N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 novembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ASSURANCE VIEILLESSE

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président : Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents : Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires : François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquis, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ. ) : 3014, 3053, 3064 et T.A. 589.

Sénat : 61 et 68 (1996-1997).

Sécu

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Dans un monde extrêmement incertain où la perspective du chômage angoisse les moins de 60 ans mais où l'inflation a été maîtrisée, les retraités peuvent apparaître aux yeux de certains comme des nantis dans la mesure où, précisément, ils ont des revenus garantis, et non sujets à l'érosion monétaire. Or, la situation globale des retraités est rien moins qu'homogène même si les trente dernières années ont vu leur niveau de vie général s'améliorer.

Les nouveaux retraités sont plus aisés, parce qu'ayant eu, notamment, des carrières plus complètes que ceux qui sont âgés de 80 ans et plus, mais ils sont également beaucoup plus sollicités, par leurs aînés en situation de dépendance, par leurs enfants qui ont du mal à trouver un emploi ou à s'installer dans la vie ou encore qui prolongent leurs études. En bonne santé, -ils restent « jeunes » de plus en plus « vieux », et avec un pouvoir d'achat au moins égal à celui des actifs. Ils constituent une cible de plus en plus intéressante pour la publicité -le marché des seniors- pour consommer des biens matériels. Mais, en même temps, ces retraités souhaitent une plus grande reconnaissance institutionnelle -participation au Conseil économique et social 1 ( * ) en tant que tels- et être consultés sur les mesures les concernant.

Votre commission a donc souhaité faire le point sur la situation des retraités, qu'ils soient retraités du régime général, des régimes complémentaires, des régimes autonomes ou spéciaux. Elle examinera ensuite rapidement la mise en oeuvre des dispositions du plan du 15 novembre 1995 pour l'assurance vieillesse avant de s'interroger sur l'intérêt de la création d'une conférence des retraités comme instance de consultation par référence à la conférence de la famille et à celle de la santé déjà existantes.

Enfin, dans la mesure où elle vient d'examiner la prestation spécifique dépendance, fruit d'une proposition de loi sénatoriale, votre commission a souhaité poser quelques jalons pour l'avenir. Ainsi, il lui a semblé essentiel que soient accrues l'efficacité et la cohérence des actions des différentes caisses de sécurité sociale à destination des personnes âgées dans le cadre, précisément, de la coordination des aides prévue par la proposition de loi précitée. Mais elle considère, également, sans remettre en cause le financement des régimes de retraite légaux que devraient être prises des initiatives favorisant la prévoyance individuelle, en particulier en matière de dépendance, toutes initiatives qui pourraient trouver leur place au sein de la future loi sur l'épargne retraite.

*

* *

I. L'ÉTAT DES LIEUX : CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DES RETRAITÉS DU RÉGIME GÉNÉRAL, SITUATION PARFOIS PRÉOCCUPANTE DES AUTRES RÉGIMES, MISE EN OEUVRE DES MESURES CONTENUES DANS LE PLAN DIT « JUPPÉ » ET NÉCESSITÉ D'INSTAURER UN MÉCANISME DE CONCERTATION PRÉALABLE

Il convient de rappeler que, selon le dernier recensement réalisé par l'INSEE en 1990, les personnes âgées de plus de 60 ans composent environ 20 % de la population française. En 2020, la proposition devrait passer, toujours selon l'INSEE, au quart de la population française. Enfin, actuellement, les plus de 85 ans atteindraient le chiffre de 1,034 million tandis que les centenaires seraient 5 000.

Tableau n° 1 : Nombre de personnes âgées en chiffres absolus

(Source : annuaire des statistiques sanitaires et sociales : 1995)

Au 1er janvier 1994

Tableau n° 2 : Poids de la population âgée dans la population totale

(Source : annuaire des statistiques sanitaires et sociales : 1995)

Au 1er janvier 1994

Sur le plan de l'hébergement, il faut noter que 94 % des personnes âgées vivent à domicile alors que 540 000 personnes -dont 330 000 sont dépendantes- se trouvent en établissement.

Parallèlement, le volume des prestations vieillesse devrait continuer notablement à s'accroître pendant une quinzaine d'années. Globalement, le rapport démographique continuera à se dégrader puisque en 2010, il n'y aura plus qu'1,9 cotisant pour un retraité contre encore 3 en 1970.

