milliards de francs en 1997.

Si la situation très dégradée des comptes de cette branche s'explique en partie par l'atonie des recettes, il convient aussi d'analyser la progression des dépenses : le redressement des comptes de l'assurance maladie passe en effet, tout le monde en est conscient, par une maîtrise de la progression des dépenses.

Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, les dépenses remboursées d'assurance maladie (soins de santé et prestations en espèces) devraient ainsi progresser de 2,9 % en 1996.

Il convient d'analyser cette progression poste par poste, en rappelant les dispositifs de régulation applicables aux professions de santé et les efforts accomplis cette année par chacune d'entre elles.

1. L'hôpital : une augmentation des dépenses de 2,1 %

L'histoire du taux directeur d'évolution des dépenses hospitalières est celle d'une politique rigoureuse, malheureusement toujours un peu contredite en fin d'année par les réalisations.

Depuis l'institution du budget global, la progression des dépenses hospitalières a fortement ralenti, passant d'un niveau de 12,6 % en moyenne annuelle sur la période 1980-1985 à 5,6 % sur la période 1985-1990, mais toujours avec un temps de retard par rapport aux décisions concernant le taux directeur annuel.

Cette évolution heureuse s'est cependant arrêtée à partir de 1990, le taux d'évolution des dépenses hospitalières ayant été compris entre 5,5 % et 7 % à l'exception de l'année 1994 où il s'est établi à 4,5 %. En 1995, alors que le taux directeur hospitalier était fixé à 3,8 %, les dépenses d'hospitalisation de l'assurance maladie ont progressé de 5,85 %.

Le Gouvernement a souhaité, pour 1996, donner un double coup d'arrêt à ces mauvais résultats, en prenant trois mesures :

- d'une part, le taux directeur pour 1996 a été fixé à 2,1 %, soit 0,2 % de plus que le taux prévisionnel d'inflation ;

- d'autre part, les dépenses hospitalières ont revêtu cette année un caractère limitatif ;

- enfin, les enveloppes budgétaires correspondant à la mise en oeuvre de certaines actions prioritaires pour la santé publique (périnatalité et prise en charge sanitaire des détenus) ont été révisées afin de prendre en charge le coût supplémentaire généré par les trithérapies.

Le taux de 2,1 % prévu pour 1996 était composé de deux éléments :

- 1,4 % ont été accordés à tous les hôpitaux ;

- 0,7 % correspondaient à une marge de manoeuvre régionale à disposition des autorités sanitaires déconcentrées.

Compte tenu de la hausse du forfait hospitalier décidée à l'automne, les objectifs prioritaires de santé publique que constituent le Sida, l'hépatite C, la toxicomanie, la réforme de la transfusion sanguine, qui représentent un taux de 0,41 % ont été de fait financés par les établissements grâce aux moyens supplémentaires, évalués à 0,51 %, dont ils ont disposé à la suite de cette augmentation.

En réalisation, la commission des comptes prévoit, pour le régime général, un taux de progression des dépenses d'hospitalisation de 2,7 % (hors mesures de régularisation au titre de 1995). Le décalage entre ce taux et celui de 2,1 % correspond à l'augmentation de la part du régime général dans le financement inter-régimes de la dotation globale hospitalière.

Il semble que l'application de ce taux directeur n'ait pas pu se faire à moyens constants pour les hôpitaux. Cela ne doit pas être une surprise, la fixation d'un taux directeur rigoureux devant inciter les établissements à entreprendre une réévaluation de chaque dépense et de nécessaires restructurations.

Lors de l'annonce de ce taux, le président de la Fédération Hospitalière de France avait estimé qu'il conduirait les établissements à geler environ 8.000 postes cette année. Les dépenses de personnel représentant en effet environ 70 % des budgets hospitaliers, et constituent donc le premier poste concerné par les restrictions budgétaires.

2. Les médecins libéraux : malgré un mauvais premier semestre, le respect de l'objectif de 2,1 % n'est pas hors de portée

a) Un objectif prévisionnel 1996 rigoureux

Malgré un début d'année marqué par de forts dérapages, la commission des comptes estime que l'objectif de progression des dépenses, à savoir 2,1 %, sera respecté.

En 1996, l'objectif prévisionnel de dépenses applicable aux médecins n'a pas été déterminé selon les procédures conventionnelles habituelles. Jusqu'à la promulgation de l'ordonnance relative à la maîtrise des dépenses de médecins de ville, celles-ci résultaient de l'application de l'article L. 162-6-1 du code de la sécurité sociale qui disposait que, chaque année, une annexe à la convention déterminerait les objectifs prévisionnels concernant l'activité des généralistes et des spécialistes. Et, à défaut d'accord entre les partenaires conventionnels, l'article L. 162-6-2 dudit code prévoyait la reconduction des objectifs de l'année précédente.

Or, l'article premier de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale a prévu la possibilité de déroger, pour l'année, aux dispositions de l'article L. 162-6-2.

En effet, en cas de désaccord entre les partenaires conventionnels, le Gouvernement ne souhaitait pas qu'intervienne une reconduction des objectifs qui n'aurait pas été compatible avec le redressement des comptes de l'assurance maladie.

Il a donc inscrit dans l'ordonnance qu'à défaut d'accord entre partenaires conventionnels, un arrêté ministériel pourrait fixer l'objectif prévisionnel pour 1996. L'ordonnance a aussi prévu le maintien en vigueur des références médicales et du mécanisme de sanction y afférent en cas d'absence d'accord conventionnel.

Un tel accord n'ayant pu être trouvé au 15 janvier 1996, date limite d'approbation de l'annexe annuelle retenue par l'ordonnance, un arrêté du 8 mars 1996 a fixé à 2,1 % l'objectif prévisionnel pour l'année. Un seul taux a été retenu pour les spécialistes et les généralistes. Ce taux de 2,1 %, on l'a vu, a également été retenu pour les hôpitaux sous dotation globale.

b) De mauvais résultats au cours des sept premiers mois de 1996, notamment pour certains régimes et certaines catégories d'honoraires

Pour les sept premiers mois de l'année, le taux d'évolution des dépenses entrant dans le champ de l'objectif prévisionnel a été beaucoup plus élevé que l'objectif (4,6 % contre 2,1 %). Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, il faut cependant tenir compte d'effets de calendrier qui ont « gonflé » le taux des sept premiers mois.

Si l'on analyse la progression des dépenses médicales (honoraires et prescriptions) par régime sur les six premiers mois, il faut notamment souligner les mauvais résultats enregistrés par :

- la SNCF + 8,5 %

- la caisse militaire + 7,8 %

- le régime des mines + 7,9 %.

Poste par poste, tous régimes confondus, les progressions les plus significatives au premier semestre en ce qui concerne les honoraires ont été :

- les consultations + 5 %

- les actes en KC +5 %

et surtout :

- les actes en SPM +14,5 %

- les honoraires de surveillance + 13,6 %

- les frais de déplacement des médecins + 13,6 %

Quel que soit l'effort entrepris jusqu'à la fin de l'année, il faut craindre que le respect de l'objectif ne soit pas assuré pour certains de ces régimes ou postes de dépenses. Cette situation devrait appeler une attention particulière de la part des partenaires conventionnels.

c) Les prévisions de la Commission des comptes sont néanmoins optimistes

Pour l'ensemble de l'année 1996 et le seul régime général, les prestations correspondant aux consultations augmenteraient, selon la Commission des comptes,

- de 5,4 % pour les omnipraticiens

- de 3,5 % pour les spécialistes.

Les prestations correspondant aux frais de déplacement des médecins augmenteraient de 7,1 % et les honoraires de surveillance de 6,6 %.

La Commission des comptes estime néanmoins qu'en 1996, les dépenses relatives à l'activité des médecins évolueraient conformément à l'objectif d'évolution des dépenses, soit 2,1 % pour la dépense remboursable et 2,3 % pour la dépense remboursée.

Il faut toutefois noter le caractère quelque peu volontariste (tautologique ?) de cette « prévision » : à la page 62 de son rapport, la Commission des comptes « prévoit » en effet que la dépense remboursable évoluera de 2,1 % mais affirme que cette « prévision » repose sur « l'hypothèse » que les médecins respecteront leur objectif...

Plutôt que les prévisions, les chiffres des mois de juin, juillet et août sont à considérer attentivement. Au cours de ces trois mois, l'évolution des dépenses de remboursement d'honoraires médicaux a été négative pour le régime général, avec - 0,3 % en juin, - 0,3 % en juillet et - 0,5 % en août.

De bons résultats sont également constatés sur ces trois mois pour les dépenses correspondant aux prescriptions (biologie, auxiliaires médicaux), si l'on excepte les médicaments.

Si cette tendance se poursuit, l'objectif de 2,1 % pourrait être respecté en 1996 : il n'est donc plus hors de portée.

d) Les leçons de l'année 1996

Si l'objectif de 2,1 % est respecté cette année, ce respect aura reposé sur le seul « climat » de maîtrise des dépenses né de l'affichage d'une politique gouvernementale rigoureuse.

En effet, le blocage de la vie conventionnelle constaté en 1996 s'est traduit par l'absence de nouvelles références médicales opposables aux médecins et par celle d'un véritable contrôle de l'application des références médicales existantes.

Cela a quelque peu « démédicalisé » le dispositif de maîtrise applicable aux médecins en 1996.

Certes, l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 avait prévu de maintenir l'opposabilité de ces références en l'absence d'accord entre partenaires conventionnels.

Mais la pratique a montré qu'en l'absence de vie conventionnelle, l'opposabilité des références, juridiquement fondée, est restée lettre morte en pratique.

L'expérience de l'année 1996 montre ainsi à quel point il est nécessaire et urgent de redonner un contenu à la vie conventionnelle et de rétablir le dialogue entre pouvoirs publics, caisses et médecins.

3. Les établissements de santé privés : un objectif de 1,9 % difficile à respecter

Par un accord du 9 février 1996, l'État, les caisses nationales d'assurance maladie et les organisations représentatives des établissements de santé privés sont convenus que l'objectif quantifié national, c'est-à-dire le montant total des frais occasionnés par les soins délivrés dans des établissements de santé privés conventionnés résulterait de l'application d'un taux de 1,91 % aux remboursements effectués par l'assurance maladie en 1995.

Ce taux est en forte baisse par rapport à l'objectif de 3,1 % qui avait été négocié en 1995, et que les établissements de santé avaient fait mieux que respecter, leurs dépenses n'ayant progressé que de 2,4 %. Le taux de 1,91 % inclut le financement des moyens nécessaires à la généralisation du PMSI, évalués à 0,6 %.

Sa fixation s'est accompagnée d'un relèvement de 2 % des prix de journée en médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique, moyen séjour et psychiatrie, qui a pris effet au 1er avril 1996.

Les résultats des six premiers mois de 1996 montrent que l'objectif a été dépassé de 1,60 %, les dépenses ayant particulièrement progressé en moyen séjour (6,80 %) et, à un moindre degré, en médecine.

Pour l'ensemble de l'année 1996, mais pour le seul régime général, la Commission des comptes prévoit que les dépenses correspondant aux frais de séjour et aux dépenses forfaitaires progresseront de 3 %, l'ensemble des dépenses y compris les honoraires, la biologie et l'appareillage progressant d'un taux voisin de 2,9 %.

Parmi les postes dont la progression est très au-delà des objectifs, citons :

- les dépenses forfaitaires de dialyse, radiothérapie, chimiothérapie, réadaptation fonctionnelle, forfaits enfance et adultes handicapés........................................+ 14,4 %

- les dépenses de biologie...............................................................+ 7 %

Cependant, comme pour les soins médicaux, les chiffres des mois de juillet et août sont bons pour les établissements de santé privés : les versements de l'assurance maladie (régime général) aux établissements de santé privés ont en effet régressé de 0,3 % en août après avoir baissé de 0,2 % au mois de juillet.

Cette amélioration pourrait, là aussi, conduire au respect de l'objectif sur l'ensemble de l'année 1996.

4. Les laboratoires privés d'analyse pourraient, cette année encore, respecter un objectif en forte baisse

Pour 1996, l'accord conclu le 11 mars entre l'État, les caisses d'assurance maladie et les organisations représentatives des laboratoires d'analyse de biologie médicale a fixé à 1,3 % l'objectif quantifié national, applicable au montant total des frais d'analyses et examens de laboratoires pris en charge par les régimes d'assurance maladie.

A ce taux, il faut ajouter des dotations affectées au Fonds d'adaptation du secteur de la biologie (50 millions de francs) et au financement de l'Observatoire de la Biologie (5 millions de francs).

Les partenaires conventionnels sont convenus de la répartition des reversements qui restaient dus à la profession :

- maintien, en 1996, des mesures de nomenclature et de revalorisation de la lettre clé B intervenues en application de l'accord du 12 janvier 1995 ;

- mise en oeuvre de nouvelles mesures de nomenclature (42 millions de francs).

Pour les six premiers mois et les trois principaux régimes (CNAM, CANAM, MSA), la progression constatée a été de 0,7 %. Dès lors, en 1996, les laboratoires, une fois encore, ont de bonnes chances de respecter l'objectif fixé, même si la Commission des comptes estime à 1,9 % la progression qui sera réalisée pour le seul régime général, pour les actes en B, BM, BP et KB.

