8. Audition de M. Jacques de Lajugie, directeur des relations économiques extérieures

La commission a entendu le mercredi 19 février 1997 M. Jacques de Lajugie, directeur des relations économiques extérieures (DREE).

M. Jacques de Lajugie a rappelé que la formule de coopérant du service national en entreprise (CSNE) avait démontré toute sa pertinence dans le cadre de l'aide à l'emploi des jeunes. A l'issue de leur temps de coopération, 60 à 70 % d'entre eux trouvaient un emploi dans l'entreprise qui les avait accueillis. Enfin, la formule CSNE était neutre en terme de coût pour la puissance publique.

Le directeur des relations économiques extérieures a fait observer que la France, au sein des pays du G7, était le pays dont les ressortissants s'expatriaient le moins, notamment par rapport aux Britanniques ou aux Italiens.

Actuellement, sur 3.230 postes de CSNE, la plupart des affectations étaient localisées en Europe (52 %), zone où sont implantées la plupart des filiales françaises. Cependant, alors qu'en Europe, les évolutions d'une année sur l'autre étaient peu importantes, on assistait à une augmentation substantielle des départs vers l'Amérique latine (+ 30 % au Brésil et en Argentine), ou en Asie (+ 50  % en Chine, + 45 % au Vietnam ou au Japon, + 35 % en Indonésie).

Le ministère de l'économie et des finances avait des objectifs ambitieux pour la formule à venir du volontariat en entreprise. Ainsi s'assignait-il d'aboutir, à l'horizon 2003, à un nombre de postes compris entre 5.000 et 10.000. De même souhaitait-il développer les formules de CSNE " multipays ", et à temps partagé, et passer des accords-cadres avec des groupes industriels ou privilégier le principe du parrainage des volontaires par des conseillers du commerce extérieur.

Pour atteindre ces objectifs, M. Jacques de Lajugie a estimé nécessaire de réunir plusieurs conditions. La durée, actuellement établie uniformément à seize mois, devait ainsi pouvoir être modulée entre neuf et vingt-quatre mois. Sur le plan indemnitaire, il convenait d'ajouter à l'indemnité de base commune de 2.000 F, les prestations logement, nourriture et transport, en fonction du lieu et de la nature de l'activité. Hors métropole, une indemnité compensatrice de ces prestations serait ainsi prévue tout en assurant un traitement comparable à tous les volontaires en poste dans un même pays. Ses modalités de gestion devraient être simples afin de correspondre à tous les formats d'entreprises.

Il importait également que l'accord liant le volontaire à l'entreprise relève d'un statut de droit public afin, notamment, de faciliter les démarches et procédures d'obtention de visas de séjour de longue durée, et, de façon générale, l'accès au travail dans un pays étranger. A cette fin, un groupement d'intérêt public (GIP), à créer dans le cadre d'un prochain projet de loi, constituerait l'organisme d'accueil -de droit public- des volontaires et aurait pour tâche de mettre les jeunes à disposition de l'entreprise. Enfin, pour faciliter, en toute transparence, la rencontre entre la demande des entreprises et l'offre de volontaires, ainsi que le montage des projets, ce GIP déléguerait en son sein à un organisme ad hoc le soin de gérer les dossiers et les flux financiers et de mettre en place un serveur ; il constituerait le " guichet unique " au service des parties intéressées.

Le directeur des relations économiques extérieures a insisté sur les garanties que l'Etat devrait apporter à la réalisation des objectifs assignés à la formule du volontariat en entreprise. En premier lieu, il lui reviendrait de veiller à ce que les activités offertes ne se substituent pas à des emplois nécessaires au fonctionnement de l'organisme d'accueil et pouvant être pourvus par des salariés sous contrat de travail. Pour être nécessaire, cette exigence ne s'en révèlerait pas moins, d'après M. Jacques de Lajugie , d'application difficile. Il appartiendrait ensuite aux postes d'expansion économique de s'assurer du respect de plusieurs principes : l'existence d'un lien direct entre l'activité du volontaire d'une part, et le développement de la présence économique française dans le monde d'autre part ; l'existence d'un encadrement technique minimal permettant la formation du volontaire ; enfin une vigilance particulière afin d'éviter les " abonnements ", par telle ou telle entreprise, à la formule du volontariat qui ne doit correspondre qu'à une étape, nécessaire au développement de cette entreprise.

Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.

M. Serge Vinçon, rapporteur, s'est inquiété du risque éventuel de concurrence entre le volontariat et les stages en entreprise inclus dans certains cursus universitaires ; il s'est interrogé sur la place de l'Afrique dans les offres de postes de CSNE ; il s'est enquis des conditions de prise en charge de la couverture sociale des volontaires. Il a enfin souligné la difficulté pratique à mettre en oeuvre la notion d' " emploi nécessaire ".

