Rapport n° 146 (1996-1997) de M. Pierre LAFFITTE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 12 décembre 1996

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N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi , MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n os 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993 ,

Par M. Pierre LAFFITTE,

Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Égu, Alain Dufaut, André Maman, Mme  Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme  Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Soséfo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 264 (1994-1995), 240 et T.A. 85 (1995-1996).

Deuxième lecture : 28 (1996-1997).

Assemblée nationale (10ème législ.) : Première lecture : 2596, 2709 et TA. 586.

Propriété intellectuelle.

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a examiné en première lecture, le 10 octobre 1996, le projet de loi portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993, et 93/98 du 29 octobre 1993, que le Sénat avait adopté le 5 mars 1996.

Comme le Sénat, l'Assemblée nationale a abordé l'examen du projet de loi avec le souci d'en alléger la rédaction, de l'harmoniser avec celle du code de la propriété intellectuelle, et de ne pas porter d'atteintes inutiles aux principes ni à la terminologie du droit national de la propriété littéraire et artistique.

Sans remettre en cause les aménagements apportés par le Sénat au texte initial du projet de loi, les amendements qu'elle a adoptés sur la proposition de Mme Nicole Ameline, rapporteur de sa commission des Lois, complètent, précisent et améliorent incontestablement le texte adopté par notre assemblée.

Votre rapporteur, qui se félicite de la parfaite communauté de vues dans laquelle ont travaillé les commissions compétentes des deux assemblées, leurs rapporteurs et le Gouvernement, vous proposera d'adopter tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale le dispositif de transposition des deux directives « câble-satellite » et « durée de protection des droits d'auteur et des droits voisins ».

Malheureusement, à l'issue de cette première lecture, le projet de loi ne se limite plus à ce dispositif.

Il s'est « enrichi » de quatre articles supplémentaires dont la caractéristique commune est l'absence de tout lien avec l'harmonisation communautaire du droit de la propriété littéraire et artistique.

Ces articles nouveaux ont pour objet :

- d'abréger le délai de prescription des actions en paiement des droits perçus par les SPRD et de modifier les règles d'utilisation des droits non répartis (article 5 bis nouveau) ;

- de permettre aux commissaires-priseurs de reproduire, en franchise de droits, des oeuvres graphiques ou plastiques dans les catalogues des ventes publiques aux enchères (article 16) ;

- d'étendre aux créances indemnitaires le privilège des auteurs défini à l'article L. 131-8 du CPI (article 16 bis nouveau) ;

- de valider, à compter du 1er janvier 1996 et jusqu'à un terme incertain, une décision administrative fixant le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable due par les exploitants de discothèques aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes du commerce (article 16 ter nouveau).

Prohibés, en principe, par les règlements des deux assemblées, censurés, à l'occasion, par le Conseil constitutionnel, les « cavaliers législatifs » ne sont pas seulement condamnables au nom de la cohérence -pourtant souhaitable- des textes législatifs, ou des limites du droit d'amendement.

Élaborés, discutés et adoptés dans des conditions bien peu favorables à un examen serein et approfondi de leurs dispositions, ils présentent aussi l'inconvénient de n'apporter que rarement une réponse adaptée aux questions dont ils prétendent traiter. Force est même de constater que la plupart des cavaliers législatifs se répartissent en deux catégories : ceux qui ne règlent pas les problèmes et ceux qui les créent.

Votre commission, comme la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a examiné de manière aussi constructive que possible ces « mesures diverses » dont elle regrette qu'aucune n'ait pour objet - ou pour effet - de renforcer les droits des auteurs, ni le droit d'auteur.

Elle s'est efforcée, quand c'était possible, de les améliorer, mais elle ne pourra proposer au Sénat de les adopter tous.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER : DISPOSITIONS RELATIVES À LA RADIODIFFUSION PAR SATELLITE ET À LA RETRANSMISSION PAR CÂBLE

Article premier (articles L. 122-2-1 et L. 122-2-2 nouveaux du CPI) Conditions d'application du droit national à la représentation des oeuvres télédiffusées par satellite


• Le Sénat
avait procédé à une nouvelle rédaction des deux articles (L. 122-2-1 et L. 122-2-2 nouveaux) que cet article propose d'insérer dans le code de la propriété intellectuelle, pour l'harmoniser avec celle, à la fois plus concise et plus dense, de l'article L. 122-2. Il avait également précisé, à l'article L. 122-2-2, la définition des cas dans lesquels le droit français s'appliquera à une diffusion satellitaire « délocalisée » dans un pays tiers.


• L'Assemblée nationale
a retenu la rédaction du Sénat, qu'elle a très heureusement amendée pour éviter toute redondance avec l'article L. 122-2 et exprimer plus clairement que l'objet des deux articles est de définir le droit applicable à la représentation d'oeuvres télédiffusées par satellites, et non le fait générateur du droit de représentation.


Position de la commission

Votre commission a adopté l'article premier dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 2 (article L. 132-20-1 et L. 132-20-2 nouveaux du CPI) Gestion collective obligatoire des droits de distribution câblée des oeuvres télédiffusées à partir d'un État membre de la Communauté européenne - Médiateurs


• Le Sénat
avait adopté à cet article :

* une nouvelle rédaction de l'article L. 130-20-1 ( nouveau ) qui tendait :

- à ne pas restreindre -compte tenu des exigences de la liberté de prestation de services- aux SPRD françaises agréées l'exercice de la gestion collective des droits de distribution câblée des programmes originaires d'un autre État de la Communauté ;

- à préciser que les titulaires des droits de distribution câblée en France qui n'ont pas déjà confié la gestion de leurs droits à une SPRD devront désigner celle qui sera chargée de gérer ces droits ;

- à prévoir que les contrats de télédiffusion primaire des oeuvres en France mentionneraient les sociétés chargées d'autoriser leur retransmission câblée dans les pays de la Communauté, afin d'éviter aux titulaires français de droits les aléas des régimes de « gestion collective étendue » existant dans certains États membres, et qui sont étrangers à nos traditions ;

- à définir les critères d'agrément des SPRD gérant les droits de câblodistribution soumis à gestion collective obligatoire.

* Un amendement de précision et de coordination à l'article L. 130-20-2 ( nouveau ), qui institue une procédure de médiation pour favoriser le règlement des litiges relatifs aux retransmissions câblées intracommunautaires.


L'Assemblée nationale, sans remettre en cause le dispositif adopté par le Sénat, a apporté d'utiles améliorations au texte proposé pour l'article L. 130-20-1 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle, et a notablement allégé et précisé les dispositions relatives à la procédure de médiation (art. L. 130-20-2 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle).

* à l'article L. 130-20-1 ( nouveau ), outre des amendements rédactionnels, elle a adopté des amendements précisant :

- que la désignation par les auteurs de la société chargée de la gestion de leurs droits de câblodistribution devrait être faite par écrit ;

- que les moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour assurer le recouvrement des droits -qui constituent un des critères proposés par le Sénat pour l'agrément des sociétés gérant les droits de câblodistribution- seraient appréciées au regard de la capacité des sociétés et non de celles de leurs dirigeants : cette rédaction, qui diffère de celle prévue par l'article du code relatif aux conditions d'agrément des sociétés chargées de gérer le droit de reproduction par reprographie (art. L. 122-12 du code de la propriété intellectuelle), est effectivement plus adaptée, l'agrément visé à l'article L. 130-20-1 (nouveau) devant en principe être accordé à des SPRD déjà existantes.