5. Les infirmières libérales : le respect de l'objectif est incertain

L'objectif de 2,8 % sera difficile à respecter. Pour les six premiers mois de 1996, les dépenses liées aux actes infirmiers dans les principaux régimes (CNAM, CANAM, MSA) ont progressé de 5,9 %.

La prévision de la Commission des comptes pour le régime général et la totalité de l'année 1996 est elle aussi très supérieure à l'objectif fixé à 2,8 %.

6. Les médicaments remboursables : cette année encore, les chiffres risquent d'être décevants

a) Des résultats peu satisfaisants en 1995, 1996 et 1997 selon la Commission des comptes

La part de la consommation pharmaceutique dans le produit intérieur brut augmente de manière quasi continue :

1985 1,37 % du PIB

1990 1,48 % du PIB

1995 1,64 % du PIB

Le médicament représentait, en 1995, 13,2 % des remboursements effectués par le seul régime général, ce pourcentage devant être porté à 15 % selon le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique si l'on inclut le médicament hospitalier.

En moyenne, ce poste a crû, entre 1985 et 1995, de 6,5 % chaque année.

Avec l'application de l'accord cadre, du plan Veil de sauvegarde de l'assurance maladie et des nouvelles références médicales pour les médecins, cette tendance avait été stoppée en 1994 les remboursements de médicaments ont, non plus progressé, mais diminué de 0,2 % il y a deux ans.

Cette accalmie a été de courte durée, les remboursements ayant progressé en 1995 de 6,9 % pour l'ensemble des régimes et de 7,9 % pour le seul régime général, malgré la généralisation des conventions conclues entre le comité économique du médicament et les laboratoires pharmaceutiques.

Les résultats pour 1995 ont incité le gouvernement à solliciter l'industrie pharmaceutique à hauteur de 2,5 milliards de francs dans le cadre des mesures d'urgence destinées au redressement des comptes de l'assurance maladie. Compte tenu de l'existence de conventions entre l'État et les laboratoires, votre Commission estime qu'il aurait du être possible de sanctionner les laboratoires à hauteur des dépassements ou dérives constatées, et non par une mesure d'application générale et trop indépendante des résultats de la politique menée depuis 1994.

Le résultat pour 1996 s'annonce, lui aussi, assez décevant : la Commission des comptes de la sécurité sociale estime en effet à 5,2 % l'augmentation des remboursements du régime général pour l'ensemble de l'année (effet volume : 5,2 % et effet prix nul).

L'année 1997, enfin, serait également mauvaise pour le régime général avec un taux de progression de 5,6 % dont 6,3 % en volume et - 0,6 % en prix.

Au passage, on comprend mal, pour les années récentes, les effets prix négatifs annoncés par la Commission des comptes (1993 : - 0,8 % ; 1994 : - 0,8 % ; 1995 : - 0,4 %), le prix moyen pondéré des spécialités remboursables ayant progressé pendant toute la période selon la société IMS (1992 : 23,11 francs ; 1993 : 24 francs ; 1994 : 24,73 francs ; 1995 : 25,90 francs).

Au vu de ces évolutions, votre commission souhaite attirer l'attention sur deux éléments.

b) D'importants transferts entre l'hôpital et la médecine de ville doivent être soulignés

Selon un rapport de l'IGAS cité par le journal Le Monde, le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique réalisé à l'hôpital a triplé entre 1984 et 1994, soit une progression annuelle de 11,5 % et un volume global de près de 11 milliards de francs en 1994. Ce chiffre d'affaires serait réalisé, pour 36 % dans les CHU, 33 % dans les centres hospitaliers et 26 % dans les cliniques, les 5 % restants représentant les hôpitaux psychiatriques et les centres de lutte contre le cancer.

Cette importante progression est due à celle de la réserve hospitalière dans les années 80-90, notamment pour des médicaments innovants et coûteux destinés à traiter le Sida ou les hépatites B et C. En outre, dans les dix premières spécialités vendues à l'hôpital, trois étaient des médicaments destinés à traiter les effets iatrogènes d'autres médicaments.

Cette croissance de la consommation hospitalière plus rapide que celle de la consommation en ville s'est réalisée sans dommage majeur pour l'assurance maladie, les dépenses de médicament à l'hôpital étant prises en charge dans le budget global hospitalier dont le taux d'évolution annuel a fait l'objet d'un encadrement administratif.

Ces données risquent d'être moins vérifiées à l'avenir, un nombre croissant de médicaments forts coûteux sortant de la réserve hospitalière ou étant directement commercialisés en ville.

Ainsi, pour le traitement de l'hépatite C, l'interféron peut désormais être prescrit en ville.

Un arrêté du 30 janvier 1996 a ainsi inscrit sur la liste des médicaments remboursables les interférons alpha 2a et 2b (Laroféron et Viraféron) qui seront commercialisés en officine.

La rétrocession par l'hôpital de ces médicaments (qui représentent, selon l'IGAS, 20 % des budgets des CHU pour l'ensemble des médicaments de la réserve hospitalière) n'est donc plus possible.

Source : Droit et pharmacie actualités

Selon le journal « Panorama du Médecin », environ 15.000 patients bénéficient actuellement de l'interféron, alors que 150.000 à 200.000 en auraient besoin.

L'évolution ci-dessus mentionnée pour l'hépatite C concerne ou concernera prochainement d'autres médicaments, notamment en cancérologie et dans le cadre du traitement du Sida.

Selon la Commission des comptes, la part de médicaments prescrite par les médecins hospitaliers a ainsi progressé de 18,5 % en 1996. Les pouvoirs publics doivent en tenir compte dans l'articulation des dispositifs de maîtrise des dépenses de santé à l'hôpital et en ville.

c) L'accord-cadre conclu entre l'État et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique : la commission des Affaires sociales souhaiterait obtenir un bilan détaillé.

Alors que les chiffres concernant l'évolution des dépenses de médicaments en 1995, 1996 et 1997 ne s'annoncent pas très bons, la commission des Affaires sociales aimerait disposer d'un bilan de l'application de l'accord-cadre conclu entre l'État et le Syndicat National de l'Industrie Pharmaceutique.

Cet accord arrive à expiration à la fin de l'année. Pourtant, si l'on excepte les données chiffrées relatives au nombre d'accords conclus entre le comité économique du médicament et les laboratoires, le Parlement n'a jamais été destinataire d'aucune information précise sur le fonctionnement et les résultats de ces conventions.

Bien sûr, l'industrie pharmaceutique est une industrie, au sein de laquelle l'emploi continue d'augmenter et qui réalise le cinquième de son chiffre d'affaires à l'export.

La politique du médicament remboursable ne peut ni ne doit donc être conduite selon les mêmes modes que les politiques de maîtrise des dépenses menées en direction des autres secteurs du système de santé.

La commission des Affaires sociales estime cependant que le comité économique du médicament, qui agit au nom de l'État, n'aurait rien à perdre en renforçant la transparence de sa politique.

7. Relevé des prestations à fort taux de progression pour le régime général en 1996

Au sein des tableaux fort détaillés du rapport de la commission des comptes concernant le régime général, votre commission a observé certains taux de progression élevés ou très élevés :

B. DES PROFESSIONNELS DE SANTE INQUIETS

La persistance des déficits de l'assurance maladie et les mesures de redressement engagées par le Gouvernement s'inscrivent dans un contexte de profonde inquiétude, voire de désarroi des professionnels de santé.

A une crise d'identité des médecins se superposent les craintes de l'inégalité de la répartition de l'effort et de redéploiements pourtant reconnus comme inévitables.

1. En fond de tableau : une crise d'identité des médecins (du demi-dieu au bouc émissaire)

Sans s'aventurer dans des considérations sociologiques ou de psychologie collective, il est patent que les médecins doivent aujourd'hui affronter une véritable crise d'identité collective.

« La médecine a été et reste toujours pour moi une vocation et une sorte de sacerdoce (...). On « naît » médecin. J'en ai la vocation depuis l'enfance (...). On ne doit pas résister à l'appel d'une vocation (...). On entre en médecine comme on entre en religion » 17 ( * ) .

Ces propos de médecins trouvent leur écho dans ceux de Léon Daudet en 1930 2 : « On se représente difficilement aujourd'hui le prestige dont jouissaient la médecine et les médecins dans la société matérialiste d'il y a trente ans. Le « bon docteur » remplaçait le prêtre, disait-on et la haute influence morale et sociale appartenait aux maîtres des corps, aux dispensateurs des traitements et régimes. Il semblait entendu que les savants étaient des hommes à part, échappant aux passions et aux tares habituelles, toujours désintéressés, souvent héroïques, quelquefois sublimes. Piliers de la République, bénéficiant de toutes les déclarations et hautes faveurs du régime ».

A la fois homme d'un art, d'une science et d'un sacerdoce, le médecin a vu son activité se banaliser alors même que la médecine faisait d'immenses progrès.

Dans un contexte d'amélioration du niveau général d'éducation de la population française, le nombre de médecins a crû de 470 % en 40 ans : il est passé de moins de 40.000 en 1955 à 185.000 aujourd'hui.

La crise vécue par les médecins peut être appréhendée à partir de plusieurs indices.

a) Premier indice : la féminisation s'accélère

La très forte augmentation de la densité médicale est allée de pair avec une féminisation croissante, les femmes représentant désormais plus du tiers du nombre des médecins.

Cette évolution est particulièrement visible dans certaines disciplines qui, à l'inverse de la gynécologie ou de la dermatologie, ne se sont féminisées que récemment. Ainsi, si le pourcentage de femmes est inférieur au tiers chez les pédiatres de plus de 55 ans, il représente plus de 75 % chez les pédiatres de moins de 35 ans.

b) Deuxième indice : aux États-Unis, les médecins salariés sont désormais plus nombreux que les médecins libéraux isolés

Une étude du « Journal of the American médical association », réalisée aux États-Unis, pourtant pays de la « libre entreprise », révèle que, depuis 1992-1993, les médecins salariés sont devenus plus nombreux que les libéraux exerçant seuls en cabinet.

Les médecins salariés représentent désormais 42,3 % de l'effectif total (24,2 % en 1983), les libéraux ne représentant plus que 28,4 % (35,3 % en 1983). Le reste de l'effectif médical est, selon le Quotidien du médecin qui rapporte cette étude, employé par de petits cabinets de groupe.

Certains médecins français, qui, depuis des années, protestent contre les « rigidités », le « carcan » de la « sécurité sociale pour tous » et s'abritent derrière le rempart des principes de la médecine libérale inscrits dans le code de la sécurité sociale ( art. L. 162-2 : « Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin » ) perçoivent bien que l'évolution étudiée aux États-Unis ne doit pas être appréciée à la seule aune de l'amour du paradoxe.

Elle montre bien que l'activité du médecin s'est banalisée, qu'il devra lui aussi se soumettre, par exemple, à l'évaluation de son activité et à la formation continue et prendre conscience de l'origine socialisée de ses revenus.

c) Troisième indice : l'affichage obligatoire des honoraires et l'incitation à « dévisser les plaques »

Depuis le 18 octobre, un arrêté ministériel oblige les médecins à afficher leurs honoraires. Et le plan Juppé prévoit une incitation à la reconversion des sureffectifs médicaux estimés à 20 ou 30.000 médecins.

Ces deux mesures ne sont pas à proprement parler inquiétantes pour les médecins ; on pourrait même affirmer le contraire, notamment pour la seconde.

Mais certains médecins vivent mal que les pouvoirs publics, soutenus par les associations de consommateurs, accomplissent ce qu'ils estiment, pour la première mesure, comme un acte de dénigrement : les médecins seraient-ils devenus des commerçants comme les autres, contraints à une transparence des prix et de l'exercice qui jetterait le doute sur l'honorabilité spontanée de l'ensemble d'une profession ?

Et, si les médecins perçoivent bien l'intérêt d'un encouragement à la cessation d'activité, que cet intérêt soit individuel (pour les médecins concernés par les mesures) ou collectif (le respect des objectifs d'évolution des dépenses médicales sera d'autant plus aisé à assurer que les médecins seront moins nombreux à « engager » les dépenses), il n'y a pas de restructuration sans crise. Et, en forçant un peu le trait -moins on force souvent le trait dans un climat d'incertitude-, la médecine pourrait succéder, demain, aux professions ou secteurs industriels sinistrés hier.

d) Les médecins : boucs émissaires ?

Descendus de leur piédestal, affrontant une période de crise, certains médecins n'hésitent pas à se considérer comme les boucs émissaires de la société de cette fin de siècle.

Au cours de l'année 1996, les médecins (et non la médecine) ont ainsi fait la « une » éditoriale de nombreux quotidiens ou magazines enquêtant sur les « gaspillages médicaux », les « trucs » employés par les médecins pour dépenser plus, etc. La ligne jaune avait à leurs yeux été franchie une première fois il y a trois ans dans le rapport écrit juste avant de partir en retraite par M. Béraud, médecin-conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie, qui avait mis en lumière en des termes choisis les économies susceptibles d'être réalisées par l'assurance maladie grâce à une amélioration des pratiques médicales.