Il n'est pas inutile de rappeler que les régimes d'assurance vieillesse restent extrêmement nombreux avec plus de 120 régimes de base, environ 180 caisses de retraite complémentaire obligatoire dont 59 regroupées au sein de l'AGIRC et 113 au sein de l'ARRCO, sans compter une centaine de caisses de retraite complémentaire dites facultatives qui correspondent à des dispositifs conventionnels d'entreprise.

Les régimes de retraite de base -dont une vingtaine verse 99,9 % du total de retraites de base- se répartissent en trois blocs :


• le régime général des travailleurs salariés de l'industrie et du commerce et le régime des salariés agricoles géré par la mutualité sociale agricole ;


• les régimes des non-salariés dont on distingue :

- la caisse autonome d'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA) avec 30 caisses régionales et trois caisses professionnelles nationales ;

- la caisse autonome nationale d'assurance vieillesse des industriels et des commerçants (ORGANIC) qui possède 11 caisses professionnelles et 45 caisses inter-professionnelles ;

- la mutualité sociale agricole pour le régime des exploitants agricoles (MSA) ;

- la caisse nationale des barreaux français (CNBF) ;

-la caisse d'assurance vieillesse des cultes (CAMAVIC) ;

- les régimes spéciaux de salariés : au nombre de 55 et créés avant 1930, les pensions qu'ils servent constituent, à la fois, la pension de base et la pension complémentaire. Il s'agit, principalement, des fonctionnaires, des ressortissants de la caisse nationale des ressortissants et agents des collectivités locales (CNRACL), de ceux d'EDF, de la SNCF et de la RATP.

Par ailleurs, pour ceux qui n'ont pas ou pas suffisamment cotisé et qui ont plus de 65 2 ( * ) ans existe le minimum vieillesse, composé de l'addition de deux types de prestations : l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS) et l'allocation du fonds national de solidarité.

Il faut noter que, même si la situation des retraités s'est grandement améliorée, une personne sur huit âgée de plus de 65 ans perçoit encore cette allocation (cf. tableaux n° 3 et 4). On peut, d'ailleurs, remarquer que les anciens exploitants agricoles sont nombreux, en proportion, à toucher le minimum vieillesse du fait de la faiblesse des retraites dans ce secteur.

Tableau n° 3 : Bénéficiaires et prestations en matière de minimum

vieillesse

Tableau n° 4 : Bénéficiaires et prestations selon l'organisme verseur

(montants en millions de francs)

au 31 décembre 1992

Sur un plan général, et sans faire référence à un régime en particulier, si l'on considère le montant mensuel moyen des retraites de droit direct perçues en 1993, qu'il s'agisse des retraités ayant plus de 150 trimestres ou pas de durée d'assurance, on s'aperçoit que, pour les hommes, celui-ci est plus élevé pour ceux de 70 ans que ceux de 66 ans alors que pour les femmes, moins l'âge est important plus le montant moyen de la retraite de droit direct est significatif (Cf. Tableaux n° 5 et 6).

Tableau n° 5 : Retraités totalisant 150 trimestres ou plus de durée

d'assurance (droits directs)

Montant mensuel moyen en Francs

Tableau n° 6 : Retraités totalisant un nombre quelconque de trimestres

d'assurance

Montant mensuel moyen en Francs

Si l'on analyse le montant moyen des retraites de droit direct pour les retraités, quel que soit le nombre de trimestres d'assurance et pour un seul régime d'affiliation, on constate, sans surprise, que les retraites moyennes sont les plus élevées chez les cadres et les fonctionnaires et que c'est parmi ceux-ci que la différence hommes/femmes sur le plan des montants perçus est la moins élevée (cf. tableau n° 7 ci-après).

Tableau n° 7 : Montant moyen des retraites de droit direct selon les

régimes de base d'affiliation

Retraités totalisant un nombre quelconque de trimestres d'assurance

(un seul régime d'affiliation)

en Francs

A. LES CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DES RETRAITES DU RÉGIME GÉNÉRAL ET LA SITUATION PARFOIS PRÉOCCUPANTE DES AUTRES RÉGIMES

1. les conséquences de la réforme des retraites du régime général

Votre rapporteur, qui était également le rapporteur de la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, se contentera de rappeler les trois points essentiels de la réforme dont les deux derniers étaient du domaine du décret : l'indexation des pensions sur les prix à la consommation, l'accroissement d'un trimestre requis par an pour avoir une retraite à taux plein afin d'arriver en 2004 à 160 trimestres contre 150 avant la réforme et le changement de la référence de calcul pour ces mêmes retraites avec le passage progressif des dix meilleures années aux 25 meilleures, sur le principe d'un accroissement d'une année de référence par an.