À l'alinéa subordonnant l'agrément des SPRD au respect des obligations prévues par le titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle, l'Assemblée nationale a supprimé la référence expresse aux articles de ce titre définissant leurs obligations de transparence : cet amendement ne modifie cependant pas la portée du texte adopté par le Sénat.

* L'Assemblée nationale a d'autre part largement modifié le texte proposé pour l'article L. 132-20-2 ( nouveau ) du code de la propriété intellectuelle

- Elle a précisé que la médiation ne pouvait faire obstacle au droit des parties de saisir le juge ;

- Elle a supprimé deux alinéas dont elle a jugé à bon droit que les dispositions pouvaient être renvoyées au décret qui précisera les modalités d'application de l'article -sur la nature législative duquel son rapporteur a émis un doute que l'on ne peut que partager ;

- Elle a enfin prévu que les parties devraient exprimer par écrit leur éventuelle opposition à la solution proposée par le médiateur.

* Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 5 (articles L. 217-1 à L. 217-4 nouveaux du CPI) Dispositions relatives à la diffusion par satellite et à la retransmission par câble d'éléments protégés par un droit voisin du droit d'auteur


• Le Sénat
s'était efforcé d'alléger la rédaction de cet article, dont les dispositions étaient symétriques de celles proposées pour le droit d'auteur par les articles premier et 2, en procédant, pour les dispositions relatives à la diffusion par satellite d'éléments protégés par un droit voisin, par renvoi aux dispositions concernant le droit d'auteur. Il avait d'autre part apporté aux dispositions relatives à la redistribution câblée les mêmes aménagements que ceux adoptés à l'article 2 du projet de loi.


• De la même manière, l'Assemblée nationale a adopté à l'article 5 des amendements de coordination avec les amendements adoptés aux articles premier et 2.

* Position de. la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 bis (nouveau) (articles L. 321-1 et L. 321-9 nouveaux du CPI) Modification du délai de prescription des actions en paiement des droits perçus par les SPRD et de l'étendue de l'obligation d'affectation des sommes non réparties à des actions d'intérêt collectif


• Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale, répond, en dépit de son insertion dans le dispositif de transposition des dispositions de la directive 93/83, à des préoccupations tout à fait étrangères à cette transposition :


• son paragraphe I complète l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle (relatif au statut des SPRD) par des dispositions instituant une prescription décennale des actions en paiement des droits perçus par les SPRD ;

* son paragraphe II modifie l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, qui, dans sa rédaction actuelle, fait obligation aux SPRD d'affecter à des actions d'intérêt collectif 25 % des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée et 50 % des sommes « non répartissables » 1 ( * ) perçues au titre de la rémunération équitable due pour l'utilisation de phonogrammes du commerce :

- pour étendre cette obligation à la totalité des sommes « non répartissables » perçues au titre de tous les droits soumis à un régime légal de gestion collective obligatoire ;

- pour permettre l'utilisation de ces sommes avant le terme du délai de prescription ;

- pour renforcer le contrôle du ministère de la culture sur l'utilisation des sommes affectées à des fins d'intérêt général.

Avant d'analyser plus en détail ce dispositif, dont il importe de noter dès à présent qu'il n'est en aucune manière rétroactif, et par conséquent qu'il ne modifie pas les règles applicables aux droits perçus par les SPRD avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, il paraît nécessaire de rappeler brièvement les conditions dans lesquelles il a été inséré dans le projet de loi.

1°) Les conditions d'adoption de l'article 5 bis (nouveau)

Le Gouvernement avait déposé un amendement instituant un délai de prescription quinquennal des actions en paiement des rémunérations dues par les SPRD. 2 ( * )

Actuellement, en l'absence de dispositions spécifiques, les droits perçus par les SPRD, qui constituent des dettes civiles, sont soumis à la prescription trentenaire prévue par l'article 2262 du code civil. Certes, les statuts des SPRD prévoient fréquemment des délais nettement plus courts (10 ans, par exemple, pour l'ADAGP, la SACEM ou la SACD). Mais ces prescriptions conventionnelles ne sont opposables qu'à leurs associés, et non aux ayants droit dont elles perçoivent les rémunérations en raison d'une obligation légale de gestion collective.

Soucieuses d'abréger ce délai de prescription, au terme duquel les rémunérations non réparties « tombent dans leur escarcelle », comme l'a souligné le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, certaines SPRD avaient tenté de faire prévaloir la thèse selon laquelle l'action en paiement des droits qu'elles perçoivent devait être soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil. Cette interprétation n'était pas défendable, les droits d'auteur et droits voisins ne pouvant être assimilés à aucune des dettes visées à l'article 2277 du code civil. 3 ( * )

L'amendement présenté par le Gouvernement donnait donc une base légale à la prétention des SPRD de ramener de 30 à 5 ans le délai de prescription des créances des titulaires de droits. Le point de départ de ce délai devait être « la date de la répartition faite par ces sociétés des sommes correspondantes », formulation qui n'était pas très heureuse puisqu'il s'agissait précisément de régler le sort de sommes qui n'avaient pu être réparties.

* La commission des Lois de l'Assemblée nationale est convenue que la prescription trentenaire, fondée sur un texte qu'on peut de surcroît considérer comme désuet, était trop longue. Mais elle a estimé -à juste titre- que le raccourcissement de 30 à 5 ans était excessif. Elle a en outre considéré -et on doit aussi l'en approuver- que le raccourcissement du délai de prescription devait bénéficier aux titulaires de droits et non aux SPRD, et que les fonds non répartis devraient être affectés dans leur totalité à des actions d'intérêt collectif.

Elle a donc déposé un autre amendement, au profit duquel a été retiré celui du Gouvernement, et qui est devenu l'article 5 bis nouveau.

2°) Les dispositions de l'article 5 bis (nouveau)


• Le délai de prescription des actions en paiement
des rémunérations perçues par les SPRD est fixé à 10 ans, le point de départ de ce délai étant la date de mise en répartition des droits, qui peut être dans certains cas assez éloignée (un an ou plus) de la date de leur perception : la rédaction de l'Assemblée nationale est certes meilleure que celle que proposait l'amendement du Gouvernement, et le point de départ du délai favorable aux titulaires de droits. Cependant, il ne correspond pas au fait générateur de la dette des SPRD vis-à-vis des titulaires de droits.


L'obligation faite aux SPRD d'affecter à des fins d'intérêt général des sommes qui n'ont pu être réparties est étendue de deux manières :

* cette obligation portera désormais sur la totalité -et non 50 %- des sommes non réparties,

* elle ne portera plus seulement sur le reliquat des sommes perçues au titre de la rémunération équitable due pour l'utilisation de phonogrammes du commerce, mais sur les sommes non réparties perçues en application de tous les régimes de gestion collective obligatoire , c'est-à-dire :

- la redevance pour copie privée prévue par l'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle (les sommes non réparties s'ajouteront donc au « préciput » égal à 25 % de la redevance pour copie privée qui est déjà obligatoirement affecté à des actions d'intérêt général) ;

- le droit de reproduction par reprographie prévu par l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle,

- enfin, les droits correspondant à la câblodistribution en France de programmes télédiffusés à partir d'un autre État membre de la Communauté , en application des articles L. 132-20-1 et L. 217-3 que le projet de loi propose d'insérer dans le code de la propriété intellectuelle.