Au déshonneur éditorial s'ajoutent les efforts financiers qui ont été demandés aux médecins en 1996.

Ainsi, les médecins du secteur 1 se sont vus frappés d'une augmentation de leurs cotisations familiales.

Depuis 1990, les médecins conventionnés du secteur 1 bénéficiaient en effet d'une prise en charge partielle de leurs cotisations familiales par l'assurance maladie. Cette prise en charge a été suspendue en 1996, le dossier de presse du plan Juppé annonçant que « si les médecins respectent l'objectif quantifié fixé pour 1996, la prise en charge des cotisations familiales sera rétablie au 1er janvier 1997 ».

Les médecins du secteur 2 n'ont pas été oubliés. L'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale a en effet prévu, en son article 6, que les médecins affiliés au régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles relèveront, pour la détermination de leurs cotisations et de leurs prestations, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés du 1er avril 1996 au 31 mars 1997.

Devant les protestations des médecins, le Gouvernement a accepté que le produit de ces mesures aille financer, non le déficit de l'assurance maladie, mais des aides à l'informatisation de cabinets médicaux et à la reconversion des médecins.

Les médecins reçoivent actuellement la facture correspondant au surplus qui leur est demandé ; l'application de ces mesures se fait dans la douleur, aggravée par le fait que les médecins ne connaissent toujours pas les mécanismes d'opposabilité de l'objectif d'évolution des dépenses qui seront appliqués pour 1996 et les années suivantes.

2. La crainte de l'inégalité de la répartition de l'effort

L'ensemble des professionnels de santé est convaincu que les prochaines années seront des années d'effort ; pour la plupart, ils semblent accepter cet effort à condition qu'il soit équitablement réparti.

Or, chacun des secteurs du système de santé, médecins libéraux, hospitaliers, dirigeants de cliniques privées, officinaux, craint de faire les frais de la réforme du système de santé et d'être seul à supporter la charge de l'ajustement.

On pourrait dire cyniquement que le fait que cette crainte soit partagée par tous les secteurs montre que l'effort devrait être équitablement réparti, mais la situation n'est pas aussi simple qu'elle pourrait apparaître et cette crainte qui s'exprime désormais au grand jour révèle l'ampleur du désarroi des professionnels de santé.

a) Les médecins libéraux s'estiment lésés par rapport à l'hôpital

Avec l'application de l'ordonnance relative à la maîtrise des dépenses de ville, les médecins se verront opposer un objectif d'évolution des dépenses défini à la suite du vote du Parlement. En cas de dépassement de l'objectif, la profession devra reverser des sommes « indûment » perçues à l'assurance maladie, à l'image de ce qui se fait déjà depuis 1991 pour les laboratoires d'analyses médicales.

Cette opposabilité de l'objectif d'évolution des dépenses s'ajoute à celles de références médicales instituées à partir de la Convention médicale de 1993.

Les médecins libéraux acceptent difficilement la nouvelle opposabilité de l'objectif -alors que, rappelons-le, la plupart des professionnels de la santé sont déjà soumis à une telle contrainte.

Ils l'acceptent d'autant plus difficilement qu'ils s'estiment triplement lésés par rapport à l'hôpital.

En premier lieu, ils expriment un doute quant à la réalité des restructurations hospitalières qui devraient être entreprises sous l'égide des agences régionales de l'hospitalisation. Considérant que l'emploi hospitalier sera toujours préservé et fera l'objet d'une âpre défense dans toutes les communes concernées, ils craignent que les dotations hospitalières continuent d'augmenter fortement sans que les dépenses correspondantes soient toujours justifiées par les besoins de la population.

En deuxième lieu, ils constatent que les médecins hospitaliers ne sont personnellement soumis, ni à un objectif de dépenses opposable, ni à des références médicales opposables, et que la réforme hospitalière tarde à se mettre en place.

En troisième lieu, les médecins libéraux craignent que, sous la pression de l'augmentation des dépenses hospitalières, l'hôpital soit tenté de transférer vers la médecine de ville les traitements les plus coûteux (Sida, hépatite C, cancérologie) afin que ceux-ci sortent des budgets hospitaliers. Ces dépenses supplémentaires viendraient alourdir la facture « médecine de ville » et ajouter une nouvelle pression économique sur les médecins.

b) L'hôpital estime être le seul à supporter d'importantes dépenses sociales et à ne plus disposer de marge de manoeuvre budgétaire

Les hospitaliers constatent que leur budget est enserré depuis près de quinze ans dans l'étau du budget global et estiment que cet étau s'est progressivement resserré au point d'annuler, dans l'immense majorité des hôpitaux, toute marge de manoeuvre financière. Ils soutiennent que, d'ores et déjà, l'application de taux directeurs très faibles au cours des années récentes les ont conduits à agir sur la seule véritable variable d'ajustement, la masse salariale, qui correspond à environ 70 % des budgets. Le recrutement massif de contrats emploi solidarité (environ 35.000 équivalents temps plein, selon la Fédération Hospitalière de France) correspondrait ainsi à peu près à 8.000 postes de fonctionnaires gelés chaque année depuis trois ou quatre ans.

De surcroît, les budgets hospitaliers doivent prendre en compte les effets des mesures décidées au niveau national en faveur de la fonction publique.

Enfin, les hospitaliers estiment que l'hôpital supporte une charge croissante liée à des prestations purement ou partiellement sociales, qui ne sont jamais prises en considération au moment de la fixation du taux directeur. Celles-ci seraient particulièrement importantes dans les secteurs des urgences et du long séjour (personnes âgées).

c) Les cliniques privées font valoir un important effort de restructuration et craignent d'être moins bien loties que l'hôpital

Une récente étude de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (« Évolution de l'offre de soins hospitaliers en 1994 ») a montré que les trois quart des lits supprimés en 1994 l'ont été dans le secteur privé.

Parallèlement à l'effort de maîtrise des dépenses engagé depuis 1991 s'est en effet opérée une importante restructuration du secteur hospitalier privé. Il la fait valoir aujourd'hui auprès des pouvoirs publics.

Des représentants de ce secteur, entendus par votre rapporteur, ont regretté que le rapport de la Commission des comptes de septembre 1996 semble opérer une pré-répartition de l'enveloppe assurance maladie pour 1997 avant même son adoption par le Parlement.

Ce rapport estime en effet à 2,5 % le taux de progression tendanciel (voire « inéluctable ») de l'hospitalisation publique alors qu'il prévoit une augmentation à peine supérieure à 1 % pour le secteur privé... (On rappellera que l'article 4 du présent projet de loi fixe à 1,7 % l'objectif applicable à l'ensemble des dépenses d'assurance maladie).

d) En bout de chaîne, les officinaux craignent de faire les frais de toutes les mesures appliquées en amont

Les pharmaciens d'officine ne sont pas les moins inquiets de leur sort par rapport à celui des autres professions de santé.

Non encadrés pour l'instant par un dispositif de maîtrise particulier, ils subissent en revanche les conséquences d'autres accords, tel que l'accord cadre État-SNIP ou la convention médicale.

Aux termes de l'accord État-SNIP, le prix moyen des spécialités remboursables tend à augmenter en contrepartie de la promotion du « bon usage » du médicament (modération des volumes). Et la convention médicale a mis en place des références médicales opposables et un objectif de prescriptions opposable aux médecins, mesures tendant elles aussi à freiner la consommation de médicaments remboursables.

Cette évolution (augmentation du prix moyen, modération des volumes) n'est pas considérée comme favorable par les pharmaciens compte tenu de leur mode de rémunération (marge dégressive).

De surcroît, l'augmentation du prix moyen semble se traduire par une déformation de la structure des prix, avec le développement des médicaments innovants de plus en plus chers et, à l'opposé, de génériques à prix très bas.

C'est pourquoi les pharmaciens semblent très intéressés par une négociation entreprise récemment avec les pouvoirs publics (« Ateliers de l'officine ») visant à mettre à plat l'ensemble des conditions d'exercice.

II. LA REFORME DU SYSTEME DE SANTE ET DE L'ASSURANCE MALADIE EST ENGAGEE

Dans ce contexte de crise financière de l'assurance maladie et de crise de confiance des professionnels de santé, crise catalysée actuellement par les contributions financières exceptionnelles demandées aux médecins, a été engagée une profonde réforme du système de santé et de protection sociale.

Au mois de janvier, deux ordonnances ont été publiées : l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, relative au remboursement de la dette sociale et l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

La première ordonnance a institué une contribution pour le remboursement de la dette sociale, dont l'assiette est plus large que celle de la contribution sociale généralisée et qui sera due jusqu'en 2008.

La seconde a notamment prévu des mesures visant, à pérenniser les mesures conventionnelles de maîtrise des dépenses de santé pour 1996 en cas de désaccords entre partenaires conventionnels et à permettre au Gouvernement de décider, par arrêté interministériel, des objectifs de dépenses applicables aux professions de santé. Ainsi que nous l'avons évoqué plus haut, cette ordonnance a également mis en place la contribution financière exceptionnelle demandée aux médecins conventionnés du secteur 2 et à l'industrie pharmaceutique.

Ces mesures urgentes étant prises, le Gouvernement s'est ensuite consacré à la réforme proprement dite.

Conformément aux dispositions de la loi n° 95-1348 du 30 décembre 1995 autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale ont été publiées au printemps trois ordonnances qui engagent un processus de refondation de la sécurité sociale, et notamment de l'assurance maladie.

Il s'agit de :

- l'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ;

- l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée.

A la suite de cette réforme de l'assurance maladie, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale a été élaboré en application de la réforme constitutionnelle et de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ces deux volets -ordonnances et projet de loi de financement de la sécurité sociale- se complètent pour dessiner un système de santé et de protection sociale rénové.

A. LES ORDONNANCES PORTANT REFORME DU SYSTEME DE SANTE ET DE PROTECTION SOCIALE ENTRENT PROGRESSIVEMENT EN APPLICATION

Quatre points méritent d'être soulignés au sujet de la mise en oeuvre de la réforme :

- les principaux textes d'application des ordonnances devraient être publiés avant la fin de l'année ;

- les relations entre l'État et l'assurance maladie vont être clarifiées ;

- la réforme hospitalière se traduit pour l'instant essentiellement par la création de nouvelles institutions ;

- plusieurs incertitudes planent encore sur les modalités d'application de la réforme de la médecine de ville.

1. Les principaux textes d'application des ordonnances devraient être publiés avant la fin de l'année

Au cours de la réunion du Conseil des ministres du 25 septembre 1996, le ministre du travail et des affaires sociales et le secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale ont présenté une communication sur l'état d'application des ordonnances. Selon ces ministres, une quarantaine de décrets ont été publiés ou sont en cours de consultation sur la soixantaine de décrets nécessaires à la mise en oeuvre des principales dispositions de la réforme.

a) État d'application de l'ordonnance n° 96-344 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale


Textes réglementaires publiés

- Journal Officiel du 20 juin 1996 : mode d'élection des représentants du personnel dans les conseils d'administration des caisses locales et nationales de sécurité sociale ;

- Journal Officiel du 25 juin 1996 : élection des personnels siégeant avec voix consultative ;

- Journal Officiel du 3 juillet 1996 : réforme de la composition des conseils d'administration des caisses nationales du régime général.


Textes importants restant à publier pour une entrée en vigueur rapide des principales dispositions de l'ordonnance

- pouvoirs respectifs des conseils d'administration et des directeurs ;

- conseils de surveillance des caisses nationales ;

- statuts-types des caisses locales, des unions et des fédérations d'organismes de sécurité sociale.

b) État d'application de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins


Textes réglementaires déjà publiés

- Journal Officiel du 14 août 1996 : conférence nationale de santé ;

- Journal Officiel du 11 septembre 1996 : fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale ;

- Journal Officiel du 11 septembre 1996 : contrôle médical, expertise sur la nomenclature des actes médicaux ;

- Journal Officiel du 12 septembre 1996 : filières et réseaux de soins ;

- Journal Officiel du 13 septembre 1996 : carnet de santé.


Textes importants restant à publier pour une mise en oeuvre rapide des principales dispositions de l'ordonnance

- modalités de calcul du reversement demandé aux médecins en cas de dépassement de l'objectif ;

- formation continue obligatoire ;

- médicaments génériques ;

- aide à l'informatisation des cabinets médicaux et des professionnels de santé ;

- aide à la cessation anticipée d'activité des médecins ;

- stage de six mois des futurs médecins dans un cabinet généraliste ;

- réforme de la section des assurances sociales du Conseil de l'Ordre.

c) État d'application de l'ordonnance n° 96-346 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée


Textes réglementaires déjà publiés

- Journal Officiel du 3 août 1996 : réforme du financement des établissements sous prix de journée ;

- Journal Officiel du 8 septembre 1996 : nomination des directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.


Textes importants restant à publier pour une mise en oeuvre rapide des principales dispositions de l'ordonnance

- convention type des agences régionales ;

- contractualisation avec les établissements de santé ;

- groupements de coopération sanitaire ;

- statut de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) ;

- commissions médicales d'établissements ;

- conditions d'évaluation exigées lors d'une demande d'autorisation ;

- critères de la sous-utilisation des équipements en cas de retrait d'autorisation ;

- réduction des lits autorisés en cas de regroupement ;

- composition et fonctionnement du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) et des Comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS).