Si l'indexation sur les prix à la consommation qui était en fait réalisée depuis 1987, est une mesure qui a eu, immédiatement, un fort impact positif sur la situation financière de la CNAVTS, les deux autres, très progressives pour ne pas avoir des conséquences trop brutales pour les premières générations touchées, ont eu et ont encore, en conséquence, peu d'influence sur le solde financier de la CNAVTS. De plus, en 1995, l'impact de ces deux dispositions a été contrebalancé par l'entrée en vigueur au 1er janvier de cette année-là de l'accroissement de 2 % du taux des pensions de réversion qui est passé de 52 % à 54 %. Toutefois, l'impact de ces dispositions devrait s'accroître progressivement au fil des années ; il devrait s'élever, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport de septembre 1996, à un millier de francs en 1996 et 1997. Dans le rapport annexé au présent projet de loi, cet impact atteindrait 4 milliards en l'an 2000 et 28 milliards en l'an 2010, ce qui apparaît tout à fait considérable.

Il faut, par ailleurs, noter que, d'une manière générale, ainsi que le note la Cour des comptes dans son dernier rapport, l'écart moyen entre les prévisions et les réalisations en matière d'assurance vieillesse est relativement faible dans la mesure où les effectifs de retraités sont correctement anticipés. Selon la Cour des comptes, les erreurs de prévisions sur la période de 1986-1994, au demeurant peu nombreuses, sont imputables à l'inflation ou à la non anticipation de mesures de revalorisation.

Sur l'aspect des revalorisations, votre rapporteur souhaite souligner un point, outre la revalorisation de 0,5 % non prévue en juillet 1995. L'effet dit « Chamard » instauré par la loi du 22 juillet 1993 qui prévoit une indexation sur les prix à la consommation stricte en masse et en niveau et donc un rattrapage l'année suivante eu égard à l'inflation constatée par rapport à l'inflation prévisionnelle qui aurait dû être protecteur pour les retraités ne l'a pas été jusqu'à présent. En effet, depuis l'application de la loi, l'inflation prévisionnelle a été, en fait, supérieure à l'inflation constatée d'où la difficulté psychologique, pour les pouvoirs publics d'infliger un rattrapage négatif, forcément mal perçu par les retraités. Toutefois, en 1996, après l'annonce du plan du 15 novembre 1995, ce « barrage » psychologique a été surmonté puisque la revalorisation de 2 % pour l'année comprenait une revalorisation prévisionnelle de 2,1 % correspondant à l'évolution des prix à la consommation et un rattrapage négatif de 0,1 % au titre de l'année 1995, compte tenu de l'évolution des prix constatée durant cette année.

En 1997, ainsi que le précise le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1996, le mécanisme légal aurait dû aboutir à un taux de revalorisation au 1er janvier 1997 de 1,1 %, résultant d'une inflation prévisionnelle de 1,3 % au titre de 1997 et d'un rattrapage négatif de 0,2 % au titre de 1996, puisque l'inflation constatée semble devoir être de 1,9 % au lieu des 2 % anticipés en 1995. En fait, la revalorisation devrait être un peu supérieure puisque s'élevant à 1,2 %, sans doute pour ne pas ajouter à l'accroissement des prélèvements sur les retraités qui connaîtront, pour nombre d'entre eux, 1 % de CSG supplémentaire et 0,2 % point de cotisation d'assurance maladie de plus.

Ainsi que le fait également remarquer le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale précité, une stricte application du dispositif légal aurait dû également conduire à un rattrapage négatif en masse de 0,1 % au titre de 1996. Cependant, eu égard aux nouvelles charges précitées qui devraient peser sur les retraités, cela n'a pas été prévu. Or, ce non rattrapage a un coût que le rapport précité évalue à 600 millions de francs.