La possibilité d'affecter les sommes non réparties avant l'expiration du délai de prescription

Tout en prévoyant l'institution d'une prescription générale de dix ans, l'amendement présenté par le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale entendait permettre aux sociétés d'utiliser dès la fin de la cinquième année suivant leur mise en répartition les sommes qui n'avaient pu être réparties. Ce délai peut en effet être suffisant pour permettre aux SPRD de répartir les droits perçus ou de constater l'impossibilité de répartir. Bien entendu, dans l'esprit des auteurs de l'amendement, cette possibilité, ouverte pour ne pas prolonger inutilement le gel des sommes non réparties, ne pouvait faire obstacle au droit des auteurs ou titulaires de droits voisins de réclamer leur dû avant le terme du délai de prescription.

La rédaction retenue peut laisser cependant planer sur ce point une dangereuse ambiguïté : en prévoyant que « les sociétés doivent utiliser à des actions d'aide à la création ( ... ) la totalité des sommes ( ... ) qui n'ont pu être réparties au terme de cinq années après leur date de mise en répartition », elle pourrait en effet être interprétée comme faisant obligation aux sociétés de les utiliser au bout de cinq ans, alors que l'obligation ne porte que sur l'affectation des sommes non réparties à des actions d'intérêt collectif.


Le contrôle de l'utilisation des sommes affectées à des actions d'intérêt collectif

L'article 5 bis nouveau, en modifiant le second alinéa de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, prévoit que « l'évaluation et l'utilisation » des sommes affectées à des actions d'intérêt collectif font l'objet, chaque année, d'un rapport spécial du commissaire aux comptes et d'un rapport des SPRD au ministre de la culture.

* Position de la commission

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article 5 bis nouveau.

Cette rédaction répond à trois préoccupations :

- fixer à la date de perception des droits le point de départ du délai de prescription décennale des actions en paiement des droits perçus par les SPRD : il paraît en effet « juridiquement correct » que le délai de prescription coure à compter du fait générateur de la dette des SPRD, et non du moment où elles s'estiment en état de l'honorer.

Cependant, afin de ne pas raccourcir le « délai utile » dont disposeront les auteurs pour faire valoir leurs droits, il est proposé que le délai de prescription soit suspendu jusqu'à la date de mise en répartition des droits ;

- préciser la portée de l'autorisation donnée aux SPRD d'utiliser les sommes non réparties avant le terme du délai de prescription : il doit en effet être très clair qu'il s'agit d'une possibilité, en aucun cas d'une obligation, et qu'en tout état de cause l'usage de cette possibilité ne peut dispenser les sociétés du paiement des droits réclamés avant l'expiration du délai de prescription ;

- enfin, tout en retenant la suggestion de l'Assemblée nationale d'obliger les sociétés à établir un rapport annuel sur l'utilisation des sommes affectées à des actions d'intérêt général, votre commission a souhaité redéfinir et renforcer le contrôle du commissaire aux comptes, tout en rendant son intervention plus conforme au rôle qui est normalement le sien.

Actuellement, en effet, l'article L. 321-9 prévoit que le commissaire aux comptes « établit un rapport spécial » sur l'utilisation des sommes affectées à des actions d'intérêt général. Mais, comme il n'entre pas dans la mission des commissaires aux comptes de fournir des informations financières (et encore moins « d'évaluer » les actions menées par des sociétés dont ils contrôlent les comptes) ce rapport se borne à notifier que le montant des sommes ainsi utilisées correspond bien à celui qui est prévu par la loi. On conviendra que cette information est d'un intérêt limité -et qu'elle ne correspond guère à ce que le législateur avait souhaité qu'elle fût.

Votre commission vous propose donc de prévoir que le commissaire aux comptes sera chargé de valider le rapport annuel des SPRD sur le montant et l'utilisation des sommes en cause : il devra, ce qui est « dans le droit fil » de sa mission, vérifier la sincérité et la concordance avec les documents comptables de la société des informations contenues dans ce rapport, et c'est cette vérification qui fera l'objet de son rapport spécial.

TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À LA DURÉE DE PROTECTION DU DROIT D'AUTEUR ET DES DROITS VOISINS

Article 7 (article L. 123-2 du CPI) Dispositions particulières à la durée de protection des droits sur les oeuvres audiovisuelles


• Le Sénat
avait adopté à cet article un amendement rédactionnel.


• L'Assemblée nationale
a apporté une rectification de pure forme à son premier alinéa, qui omettait de faire référence au code de la propriété intellectuelle.


Position de la commission

La commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8 (article L. 123-3 du CPI) Durée de protection des oeuvres anonymes, pseudonymes ou collectives


• Le Sénat
avait apporté à l'article 8 des amendements de forme. Il avait en outre supprimé son quatrième alinéa, qui contredisait la définition de l'oeuvre collective résultant du code de la propriété intellectuelle.


• Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a complété cet article par un nouvel alinéa qui complète la transposition des dispositions de l'article 4 de la directive 93/98.

L'article 4 de la directive 93/98 institue en effet un droit exclusif d'une durée de 25 ans au profit du propriétaire d'une oeuvre pseudonyme, anonyme ou collective non publiée pendant les 70 ans suivant sa création, et qui en assure la publication.

Ce « droit de publication » existant déjà en France pour les oeuvres posthumes, il n'avait pas été jugé indispensable, tant par les auteurs du projet de loi initial que par le Sénat, de transposer les dispositions de la directive concernant les oeuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, d'une part parce qu'il peut être difficile d'apprécier la date de création de ces oeuvres et donc d'être certain qu'elles ne sont plus protégées, et d'autre part parce que les cas concrets d'application du « droit de publication » d'oeuvres collectives, pseudonymes ou anonymes semblaient devoir être peu fréquents.

Tout en exprimant les mêmes réserves, l'Assemblée nationale a cependant jugé préférable de « transposer » complètement l'article 4 de la directive 93/98, ce qui est tout à fait défendable.


Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 9 (article L. 123-4 du CPI) OEuvres posthumes


• Le Sénat
avait adopté une nouvelle rédaction de cet article afin de ne pas modifier la structure de l'article L. 123-4.


• L'Assemblée nationale
a ratifié ce choix, et a en outre amélioré le texte du Sénat par un amendement de coordination avec le texte en vigueur.


Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 12 (article L. 211-4 du CPI) Durée des droits voisins


Le Sénat avait adopté deux amendements rédactionnels à cet article.


• L'Assemblée nationale
lui a également apporté deux modifications rédactionnelles.

Position de la commission


• Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 14 A Dispositions transitoires applicables à l'autorisation d'exploitation par satellite d'oeuvres faisant l'objet de certains contrats de coproduction internationale


Le Sénat avait « délocalisé » à cet article additionnel les dispositions prévues par l'article 3 du projet de loi et reprenant celles de l'article 7-3 de la directive 93/83, dont il avait jugé qu'en raison de leur caractère transitoire elles ne devaient pas être insérées dans le code de la propriété intellectuelle.


• L'Assemblée nationale
a approuvé cette démarche. Elle a en outre apporté un aménagement rédactionnel au texte de l'article pour faire référence aux coproducteurs « établis » (en France ou dans un autre État) et non aux coproducteurs « ayant un établissement » (en France ou dans un autre État).


Position de la commission

Il convient de noter que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale pourrait être interprété comme ne visant que les coproductions dont les producteurs ont leur principal établissement, et non « un établissement », en France ou dans un autre État.

Cependant, l'article 14 A reproduisant textuellement les dispositions de la directive 93/83, cette légère ambiguïté rédactionnelle ne devrait avoir aucune conséquence.

Votre commission a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 14 Adaptation des contrats concernant l'exploitation par satellite d'oeuvres ou d'éléments protégés


• Le Sénat
avait adopté une nouvelle rédaction de cet article.