La publication de certaines mesures d'application des ordonnances s'est déjà traduite dans les faits.

Ainsi, les conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale du régime général ont été recomposés le 15 juillet et les conseils locaux mis en place depuis le début du mois d'octobre.

Les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation ayant été nommés, ils ont déjà commencé à installer leurs agences. Et la Conférence nationale de santé s'est réunie afin de préparer son rapport au Parlement.

Enfin, le carnet de santé va progressivement être adressé à l'ensemble de la population.

Mais, six mois après la publication des ordonnances, les principales traductions concrètes de la réforme se font attendre. Si les délais de publication des décrets apparaissent normaux, il convient cependant d'en accélérer le rythme afin que l'essentiel de la réforme soit mis en oeuvre avant la fin de l'année.

Les acteurs du système de santé comme les Français ne comprendraient pas que rien ne change un an après le désormais fameux discours du Premier ministre du 15 novembre.

2. La réforme des relations entre l'État et l'assurance maladie : dans l'attente d'une convention d'objectifs et de gestion

L'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale a prévu deux grandes réformes.

D'une part, elle renforce les structures de l'assurance maladie afin de les rentre mieux à même de mettre en oeuvre la maîtrise des dépenses de santé. Il s'agit notamment de la création des unions de caisses régionales d'assurance maladie ainsi que du renforcement du contrôle médical 18 ( * ) et de l'autorité des directeurs de caisses locales.

D'autre part, elle réforme profondément les relations entre l'État et l'assurance maladie grâce à une clarification des rôles et des responsabilités.

L'analyse de la mise en oeuvre de cette ordonnance demeurera fort théorique. En effet, au sein du premier volet, seul le décret relatif au renforcement du contrôle médical a été publié. Et, pour le deuxième volet, l'ordonnance prévoit que les conventions d'objectifs et de gestion n'entreront en application qu'à compter du 1er janvier 1997. Une incertitude plane donc sur leur contenu, alors que le conseil d'administration de la CNAMTS vient d'interpeller le Gouvernement au sujet de propositions de réforme de la nomenclature.

a) L'assurance maladie devrait disposer de moyens nouveaux pour mieux garantir la maîtrise des dépenses.


Dans l'immédiat : le renforcement du contrôle médical

Ce renforcement a été prévu par le titre V de l'ordonnance n° 96-345 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ; il est d'ores et déjà entré en vigueur, le décret n° 96-786 du 10 septembre 1996 étant venu préciser ses dispositions.

Celles-ci présentent deux avantages :

- d'une part, l'efficacité du contrôle est améliorée ;

- d'autre part, la procédure de sanction est médicalisée grâce à la création d'un comité médical régional.

L'article 10 de l'ordonnance prévoit que « le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ».

Il reçoit pour mission de procéder à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des établissements et professionnels de santé et de constater les abus en matière de soins, de prescriptions d'arrêts de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations.

Afin de donner toute garantie aux médecins concernés, la procédure de sanction est médicalisée : elle passe par un comité médical régional, saisi par le contrôle médical.

Ce comité est composé de deux représentants désignés par la section correspondante (généraliste ou spécialiste, selon l'activité du médecin concerné).

Il se prononce sur la matérialité des faits et les sanctions à prendre : son avis s'impose à la caisse d'assurance maladie.


• La nouvelle autorité du directeur de la caisse nationale

L'ordonnance n° 96-344 a prévu plusieurs mesures tendant à renforcer l'autorité des directeurs de caisses et la cohérence du réseau constitué par les caisses nationales et les caisses locales du régime général.

La disposition essentielle concerne le mode de nomination des directeurs des caisses locales.

Il appartient en effet désormais aux directeurs des caisses nationales de proposer aux conseils d'administration des caisses locales une liste de trois noms parmi lesquels devra choisir le conseil. De même, il peut être mis fin aux fonctions des directeurs des caisses locales par le directeur de la caisse nationale, le conseil d'administration local étant simplement consulté.

Un tel renforcement de l'autorité du directeur de la CNAM devrait notablement contribuer à améliorer la cohérence des politiques menées par la caisse nationale et améliorer ainsi la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.


En 1998 : la création des unions régionales des caisses d'assurance maladie

Préfiguration des instances régionales d'une éventuelle assurance maladie universelle, les unions régionales des caisses d'assurance maladie seront créées avant le 1er janvier 1998. Ces unions seront chargées de définir une politique de gestion commune du risque au niveau régional et de coordonner l'activité des services du contrôle médical de l'ensemble des caisses des régimes obligatoires de base d'assurance maladie.

L'article 22 de l'ordonnance prévoit en outre que les unions pourront être chargées de la mise en oeuvre, dans le cadre régional, des dispositifs de régulation prévus par la convention médicale ou ses annexes, c'est-à-dire les références médicales opposables et l'objectif d'évolution des dépenses.

Des références professionnelles et des objectifs de dépenses existant ou devant exister prochainement pour d'autres professions (chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes...), on comprend mal pourquoi la mission des unions régionales de caisses est ainsi limitée à l'activité des médecins.

Les mesures réglementaires nécessaires à la mise en place des unions n'ont pas été encore publiées. Compte tenu des délais d'installation prévus par l'ordonnance (1er janvier 1998), les unions ne pourront accomplir leur mission, notamment en ce qui concerne l'activité des médecins, au cours de l'année prochaine.

b) Une convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNAMTS entrera en application au 1er janvier 1997

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale avait fait un premier pas dans la direction d'une plus grande transparence des relations entre l'État et l'assurance maladie, en instituant notamment la séparation des branches du régime général et en posant le principe d'une compensation par l'État des conséquences financières des mesures prises en faveur de l'emploi.

L'ordonnance n° 96-344 approfondit cette démarche en contractualisant les relations entre l'État et l'assurance maladie.

Elle prévoit en effet que, dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, l'État conclut avec les caisses nationales d'assurance maladie (régime général, non salariés, professions agricoles) une convention d'objectifs et de gestion comportant des engagements réciproques des signataires pour une durée de trois ans.

Dans le respect des lois en vigueur, ces conventions détermineront, non seulement des objectifs pour la caisse (objectifs en matière de gestion du risque, de qualité du service rendu aux usagers...) mais aussi les moyens dont elle disposera pour les atteindre. Elle comprendra aussi la liste des orientations pluriannuelles du Gouvernement en matière de santé publique, de démographie médicale et de politique du médicament.

Cette convention sera complétée par un avenant annuel précisant, en fonction de l'objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie adopté par le Gouvernement et de l'arbitrage gouvernemental sur la répartition de cet objectif entre l'hospitalisation et la médecine de ville, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville.

Cet objectif englobera les honoraires des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la rémunération des directeurs de laboratoires et des auxiliaires médicaux. Il comprendra aussi la rémunération des soins dispensés dans les établissements privés et tarifés à l'acte ainsi que les honoraires des praticiens exerçant en secteur privé à l'hôpital public. Enfin, il englobera les prescriptions des professions médicales et les prestations en espèces de l'assurance maladie.

L'ordonnance prévoit que l'avenant fixera l'objectif « soins de ville » et « les modalités de sa mise en oeuvre ». Ceci n'ira pas jusqu'à la déclinaison de l'objectif pour chacune des professions concernées : celle-ci ressortira de la négociation conventionnelle entre les caisses et les professionnels.

La convention et ses avenants viendront clarifier et alléger l'exercice de la tutelle de l'État sur l'assurance maladie et améliorer ainsi l'efficacité du système de protection sociale dans le respect d'objectifs de politique de santé.

Elles permettront ainsi une évaluation périodique et contradictoire des résultats obtenus.

La prochaine entrée en vigueur de la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse nationale maladie des travailleurs salariés devait conduire à éviter, à l'avenir, l'expression publique de malentendus comparables à ceux qui se sont manifestés à l'automne à la suite de réactions des professionnels de la santé au plan d'économies proposé par la CNAMTS à la suite d'une demande du Gouvernement.

L'affichage des intentions gouvernementales au sujet des transports sanitaires et des visites de nuit des médecins, suivi de la réaction du conseil d'administration de la CNAMTS a pu laisser à penser, dans l'opinion publique, qu'il existait des divergences importantes dans la manière de gérer la protection sociale.

Avec les conventions d'objectifs et de gestion, l'existence d'une ligne de partage de compétences négociée et exprimée clairement, dans le respect des dispositions constitutionnelles et législatives permettra au Gouvernement, à la CNAMTS et à l'opinion publique de disposer de repères fiables et durables.

3. La mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé va permettre l'entrée en vigueur de la réforme hospitalière

L'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée a prévu la création de deux institutions très importantes : les agences régionales de l'hospitalisation et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Elles auront pour mission de mettre en oeuvre la réforme hospitalière dans ses volets financiers, de planification et d'amélioration de la qualité des soins.

Le décret n° 96-780 du 3 septembre 1996 a déjà porté création, auprès du ministre du travail et des affaires sociales, de directeurs chargés de mettre en place les agences régionales de l'hospitalisation.

Une circulaire du 8 octobre 1996 est venue préciser les modalités de cette mise en place et un décret sera prochainement publié en vue de définir la convention constitutive type des agences régionales de l'hospitalisation.

C'est au plus tard le 31 décembre 1996 que seront constituées les agences régionales. Elles prendront la forme d'un groupement d'intérêt public entre l'État et des organismes d'assurance maladie et disposeront d'un budget propre alimenté par une subvention annuelle de l'État.

Les pouvoirs publics veulent faire de ces agences des structures légères de mission qui devraient prendre « appui sur les services opérationnels compétents, tant de l'État que de l'assurance maladie, sans s'y substituer » (circulaire du 8 octobre 1996).

Certes, les agences pourront recruter un personnel propre, dans la limite d'un effectif maximum qui sera notifié aux directeurs. Ce personnel propre sera constitué de personnels détachés de la fonction publique ou de l'assurance maladie, de fonctionnaires en disponibilité et, « à titre exceptionnel et subsidiaire », de personnel contractuel de droit public.

Mais les agences devront surtout s'appuyer sur les structures existantes. L'ordonnance prévoit en effet en premier lieu que « les services départementaux et régionaux de l'État compétents en matière sanitaire et dont l'intervention est nécessaire à l'exercice des pouvoirs et responsabilités dévolus aux agences régionales de l'hospitalisation sont mis à disposition de celles-ci. Le directeur de l'agence adressera donc directement ses instructions aux chefs de service concernés.

L'ordonnance prévoit aussi que certains services de l'État pourront être placés pour partie sous l'autorité du directeur de l'agence, ces personnels continuant à faire l'objet d'une gestion administrative et financière par les Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS).

Les agences régionales de l'hospitalisation auront compétence, pour la première fois, sur les établissements de santé publics comme privés. Elles auront pour mission de redéfinir l'offre de soins hospitaliers au niveau régional grâce à une capacité planificatrice renforcée et celle de conclure avec les établissements de santé des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

Se superpose en effet aux capacités planificatrices de l'État celle de résorber les inégalités de l'offre de soins sur le territoire et celle de responsabiliser les établissements à travers l'allocation des ressources.

Les contrats d'objectifs et de moyens engageront en effet les établissements de santé en matière financière de politique stratégique, de gestion, d'organisation, de qualité et de sécurité des soins, d'accréditation ainsi que de participation à la mise en oeuvre de la politique de santé et de coopération sanitaire.

Cet engagement des établissements ne sera pas formel : les contrats prévoiront, non seulement un calendrier d'exécution, mais aussi une procédure de suivi de son application ainsi que des sanctions financières en cas de non-respect des obligations contractuelles.

La faculté de conclure ces contrats qui s'appliqueront aussi bien au secteur privé qu'au secteur public, dote les autorités sanitaires ainsi que de l'assurance maladie un outil d'orientation de l'offre de soins qui complète, tant par son champ d'intervention (allocation des ressources, qualité et sécurité des soins, coopération sanitaire...) que par sa finesse (négociation, évaluation, sanctions) la politique de planification sanitaire menée jusqu'ici par le seul octroi des autorisations.

La politique d'accréditation des activités, services et établissements vient renforcer ce dispositif. Afin de la mener à bien, l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 crée une Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Cet établissement public aura une double mission.

Au titre de sa mission d'accréditation, l'Agence définira, selon des méthodes scientifiques et dans une grande indépendance, les critères de référence qui constitueront une grille d'accréditation. Tous les établissements de santé devront s'être engagés dans une procédure d'accréditation dans les cinq ans, soit avant le 24 avril 2001.

Cette obligation faite aux établissements permettra d'accélérer la généralisation de l'accréditation. Il est en effet bien évident que même en l'absence d'obligation instituée par l'ordonnance, tous les établissements de santé auraient progressivement engagé cette procédure, les patients hésitant à aller se faire soigner dans des services ou établissements non accrédités. L'obligation faite aux établissements permettra donc d'aller plus vite.

Outre sa mission d'accréditation, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé s'est vue confier une mission d'évaluation. La mise à niveau et l'accréditation d'un service ou d'un établissement ne suffisent pas, en effet, à garantir la continuité de soins de qualité. Ces procédures doivent être complétées par l'évaluation de l'activité et des pratiques professionnelles.