A mesure que les années passeront, la réforme des retraites du 22 juillet 1993 fera de plus en plus sentir ses effets. Toutefois, une étude statistique menée par la CNAVTS en mars 1995 mais publiée seulement début 1996, dans la lettre de la CNAVTS, relativise l'impact de l'accroissement du nombre de trimestres nécessaires pour avoir une retraite à taux plein. En effet, selon cette étude, deux ressortissants de la CNAVTS sur 3 étaient déjà inactifs avant la retraite, dont 1 sur 5 avant l'âge de 51 ans. Cette étude confirme donc les résultats de celles de 1990 et 1993 où l'on constatait déjà que 62 % des personnes partant en retraite étaient déjà inactifs. Ainsi en 1995, 61 % des hommes et presque 71 % des femmes se retrouvent inactifs à la veille de leur retraite.

Près de 40 % de ces inactifs sont chômeurs et plus de 41 % ne touchent pas de revenu de remplacement. Et sur 10 nouveaux retraités, deux ont cessé de travailler avant 51 ans : il s'agit en particulier de femmes (3 sur 10) qui ont quitté leur emploi lorsqu'elles ont eu des enfants, mais aussi d'hommes (1 sur 10) dont la plupart sont invalides ou bénéficiaires du RMI.

Par ailleurs, trois nouveaux retraités sur 10 ont cessé leur activité entre 55 et 58 ans car ils ont été réduits au chômage.

2. ..., Et la situation parfois préoccupante des autres régimes

Ces derniers ne seront pas étudiés un par un. On se contentera de mentionner les facteurs d'inquiétudes et les évolutions prévisibles, en se fondant sur le rapport dit « Briet » d'octobre 1995 du Commissariat général du Plan intitulé « Perspectives à long terme des retraités ». Les évolutions mentionnées seront donc à horizon 2010-2015.

Tout d'abord, comme pour le régime général, on constate une dégradation plus ou moins importante du rapport cotisants/retraités selon les régimes, résultant d'une baisse des cotisants et d'un accroissement des retraités. Seuls, la SNCF et les exploitants agricoles enregistrent une baisse du nombre de leurs retraités, alors que l'action combinée des deux paramètres précités rend la situation de la CNRACL comme du régime des fonctionnaires préoccupante 3 ( * ) . Les difficultés de ce dernier régime viennent encore d'être soulignées par un récent rapport de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale dite rapport «de Courson » 4 ( * ) très défavorable (Cf. tableau ci-après). En effet, les cotisants à la CNRACL et chez les fonctionnaires voient leur nombre se stabiliser alors que le nombre des retraités est multiplié par 2,8 pour le premier régime et croît de 80 % pour le second.

S'agissant des cotisants des régimes complémentaires, il convient de noter que l'évolution de l'ARRCO est quasiment identique à celle du régime général alors que l'AGIRC voit l'évolution de ses cotisants liée à l'évolution du taux d'encadrement qui devrait continuer à croître mais moins fortement que par le passé. Parallèlement, le nombre des retraités affiliés à l'AGIRC croîtra fortement.

Globalement, à partir de 2005, et surtout de 2010-2015, puisque l'AGIRC et l'ARRCO ne comptabilisent pas leurs retraités âgés de moins de 65 ans, l'effet en est donc décalé dans le temps, ces deux régimes subissent le choc de l'arrivée à l'âge de la retraite des enfants du baby-boom.

Le rapport cotisants/retraités des différents régimes

Compte tenu de l'effet conjugué des écarts de croissance des effectifs de retraités qu'on vient de voir et des pensions moyennes servies, les évolutions de charges s'avèrent différenciées selon les régimes de -29 % pour le régime des exploitants agricoles à + 220 % pour la CNRACL entre 1995 et 2015 (Cf. tableau ci-dessous).

Evolution des charges selon les différents régimes

(droits directs et droits dérivés)

Au total, d'après ces résultats, on peut distinguer trois catégories de régimes.

1. La SNCF et les exploitants agricoles avec une situation qui reste déséquilibrée malgré une réduction sensible du besoin de financement notamment pour les exploitants agricoles ;

2. Les régimes de fonctionnaires et de la CNRACL avec un besoin de financement important dès l'an 2000. Pour les fonctionnaires, l'équilibre n'est jamais atteint et le besoin de financement passerait de 1,3 point de cotisation en 1995 à 10,7 points en 2005 et 20,6 points en 2015 ;

Pour la CNRACL, équilibrée jusqu'en 1994, le besoin de financement devrait s'accroître de façon importante. D'après les projections, le besoin de financement devrait atteindre un tiers de la masse salariale en 2015, ce qui devrait porter le taux de cotisation d'équilibre à près de 50 % contre 21 % actuellement.