• L'Assemblée nationale
a amélioré le texte du Sénat, et simplifié ses conditions d'application, en supprimant l'obligation de mise en conformité avec la directive 93/83, avant le 1er janvier 2000, des clauses des contrats de diffusion par satellite qui lui seraient contraires. Ces clauses seront simplement réputées non écrites. Elle a par ailleurs réparé une omission de référence à l'article L. 122-2-2 nouveau du CPI.


Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 15 Dispositions transitoires relatives à l'application des dispositions du Titre II du projet de loi


• Le Sénat
avait adopté plusieurs amendements à cet article :

- il avait introduit un paragraphe IA nouveau fixant au 1er juillet 1995, conformément à la directive 93/98, la date d'entrée en vigueur du titre II du projet de loi, et modifié en conséquence les autres dispositions de l'article ;

- il avait adopté au paragraphe I un amendement de précision ;

- il avait adopté une nouvelle rédaction du paragraphe III qui précisait, afin de mieux assurer le respect des droits de l'auteur, la portée du « droit de préférence » accordé à l'éditeur cessionnaire à la date d'entrée en vigueur de la directive.


L'Assemblée nationale, outre deux amendements rédactionnels et un amendement de précision, a modifié les dispositions de l'article applicables aux oeuvres dérivées d'une oeuvre ou d'un élément protégé rappelés à la protection.

Elle a en effet jugé équitable que celles-ci, comme les oeuvres originaires, puissent continuer d'être exploitées en franchise de droits pendant un délai d'un an.

À l'issue de ce délai, les ayants droit de l'oeuvre originaire ne pourront prétendre qu'à un droit à rémunération, sans pouvoir s'opposer à l'exploitation de l'oeuvre dérivée.


Position de la commission

Votre commission a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 16 (article L. 122-5 du CPI) Extension des exceptions au droit exclusif de reproduction des oeuvres graphiques ou plastiques


• Le Sénat
avait adopté un amendement du Gouvernement tendant à exonérer du droit de reproduction les reproductions d'oeuvres d'art graphiques ou plastiques figurant dans les catalogues des ventes aux enchères publiques effectuées par un commissaire-priseur, pour les exemplaires mis à la disposition du public pour décrire les oeuvres mises en vente. À l'initiative de votre rapporteur, il avait prévu d'étendre cette exception aux oeuvres diffusées, en vue de leur commercialisation, sur les « autoroutes de l'information », qui sont un vecteur très efficace pour faire connaître les auteurs et élargir leur public.


L'Assemblée nationale a supprimé cette adjonction, jugeant qu'elle entraînerait des exceptions trop importantes au droit exclusif de reproduction.

Par ailleurs, son rapporteur avait proposé une nouvelle rédaction -considérablement améliorée- de l'article, qui précisait notamment que l'exception ne pouvait s'appliquer qu'aux catalogues mis gratuitement à la disposition du public. Le Gouvernement s'est opposé à cette dernière précision, en faisant valoir qu'il ne convenait pas d'interdire que les catalogues puissent être vendus « à un prix modeste ». Il a toutefois précisé que l'exonération du droit de reproduction ne pourrait s'appliquer que si cette vente ne produisait aucun bénéfice. En raison de cet engagement, qui s'imposera aux rédacteurs du décret en Conseil d'État qui doit fixer les caractéristiques et les conditions de distribution de ces documents, le rapporteur de la commission des Lois a accepté la suppression de l'exigence de mise à disposition « gratuite » des catalogues.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 16 dans la rédaction proposée par son rapporteur et ainsi modifiée.


Position de la commission

Votre commission observe que :

- la suppression de l'exigence de mise à disposition gratuite du public des catalogues réalisés en exonération de droits ne peut effectivement être admise que s'il ressort explicitement des travaux préparatoires que la vente de ces catalogues ne peut en aucun cas être génératrice de bénéfices. Elle demandera donc au Gouvernement de réitérer l'assurance que seuls sont visés à cet article les catalogues distribués gratuitement ou vendus à prix coûtant.

- l'évolution prochaine du statut des commissaires-priseurs et l'ouverture du marché des ventes publiques en application de la réglementation communautaire devraient restreindre le champ d'application de l'article 16, à partir de 1998, aux ventes judiciaires résultant d'une saisie ou du règlement d'un contentieux, qui échappent au droit communautaire.

Votre commission note enfin que le dispositif de l'article 16 est contraire à l'article 34 de la Constitution, en tant qu'il renvoie à un décret le soin de définir l'étendue d'une dérogation à un droit de propriété.

Sous réserve de ces observations, votre commission a adopté l'article 16 dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 16 bis (nouveau) (article L. 131-8 du C.P.I.) Extension du privilège des auteurs aux créances indemnitaires réparant le préjudice causé par les contrefaçons


• L'article 16 bis (nouveau) a été inséré dans le projet de loi par un amendement adopté par l'Assemblée nationale.

Cet article étend le privilège dont bénéficient les auteurs pour le paiement des redevances contractuelles dues pour la cession, l'exploitation ou l'utilisation de leurs oeuvres, au paiement, en cas de contrefaçon, des « dommages et intérêts compensant le non-paiement desdites redevances ou rémunérations ».

Le privilège des auteurs, prévu par l'article L. 131-8 du CPI, est défini par référence aux dispositions du code civil relatives au privilège général sur les meubles et les immeubles reconnu aux salariés (article 2101-4° et 2104) et donne, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de leur débiteur, aux redevances contractuelles qui leur sont dues pour les trois dernières années le même rang qu'aux salaires dus pour les six derniers mois.

En étendant l'assiette de ce privilège à des créances indemnitaires, l'article 16 bis (nouveau) en modifie la nature.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale avait rejeté l'amendement pour trois motifs que son rapporteur avait brièvement exposés et qui cernent parfaitement le problème posé par cet article additionnel : « l'adoption d'une telle disposition modifierait sensiblement les règles de détermination des créanciers privilégiés , lesquelles pourraient d'ailleurs être revues , mais dans le cadre d'un texte spécifique et , paradoxalement , placerait sur le même plan l'exploitation des droits en bonne et due forme et les contrefaçons. Enfin , et surtout , cet amendement introduirait une confusion entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ».

L'amendement a néanmoins été adopté au nom « d'une protection renforcée des auteurs ».


Position de la commission

Qui ne souscrirait au renforcement de la protection des auteurs ?

Il convient cependant, avant de céder à l'enthousiasme, de s'assurer qu'il est justifié.

Or, si l'on examine de plus près la portée et les conséquences de l'article 16 bis (nouveau), on doit constater qu'il constitue un exemple parfait des improvisations risquées auxquelles correspondent souvent des « cavaliers législatifs » trop hâtivement examinés et trop hâtivement adoptés.

Certes, on peut comprendre et partager le souci qui a guidé l'Assemblée nationale quand elle a adopté l'amendement qui est devenu l'article 16 bis nouveau.

Les moyens de reproduction et les techniques actuellement disponibles ont déjà permis à l'utilisation illicite des oeuvres, à l'édition « pirate » de livres, de disques ou de vidéogrammes de devenir une véritable industrie, et un commerce prospère. Les nouvelles technologies ouvrent de nouveaux champs d'action à ces pratiques frauduleuses, non d'ailleurs en raison d'un vide juridique -la contrefaçon d'une oeuvre reste une contrefaçon, qu'elle soit réalisée de façon artisanale ou en recourant aux techniques les plus sophistiquées, qu'elle soit diffusée sur support papier, sur bande magnétique, sur disque ou sur Internet- mais du fait de la multiplication et du perfectionnement des moyens techniques auxquels peuvent recourir les contrefacteurs.