Déjà, la réforme hospitalière de 1991 avait institué une obligation pour les établissements d'évaluer leur activité.

L'ordonnance du 24 avril 1996 est allée plus loin.

D'abord, elle a inscrit dans le droit hospitalier que « la qualité de la prise en charge des patients est un objectifs essentiel pour tout établissement de santé. Celui-ci doit procéder à une évaluation régulière de leur satisfaction, portant notamment sur les conditions d'accueil et de séjour ».

Ensuite, elle a confié à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé la mission d'élaborer, de valider et de diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles et les recommandations de bonne pratique professionnelle en matière de prévention, de diagnostic et de thérapeutique.

Il est important de souligner que les compétences de l'ANAES en matière d'évaluation valent autant pour les soins hospitaliers que les soins de ville. Ceci permettra d'améliorer la transparence et la cohérence des procédures d'évaluation applicables dans chacun des secteurs de notre système de soins.

4. La réforme de la médecine de ville : une grande ambition, dont il reste à définir les modalités d'application

La réforme de la médecine de ville mise en place par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins apparaît comme la plus ambitieuse, tant par son champ d'application que par son contenu.

Aucun des aspects qui contribuent à configurer le système de soins en ville n'a en effet été oublié, qu'il s'agisse de la démographie médicale, de la formation continue des médecins, de l'informatisation des cabinets médicaux, de la coordination des soins, de la continuité de la prise en charge des malades, du contrôle médical, des relations entre les caisses d'assurance maladie et les médecins, de l'évaluation des pratiques ou des dispositifs de maîtrise des dépenses de médecine de ville.

Et chacun de ces volets, à l'exception peut-être de la maîtrise de la démographie des médecins conventionnés, a fait l'objet d'une réforme de grande ampleur, qui modifiera sans nul doute l'évolution des pratiques médicales.

a) Une tentative de maîtrise de la démographie des médecins

Nous examinerons d'abord cet aspect de la réforme, qui est probablement pour l'instant le plus timide.

En effet, parmi plusieurs mesures qui avaient été envisagées, soit par le gouvernement, soit par des experts, à savoir un numerus clausus conventionnel à l'installation, une maîtrise des installations dans des régions « excédentaires », un conventionnement individuel et une incitation à la reconversion ou à la cessation anticipée d'activité des médecins, seule la dernière mesure a été retenue.

Avant l'entrée en vigueur des ordonnances, un mécanisme d'aide à la cessation anticipée d'activité existait déjà : le MICA. Pour en bénéficier, le médecin devait avoir entre 60 et 65 ans et s'engager à cesser toute activité libérale. Ce mécanisme s'analysait bien comme une aide à la cessation d'activité, et non à la reconversion : pour qu'un cumul avec une activité salariée soit possible, il fallait que le médecin l'ait exercée parallèlement à son activité libérale depuis au moins cinq ans.

L'aide accordée aux médecins était calculée par rapport aux revenus d'exercice sur les trois dernières années, et représentait au maximum 15.000 francs par mois.

Créé en 1988, ce mécanisme a bénéficié à environ 500 nouveaux médecins chaque année ; 1.400 médecins reçoivent cette aide à l'heure actuelle.

Alors que l'on estime à 15 à 20.000 le nombre de médecins « excédentaires » en France, il est tentant de mettre en place des mesures de cessation anticipée audacieuses : 13 000 médecins ont aujourd'hui entre 56 et 64 ans.

L'article 5 de l'ordonnance du 24 avril 1996 n'est pas très novateur par rapport aux dispositions de la loi du 5 janvier 1988.

L'aménagement le plus important qu'il prévoit est l'abaissement à 57 ans (et même, exceptionnellement, 56 ans jusqu'à la fin de l'année 1997) de l'âge minimum pour bénéficier de l'aide.

Il s'agit toujours d'une aide à la seule cessation anticipée d'activité, le cumul de l'allocation avec les revenus d'une activité salariée n'étant possible que s'il s'agit de la poursuite d'une activité accessoire. Même dans cette hypothèse, le cumul n'est possible que dans la limite d'un plafond et si il ne s'agit pas d'une activité dans laquelle la médecine est appelée à prescrire.

D'autres mesures pourront être prises pour inciter à la reconversion ou la réorientation des médecins : l'article 4 de l'ordonnance, qui met en place un Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale prévoit que ce Fonds pourra financer, non seulement l'allocation de remplacement mentionnée à l'article 5, mais aussi « des aides de toute nature et des primes qui peuvent être modulées en fonction de critères d'âge, d'activité ou d'implantation géographique en vue de faciliter l'orientation, la reconversion ou la cessation anticipée d'activité des médecins exerçant à titre libéral ».

L'article 4 de l'ordonnance et le décret n° 96-788 du 11 septembre 1996 relatif au Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale précisent les recettes de cette caisse, créée au sein de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés et qui devra aussi financer les aides à l'informatisation des cabinets médicaux.

Il s'agit des contributions exceptionnelles versées au titre des mesures d'urgence par les médecins des secteurs 1 et 2, du produit de la contribution prévue par la loi du 5 janvier 1988 relative à la cessation anticipée d'activité des médecins et de « toute autre ressource qui lui serait spécifiquement affectée par les parties conventionnelles ainsi que par toute recette prévue par des dispositions législatives ou réglementaires » (art. 4 de l'ordonnance).

L'ampleur des ressources du Fonds, la répartition des ressources disponibles entre la cessation d'activité, d'éventuelles mesures de reconversion et l'aide à l'informatisation demeurent aujourd'hui encore inconnues.

C'est de cette ampleur que dépendra la portée de la réforme prévue par l'ordonnance, simple aménagement du MICA ou dispositif plus ambitieux.

b) Une volonté d'amélioration des pratiques médicales : formation continue des médecins et références médicales

L'ordonnance du 24 avril 1996 comporte plusieurs mesures destinées à améliorer les pratiques médicales ; elles concernent à la fois la formation continue des médecins et les références professionnelles qui doivent guider l'exercice de leur art.


Une formation continue obligatoire

Les médecins n'ignorent pas, loin s'en faut, la formation continue. L'évolution rapide des techniques diagnostiques et thérapeutiques conduit un grand nombre d'entre eux à suivre des sessions de formation qui leur permettent de faire bénéficier leurs patients des progrès de la médecine.

La formation médicale continue est même une obligation déontologique, prévue par le code de déontologie.

Mais, jusqu'à la publication de l'ordonnance du 24 avril, cette obligation déontologique n'était, non sanctionnée, ni sanctionnable, faute de base législative contraignante.

C'est pourquoi l'ordonnance du 24 avril 1996 accomplit une réforme très importante en instituant le caractère obligatoire de la formation continue.

Elle prévoit en effet, dans son article 3, que « l'entretien et le perfectionnement de ses connaissances constituent pour chaque médecin un devoir professionnel » et que « tout médecin, qu'il exerce à titre libéral ou dans un établissement de santé public ou privé participant au service public hospitalier doit justifier du respect de cette obligation ».

Aux termes de l'ordonnance, chaque médecin doit ainsi produire tous les cinq ans une attestation fournie par le conseil régional de la formation médicale continue ou la commission médicale d'établissement au conseil départemental de l'Ordre des médecins.

La méconnaissance de cette obligation expose le médecin à des sanctions disciplinaires.

Compte tenu de son importance pour les médecins et de son caractère obligatoire, il est essentiel que chaque médecin se voit proposer une formation de qualité et suffisamment diversifiée.

A l'hôpital comme en ville, il doit être possible de se former, non seulement aux nouvelles techniques médicales, mais aussi aux techniques de gestion : il n'est pas possible d'attendre des médecins de se comporter en bons gestionnaires des deniers publics à travers leur pratique médicale sans leur offrir de mettre à jour leurs connaissances en économie de la santé ou en gestion.

Pour autant, cette diversité des formations ne doit pas conduire à contourner le fondement essentiel de l'institution d'une formation médicale obligatoire : il s'agit avant tout d'améliorer les pratiques médicales et d'inciter les médecins à autoévaluer et, le cas échéant, à modifier leur pratique.

A cet égard, l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril portant réforme de l'hospitalisation publique et privée dispose que l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé est chargée de « proposer toute mesure contribuant au développement de l'évaluation, notamment en ce qui concerne la formation des professionnels de santé » et de « diffuser ses travaux et de favoriser leur utilisation ».


Des références médicales confortées

Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé s'est vu confier par l'ordonnance hospitalière des missions d'évaluation qui concernent aussi bien l'hôpital que la médecine de ville.

Nous avons également souligné l'intérêt de confier à une même institution l'initiative, la définition du contenu et la coordination de l'évaluation dans les différents secteurs du système de soins.

L'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins prévoit en outre que l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé et, pour ce qui la concerne, l'Agence du médicament seront chargées d'établir les références applicables aux professionnels de santé. L'ordonnance précise que ces références seront élaborées, pour l'ANAES, « à partir de critères scientifiques reconnus » et, pour l'Agence du médicament, « des évaluations réalisées pour délivrer l'autorisation de mise sur le marché et pour apprécier le service médical rendu ».

L'opposabilité de ces références et les conditions de celles-ci demeurent définies par les partenaires conventionnels.

c) La mise en place d'un système d'information moderne et l'informatisation des cabinets médicaux : de grands avantages attendus pour la coordination des soins, la connaissance de l'état de santé des français et pour les praticiens et les assurés sociaux

Au 31 décembre 1998 au plus tard, l'ordonnance relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins dispose que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou des prestations remboursables par l'assurance maladie et les organismes d'assurance maladie doivent être en mesure, chacun pour ce qui le concerne, d'émettre, de signer, de recevoir et de traiter des feuilles de soins électroniques ou documents assimilés conformes à la réglementation ».

A la même date, les professionnels concernés auront reçu une carte de professionnel de santé et les assurés sociaux une carte électronique d'assuré social.

Ainsi, contrairement à ce qui est souvent un peu hâtivement affirmé, l'ordonnance ne met pas en place une « informatisation obligatoire des cabinets médicaux », mais un système moderne d'information concernant tous les professionnels de santé et tous les assurés sociaux.

Il s'agit de passer de l'ère du papier, des formulaires et démarches administratives complexes -d'ailleurs souvent dénoncés à juste titre par les médecins- à l'ère des échanges électroniques d'information qui existent à l'heure actuelle -et depuis longtemps- dans tous les autres secteurs de l'économie.

Dés lors, l'informatisation ne doit pas être vécue comme une contrainte, mais comme une chance.


• Pour les médecins

L'informatisation des cabinets médicaux permettra aux médecins d'avoir accès, en temps réel, à des banques de données médicales ou à des logiciels d'aide au diagnostic et à la prescription.

L'esprit humain est ainsi fait, même lorsque, comme chez les médecins, il est bien fait, qu'il est difficile d'appréhender l'ensemble des connaissances médicales disponibles, de connaître tous les médicaments remboursables, leurs propriétés et leurs effets indésirables, toutes les techniques et surtout de pouvoir les utiliser à bon escient. Point n'est besoin de longs développements pour comprendre tout l'intérêt de l'informatisation des cabinets médicaux.


Pour les assurés sociaux

Grâce à la transmission électronique des données relatives aux soins et prescriptions remboursables, les assurés sociaux seront libérés de toute démarche administrative (envoi des feuilles de soins, etc.) et bénéficieront sans nul doute de remboursements plus rapides.

Ils n'auront plus besoin de conserver les documents relatifs aux analyses médicales ou diverses prescriptions, leur dossier médical étant informatisé.


Pour mieux connaître l'état de santé de la population

La transmission des données issues du codage des actes et des pathologies pourra faire accomplir de grands progrès à l'épidémiologie qui repose actuellement sur des données incomplètes.

Les informations résultant de la transmission des données constitueront autant d'outils pour définir une politique de santé, mais aussi une politique d'assurance maladie reposant sur des bases solides : il sera instantanément possible de chiffrer les conséquences d'une mesure et de faire des choix transparents et hiérarchisés.


Les conditions de l'informatisation

Les médecins ont obtenu du gouvernement le principe d'une aide à l'informatisation, financée, pour partie par les contributions exceptionnelles qui leur ont été demandées au titre des mesures d'urgence prises en 1996 pour partie par l'assurance maladie ; on parle d'une aide de 7 000 francs environ par médecin.

Sans critiquer les résultats de cette négociation, force est de constater que la médecine est la seule profession dont l'informatisation aura été financée, au moins en partie, par la collectivité.

Dans l'attente de la généralisation des cartes d'assuré social, l'ordonnance a prévu la distribution d'un carnet de santé, sous forme papier, à chacun des assurés sociaux.

Ces carnets de santé, qui vont être distribués avant la fin de l'année, n'auront qu'une durée de vie de deux ans. Ils auront une vertu pédagogique indéniable, mais l'effet de leur distribution sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie devrait être limité : l'absence de présentation du carnet aux médecins consultés n'est pas pour l'instant assortie de sanctions.

d) Un objectif de dépenses opposable aux médecins

L'ordonnance du 24 avril 1996 a modifié les dispositions du code de la sécurité sociales régissant les relations entre les médecins et l'assurance maladie.