3. Troisième catégorie de régime, les régimes complémentaires voient leurs besoins de financement croître à partir des années 2005-2010, puisque l'ARRCO, continuellement excédentaire jusqu'en 2010, verra sa situation se dégrader à partir de cette date (avec un besoin de financement égal à 10 % des prestations servies). Quant à l'AGIRC, l'ampleur de ses besoins de financement modérée jusqu'en 2005 devrait s'élever en 2015 à plus de 20 % de l'ensemble de ses charges.

En fait, c'est la politique suivie par les deux régimes qui a limité la progression de leur déficit par, tout d'abord, le fait qu'ils n'aient pas intégré, contrairement au régime général, l'abaissement de l'âge de la retraite dans leur réglementation, ensuite, parce que chacun, dans le cadre d'accords 5 ( * ) , ont annoncé une augmentation progressive de leurs taux contractuels, ce qui a eu pour effet d'augmenter leurs ressources immédiatement.

Les évolutions de ces régimes s'avèrent donc contrastées, selon l'effort qu'eux-mêmes ont accompli. Mais, de toute évidence, leur évolution spontanée surtout à partir de 2005-2010 reste inquiétante.

B. LA MISE EN OEUVRE DES MESURES CONTENUES DANS LE PLAN DIT « JUPPÉ »

Hormis la mesure de rattrapage négatif de 0,1 % précitée au 1er janvier 1996, l'essentiel des mesures réellement appliquées du plan dit « Juppé » pour « redresser » les comptes de la branche vieillesse du régime général n'ont pas eu d'influence sur la situation financière des retraités alors que, c'est là le paradoxe, ces derniers -en fait, uniquement, ceux qui sont imposables à l'impôt sur le revenu- ont contribué à la résorption du déficit de la CNAMTS par l'accroissement de leur cotisation d'assurance maladie, au 1er janvier 1996, de 1,2%.

Rappelons, à cet égard, que les retraités du régime général, jusqu'alors, étaient assujettis à 1,40 % de cotisation d'assurance maladie sur les pensions servies par ledit régime et à 2,40 % sur les retraites complémentaires. L'augmentation de la cotisation des retraités au 1er janvier 1996 ajoutée à celle des chômeurs imposables à l'impôt sur le revenu et ayant une allocation supérieure au SMIC brut devait, en année pleine, selon le plan du 15 novembre 1995, permettre d'économiser 7,1 milliards de francs. Or, l'économie réelle n'a été que de 4,9 milliards. Par ailleurs, la ventilation entre les deux catégories sur le plan de l'économie attendu n'ayant pas été faite, il apparaît difficile de cerner les raisons de la différence entre la prévision et la réalisation.

Au 1er janvier 1997, conformément aux dispositions du plan du 15 novembre 1995, les retraités imposables auraient également dû voir croître leur cotisation d'assurance maladie de 1,2 %. Toutefois, dans la mesure où, tout comme les salariés, les retraités devront acquitter un point de CSG supplémentaire -mais déductible-, en compensation, sans doute mais ce serait considérer qu'un point de CSG déductible est équivalent à 1 % de cotisation d'assurance maladie, ce qui est loin d'être évident- l'augmentation de la cotisation d'assurance maladie les concernant ne sera plus de 1,2 % mais de 0,2 % au 1er janvier 1997.

Trois dispositions du plan du 15 novembre 1995 concernaient la branche vieillesse.