De toute évidence, la position prise par l'Assemblée nationale répondait à la volonté d'assurer aux auteurs, dans cette perspective, une réparation plus efficace des dommages que leur cause la contrefaçon.

De toute évidence, aussi, ce problème aurait mérité une réflexion plus approfondie, et appelait sans doute d'autres solutions qu'un « cavalier » que la commission des Lois a rejeté pour des motifs de droit très sérieux, auxquels elle aurait pu d'ailleurs ajouter une objection de fait.

On sait, en effet, que l'actif d'une entreprise en cessation de paiement correspond à peu près à 25 % de son passif, et qu'en cas de redressement, la situation faite aux créanciers est souvent moins favorable encore qu'en cas de liquidation judiciaire. On sait aussi que, dans ce dernier cas, une fois réglées les créances « superprivilégiées » du Trésor et des salariés, et les frais de justice, il ne reste généralement rien à répartir entre les autres créanciers, qu'ils soient privilégiés ou chirographaires : la portée de l'extension proposée du privilège des auteurs, comme celle du privilège lui-même, risque donc d'être bien symbolique.

Quoiqu'il en soit, votre rapporteur n'a pas souhaité rejeter sans examen la solution proposée, ni laisser passer une occasion de chercher à améliorer la définition des droits des auteurs.

C'est pourquoi il vous proposera une nouvelle rédaction de l'article 16 bis (nouveau) fondée sur deux constatations :


tel qu'il a été adopté, l'article 16 bis présente de graves inconvénients et pourrait, loin de renforcer les droits des auteurs, risquer de les remettre en question ;


• afin de minimiser ces inconvénients et ces risques, il convient que l'extension proposée du privilège des auteurs soit cohérente avec les principes et les motifs qui avaient présidé, en 1957, à sa définition par le législateur.

1°) Les inconvénients du texte adopté par l'Assemblée nationale

Ils sont de deux ordres :

- l'article 16 bis (nouveau) affaiblit la portée du droit exclusif ;

- il n'est pas cohérent avec la définition du privilège des salariés, ni d'ailleurs avec celle des privilèges en général.


L'affaiblissement du droit exclusif.

La critique principale qu'appelle l'article 16 bis (nouveau) est qu'il place sur le même plan, comme l'avait très justement souligné la commission des Lois de l'Assemblée nationale, la cession contractuelle des droits d'auteur et l'exploitation illicite des oeuvres.

En effet, il convient de ne pas oublier que la contrefaçon ne prive pas seulement les auteurs de leur droit à rémunération, elle les prive aussi du droit exclusif d'autoriser l'exploitation ou l'utilisation de leurs oeuvres.

Considérer que les indemnités réparant le dommage causé par une contrefaçon « compensent le non paiement de rémunérations ou de redevances » contractuelles équivaut donc à banaliser la contrefaçon : le problème posé par celle-ci n'est pas seulement, en effet, que l'auteur n'a pas été rémunéré pour l'exploitation de son oeuvre. Il tient aussi, et quelquefois surtout, au fait que l'oeuvre a été utilisée sans son autorisation, voire contre sa volonté, ou dans des conditions auxquelles il aurait refusé de consentir, même moyennant « redevances et rémunérations ».

Imagine-t-on, d'ailleurs, un auteur dont on a pillé ou dénaturé l'oeuvre fondant sa réclamation sur la rémunération qu'il aurait pu retirer d'un contrat conclu avec le contrefacteur ?

Même si la rédaction particulièrement inadaptée de l'article accentue le « paradoxe » dénoncé par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, la disposition adoptée pose bien un problème de fond, et si l'on poussait plus loin le raisonnement sur lequel elle se fonde, on en viendrait vite à considérer que, tout compte fait, la licence légale est le plus sûr moyen de garantir aux auteurs une rémunération pour toute exploitation ou utilisation de leurs oeuvres ...

Est-ce à cela que l'on veut arriver ?

Actuellement, on le sait, le droit exclusif est menacé par l'internationalisation de l'exploitation des oeuvres, par l'évolution technologique qui multiplie les risques de « piratage » et favorise aussi l'extension de la gestion collective, peu compatible avec l'exercice du droit exclusif.

La prépondérance des « industries culturelles » anglo-saxonnes est par ailleurs un facteur puissant de développement de l'influence du système du copyright , auquel ne seraient sans doute pas opposés bien des producteurs, diffuseurs ou éditeurs européens soucieux de rentabiliser les droits qu'ils détiennent.

Contre ces menaces, le gouvernement français s'efforce -et il faut lui en rendre hommage- de défendre, dans les instances communautaires ou internationales, la conception du droit d'auteur qui a toujours inspiré la législation nationale.

Il peut donc paraître pour le moins maladroit, au moment où se déroulent dans le cadre de l'OMPI des négociations pour la révision des conventions de Berne et de Rome, d'inscrire dans le code de la propriété intellectuelle une disposition fondée sur une conception selon laquelle les dommages et intérêts accordés à un auteur victime de contrefaçon ont pour objet de « se substituer » aux redevances contractuelles « qu'il aurait dû percevoir » 4 ( * ) , et selon laquelle, par conséquent, l'indemnisation d'une atteinte au droit exclusif est considérée comme un mode normal de rémunération des auteurs.


• Une disposition incohérente avec la définition du privilège des salariés, et des privilèges en général.

* C'est pour des raisons bien précises que le privilège des auteurs a été assimilé à celui des salariés. En distendant un peu plus le lien, à l'origine très fort, établi entre les créances salariales et celles correspondant aux droits d'auteur, et en étendant l'assiette du privilège à des créances indemnitaires, l'article 16 bis (nouveau) risque d'affaiblir les justifications qui fondent le privilège des auteurs.

Lorsqu'il a été institué par l'article 58 de la loi de 1957, qui reprenait le texte d'une proposition de loi précédemment adoptée par l'Assemblée nationale, le privilège des auteurs, alors limité aux dettes éditoriales, était justifié par la similitude de fait entre la situation d'un auteur lié à un éditeur par un contrat exclusif et celle d'un salarié : les droits versés à l'auteur, comme le salaire perçu par le salarié, représentaient le seul revenu qu'il pouvait tirer de son oeuvre, la seule rémunération de son « travail ». Sa créance sur l'éditeur était donc, comme celle du salarié sur son employeur, une créance alimentaire dont dépendaient ses moyens d'existence.

Comme l'écrivait l'auteur de la proposition de loi reprise par la loi de 1957, Me Moro-Giafferi : « si pour un fabricant de papier , un brocheur , un imprimeur , la faillite d'un débiteur représente une lourde perte , que dire alors pour l'écrivain ? Ceux-là ont en principe plusieurs sources de revenus ; celui-ci n'en a qu'une la plupart du temps , le contrat d'édition prévoyant en règle générale la clause d'exclusivité » . Or, poursuivait l'exposé des motifs de la proposition de loi, « dans l'état actuel des lois , l'auteur ne bénéficie d'aucun privilège , il est un simple créancier chirographaire , mis sur le même pied que ces fabricants , ces brocheurs , ces imprimeurs » .

Le rapporteur de la proposition de loi (M. Maurice Grimaud) avait ratifié cette analyse, reprise ensuite par Me Isorni, rapporteur du projet de loi qui devait devenir la loi de 1957, qui avait proposé de substituer le texte de la proposition de loi à l'article ayant même objet du projet de loi.

Il convient de noter que le privilège ainsi reconnu aux auteurs revêtait un caractère exceptionnel : c'était -et c'est resté- le seul exemple de rémunération d'un « travail indépendant » bénéficiant d'un privilège.

Mais cette exception était justifiée par la cession exclusive, par l'auteur, des droits sur son oeuvre.