Elle a prévu que, chaque année, à la suite du vote de la loi de financement de la sécurité sociale par le Parlement et de la conclusion de l'avenant à la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et les caisses, une annexe à la convention médicale déterminerait un objectif prévisionnel d'évolution des dépenses médicales.

Cet objectif se décompose en un objectif pour les dépenses d'honoraires et un objectif de prescriptions.

L'ordonnance a ménagé la possibilité d'une déclinaison de ces objectifs par région ou -et- par spécialité ; ils peuvent comporter une provision pour revalorisation d'honoraires.

Ainsi, les dispositions de l'ordonnance modifient doublement le système antérieur : non seulement l'objectif d'évolution des dépenses est opposable aux médecins, mais une revalorisation d'honoraires ne peut être obtenue que si elle a été provisionnée.

Les reversements de l'assurance maladie en cas de modération des dépenses, et les reversements des médecins à l'assurance maladie sont, au moins pour partie, individualisés.

Un décret devrait prochainement fixer les modalités de reversement des médecins en fonction des honoraires perçus et des prescriptions réalisées ; c'est ensuite aux partenaires conventionnels qu'il appartiendra de déterminer les critères d'individualisation de la charge du reversement.

Il est à craindre que, s'il veut être efficace et individualisé, le système de reversement soit assez complexe.

Six mois après la publication des ordonnances, le décret « reversement » n'est toujours pas paru au Journal Officiel.

Comme il a été dit plus haut, six mois n'est pas un délai anormal pour la publication d'un décret ; mais il est probable que la plupart des craintes et crispations qui se sont manifestées cette année au sujet de l'opposabilité de l'objectif seraient fortement réduites si l'incertitude, elle aussi, était réduite.

B. LES PROPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE L'ASSURANCE MALADIE

Les propositions du présent projet de loi de financement de l'assurance maladie viennent compléter la réforme mise en place par les ordonnances du 24 avril 1996.

Elles reposent sur une tentative de définition d'une politique de santé amorcée avec le rapport de la conférence nationale de santé, que nous examinerons en premier lieu.

Ces propositions, que nous évoquerons en second lieu mais qui seront plus longuement étudiées dans le rapport consacré à l'examen des articles du projet de loi, sont caractérisées par trois axes majeurs :

- la définition d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie ;

- l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie ;

- la réduction du déficit de l'assurance maladie.

1. La Conférence nationale de santé : malgré une certaine impréparation et les conséquences d'un nécessaire rodage, des travaux qui peuvent être très utiles au Parlement

a) L'ordonnance n° 96-345 exprime la volonté de définir une politique de santé

En application de l'ordonnance n° 96-345, la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été précédée par la réunion d'une Conférence nationale de santé, chargée d'éclairer le Gouvernement et le Parlement en proposant des priorités de santé publique, dont il est tenu compte dans la définition d'un objectif de dépenses de l'assurance maladie.

La loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 a en effet prévu, en son article premier, que la loi de financement « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale » et « fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoire de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

C'est l'article premier de l'ordonnance n° 96-345 qui a institué la conférence nationale de santé ; le gouvernement a souligné par cette place l'importance qui sera accordée à ses travaux dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

Cet article dispose que le ministre chargé de la santé réunit chaque année une conférence nationale de santé. Destinataire d'un rapport du Haut Comité de la santé publique, elle a reçu deux missions :

« - analyser les données relatives à la situation sanitaire de la population ainsi que l'évolution des besoins de santé de celle-ci ;

- proposer les priorités de la politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge de soins compte tenu de l'évolution des techniques préventives, diagnostiques et thérapeutiques. »

Elle est chargée de rédiger un rapport au gouvernement dont « il est tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale » ; ce rapport est aussi transmis au Parlement.

L'ordonnance n° 96-345 ayant été publiée le 24 avril 1996, le décret d'application des dispositions relatives à la conférence nationale de santé n'a été publié qu'au Journal Officiel du 13 août, pour une réunion annuelle devant se dérouler 15 jours plus tard... Les membres de la conférence n'ayant été désignés qu'à la suite de la publication du décret, la première réunion de s'est organisme s'est donc tenue dans un climat de totale impréparation.

b) Les travaux de la conférence et les 10 priorités de santé publique

La grande majorité des représentants des établissements et professionnels de santé qui ont été entendus par le rapporteur de votre commission ont pourtant été unanimes à considérer qu'après quelques flottements de départ, la conférence a procédé à d'utiles travaux, dont le contenu et le résultat sont prometteurs pour l'avenir.

En effet, conformément aux dispositions du décret n° 96-720 du 13 août 1996 relatif à la conférence nationale de santé, elle se réunira à la même époque l'an prochain, sur convocation du ministre, pendant une durée de trois jours.

Votre commission établira, en temps utiles pour ses membres, les contacts nécessaires avec le président de la conférence nationale de santé afin de l'éclairer sur les voeux du Parlement : il est en effet indispensable que les travaux de la conférence fournissent toutes les informations indispensables pour articuler les dispositions du projet de loi de financement avec une politique de santé publique.

Elle estime que la conférence ne pourra utilement travailler que si sa réunion annuelle est précédée de travaux préparatoires tout au long de l'année.

Après une intéressante réflexion sur les notions de « critères de choix de priorités de santé publique » et d'orientations pour la prise en charge de soins, le rapport de la conférence nationale de santé définit dix priorités d'égale importance :

1- donner les moyens à la promotion de la santé et à son évaluation ;

2- coordonner les actions en faveur de l'enfance pour mieux en assurer la continuité de la maternité à l'adolescence ;

3- renforcer immédiatement les actions et les programmes de prévention-éducation visant à éviter la dépendance chez l'adolescent (alcool, tabac, drogue, médicaments psychotropes) ;

4- maintenir en milieu de vie ordinaire les personnes âgées dépendantes qui en font librement le choix ;

5- améliorer les performances de la lutte contre le cancer ;

6- prévenir les suicides ;

7- obtenir plus d'informations sur les morts accidentelles (hors accidents de la route et du travail) ;

8- réduire l'incidence des accidents iatrogéniques évitables, médicamenteux et non médicamenteux ;

9- garantir à tous l'accès à des soins de qualité ;

10- réduire les inégalités de santé intra et interrégionales.

c) La prise en considération des 10 priorités

Dans la mesure où les priorités définies par la conférence de santé couvrent l'ensemble du champ de la santé publique, il est logique que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne puisse pas assumer à lui seul leur traduction dans la politique de santé.

Aussi, votre commission ne peut pleinement s'associer aux critiques selon lesquelles le projet de loi de financement qui est soumis à votre examen serait trop « financier ».

Par la réforme constitutionnelle et organique mise en oeuvre depuis un an, le Parlement a conquis un droit de regard sur les finances sociales. Ce droit de regard s'exprime par le vote annuel d'un projet de loi de financement, qui est par nature un texte financier.

Ce texte financier doit s'appuyer sur des priorités de santé, mais il ne peut s'y résumer ; si le Parlement avait pour mission de dresser un catalogue des priorités de santé sans les articuler avec des choix financiers, il ne serait plus le Parlement de la République mais une instance consultative cherchant à inspirer l'institution investie du pouvoir de décision.

Ceci étant dit, votre commission exprime certaines critiques, présentera un amendement tendant, dès cette année, à médicaliser l'objectif de dépenses et formulera des voeux pour l'an prochain ; mais une grande partie des « défauts » du présent projet de loi de financement, notamment en ce qui concerne l'insuffisance de sa médicalisation, tient à sa nouveauté et à un nécessaire rodage.

A cet égard, votre commission rappelle qu'à l'occasion du débat sur le projet de loi organique, elle avait souhaité que le Parlement soit appelé à se prononcer, par un vote, sur des priorités de santé publique et de protection sociale. Elle avait préféré un tel dispositif à celui qui a finalement été retenu, et qui fait du rapport annexé au projet de loi une simple annexe dépourvue de valeur contraignante.

Mise en oeuvre des priorités :

Priorité n° 1 : les propositions relatives aux taxes sur le tabac et l'alcool sont retenues par le projet de loi.

Votre commission veillera, à l'occasion de la discussion budgétaire et des divers projets de loi qui pourraient être soumis à son examen, que la législation concernant l'alcool et le tabac soit renforcée ou, du moins, ne soit pas remis en cause.

Elle avait déjà agi ainsi lors du débat du printemps dernier concernant les « buvettes dans les stades », et obtenu satisfaction en commission mixte paritaire.

Malheureusement, un texte réglementaire publié pendant les mois d'été, qui présentent entre autres avantages d'être les plus discrets de l'année pour publier des textes réglementaires, est venu anéantir l'effort réalisé par le Parlement.

Priorités n° 2 et 3 : ces priorités ressortent plus du domaine du budget de l'État que de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Priorité n° 4 : le Sénat, en adoptant la proposition de loi présentée par notre président Jean-Pierre Fourcade relatif à la dépendance des personnes âgées, a fait un grand pas dans cette direction. Votre commission a en outre obtenu du gouvernement l'engagement de créer 4 000 places nouvelles de soins infirmiers à domicile ; elle compte formaliser l'expression de cet engagement par un amendement au rapport annexé au présent projet de loi.

Priorité n° 5 : pour partie, la mise en oeuvre de cette priorité relève du budget de l'État.

Pour partie aussi, la mise en place d'une assurance maladie universelle va poser la question de l'organisation et du financement de la prévention dans notre pays. Votre commission retient cette priorité pour les prochains débats qui auront lieu sur ce sujet.

Pour partie enfin, la satisfaction de cette priorité fait appel aux travaux de la future Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé. Le rapport de la conférence nationale de santé fait en effet référence à la nécessité de supprimer des pratiques « inutiles, inefficaces ou inefficientes » et aux actions d'évaluation nécessaires pour détecter les manques de coordination, les défauts dans les critères de qualité nécessaires au dépistage, au traitement et au suivi, les redondances dans la pratique des examens de dépistage et les stratégies pronostiques inutiles. Au vu de ces nécessaires travaux pourront être prévus les financements nécessaires pour de nouveaux traitements des cancers.

Priorités n° 6 et 7 : elles relèvent du ministère de la santé et du budget de l'État.

Priorité n° 8 : la satisfaction de cette priorité repose sur les travaux de l'Agence du médicament et de la future ANAES.

Priorité n° 9 : l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie proposée par le présent projet de loi et la prochaine création d'une assurance maladie universelle vont dans ce sens, de même que l'amélioration de la qualité de l'offre de soins attendue des travaux de la future ANAES, du développement de l'opposabilité de références professionnelles et de l'institution d'une formation continue obligatoire pour les médecins.

Priorité n° 10 : la réforme hospitalière mise en place par l'ordonnance du 24 avril va dans ce sens pour ce qui la concerne. Votre commission est favorable à ce que pareil effort soit accompli pour la médecine de ville.

Nous reviendrons plus longuement dans le rapport consacré à l'examen des articles sur la nécessaire articulation entre les « choix de santé publique et les orientations pour la prise en charge des soins » et l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie.

2. Les propositions essentielles du projet de loi : réduction du déficit prévisionnel, amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie, fixation d'un objectif national de dépenses

a) La réduction du déficit prévisionnel de l'assurance maladie

Lors de son discours du 15 novembre 1996, le Premier ministre avait estimé que la mise en oeuvre de son plan de réforme de la sécurité sociale permettrait de réduire notablement le déficit de la sécurité sociale en 1997 pour un retour à l'équilibre en 1998.

L'atonie des recettes de la protection sociale résultant de la situation économique et les délais de mise en oeuvre de la plupart des dispositions des ordonnances du 24 avril 1996 ont maintenu le déficit à un niveau élevé en 1996.

Le présent projet loi vise à réduire de 47,2 milliards (déficit prévisionnel) à moins de 30 milliards (29,7) le déficit du régime général en 1997.

Pour la seule branche maladie, des mesures nouvelles d'un montant de 15,3 milliards de francs permettront de faire passer le déficit prévisionnel pour 1997 de 31,2 milliards de francs à 15,9 milliards de francs.

Le schéma financier de redressement s'établit comme suit :

- fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie à 600,2 milliards de francs : 3,5 milliards de francs d'économies ;

- réforme du financement de l'assurance maladie : 1,3 milliard de francs ;

- majoration des droits à la consommation sur les boissons alcoolisées : 1,5 milliard de francs ;

- affectation permanente de 6,39 % des droits de consommation sur le tabac à la CNAMTS : 3 milliards de francs ;

- versement exceptionnel de l'État (règlement du contentieux EDF/URSSAF), cf. projet de loi sur la fonction publique : 3 milliards de francs ;

- intégration financière du régime militaire de sécurité sociale : transfert des réserves au régime général : 1,2 milliard de francs ;

- contribution forfaitaire de la branche accidents du travail aux charges supportées par l'assurance maladie du fait des accidents du travail et des maladies professionnelles : 1 milliard de francs.

Ces différentes mesures seront analysées dans le rapport consacré à l'examen des articles, à l'exception de la mesure EDF qui ne figure pas dans le présent projet de loi.

