III. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

La commission des Lois de l'Assemblée nationale avait accueilli favorablement le projet de loi adopté -et, selon elle, « amélioré » - par le Sénat. Dans son rapport écrit (AN - n° 1653), M. Raoul Béteille jugeait la réforme proposée à la fois « indispensable » et « prudente » .

Même si certaines modifications du dispositif étaient proposées -relatives à la nomination des magistrats des formations d'admission, que la commission souhaitait réserver aux seuls présidents de chambre, et aux critères permettant de refuser l'admission d'un pourvoi-, le principe même de l'institution d'une ou plusieurs formations d'admission au sein de chaque chambre civile paraissait admis.

L'Assemblée nationale devait même rejeter en séance publique une question préalable déposée et défendue par M. Jean-Pierre Michel.

Pourtant, lors de la discussion des articles, l'Assemblée nationale devait adopter -par 25 voix contre 14- les amendements de suppression de l'article premier déposés, d'une part, par M. le Président Pierre Mazeaud et, d'autre part, par les membres du groupe socialiste.

Défendant son amendement de suppression, M. Mazeaud avait notamment insisté sur l'opposition des présidents de chambre de la Cour de cassation. 11 avait également rappelé l'utilité des formations restreintes et estimé que la véritable réforme devait « se faire en amont afin d'éviter un trop grand nombre de pourvois». Il s'était d'ailleurs déclaré « prêt, en tant que président de la commission des Lois, à participer avec la Chancellerie à une réflexion commune » à cette fin.

Les quatre autres articles du projet de loi furent ensuite rejetés par l'Assemblée nationale avant que le Gouvernement retire le projet de loi de son ordre du jour.

B. LA PROPOSITION DE LOI DU PRÉSIDENT PIERRE MAZEAUD

À la fin de la session 1995-1996. M. le Président Mazeaud déposait une proposition de loi, annexée au présent rapport, afin de créer « une formation d'admission au sein des chambres civiles de la Cour de cassation » .

L'exposé des motifs de cette proposition de loi se fondait sur la nécessité « de réagir contre l'asphyxie qui étouffe la Cour et finirait par mettre en péril la qualité même des décisions rendues (...). Son auteur n `a pas oublié qu'il avait lui-même quelque peu contribué à différer la mise en place d'un mécanisme de filtrage, objet d'un projet de loi au début de l'actuelle législature, troublé qu'il était par l'absence de consensus autour des modalités proposées. C'est pourquoi il lui tient tout particulièrement à coeur de réamorcer une réforme indispensable » .

Le dispositif proposé par M. Pierre Mazeaud s'inspirait dans une large mesure du projet de loi adopté par le Sénat en 1994. En particulier, il reprenait le principe de la création d'une formation d'admission au sein de chaque chambre civile chargée de rejeter certains pourvois. Les différences entre les deux textes portaient sur quatre points :


• alors que le projet de loi adopté par le Sénat avait prévu la création d'une ou plusieurs formations d'admission au sein de chaque chambre -afin notamment de prendre en compte la spécialisation des magistrats- la proposition du Président Mazeaud n'instituait qu'une seule formation par chambre :


• cette proposition était silencieuse sur le mode de désignation des membres des formations d'admission, l'exposé des motifs soulignant qu'il était de la compétence du pouvoir réglementaire ;


• elle était également silencieuse sur la faculté -expressément reconnue par le texte du Sénat- pour les membres d'une formation d'admission de siéger au sein des autres formations de la Cour de cassation ;


• enfin, le projet de loi et la proposition de M. Mazeaud différaient quelque peu sur les critères de refus d'admission d'un pourvoi : si tous deux retenaient l'irrecevabilité manifeste et le défaut de tout moyen sérieux de cassation, la proposition de loi y ajoutait le fait de ne pas arguer « de la violation d'un texte précis ou d'un principe général du droit par la décision attaquée » .

C. LE DISPOSITIF RETENU PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 3 octobre .1996 et soumise à notre examen, se distingue nettement du texte adopté par le Sénat en 1994 -et donc du texte initial de la proposition de M. Mazeaud-.

En effet, l'idée de créer une formation d'admission n'a pas été reprise par l'Assemblée nationale qui lui a préféré celle d'un renvoi systématique des affaires -sauf intervention du premier président ou du président de la chambre concernée- à une formation de trois magistrats.

Selon le texte adopté par nos collègues députés, cette formation « statue immédiatement », « lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer » . Elle peut donc non seulement rejeter un pourvoi, mais aussi, à la différence de ce qu'avait prévu le Sénat, prononcer la cassation.

Une affaire ne viendrait donc devant la chambre elle-même (composée d'au moins cinq membres ayant voix délibérative) que dans deux séries d'hypothèses :

- par renvoi de la formation de trois magistrats lorsque la solution du pourvoi ne paraîtrait pas s'imposer :

- par renvoi direct décidé par décision non motivée par le premier président ou le président de la chambre ou leurs délégués (d'office ou à la demande du procureur général ou de l'une des parties).

Cette solution -qui entérine l'expérience ci-dessus évoquée menée notamment au sein de la première chambre civile- inverse le dispositif actuellement prévu par le code de l'organisation judiciaire. En effet, en l'état actuel du droit, les affaires viennent en principe devant la chambre et ne sont renvoyées à une formation restreinte de trois magistrats que sur décision du premier président ou du président de chambre lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer.

En séance publique, le rapporteur de l'Assemblée nationale. M. Raoul Béteille a parfaitement présenté l'économie de ce dispositif : « plutôt que de créer dans chaque chambre civile une nouvelle formation qui serait chargée de refuser l'admission des pourvois téméraires, sorte de chambre des requêtes particulière à chaque chambre civile, il a paru opportun d'utiliser le dispositif déjà existant en application des lois du 3 janvier 1979 et du 6 août 1981. qui ont créé la formation dite "restreinte" de trois magistrats, pouvant aussi bien casser que rejeter quand la solution du pourvoi parait s'imposer. Elle est saisie par le premier président ou le président de la chambre, et elle renvoie à la formation normale de cinq membres à la demande d'un magistrat de la formation restreinte ou de l'une des parties.

« Ce que je vous propose, c'est non pas de créer une nouvelle formation chargée de filtrer les recours ensuite jugés en formation restreinte ou ordinaire, mais de poser en principe dans la loi l'examen de toutes les affaires distribuées à une chambre par une formation restreinte de trois magistrats, qui existe déjà, le renvoi à la chambre composée au moins de cinq magistrats étant désormais l'exception » .

Page mise à jour le

Partager cette page