En étendant le privilège aux créances des auteurs sur les producteurs, la loi de 1985 restait dans la même logique.

La jurisprudence s'en est en revanche écartée, en élargissant le privilège à toutes les créances contractuelles. Certes, cette extension n'était pas contraire à la lettre de l'article 58, mais elle atténuait considérablement la justification « alimentaire » du privilège des auteurs : il faut bien convenir que la créance, par exemple, des auteurs de la « musique d'ambiance » diffusée dans un magasin ou un restaurant n'est pas tout à fait de même nature que celle des salariés de l'entreprise.

* Mais l'extension du privilège à des créances indemnitaires va beaucoup plus loin encore :

- elle dissocie totalement, dans sa nature comme dans son étendue, le privilège des auteurs et celui des salariés. Ce dernier ne s'applique en effet qu'à des créances liées à l'exécution ou à la rupture d'un contrat.

C'est d'ailleurs pour cette raison que le professeur H. Desbois ne pensait pas que « le privilège puisse être étendu aux sommes dues aux auteurs en dehors de relations contractuelles , du fait d'exploitations et d'utilisations non autorisées , sur le terrain délictuel » .

- Elle fait venir en concurrence des créances contractuelles, celles des salariés et celles des auteurs ayant cédé leurs droits par contrat, et des créances indemnitaires dont l'origine, la nature juridique et le mode de fixation sont totalement différents ;

- le problème est d'ailleurs plus large que celui de la « concurrence » entre auteurs et salariés, puisque le privilège des auteurs, qui est déjà, on l'a dit, le seul privilège portant sur la rémunération d'un travail non salarié, devient aussi le seul privilège général sur les meubles et les immeubles résultant de la mise en oeuvre d'une responsabilité délictuelle. Toutes les créances définies aux articles 2101 et 2104 du code civil sont en effet des créances résultant d'obligations conventionnelles ou légales. C'est d'ailleurs le cas, d'une manière générale, de toutes les créances privilégiées, la seule exception étant le privilège mobilier du bailleur (art. 2102) qui a été étendu par la loi de 1948 aux créances « résultant de l'occupation des lieux à quelque titre que ce soit » pour prévoir les cas de réquisition ou de maintien dans les lieux (mais il paraît difficile d'étendre aux auteurs le privilège des bailleurs...).

2°) L'extension du privilège des auteurs doit être cohérente avec les principes qui ont justifié sa reconnaissance.

Pour les motifs que l'on vient d'exposer, l'article 16 bis (nouveau), tel qu'il est rédigé, risque de « fragiliser » le privilège des auteurs qui devient un privilège « sui generis » . Si l'on souhaite éviter que l'extension de ce privilège conduise à sa remise en cause, il faut revenir à la conception qui était celle du législateur de 1957, et redonner tout son sens au caractère « alimentaire » et personnel du privilège des auteurs. Il convient aussi, pour atténuer quelque peu la contradiction entre l'extension du privilège et le droit exclusif -et aussi pour faciliter l'application du texte- de définir autrement la créance indemnitaire à laquelle sera étendue le privilège.


Le caractère « alimentaire » du privilège des auteurs.

Il ne paraît guère envisageable de revenir sur l'extension jurisprudentielle du privilège des auteurs à toutes les créances contractuelles, d'autant moins que la codification, en 1992, du code de la propriété intellectuelle l'a implicitement confirmée en plaçant l'article L. 131-8 parmi les « dispositions générales » relatives à l'exploitation des droits patrimoniaux des auteurs.

Il n'en est pas moins indispensable, si l'on veut éviter que soit mise en question l'assimilation du privilège des auteurs à celui des salariés, de rétablir un certain équilibre entre ces deux catégories de créanciers bénéficiant du même privilège.

À cet égard, il convient de noter qu'une des raisons pour lesquelles la situation faite aux auteurs par l'article L. 131-8 peut être jugée plus favorable que celle des salariés tient au fait que le privilège des auteurs peut être invoqué pendant toute la durée de protection des droits, que le projet de loi porte uniformément à 70 ans p.m.a. Il bénéficie donc non seulement aux auteurs eux-mêmes, mais aussi à leurs héritiers.

Or, s'il est tout à fait normal, en ce qui concerne l'auteur lui-même, que les droits qu'il perçoit de son vivant soient considérés comme une créance alimentaire et assimilés, à ce titre, à un salaire, cette assimilation est beaucoup moins convaincante en ce qui concerne les droits perçus après son décès par ses ayants droit.

La limitation du privilège à la durée de la vie de l'auteur, qui ne remettrait évidemment nullement en cause le droit reconnu à ses héritiers de jouir pendant toute la durée de protection de l'oeuvre du droit de l'exploiter et « d'en tirer un profit pécuniaire », permettrait donc de rétablir une certaine égalité dans les conditions d'application aux auteurs et aux salariés du privilège défini aux articles 2101-4° et 2104 du code civil, et réaffirmerait de manière incontestable le caractère alimentaire des créances des auteurs sur les cessionnaires et les exploitants de leurs droits.


Le privilège doit rester un droit propre de l'auteur.

À l'origine, le privilège bénéficiait à l'auteur pour la créance qu'il détenait à l'égard du cessionnaire exclusif de ses droits. Le professeur H. Desbois, relevant que l'article 58 de la loi de 1957 ne visait que « les auteurs, compositeurs et artistes », et que ce texte devait faire l'objet d'une interprétation stricte, avait souligné que l'on pouvait hésiter sur la légitimité de l'extension du privilège aux cessionnaires des droits d'auteurs. Il avait cependant estimé que « l'intérêt des auteurs eux-mêmes militait en faveur de l'extension », car ils « auront de meilleures chances d'être désintéressés par le cessionnaire si celui-ci peut se prévaloir du privilège dans ses rapports avec les exploitants ».

La Cour de Cassation a apparemment été du même avis, puisqu'elle a jugé que les ayants cause des auteurs - et en particulier les SPRD - pouvaient réclamer le bénéfice du privilège au profit de ces derniers (Cass. Civ. Géniteau c/SACEM, 1er mars 1988).

Elle a également jugé qu'un distributeur de films, commissionnaire des producteurs, pouvait invoquer le privilège pour le recouvrement des créances de ces derniers, « qui bénéficient du privilège légal ». (Cass. Civ. Crédit Mutuel de Remiremont, 11 avril 1995).

Il importe, à cet égard, de prévenir toute dérive : si les cessionnaires des droits des auteurs peuvent se réclamer du privilège, cela ne doit être, effectivement, qu'au profit des auteurs, qui n'ont pas de recours contre le « sous-cessionnaire » de leurs droits.

En d'autres termes, s'il est logique que le cessionnaire des droits puisse invoquer le privilège de l'auteur pour pouvoir recouvrer et lui verser la rémunération qui lui est due, il ne serait pas admissible, au regard du principe de l'interprétation stricte des privilèges, qu'il puisse lui-même devenir un créancier privilégié.

Quelque légitime que puissent être en effet leurs créances, la loi n'a jamais entendu assimiler les éditeurs, les producteurs ni les SPRD à des salariés, ni faire venir leurs créances, en cas de cessation de paiement de leurs débiteurs, au même rang que celle des salariés de ces débiteurs.

On sait que ce n'est pas la position de certaines sociétés de perception et de répartition des droits, qui soutiennent que la totalité de la redevance forfaitaire qu'elles perçoivent auprès des utilisateurs des oeuvres qu'elles gèrent doit être privilégiée, même si le produit de cette redevance couvre, outre les sommes réparties entre les sociétaires, les frais de gestion de la société, et même si une partie des sommes réparties bénéficie à des sociétaires qui n'ont pas la qualité d'auteur.