Sur les 15,9 milliards de francs qu'elles procureront en 1997, 4,2 milliards de francs ne pourront être retrouvés dans les recettes pour 1988 : le transfert au régime général des réserves du régime de sécurité sociale des militaires (1,2 milliard de francs) et le règlement du contentieux EDF/URSSAF ne sont que des « mesures à un coup ».

b) L'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie

Au printemps dernier, le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, évoquant l'assurance maladie, confirmait un constat ancien : « Pour les salariés, qui représentent la majorité des personnes protégées, le système est principalement financé par des cotisations prises en charge pour la plus large part par les employeurs et par les salariés eux-mêmes. Ce système ne s'équilibre plus depuis des années et laisse de côté, malgré des mécanismes divers de prise en charge, ceux qui ne peuvent pas se rattacher à tel ou tel régime. »

Alors que, dans les années qui ont suivi la création de la sécurité sociale, l'assiette du prélèvement social constituée par la masse salariale était particulièrement dynamique et vertueuse, elle cumule aujourd'hui les inconvénients :

- assiette peu dynamique, voire se rétractant ;

- pour les entreprises, assiette pénalisant l'emploi par rapport au capital, en particulier pour les bas salaires ;

- pour les ménages, assiette pénalisant les actifs -et donc l'activité- au détriment du reste de la population.

Bien entendu, les effets négatifs de cette assiette sont renforcés compte tenu du niveau désormais très élevé des taux de cotisation.

Ces effets deviennent pervers à travers leurs conséquences sur l'emploi, l'augmentation du chômage induite contractant encore l'assiette et étant un facteur d'élévation du niveau des taux pour maintenir l'équilibre financier.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'entreprendre, dans le présent projet de loi de financement, l'amorce d'une réforme du financement de l'assurance maladie.

Elle se traduit par le basculement d'1,3 point de cotisations d'assurance maladie salariées sur 1 point de contribution sociale généralisée déductible du revenu imposable. Cette contribution sociale généralisée est dite « étendue », son assiette étant calquée, non sur celle de la CSG actuelle, mais sur celle de la contribution au remboursement de la dette sociale (à certains revenus de remplacement près).

Il s'agit d'alléger le poids du financement de l'assurance maladie sur les actifs (qui gagnent ainsi 0,45 % de pouvoir d'achat), au détriment du capital. L'opération sera neutre pour les retraités.

Si un tel élargissement des sources de financement de l'assurance maladie le rendre plus vertueux pour l'économie, il intervient aussi en prévision de la création d'une assurance maladie universelle.

Évoquant ce chantier, le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, dit « La Martinière », a formulé plusieurs observations intéressantes dont il convient de prendre la mesure au moment ou le Parlement doit se prononcer sur sa toute première étape.

Évoquant le taux d'une contribution appelée à financer l'assurance maladie universelle (qui n'inclurait pas les indemnités journalières maladies, celles-ci continuant légitimement à être financées par une technique assurancielle reposant sur des cotisations), ce rapport estime qu'un taux de 4,5 % serait suffisant si son assiette était très large. Il recommande à cet égard de prendre pour référence l'assiette de la CRDS, souhait auquel le gouvernement ne s'est pas totalement conformé dans le projet de loi.

Ce « prélèvement proportionnel unifié sur tous les revenus à l'exception des minimas sociaux, à assiette large et à taux modéré » constituerait un financement adéquat d'une assurance maladie fondée désormais sur un principe de solidarité.

Le rapport La Martinière estime à cet égard que « l'association de tous le revenus et de la grande majorité des résidents à l'effort exigé en matière d'assurance maladie pourrait être (...) le moyen de les faire participer au succès de la politique de modération (des dépenses) qui vient d'être mise en oeuvre ».

Il recommande que toute modification entraînant un élargissement d'assiette du prélèvement social s'accompagne d'une rééducation à due concurrence des cotisations, recommandation que fait mieux que respecter le gouvernement dans la mesure où la mesure envisagée par le présent projet de loi procurera aux actifs un gain de pouvoir d'achat, et de ne pas envisager la déductibilité de la nouvelle CSG avant l'achèvement de la montée en puissance du nouveau prélèvement maladie, souhait que n'a pas suivi le gouvernement.

Enfin, le rapport La Martinière évoque les conséquences de l'institution d'une assurance maladie universelle dur les finances départementale. Il estime, comme votre commission, qu'elle doit faire disparaître la prise en charge par les départements de certaines cotisations d'assurance personnelle, d'un montant de 3 milliards de francs.

Cette disparition conduira aussi nécessairement votre commission à s'interroger sur la nécessité de maintenir les compétences départementales en matière de prévention sanitaire.

c) La fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie

La loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 a prévu, en son article premier, que chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Cet objectif est prévisionnel, et n'est pas opposable aux assurés sociaux qui ne verront pas leurs remboursements limités ou supprimés en cas de dépassement.

Il est, en revanche, pleinement opposable aux professionnels et établissements de santé qui devront prendre les mesures appropriées afin de le respecter, sous peine de sanctions financières dont le principe est inscrit dans le code de la sécurité sociale et les modalités définies par voie conventionnelle.

Afin de renforcer, s'il en était besoin, la crédibilité de l'opposabilité de cet objectif, le gouvernement a choisi de retenir une acception étroite de la notion de « dépenses d'assurance maladie ».

L'exposé des motifs de l'article 4 du projet de loi confirme bien en effet que les dépenses prises en compte dans l'objectif excluent les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières du risque maternité (mais non celles du risque maladie), les dépenses de gestion administrative, d'action sanitaire et sociale, les dépenses des fonds de prévention, les transferts et frais financiers.

N'ont été retenues dans le champ de l'objectif que les dépenses « engagées » par les professionnels de santé à l'occasion des soins qu'ils délivrent ou des prestations qu'ils fournissent.

Ce parti pris est généreux : toute augmentation des dépenses de prévention des caisses d'assurance maladie, pourtant bénéfiques à la santé et entrant bien dans le champ des « dépenses d'assurance maladie » se fera en plus des 600,2 milliards de francs prévus dans l'enveloppe fixée par l'article 4 du projet de loi.

Ce parti pris doit également être considéré comme juste, les professionnels de santé ne pouvant pas se voir reprocher, par exemple, une augmentation des dépenses d'action sociale engagées par l'assurance maladie.

Pour la première fois dans l'histoire de la sécurité sociale, les règles du jeu sont parfaitement claires en début d'année pour les professionnels de santé : le Parlement décide de l'objectif, après un débat public, et ne pourra le modifier en cours d'année qu'exceptionnellement et selon des formes très solennelles (adoption d'une loi de financement rectificative).

Chacun, qu'il soit citoyen, professionnel de santé ou usager du système de soins, doit s'en féliciter.

Ceci étant dit, votre commission proposera un amendement tendant à augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie grâce à des ressources nouvelles qu'elle aura par ailleurs dégagées. Cette augmentation constituera une enveloppe supplémentaire, de plus d'un milliard de francs, qui servira exclusivement à financer des priorités de santé publique définies par le gouvernement ou par voie conventionnelle.

III. LES CONDITIONS DE LA REUSSITE : LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

L'assurance maladie est aujourd'hui à la croisée des chemins. De la réussite de l'application des ordonnances et de la rapidité de la résorption des déficits dépendront sans nul doute l'existence, demain, d'une couverture maladie pour tous les Français et leur égal accès à un système de santé de qualité.

Votre commission estime que les conditions de la réussite se résument en dix propositions, ici résumées.

LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE

***

ORIENTATIONS DÉFINIES PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

***


A - Renouer le dialogue et rétablir la confiance

1 * rétablir le dialogue avec les médecins, sans oublier les autres professionnels de santé

2 * poursuivre la mise en oeuvre rapide des ordonnances : rien n'est pire que l'incertitude

3 * renouer la confiance : les objectifs 1996 et 1997 de progression des dépenses peuvent être atteints


B - Médicaliser autant que possible la politique de maîtrise des dépenses de santé

1 * la commission des Affaires sociales propose une méthodologie de médicalisation de l'objectif pour le prochain projet de loi de financement et une enveloppe supplémentaire pour financer des priorités nouvelles.


C - Favoriser une plus juste répartition de l'effort

1 * placer le secteur médico-social dans un mécanisme de régulation des dépenses

1 * faire en sorte que la réforme hospitalière ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital : pour un nouveau mode de nomination des praticiens hospitaliers et des chefs de service

3 * procéder à une rapide remise à plat des conditions d'exercice de l'officine


D - Instaurer une plus grande transparence

1 * dans le respect de ses spécificités, réfléchir à l'inclusion de l'AP-HP dans le champ de compétence de l'Agence régionale d'hospitalisation de l'Ile de France

2 * procéder à une révision rapide de la nomenclature des actes médicaux et du tarif interministériel des prestations sanitaires

3 * renforcer la transparence des comptes

A. RENOUER LE DIALOGUE ET RETABLIR LA CONFIANCE

Le rétablissement du dialogue et le renouveau de la confiance sont des conditions indispensables à la réussite de la réforme engagée par le gouvernement.

La satisfaction de cette exigence repose sur la réalisation de trois conditions : reprendre le dialogue avec les médecins sans oublier les autres professionnels de santé, poursuivre la mise en oeuvre rapide des ordonnances et montrer que les objectifs de dépenses pour 1996 et 1997 peuvent être atteints.

1. Rétablir le dialogue avec les médecins et les autres professionnels de santé

A la suite de malentendus et, peut-être, de maladresses, un climat d'incompréhension mutuelle semble s'être installé entre les professionnels de santé et le Gouvernement.

Ceci est particulièrement grave au moment où se met en place une réforme essentielle pour l'avenir de notre système de santé et de protection sociale et pour la mise en oeuvre de laquelle, contrairement à ce qui a pu être dit, beaucoup reste à négocier.

Rien ne serait plus dangereux, pour les médecins, qu'une politique de la chaise vide : la plupart de leurs représentants, d'ailleurs, l'ont compris.

Pratiquer la politique du pire, ce n'est pas mettre en danger l'avenir de l'ordonnance relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, c'est laisser le champ libre à ceux, ils existent, qui veulent remettre en cause l'existence de la sécurité sociale.

Leur succès aurait de terribles conséquences pour tous les français, la sécurité sociale constituant un des socles du contrat social depuis l'après guerre. Mais il aurait également des conséquences désastreuses pour les médecins et leur niveau de vie, l'existence d'une sécurité sociale généreuse ayant permis à l'offre de soins de se développer de manière considérable tout en assurant la progression du pouvoir d'achat de tous ses acteurs.

Du côté du gouvernement, il ne faut pas laisser aux médecins le sentiment qu'ils sont les boucs émissaires de toutes les difficultés rencontrées par la protection sociale : toute réforme est difficile à vivre pour ceux qui sont concernés dans leur pratique et leur vie quotidiennes, et il faut en tenir compte.

Il convient donc, dans les meilleurs délais, d'adapter la convention médicale aux nouvelles données résultant de la publication des ordonnances, afin que le système conventionnel lui même ne soit pas menacé.

Mais il ne faut pas oublier les autres professionnels de santé, comme les directeurs de laboratoires, de cliniques, ou les infirmières, par exemple, qui se sont engagés depuis plus de cinq ans dans un processus de maîtrise médicalisée de leurs dépenses. Toute l'attention est focalisée, aujourd'hui, sur les médecins auxquels le gouvernement veut appliquer un objectif opposable : or, les cliniques privées, les laboratoires d'analyses et les infirmières négocient chaque année un tel objectif : il ne faudrait pas l'oublier.

2. Poursuivre la mise en oeuvre rapide des ordonnances

Nous l'avons vu plus haut, la totalité des mesures réglementaires d'application nécessaires à l'entrée en vigueur des ordonnances n'est pas encore publiée.

Le gouvernement s'est engagé à ce que toutes les dispositions indispensables à l'application des principales dispositions des ordonnances soient publiées avant la fin de l'année : il faut qu'il tienne sa promesse.

Quelles que soient les difficultés administratives rencontrées pour rédiger un si grand nombre de décrets, les français ne comprendraient pas que, plus d'un an après le discours du Premier ministre du 15 novembre soulignant la gravité de la situation et l'urgence d'une réforme, rien n'ait encore changé.

En outre, pour les professionnels de santé, une publication rapide des principaux décrets contribuerait nécessairement à améliorer le climat de leurs relations avec les pouvoirs publics : rien n'est pire que l'incertitude.

3. Rétablir la confiance chez les professionnels et dans l'opinion publique : les objectifs pour 1996 et 1997 peuvent être atteints

Après un mauvais premier semestre, les dépenses du régime général pour l'assurance maladie ont régressé aux mois de juin, juillet et août. Ces chiffres montrent, nous l'avons vu, que le respect des objectifs qui ont été fixés aux professionnels de santé pour 1996 n'est plus hors de portée.

Il en ira de même pour 1997.

Certes, les prévisions de la commission des comptes font état d'une progression des dépenses liées aux soins de 2,4 % en 1997. Mais ces prévisions reposent sur une évolution de la dotation globale versée aux hôpitaux de 2,5 %, qui est le taux d'évolution tendanciel des dépenses hospitalières, mais qui ne sera peut-être pas retenu comme taux directeur. En outre, elles ne prennent pas en compte les effets d'un encadrement de l'évolution des dépenses du secteur médico-social que votre commission vous proposera d'instituer. Enfin, si le rapport de la commission des comptes indique intégrer l'effet des mécanismes de régulation liés aux objectifs quantifiés nationaux pour les cliniques et les laboratoires, rien n'est dit pour les médecins (honoraires et prescriptions).