Tout d'abord, il était envisagé de déroger au mode de revalorisation des retraites institué par la loi n° 93-936 du 12 juillet 1993 relative aux pensions de vieillesse et à la sauvegarde de la protection sociale. En effet, le plan proposait de neutraliser le rattrapage visant a posteriori à égaliser la revalorisation octroyée au titre de l'inflation prévisionnelle avec le montant correspondant à l'inflation constatée, que cela soit en masse et en niveau. Il prévoyait donc de revaloriser les pensions de retraite uniquement en fonction de l'évolution des prix prévisionnels pour 1996, soit 2,1 %. Cette disposition devait faire économiser 500 millions de francs en 1996 et 300 millions en 1997. Or, l'inflation constatée en 1995 s'est avérée plus faible que prévu, soit 1,9 %. Il n'y a donc pas eu besoin d'un rattrapage positif. Une fois encore, l'amendement dit « Chamard » créé pour protéger les retraités contre un regain imprévu d'inflation ne pouvait accomplir cette mission. Mais, il pouvait, tout à fait, être appliqué en sens inverse lorsque l'inflation constatée était inférieure à l'inflation prévisionnelle. Toutefois, depuis la date d'entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement de l'époque, dans ce cas de figure, n'avait pas souhaité, comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, instaurer un rattrapage négatif. Ce barrage psychologique a été franchi puisque, au 1er janvier 1996, les pensions de retraite ont été finalement revalorisées de 2 %, ce qui comprenait à la fois l'inflation anticipée soit 2,1 % et le rattrapage négatif de 0,1 %.

Ensuite, le plan dit « Juppé » prévoyait d'harmoniser les conditions de prise en compte des données d'activité pour le calcul des droits à pension. En effet, la retraite de base d'une personne bénéficiaire d'une retraite à taux plein est différente selon que sa carrière a été accomplie dans le cadre d'un seul régime d'assurance vieillesse ou de plusieurs.

Ceci tient au fait que la durée d'assurance au régime général prise en compte pour le calcul de la pension est limitée à 150 trimestres et que cette limite s'apprécie pour chacun des régimes, sans liaison entre eux, ce qui permet aux personnes « polypensionnées » de bénéficier d'une pension calculée sur une période supérieure à 150 trimestres. Cet état de fait n'apparaissait pas équitable pour les ressortissants d'un seul régime de retraite. L'harmonisation prévue visait donc à aligner les droits des « polypensionnés » sur ceux des personnes qui n'avaient cotisé qu'à un seul régime de retraite. Cette disposition qui ne pouvait s'appliquer que grâce à l'instauration de mécanismes d'échanges d'informations entre les régimes aurait dû permettre d'économiser 200 millions de francs dès 1996 et 500 millions en 1997. Mais elle n'a finalement pas été mise en oeuvre car la parfaite coordination inter-régimes qu'elle supposait a soulevé d'importants problèmes techniques qui ne sont pas apparus, pour le moment, solubles.

La troisième disposition concernait le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui devait augmenter sa contribution à la branche vieillesse au titre des validations de période de chômage de 50 %. En effet, le salaire de référence servant à déterminer ce montant, fixé par voie réglementaire 6 ( * ) , jusqu'alors égal à 60 % du SMIC ce qui apparaissait faible et non conforme à ce qui avait été envisagé dès la création du FSV, devait être porté à 90 % de ce même montant. Cette disposition devait apporter à la branche vieillesse 11 milliards de francs en 1996 comme en 1997. Or, elle a rapporté, en fait, selon l'addendum au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, 11,7 milliards de francs, soit 700 millions de plus que prévu. Comme, par ailleurs, la mesure concernant les polypensionnés n'a pas été appliquée, on peut mentionner que le plan dit « Juppé » a finalement apporté à peu près autant de ressources à la branche vieillesse que prévu, même si les mesures prévues initialement n'ont pas été intégralement appliquées.

Par ailleurs, il convient de noter, comme cela a été analysé dans le cadre de l'examen des articles du présent projet de loi, que, pour 1997, le FSV est encore mis à contribution sous l'aspect, cette fois, de la part prise en charge de l'effectif moyen des chômeurs non indemnisés. En effet, actuellement, le FSV prend en charge les validations de période de chômage pour la totalité des chômeurs indemnisés, mais pour les deux tiers seulement des bénéficiaires de convention de conversion et 23,5 % de l'effectif moyen des chômeurs non indemnisés.

La disposition envisagée mais qui est, encore une fois, du domaine réglementaire, prévoit donc de porter de 23,5 % à 31,5 % la part des chômeurs non indemnisés, ce qui impliquera que le FSV devra verser 1,5 milliard supplémentaire à la branche vieillesse du régime général qui devrait ainsi limiter son déficit en 1997 à 9 milliards de francs, malgré la morosité économique qui pèse sur les rentrées de cotisations.