Votre rapporteur ne songe aucunement à nier qu'il soit tout à fait normal que les sociétés « de gestion collective » prélèvent leurs frais de gestion sur les redevances qu'elles perçoivent, de même qu'il est parfaitement légitime que l'exploitation des oeuvres ne bénéficie pas seulement à leurs auteurs, mais également aux éditeurs ou aux producteurs.

Mais un fait « incontournable » demeure : seule la créance des auteurs est privilégiée, celles correspondant aux frais de gestion des SPRD, à la rémunération des éditeurs ou des producteurs ne le sont pas, et rien ne justifierait que ces diverses créances soient assimilées à celles des salariés et des auteurs, qui présentent un caractère alimentaire.

Certes, les SPRD, lorsqu'elles sont cessionnaires des droits de leurs adhérents, ne sont pas « des cessionnaires comme les autres », puisqu'elles exploitent pour le compte des cédants les droits dont elles sont devenues titulaires : c'est en ce sens que la cession dont elles bénéficient a pu être qualifiée de « fiduciaire » 5 ( * ) .

Mais elles ne se confondent pas pour autant avec les auteurs. Comme l'a souligné, à propos de la SACEM, la Cour de Cassation, cette société, « organisme professionnel de gestion » ne peut « être confondue avec les auteurs eux-mêmes des oeuvres de l'esprit auxquels , en tant que tels , la loi française accorde certains droits et prérogatives 6 ( * ) ».

Et il ne peut faire aucun doute que le bénéfice du privilège défini aux articles 2101 et 2104 du code civil fait partie des droits accordés aux auteurs « en tant que tels ». Il serait d'ailleurs difficile de soutenir qu'ils « cèdent » leur privilège en même temps que leurs droits, puisque ce privilège leur a précisément été accordé afin de faciliter le recouvrement de leur créance sur le cessionnaire du droit d'exploitation 7 ( * )

* La définition de la créance indemnitaire à laquelle peut être étendu le privilège

Il ne faut pas se dissimuler que l'extension du privilège à des créances indemnitaires posera inévitablement des problèmes d'application.

La définition de la créance indemnitaire privilégiée retenue par l'article 16 bis (nouveau), outre qu'elle insiste malencontreusement sur une équivalence supposée entre l'indemnité réparant le préjudice de contrefaçon et la rémunération de l'exploitation licite des oeuvres, risque de renforcer considérablement ces difficultés.

* La difficulté « inévitable » tient au fait que l'indemnité accordée à la victime d'une contrefaçon peut réparer des troubles d'une autre nature que le gain manqué , par exemple le préjudice commercial résultant de la contrefaçon, celui causé par la dépréciation de l'oeuvre dans l'esprit du public, l'atteinte au droit moral 8 ( * ) ...

Or, aucun texte ne fait obligation au juge du fond de préciser les divers éléments ayant servi à déterminer le montant des dommages et intérêts alloués, et encore moins de « ventiler » ces derniers entre différents chefs de préjudice.

Il pourra donc être bien difficile au juge-commissaire ou au liquidateur de déterminer la part de l'indemnité accordée compensant la perte de revenu, et qui devra donc être privilégiée.

Il sera également délicat, si le délit de contrefaçon s'est prolongé pendant plus de trois ans, de déterminer la fraction de la perte de revenu correspondant aux « trois dernières années ».

* Mais la rédaction de l'article 16 bis ( nouveau ) accentue encore cette difficulté en donnant une définition du gain manqué qui ne sera généralement pas celle sur laquelle pourra se fonder l'évaluation du préjudice.

Celui-ci peut en effet être apprécié en fonction de la perte de chiffre d'affaires subie par la victime, ou, plus fréquemment (et plus aisément) en fonction du profit réalisé par le contrefacteur, ou d'autres éléments. Mais il peut en tout cas difficilement l'être sur la base des rémunérations prévues par un contrat qui, par définition, n'a jamais été conclu.

La référence au « non paiement des rémunérations » pourra certes être un élément d'appréciation utile dans le cas des redevances forfaitaires perçues par les sociétés de perception : mais faut-il rappeler que ces sociétés n'ont pas le monopole de l'exercice de l'action en contrefaçon ?

Et en dehors du cas ou le « contrat » se solde par l'application d'un barème, il sera impossible de déterminer la part de l'indemnité compensant le non paiement de rémunérations contractuelles « virtuelles ».

Votre rapporteur vous propose donc que le privilège soit étendu, tout simplement, à l'indemnité compensant la privation de gain subie par la victime de la contrefaçon.

Une fois cette indemnité déterminée, si elle est accordée non pas à l'auteur lui-même mais au cessionnaire de ses droits, il suffira, pour apprécier la part revenant à l'auteur, d'appliquer à cette indemnité le pourcentage proportionnel représentant la rémunération de l'auteur, ou, si le cessionnaire est une SPRD, d'en soustraire le montant du prélèvement opéré avant répartition des rémunérations perçues -et, éventuellement, la part de ces rémunérations qui ne bénéficierait pas à des auteurs.


En fonction des observations qui précèdent, votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article 16 bis (nouveau).

Le texte proposé répond à des préoccupations de fond autant que de forme :

* Quant au fond, l'amendement a pour objet :

- d'étendre le privilège des auteurs à l'indemnité compensant, en cas de contrefaçon, le gain dont ils ont été privés « pendant les trois dernières années » ;

- de préciser que le privilège ainsi étendu bénéficie aux auteurs leur vie durant ;

- de prévoir que le cessionnaire des droits d'auteur ne peut se prévaloir du privilège que pour le compte de l'auteur -comme l'a déjà précisé la cour de Cassation- et pour la part de sa créance qui doit revenir à l'auteur.

* Quant à la forme, il paraît nécessaire d'harmoniser la rédaction de l'article L. 131-8 avec celle des autres articles du chapitre du code dans lequel il est inséré

Article 16 ter (nouveau) Validation de la décision administrative fixant le barème de la rémunération due par les exploitants de discothèques aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes

L'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle a prévu un régime de licence légale applicable à la radiodiffusion et à la diffusion publique des phonogrammes du commerce, ces utilisations devant donner lieu au versement, par les utilisateurs, d'une rémunération au profit des artistes interprètes et des producteurs.

Le législateur, qui avait fixé l'assiette et les modalités de perception et de répartition de cette rémunération, s'en était remis, pour la détermination de son barème et des modalités de son versement, à des accords conclus par branche entre les organisations représentatives des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et des utilisateurs. La durée de ces accords peut être comprise entre 1 et 5 ans (article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle).

À défaut d'intervention d'un accord -ou de son renouvellement en temps utile- il revient à une commission réunissant des magistrats de l'ordre administratif et judiciaire, une personnalité qualifiée et des représentants des parties intéressées de fixer le barème et les modalités de versement de la rémunération (article L. 214-4).

Le moins qu'on puisse dire est que ces procédures n'ont pas parfaitement fonctionné.

Déjà, en 1993, le législateur avait dû intervenir -dans un domaine bien éloigné de sa compétence- pour pallier les conséquences de l'annulation partielle d'une décision du 9 septembre 1987 de la commission de l'article L.214-4, et fixer lui-même le taux et les modalités de versement de la rémunération équitable due par certains services de radiodiffusion sonore, afin de combler le vide juridique créé par l'annulation, et de prévoir les règles applicables pendant le délai nécessaire à l'intervention d'un nouvel accord ou d'une nouvelle décision.

