B. L'EMPLOI AGRICOLE EN 1999 : UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE

L'agriculture française a connu dans les cinq dernières années une nouvelle mutation, caractérisée par une diminution importante du nombre d'actifs agricoles 3( * ) . Le nombre d'exploitations agricoles est passé de 734.800 fin 1995 à 700.500 fin 1996, soit une baisse de près de 5 %. Ce mouvement de concentration s'est effectué au détriment des petites et moyennes exploitations : le quart de la superficie agricole utilisée (SAU) est détenu par des exploitations de plus de 150 hectares ; 10 % des exploitations cultivent 40 % de la SAU.

L'agrandissement de la SAU moyenne par exploitant a été accéléré.

Superficie agricole utilisée moyenne par exploitant (en hectares)

1970

1992

1997

20

35

42

La population des actifs agricoles a connu une diminution encore plus importante que celle des exploitations agricoles : 1.506.000 en 1995, soit quatre fois moins qu'en 1955. En 1995, chaque exploitation comportait en moyenne deux actifs, contre 2,6 en 1955, sur des unités plus petites et moins mécanisées. La productivité du travail agricole s'est accrue : 5,3 actifs agricoles pour 100 hectares en 1995, trois fois moins qu'en 1955. L'agriculture française a ainsi perdu depuis 1945 pas moins de 4 millions d'actifs.

Evolution de la population active agricole (1980-1997)

 

1980

1997

Population active agricole

1.869.000

957.000

Population active totale

23.240.000

25.581.000

Population totale

53.731.000

58.495.000

Cette diminution de la population active agricole recouvre cependant des évolutions divergentes selon qu'il s'agisse des actifs familiaux ou des salariés agricoles.

1. La forte diminution du nombre des actifs familiaux

En ce qui concerne les seuls exploitants agricoles 4( * ) , l'Observatoire Economique et Social de la MSA en dénombrait 758.956 en 1992 et 620.167 en 1997. Cette accélération s'explique notamment par la mise en place des mesures d'incitation à la préretraite.

La population des exploitants agricoles a très légèrement rajeuni : l'âge moyen est de 46 ans en 1997, contre 47 ans en 1992 ; la classe d'âge la plus nombreuse est désormais celle des 45-50 ans et non plus celle des 55-60 ans. En 1997, 21 % des exploitants ont plus de 55 ans, contre 31 % cinq ans plus tôt.

La baisse du nombre d'exploitations agricoles et leur agrandissement est un phénomène commun à tous les pays de l'Union européenne. Toutefois, les conditions d'évolution apparaissent différentes entre les principaux pays agricoles. Une étude récente montre que " c'est en France que, sur bien des points, l'évolution des structures est la plus marquée au cours des dernières années (1980-1995) " 5( * ) .

En ce qui concerne la forme juridique, la part des exploitants à titre individuel diminue au profit de celle des GAEC et des sociétés :

Forme juridique des exploitations (1992-1997)

 

1992

1997

Exploitants à titre individuel

79 %

70 %

Exploitants en GAEC

13 %

15 %

Exploitants en société

8 %

15 %

La diminution de la population familiale active agricole est encore plus sensible :

Population familiale agricole (1992-1997)

 

1992

1997

Exploitants

758.956

620.167

Conjoints participant aux travaux

226.673

138.842

Aides familiaux

32.547

19.175

Total

1.018.176

778.184

source : CCMSA/OES/COTAGRI 1997

2. La croissance fragile de l'emploi salarié

Si l'on constate une diminution rapide du nombre d'actifs familiaux agricoles, l'évolution de l'emploi salarié agricole est plus contrastée.

Certes, sur le long terme, le nombre de salariés permanents diminue sensiblement même si cette diminution a fortement ralenti depuis la fin des années 1980.

Evolution du nombre de salariés permanents

 

1970

1979

1988

1995

Salariés permanents

335.000

233.000

156.000

137.000

Evolution annuelle moyenne

- 4,0 %

- 4,4 %

- 1,8 %

-

Source : AGRESTE

En revanche, le nombre total de salariés agricoles -à savoir les salariés permanents et les salariés occasionnels- augmente depuis 1991.

Evolution du nombre de salariés agricoles

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1.142.942

1.133.177

1.181.459

1.176.606

1.247.690

1.273.673

1.323.302

1.332.632

1.392.398

Source : caisse centrale de la MSA

La croissance de l'emploi salarié agricole s'explique alors par un recours accru aux travailleurs occasionnels : 59.5 % des salariés agricoles travaillaient moins de 120 jours par an et plus du tiers moins de 20 jours par an en 1996.

Répartition des salariés agricoles
en fonction du nombre de jours travaillés en 1996

Nombre de jours

1 à 20

20 à 39

40 à 79

80 à 119

120 à 159

160 à 199

200 à 240

plus de 240

Part de salariés

34,5 %

10,3 %

9,1 %

5,6 %

5,0 %

4,5 %

5,6 %

25,3 %

Source : caisse centrale de la MSA

Au total, les quelque 1,4 million de salariés agricoles représentent 598.400 emplois à temps plein.

Cette évolution de l'emploi salarié agricole recouvre en réalité un double phénomène :

- l'importance soutenue du travail saisonnier,

- le développement de la pluriactivité chez les salariés agricoles.

Pourtant, le recours aux salariés agricoles reste relativement concentré. Depuis quinze ans, la proportion d'exploitations employant des salariés agricoles permanents est relativement stable : moins de 10 % en 1995. Par ailleurs, un quart d'entre elles ont recours à des salariés saisonniers et plus de la moitié font appel à de la main d'oeuvre salariée par l'intermédiaire des prestations d'entreprises de travaux agricoles ou de coopératives d'utilisation de matériel agricole.

Il semble donc que l'emploi salarié agricole n'ait pas à subir un destin inéluctable de disparition progressive. Il tend au contraire à devenir un gisement d'emplois d'appoint qu'il importe de développer.

3. Le développement de la pluriactivité

La définition de la pluriactivité est double. Au sens du régime agricole, les pluriactifs sont des exploitants assujettis exerçant une autre activité relevant d'un autre régime de protection sociale. On ajoute à cette catégorie les cotisants de solidarité considérés comme exerçant une activité agricole à titre secondaire.

Depuis la loi d'orientation de 1980, si les diverses activités sont toutes agricoles, l'exploitant n'est pas considéré comme pluriactif. Le rattachement des pluriactifs au régime agricole n'est pas automatique : il dépend de la nature de l'autre activité exercée et de son importance.

En 1992, une étude de l'Observatoire Economique et Social de la MSA dénombrait 18 % d'exploitants pluriactifs. En 1996, les pluriactifs représentaient 28 % des exploitants, soit 212.000 personnes 6( * ) . La pluriactivité est ainsi en forte progression .

Cette notion recouvre des situations très disparates ; certains y viennent par obligation, en raison d'un revenu trop faible, d'autres par choix de diversification. Il s'agit également d'un mode de vie adapté à l'économie des régions montagnardes.

Mais la pluriactivité concerne également de plus en plus les salariés agricoles. 61 % d'entre eux consacraient en effet moins de 200 jours par an à l'activité agricole en 1996.