C'est pourquoi votre commission estime que le respect de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 1997 tel que proposé par l'article 4 du projet de loi est possible, si les professionnels jouent le jeu.

B. MEDICALISER AUTANT QUE POSSIBLE LA POLITIQUE DE MAITRISE DES DEPENSES DE SANTE

Votre rapporteur est convaincu que le succès d'une politique de maîtrise des dépenses de santé repose sur l'adhésion des professionnels, mais aussi sur la médicalisation de ses objectifs.

En effet, une politique purement comptable, non seulement serait inadaptée à la réalité de la pratique des professionnels de santé, mais elle serait une politique à courte vue, car ne contribuant pas à l'amélioration de l'état de santé de la population.

Nous l'avons vu, plusieurs priorités définies par la conférence nationale de santé ont été retenues dans le cadre du présent projet de loi, d'autres devant faire l'objet d'un effort de l'État dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997.

Votre commission estime qu'il sera possible, dès l'an prochain, de médicaliser un peu plus l'objectif national de dépenses tel qu'il est défini par l'article 4 du projet de loi.

Elle considère qu'il était difficile de faire mieux cette année compte tenu du nécessaire rodage de la procédure, qu'il s'agisse de la réunion de la conférence nationale de santé ou de la préparation proprement dite du projet de loi.

Pour l'an prochain, votre commission souhaite être destinataire de données chiffrées prospectives reflétant, pour l'année suivante, l'impact financier de certaines priorités ou changements importants dans les pratiques diagnostiques ou thérapeutiques.

Si tel était le cas, le Parlement serait véritablement en mesure de « décrocher » de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie le financement de celles des priorités qu'il aura retenues.

Leur financement étant prévu et budgété dans les dépenses, la réalisation de ces priorités nouvelles ne pourra être opposée aux professionnels de santé.

Il ne s'agit pas, que l'on comprenne bien, d'entrer dans une logique de diminution de l'opposabilité de l'objectif aux professionnels de santé par une « indemnisation » de toute mesure nouvelle ou de tout traitement nouveau. Il s'agit au contraire de renforcer cette opposabilité pour l'immense majorité des dépenses.

De même, le rapport pourrait, dès l'an prochain, définir le panier des biens et services de santé remboursables par l'assurance maladie : l'adoption du rapport par le Parlement prendrait dans ce cas une grande signification.

Dès cette année, nous l'avons vu, votre commission vous propose d'adopter un amendement qui tend à augmenter l'objectif national de dépenses en le complétant par une enveloppe supplémentaire, sorte de réserve destinée à financer de nouvelles priorités gouvernementales ou conventionnelles.

C. FA VORISER UNE PL US JUSTE REPARTITION DE L'EFFORT

La politique de maîtrise des dépenses de santé ne réussira que si l'effort demandé aux professionnels est clairement réparti.

Ce n'est pas encore le cas aujourd'hui : certains secteurs du système de soins sont encore placés à l'écart de tout mécanisme de régulation, et certains mécanismes de régulation pourraient voir leur efficacité renforcée.

Votre commission formule donc trois propositions : placer le secteur médico-social dans un mécanisme de régulation des dépenses, faire en sorte que la réforme hospitalière ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital et procéder à une rapide remise à plat des conditions d'exercice de la pharmacie d'officine.

1. Placer le secteur médico-social dans un mécanisme de régulation des dépenses

Le secteur médico-social est, à ce jour, le seul à ne pas être placé dans un dispositif de maîtrise des dépenses de santé. De bons arguments ont été évoqués pour expliquer cette situation, notamment l'attente d'une réforme de la loi du 30 juin 1975.

Votre commission estime cependant qu'il n'est pas convenable de temporiser, alors que tous les autres secteurs font des efforts de maîtrise.

Aussi, elle vous proposera d'adopter un dispositif de maîtrise qui, dans le respect des spécificités du secteur médico-social et progressivement, contribuera à réguler l'évolution des dépenses qui le concernent.

Ce dispositif s'appliquerait jusqu'à l'intervention d'une réforme de la loi du 30 juin 1975, à l'occasion de laquelle il serait réexaminé.

2. Faire en sorte que la réforme hospitalière ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital

La réforme hospitalière mise en place par l'ordonnance du 24 avril 1996 est, pour l'instant, essentiellement institutionnelle. Elle va se traduire avant la fin de l'année par la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé.

Sur le papier, la création de ces agences est intéressante, et les pouvoirs dont elles sont dotées permettent en théorie d'adapter l'offre de soins hospitaliers aux besoins de la population, en quantité et en qualité.

Notamment, la contractualisation des rapports entre les agences régionales et les établissements de santé publics pourrait être très profitable. Elle est définie, dans l'ordonnance, dans des termes qui conviennent à votre commission même si, faut-il le rappeler, celle-ci aurait souhaité que l'on procède aussi à une réforme du financement de l'hôpital.

Mais quelle sera la portée de cette contractualisation des rapports de l'hôpital avec sa tutelle ?

Comment le directeur de l'hôpital pourra-t-il faire respecter les engagements de ce contrat au sein de son établissement ? Quel est son degré d'autorité sur les chefs de service et sur les praticiens hospitaliers, qui sont les producteurs de soins de l'établissement qu'il dirige ?

Votre commission estime que le succès de la réforme hospitalière passe, comme il en avait été question lors des travaux préparatoires à la rédaction des ordonnances, par une forte implication du niveau local dans la gestion des praticiens hospitaliers et des chefs de service.

L'hôpital est en effet une entreprise productrice de soins et doit être géré comme telle.

3. Procéder à une rapide remise à plat des conditions d'exercice de la pharmacie d'officine

Les pharmaciens d'officine, au bout de la chaîne du médicament, ne sont à l'heure actuelle soumis à aucun mécanisme négocié de régulation des dépenses, alors qu'ils subissent les conséquences des dispositifs établis pour les fabricants (accord-cadre État-SNIP) ou les prescripteurs.

Des négociations ont commencé afin de réexaminer l'ensemble des conditions d'exercice des officinaux, c'est-à-dire, non seulement leur mode de rémunération, mais aussi, par exemple, la démographie des officines et leur répartition sur le territoire.

L'aboutissement de ces négociations revêt un caractère d'urgence si le gouvernement et les caisses veulent que la politique de promotion des médicaments génériques soit mise en oeuvre rapidement.

Cette politique, qui pourrait générer des économies pour l'assurance maladie, va surtout contribuer à une déformation de la structure des prix des médicaments dont les effets sur l'économie des officines méritent d'être évalués.

L'aboutissement de ces négociations est également important afin que les officinaux ne se sentent pas laissés pour compte dans la définition et la mise en oeuvre de la réforme du système de soins et de l'assurance maladie.

D. INSTAURER UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE

Le succès de la réforme de la protection sociale passe certainement par l'instauration d'une plus grande transparence.

Votre commission estime que cette transparence accrue doit concerner la régulation de l'offre hospitalière, la nomenclature des actes professionnels et le TIPS, la politique du médicament et l'établissement des comptes de la sécurité sociale.

1. Réfléchir à une éventuelle inclusion de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris dans le champ de compétence de l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Île-de-France

L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a été écartée du champ de compétence de l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Île-de-France.

Cette mise à l'écart suscite, pour le moins, des interrogations au sein des représentants des professionnels de santé.

Il convient de réfléchir à une éventuelle modification de cette architecture, en disposant de tous les éléments permettant d'éclairer ce choix.

Du côté des avantages d'une telle inclusion, il y aurait sans doute ceux qui s'attachent, dans tous les domaines, au renforcement de l'égalité des conditions. Bien des activités de l'Assistance Publique diffèrent d'une activité hospitalière « classique », ne serait-ce qu'au regard du coût de la recherche médicale. L'inclusion de l'AP-HP, en accentuant la transparence, permettrait d'évaluer ces différences et, par là même, de mieux asseoir leur légitimité vis à vis de ceux qui se contentent d'observer l'évolution globale des budgets.

Mais, du côté des inconvénients, il y aurait le grand risque d'affaiblir l'autorité du directeur général de l'AP-HP, de remettre en cause le bon déroulement des politiques entreprises à son initiative, voire l'existence même de l'AP-HP.

C'est pourquoi il convient, dans un premier temps, de favoriser une coopération entre l'agence régionale et l'Assistance Publique.

2. Procéder à une révision rapide de la nomenclature des actes professionnels et du TIPS

Le rapport au Parlement de la Cour des comptes comporte, en matière d'assurance maladie, une partie fort intéressante consacrée à la nomenclature des actes professionnels et au tarif interministériel des prestations sanitaires.

Ses conclusions méritent d'être retenues.

Le rapport observe ainsi que « la nomenclature générale des actes professionnels, en dehors de quelques domaines très ponctuels, radiologie et imagerie médicale, ophtalmologie, neurochirurgie, n'a pas été révisée depuis plus de vingt ans. Engagée depuis plusieurs années, la révision de la nomenclature de la chirurgie n'est toujours pas achevée. Dans ces conditions, de nombreux actes et cotations ne correspondent plus à aucune réalité, ni médicale, ni économique.

Une procédure de cotation provisoire, renouvelable annuellement, permet de pallier l'absence de mise à jour de la NGAP. Mais ce qui serait acceptable entre deux révisions n'est plus suffisant dès lors que le régime provisoire devient durable. C'est notamment le cas pour les actes d'auto -transfusion péri-opératoire, de scanographie et d'imagerie à résonance magnétique et pour les traitements par laser à colorant. »

En ce qui concerne le TIPS, la Cour révèle que « fin 1985, six catégories de prothèses avaient une nomenclature tarifée. Dix-sept ne l'avaient toujours pas et restent par conséquent remboursées sur facture. Or, cette situation est préjudiciable pour l'assurance maladie, qui supporte d'importants surcoûts du fait des prix pratiqués (pour les prothèses de hanche, par exemple, la marge de l'industriel représente jusqu'à 80 % du prix pratiqué). »

3. Renforcer la transparence des comptes

Les nouvelles compétences du Parlement en matière de financement de la sécurité sociale comme l'opposabilité aux professionnels de santé de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie font qu'il est plus que jamais nécessaire de disposer de comptes transparents et d'analyses claires.

Votre commission estime que ce n'est pas le cas actuellement. Elle souhaite donc que toutes les mesures soient prises afin de remédier à cette situation.

*

* *

Votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives aux conditions générales de l'équilibre financier et à l'assurance maladie.

ANNEXE N° 1 - STATUT DES DIVERSES CATEGORIES DE REVENU AU REGARD DES COTISATIONS DE LA CSG ET DE LA CRDS

ANNEXE N° 2 - VERSEMENTS DE LA CNRACL AU TITRE DE LA COMPENSATION GENERALISEE ET DE LA COMPENSATION ENTRE REGIMES SPECIAUX


ANNEXE N° 3 - PRODUIT DES IMPOSITIONS AFFECTEES A DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE (ANNEXE AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997)

(1) Ce montant comprend la partie de l'appel complémentaire effectué en 1995 mais perçu en 1996.

* 1 Notamment en raison des règles de recevabilité fixées par le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 2 Dans le cadre de la commission des comptes de la sécurité sociale et de la conférence de presse tenue le même jour.

* 3 Voir sur les différentes branches le commentaire sous l'article premier dans l'examen des articles.

* 4 Malgré tout l'intérêt de l'annexe E consacrée à ces transferts.

* 5 Rapport annuel de la Cour des Comptes au Parlement sur la sécurité sociale (septembre 1995).

* 6 Allocation pour jeune enfant.

* 7 Ce dernier chiffre légèrement supérieur à celui résultant des comptes figurant à l'annexe C.

* 8 Compte tenu de la prise en charge par la CADES de 16,6 milliards.

* 9 Voir rapport CCSS octobre 1995, p. 14.

* 10 Les prévisions présentées le 15 novembre 1995 comptaient même sur 36,7 milliards d'efforts financiers en 1995.

* 11 Ce document inclut en outre le produit de la CRDS qui en réalité est affecté à la CADES et non aux régimes de sécurité sociale.

* 12 Plus précisément une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution.

* 13 Le coût des amendements sur les alcools est estimé à 650 millions de francs.

* 14 Voir note du service des Etudes du Sénat présentant les résultats d'une projection réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide du modèle Mosaïque.

* 15 Voir rapport Le financement de la protection sociale. Commissariat général au Plan, 1995.

* 16 Le solde global, en dernière analyse, dépasse donc de peu la trentaine de milliards, pour autant qu on puisse rapprocher ces agrégats.

* 17 Claudine Herzlich, Cinquante ans d'exercice de la médecine en France, Carrières et pratiques des médecins français 1930-1980, Paris, Inserm-Doin, 1993 2 Cité par Bénédicte Vergez, Le monde des médecins au XXème siècle, Editions complexe, 1996.

* 18 Titre V de l'ordonnance n° 96-345

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