Cette fois, c'est à propos de la rémunération due par les discothèques qu'il est fait appel au Parlement.

D'après les informations dont a pu disposer votre rapporteur, la situation dans ce secteur paraît se caractériser par une certaine confusion.

Apparemment, la décision du 9 septembre 1987 de la commission de l'article L. 241-4 qui avait fixé le barème applicable aux discothèques a été inégalement respectée.

Cette décision n'a été « modifiée » que par une décision du 28 juin 1996, applicable à compter du 1er août de la même année, ce qui ne correspond guère à la périodicité envisagée par le législateur.

La décision du 28 juin 1996 fait quant à elle l'objet de recours en annulation, fondés sur des motifs de procédure et sur le fait que le terme de son application est supérieur à cinq ans : elle doit en effet s'appliquer pour 5 ans, mais son application pourra être prolongée jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème.

Enfin, il semble que l'organisme percepteur de la rémunération équitable, la Société pour la Perception de la Rémunération Équitable (SPRE), ait mécontenté les utilisateurs qui s'étaient plus ou moins conformés à leurs obligations en consentant des conditions particulièrement favorables, pour l'apurement de leurs dettes, à ceux qui n'avaient pas appliqué la décision de 1987. Ce qui, il faut en convenir, ne constitue pas une incitation au respect des dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, ni de la décision du 28 juin 1996.

L'article 16 ter (nouveau) adopté par l'Assemblée nationale a pour objet de valider, à compter du 1er janvier 1996 et jusqu'au terme (incertain) de son application, la décision prise le 28 juin 1996 par la commission prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle.


Position de la commission

Manifestement, les parties concernées par le régime de la rémunération équitable n'ont pas fait le meilleur usage de la liberté de négociation qu'avait entendu leur laisser le législateur. On peut également s'étonner, devant les difficultés d'application de la décision de 1987, que n'ait été recherché aucun accord, ou que les parties qui avaient la possibilité de convoquer la commission ne l'aient pas fait plus tôt, au lieu de laisser « pourrir » ainsi la situation et accessoirement, de laisser s'appliquer, au moins théoriquement, le même barème pendant plus de huit ans, ce qui ne correspondait pas, non plus, à l'intention du législateur.

Mais il ne revient pas au législateur de pallier une fois de plus leur carence, d'autant qu'il n'existe pour l'instant aucun vide juridique. On peut de surcroît douter que la validation de la décision du 28 juin 1996 mettrait un terme au conflit entre les discothèques et la SPRE, puisque celui-ci porte désormais sur l'apurement des dettes accumulées par certains débiteurs de la rémunération équitable sous l'empire de la décision de 1987.

Par ailleurs, outre que l'article 16 ter (nouveau) constitue un « cavalier législatif », il cumule deux motifs d'inconstitutionnalité :

- la durée de son application est subordonnée à l'intervention d'un accord interprofessionnel ou d'une décision administrative. Or, il n'appartient qu'au législateur de fixer les conditions d'entrée en vigueur ou d'abrogation des règles qu'il édicte ;

- la validation rétroactive de la décision du 28 juin 1996 ne se fonde pas, comme l'exige désormais le Conseil constitutionnel, sur un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice à intervenir, et à priver de l'exercice de leur droit à recours les personnes qui avaient un intérêt à agir en vue de son annulation.

Pour ces motifs, votre commission a adopté un amendement de suppression de l'article 16 ter (nouveau).

Intitulé du projet de loi


• Sur proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a considérablement simplifié et abrégé l'intitulé du projet de loi.


• Position de la commission

La commission a adopté la rédaction de l'intitulé du projet de loi telle que modifiée par l'Assemblée nationale.

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Sous réserve de l'adoption des amendements proposés, votre commission demande au Sénat d'adopter, en deuxième lecture, le présent projet de loi.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 12 décembre 1996, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Laffitte, le projet de loi n° 28 (1996-1997), modifié par l'Assemblée nationale, portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

MM. Jean Bernard et Pierre Jeambrun ont souhaité avoir des précisions sur le montant des sommes affectées par les SPRD à des actions d'intérêt collectif.

Mme Danièle Pourtaud a demandé au rapporteur pourquoi il ne proposait pas le rétablissement des dispositions adoptées par le Sénat à l'article 16 pour étendre l'exception au droit de reproduction aux oeuvres d'art reproduites à des fins commerciales sur les autoroutes de l'information.

Répondant aux intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur, a indiqué que les sommes correspondant au quart de la redevance pour copies privées affectées à des fins d'intérêt collectif avaient représenté, entre 1988 et 1994, plus de 1,4 milliard de francs. Il a d'autre part souligné que l'élargissement des exceptions au droit de reproduction aurait pu soulever des objections, et qu'au demeurant l'exception qu'il avait proposée n'apparaissait plus indispensable, les artistes étant eux-mêmes désormais très demandeurs de la diffusion de leurs oeuvres sur les réseaux informatiques, qui leur permet de les faire connaître à un large public en France et surtout à l'étranger.

Au cours de l'examen des articles restant en discussion, dans lequel sont intervenus, outre le rapporteur, le Président Adrien Gouteyron, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jean Bernard et Pierre Jeambrun, la commission a adopté les amendements proposés par son rapporteur.

Elle a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

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* *

* 1 cette expression -assez impropre- s'applique aux droits perçus par les SPRD qui n'ont pu être répartis à leurs destinataires , soit que ceux-ci n'aient pu être identifiés ou retrouvés , soit qu'ils soient ressortissants de pays n'appliquant pas la convention de Rome sur les droits voisins.

* 2 Cet amendement avait été présenté comme  une « transposition » de l'article 9-2 de la directive câble-satellite , qui prévoit que , lorsque un titulaire de droit n'a pas désigné la société qui doit gérer ses droits de câblodistribution , l'État membre fixe le délai ( au moins égal à 3 ans ) dans lequel il peut réclamer leur rémunération « à la société qui est réputée chargée de gérer ses droits » . S'il faut saluer le souci manifesté par le Gouvernement d'établir un lien entre l'amendement et le projet de loi , il faut aussi souligner que cette présentation n'était guère convaincante puisque , le projet de loi faisant obligation aux titulaires de droits de désigner la société chargée de les gérer , il n'y avait pas lieu de transposer l'article 9-2. En outre , il n'y a guère de rapport entre la fixation du délai de réclamation de droits de câblodistribution faisant l'objet d'une « gestion collective étendue » et l'institution d'une prescription légale opposable à tous les titulaires de droits.

* 3 Ce ne sont en effet ni des salaires , ni des loyers ou fermages , ni des arrérages de rente , ni des intérêts de somme s prêtées , ni des dettes « payables par année ou à des termes périodiques plus courts » .

* 4 Exposé des motifs de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Sans doute n'est-ce pas un hasard si l'article additionnel 16 bis nouveau est soutenu non pas par des auteurs , mais par des SPRD , tant il est vrai que « confiés à une société de gestion collective , les droits exclusifs se réduisent à de simples droits à rémunération » ( H. Cohen Jehoram , « Principes fondamentaux des sociétés de gestion collective » in Le Droit d'Auteur , juillet-août 1990 ) .

* 5 A. et H.-J. Lucas - Traité de la propriété littéraire et artistique ( LITEC 1994 )

* 6 Cass.civ. Mme  Rey c/SACEM , 28 mai 1984.

* 7 mais ils peuvent bien entendu céder à un tiers leur créance privilégiée ( art.2112 du code civil ) .

* 8 cf. les exemples donnés par A. et H.-J. Lucas , op. cit. , p. 640 et suivantes.

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