C. LA NÉCESSITÉ D'INSTAURER UN MÉCANISME DE CONCERTATION PRÉALABLE

En effet, la famille a vu se réunir une conférence le 6 mai 1996, dont le principe de la tenue annuelle avait été inscrit dans la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. Le principe de la réunion annuelle par le ministre chargé de la santé d'une conférence nationale de la santé ainsi que celui de la tenue de conférences régionales de santé ont été inscrits, respectivement, aux articles L. 766 et L. 767 du livre VIII du code de la santé publique par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins. Il convient, d'ailleurs, de remarquer que la conférence nationale de la santé qui s'est tenue au Val de Grâce du 2 au 4 septembre 1996, et qui était présidée par le professeur Joël Ménard a défini, dans son rapport remis au Gouvernement, dix priorités dont, précisément, le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes, par la mise en place d'une allocation d'autonomie et une meilleure coordination, priorité qui aurait également pu trouver sa place au sein d'un document élaboré par une conférence nationale des personnes âgées.

Votre Commission estime, donc, pertinent de permettre aux retraités et personnes âgées qui, comme elle l'indiquait en introduction, souhaitent une plus grande reconnaissance institutionnelle, de pouvoir s'exprimer sur les mesures les concernant dans le cadre d'une conférence abordant l'ensemble des problèmes relatifs à la vieillesse et aux retraites. Cette conférence pourrait être annuelle et comporter bien évidemment les retraités eux-mêmes par l'intermédiaire des organismes qualifiés, les professionnels du secteur et les collectivités territoriales.

Cette idée de conférence annuelle a, d'ailleurs, été proposée et défendue par M. Jean Royer, député et ancien ministre, lors d'une séance de question orale à l'Assemblée nationale, le 22 octobre 1996, devant M. Jacques Barrot, ministre du travail et des Affaires sociales. Selon M. Jean Royer, cette conférence devrait rassembler, d'une part, le Gouvernement et des représentants du Parlement, et, d'autre part, des représentants des retraités, pour « examiner leur condition et se tenir au courant de leur rôle dans la protection sociale ». Sur ce point, dans sa réponse, le ministre n'a pas pris clairement d'engagement. Le présent rapport pourrait être l'occasion de lui demander s'il a affiné sa réflexion dans ce domaine afin que, comme il l'a déclaré à M. Royer, « le monde des retraités puisse s'engager encore plus activement qu'il ne le fait aujourd'hui dans l'animation d'une société à laquelle il peut beaucoup apporter ».

A côté de cette proposition très concrète et qui s'insère parfaitement dans la politique de concertation qu'a mise en oeuvre le Gouvernement ainsi que de l'analyse de la situation des retraités, il est apparu pertinent à votre Commission d'envisager l'avenir de la branche vieillesse dans un contexte contraint avec la prise en compte de l'accroissement du nombre des personnes dépendantes et la nécessité de favoriser la prévoyance individuelle, notamment, dans le cadre d'un texte sur l'épargne-retraite.

* 1 Sur ce point, ils viennent d'obtenir satisfaction dans la mesure où le Président de la République, M. Jacques Chirac, leur a, semble-t-il, donné satisfaction lors du cinquantenaire du Conseil économique et social.

* 2 ou plus de 60 ans en cas d'inaptitude au travail

* 3 1 S'agissant de la CNRACL, votre rapporteur vous demande de vous reporter au tome consacré à l'examen des articles, dans la mesure où les problèmes actuels de la CNRACL y sont largement abordés.

* 4 Ce rapport souligne le caractère indispensable de la réforme du régime des retraites des fonctionnaires dans la mesure où le rapport démographique se dégradera fortement en 2010 Avec cette dégradation, ce sont quelque 65 milliards de francs supplémentaires annuels qui sont à la charge de la collectivité, toujours selon ce rapport.

* 5 Accords du 9 février 1994 et du 25 avril 1996 pour l'AGIRC, du 10 février 1993 et du 25 avril 1996 pour l'ARRCO qui a. de plus, intégré de nouveaux groupes de salariés comme ceux d'Air France, du secteur bancaire et de la CPPOSS

* 6 C'est le décret n° 96-132 du 14 juin 1996 qui a porté de 60% à 90% du SMIC la contribution du FSV au titre des validations de période de chômage.

Page mise à jour le

Partager cette page