M. Hubert Durand-Chastel s'est déclaré favorable au projet de loi sur le service national mais a émis de vives réserves quant au sort qui serait fait, selon lui, à la formule CSNE. Celle-ci constituait en effet un vivier très utile à l'expatriation et contribuait grandement au développement économique et commercial.

M. Robert-Paul Vigouroux a estimé que le volontariat s'apparentait généralement à un stage de formation. Il a regretté que de nombreux jeunes n'obtiennent pas un emploi après leur volontariat et s'est enquis des passerelles existant entre le volontariat et le monde du travail.

M. Pierre Biarnès a reconnu qu'il convenait de faire des efforts pour pousser les Français à s'expatrier mais a estimé que la formule du volontariat en entreprise n'avait aucun lien avec l'armée et la défense.

Après que M. Philippe de Gaulle se fut déclaré en accord avec l'opinion de M. Pierre Biarnès, M. Guy Robert s'est enquis des critères utilisés par la direction des relations économiques extérieures pour accepter ou rejeter les candidatures.

M. Michel Caldaguès a estimé que la philosophie du volontariat civil ressemblait à " un cabinet espagnol où il y avait autant de tiroirs que de choses à ranger ". Le service national en entreprise avait trop souvent été le lot d'une élite fuyant l'obligation militaire. Il s'est interrogé sur le lien établi entre l'encouragement à l'expatriation et l'établissement d'un volontariat destiné à se substituer au service national.

M. Xavier de Villepin, président , a enfin reconnu la diminution du nombre des Français expatriés, notamment en Afrique. Il a souligné la responsabilité de l'école, à travers l'enseignement des langues, dans la mauvaise préparation de nos compatriotes à l'expatriation. Il a enfin interrogé M. Jacques de Lajugie sur les raisons pour lesquelles il convenait, à ses yeux, de doter le volontariat en entreprise d'un statut de droit public.

Le directeur des relations économiques extérieures a alors apporté aux commissaires les précisions suivantes :

- le statut de droit public applicable au volontaire en entreprise permettait de résoudre, ou d'atténuer, les difficiles questions de droit de séjour et de visas de longue durée qui se posent dans certains pays ;

- les treize années d'expérience de la coopération en entreprise avaient démontré qu'il n'y avait pas de concurrence avec les stages de formation ; la couverture sociale du volontaire était, a souligné M. Jacques de Lajugie, à la charge de l'entreprise ;

- le continent africain n'était, a affirmé le directeur des relations économiques extérieures, l'objet d'aucune discrimination, même si les demandes, tant des entreprises que des jeunes gens, portaient plus sur les pays de l'OCDE hors Union européenne et les grands pays en développement. Le directeur des relations économiques extérieures s'est, par ailleurs, déclaré confiant, à terme, dans l'avenir du continent africain ;

- les coopérants du service national en entreprise étaient nombreux -60 à 70 %- à trouver, à l'issue de leur temps de coopération, un travail dans l'entreprise, les autres se tournant vers d'autres sociétés. La formule était un " sas " efficace entre les études et le monde de l'entreprise ;

- dans une conception extensive de la notion de défense, la formule du volontariat en entreprise répondait à l'intérêt général que constituait le renforcement de notre présence économique extérieure ;

- les critères d'examen de dossiers de candidatures étaient d'abord déontologiques -excluant notamment les cas de liens de parenté entre le volontaire et le responsable de l'entreprise ; n'étaient par ailleurs pas retenues les candidatures " transfrontalières " pour une entreprise située dans une zone limitrophe ou encore pour les filiales d'entreprises étrangères. Au surplus, le fait que la valeur ajoutée par l'entreprise soit française, que son activité soit de nature à renforcer nos positions à l'étranger ou qu'elle soit contrôlée majoritairement par des actionnaires ou associés français, étaient autant d'éléments pris en considération.

Le directeur des relations économiques extérieures a reconnu qu'il avait pu y avoir dans le passé une dérive de la formule des CSNE conduisant à renforcer la fracture sociale au lieu de la réduire. M. Jacques de Lajugie a précisé qu'il veillait à ce que les candidats soient exclusivement jugés sur leur curriculum vitae et leurs mérites.

Enfin, avec M. Xavier de Villepin, président , le directeur des relations économiques extérieures a reconnu que l'indemnité mensuelle de base servie à tous, et complétée, à l'étranger, par divers ajustements compensatoires, serait de nature à diversifier le recrutement de volontaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page