3. La contribution du TGV à la politique d'aménagement du territoire

Le rapport de présentation du schéma directeur des liaisons ferroviaires à grande vitesse soulignait l'intérêt du TGV comme instrument de la politique d'aménagement du territoire. Cette affirmation mérite aujourd'hui d'être nuancée.

Le caractère très partiel de la réalisation du schéma directeur de 1992 a privé le TGV d'une partie de son intérêt compte tenu de l'absence d'un réel réseau national à grande vitesse .

Pour des raisons évidentes, les liaisons TGV qui sont d'ores et déjà réalisées ou qui sont en cours de travaux étaient celles qui étaient les plus rentables et les préoccupations liées à l'aménagement du territoire n'étaient pas prépondérantes dans la décision de leur réalisation. En effet, elles relient des pôles économiques de première importance pour lesquels il est difficile d'évaluer l'impact de la liaison TGV en terme d'accroissement du développement local .

Par ailleurs, dans l'hypothèse de la construction d'une ligne fondée essentiellement sur des préoccupations liées à l'aménagement du territoire, la seule réalisation de l'infrastructure ne peut suffir à induire de nouvelles activités économiques . Comme le soulignait les conclusions de la commission " Réseaux et territoires " précédemment citée, " une autoroute ou une gare de TGV ne contribueront véritablement au développement d'une ville moyenne que si elles s'accompagnent de la création d'un ensemble de services technologiques, financiers, universitaires qui contribuent à l'implantation d'activités nouvelles ". Elles indiquaient également que " dans certains cas, l'amélioration des infrastructures de transport entre des régions de niveaux économiques trop disparates pouvait même conduire à une relative dévitalisation de certaines agglomérations ".

Enfin, force est de constater qu'au-delà des contestations liées aux dommages environnementaux causés par la construction de lignes nouvelles, la création d'une liaison TGV peut pénaliser au fur et à mesure de sa réalisation les régions en situation intermédiaire , sans qu'elles puissent bénéficier en contrepartie de compensations (gares nouvelles, maintien d'une desserte classique performante). Il s'agit là d'un phénomène qualifié par certains d'" effet tunnel ". Ce dernier s'étend plus particulièrement aux sections des lignes classiques empruntées par les TGV pour les dessertes terminales sur lesquelles de nombreux arrêts sont supprimés par rapport aux dessertes antérieures. C'est le cas en particulier des liaisons TGV avec la Bretagne à partir de Rennes et des liaisons TGV Poitiers-La Rochelle. Une telle situation est d'autant plus inquiétante que l'utilisation des trains à grande vitesse pour des relations régionales est loin d'être négligeable.

Le schéma directeur de 1992 soulignait que le TGV offrait " une bonne complémentarité avec le réseau classique " grâce, d'une part, à la compatibilité de cette technique avec des voies classiques, et d'autre part, " aux correspondances adaptées des dessertes TGV et des autres dessertes, notamment celles des systèmes régionaux de transports ".

A cet égard, les critiques suscitées par l'implantation de gares TGV en rase campagne sont significatives. L'absence de liaisons avec le réseau classique et en particulier avec les trains express régionaux (TER) explique la faible fréquentation de ces gares intermédiaires à la fois éloignées des centre-villes et dépourvues de correspondances régionales à l'image de la gare Picardie sur la ligne TGV Nord ou de la gare de Mâcon-Loché sur la ligne TGV Sud-Est. Ces dessertes exercent un effet dissuasif sur les voyageurs incités à recourir à leur voiture, surtout si ils parcourent des trajets requérant par route une à deux heures. La question se trouve aujourd'hui clairement reposée à propos du TGV-Est, et particulièrement de la gare Lorraine, prévue entre Metz et Nancy et qui ne sera pas reliée au réseau Métrolor.

De façon plus générale, on peut considérer que la SNCF a eu tendance à minorer l'importance des dessertes intermédiaires, la méthodologie qu'elle utilise pour le calcul de ses prévisions de trafic l'y incitant au demeurant. Or, ces dessertes sont susceptibles d'apporter un trafic non négligeable et de constituer des atouts pour le chemin de fer face à la concurrence de la voiture individuelle. Il est donc évident que si ces arrêts intermédiaires ne bénéficient que d'une desserte limitée et si de surcroît ils se situent hors des agglomérations, ils ne permettent pas à la SNCF d'attirer les voyageurs. Néanmoins, les arbitrages, demeurent en ce domaine délicats, le contournement des agglomérations conditionnant en partie le gain de temps obtenu sur l'ensemble de la relation.

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