TEXTE DES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
SUR LA PROPOSITION DE LOI

PROPOSITION DE LOI VISANT À PRÉVENIR
LES CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL
ET À GARANTIR LE PRINCIPE DE CONTINUITÉ
DANS LES SERVICES PUBLICS


Article premier

Dans les établissements, entreprises et organismes chargés de la gestion d'un service public visés à l'article L. 521-2 du code du travail, les employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sens de l'article L. 521-3 dudit code sont appelés à négocier, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, les modalités de mise en oeuvre de procédures destinées à améliorer le dialogue social et à prévenir le déclenchement de grèves, le cas échéant, par des procédures de conciliation.

Art. 2

I - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 521-3 du code du travail, le chiffre : " cinq " est remplacé par le chiffre : " sept ".

II - Après le quatrième alinéa de l'article précité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Un nouveau préavis ne peut être déposé par la même organisation syndicale qu'à l'issue du délai de préavis initial et, éventuellement, de la grève qui a suivi ce dernier. ".

III - L'article précité est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

" A cette fin, les représentants de l'autorité hiérarchique ou de la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme se réunissent avec les représentants de la ou des organisations syndicales ayant déposé le préavis dans un délai maximum de cinq jours à compter du dépôt de celui-ci.

" En cas de désaccord à l'issue de la réunion et au moins deux jours avant l'expiration du délai de préavis, les parties concernées établissent en commun un constat dans lequel sont consignées leurs propositions en leur dernier état. Ce constat est adressé par la direction ou l'autorité hiérarchique aux syndicats reconnus représentatifs dans le service, l'établissement, l'entreprise ou l'organisme puis est rendu public. ".

Art. 3

Le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport établissant le bilan des grèves dans les services publics au sens de l'article L. 521-2 du code du travail, des négociations collectives prévues à l'article premier et de l'application des accords conclus ainsi que des mesures prises par les établissements, entreprises et organismes concernés pour rendre compatible le principe de continuité du service public avec l'exercice du droit de grève. Ce rapport est établi après consultation des associations d'usagers du service public.

ANNEXE N° 1COMPTE RENDU DES AUDITIONS

A. AUDITION DE MME MICHELLE BIAGGI, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIÈRE (FO)

M. Jean DELANEAU, président. - Tout d'abord, je voudrais vous faire part des raisons pour lesquelles nous vous avons invités à venir aujourd'hui vous exprimer dans le cadre d'une audition publique sur la proposition de loi qui émane du groupe centriste du Sénat, et qui tend à assurer un service minimum en cas de grève dans les services des entreprises publiques.

La commission a désigné un rapporteur, M. Huriet, que tout le monde connaît, qui est sénateur et qui a déjà beaucoup de travaux de rapporteur à son actif. C'est lui qui interviendra au début de chaque audition. Nous avions prévu de commencer à 9 heures 30, mais Mme Doneddu, secrétaire générale de la Fédération des Services Publics de la CGT, n'a pas pu caler son agenda et nous a fait savoir hier qu'elle ne pourrait pas venir. Notre réunion s'ouvre par l'audition de Mme Biaggi, Secrétaire confédéral de la CGT FO.

Je laisse la parole à M. Huriet, en précisant que nous avons une longue série d'auditions, car nous avons voulu entendre les représentants de toutes les centrales syndicales, mais aussi les usagers et les responsables d'un certain nombre de services ou entreprises publiques. Et également un représentant du MEDEF, qui interviendra en dernier, ainsi que des représentants des usagers.

Cette audition est publique, c'est-à-dire qu'elle est ouverte à la presse, et ceux que cela intéresse peuvent rester toute la journée.

C'est bien sûr un sujet important, mais pour l'instant la commission n'a pas encore examiné ce texte, qui est très simple, qui comprend un seul article, et cette audition a pour but notamment de s'informer pour savoir quelles propositions seront faites au Sénat.

M. Claude HURIET, rapporteur. - Mesdames et Messieurs, merci d'avoir accepté de participer à cette audition publique sur un texte important puisque, dans la procédure législative, participer à des auditions publiques est la quintessence de la démocratie.

La proposition sur laquelle la commission est appelée à travailler a été déposée le 11 juin dernier. La date est importante puisque vous pourrez remarquer que cette initiative parlementaire est bien antérieure aux événements, les derniers en date, qui ont amené de nouveau, avec certaines réactions de l'opinion, à s'interroger sur les conséquences des grèves dans le secteur public.

Ce n'est donc pas une démarche d'opportunité, mais une démarche qui s'inscrit dans une réflexion démocratique sereine à laquelle vous apportez votre contribution.

Il était en effet apparu nécessaire que le législateur se penche sur la question. D'abord, en droit, le préambule de la Constitution rappelle que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent et que le législateur a donc vocation à intervenir, même si jusqu'ici il n'a adopté que des mesures partielles qui proscrivent l'usage de la grève pour certaines catégories de fonctionnaires, au nom de l'ordre public, ou qui imposent déjà un service minimum dans certains domaines.

Le législateur est également fondé à intervenir puisqu'un sondage récent montre que 82 % des Français souhaitent un service minimum en cas de grève dans les services publics.

Mais le sujet est complexe, il faut se garder des simplifications et c'est pourquoi notre objectif, à travers les auditions, est de chercher à assurer comment mieux garantir le principe de continuité des services publics -reconnu lui aussi comme un principe de valeur constitutionnelle et qui est au coeur de la notion de service public- tout en respectant ce qui est aussi un principe constitutionnel de même force, à savoir le droit de grève.

Nous abordons ces auditions dans un souci d'ouverture et de dialogue, sans idée préconçue, et en tout cas, de la part du rapporteur, sans aucune idée de remettre en cause en quoi que ce soit l'expression du droit de grève dans les services publics comme dans les autres secteurs d'activité de la Nation.

Vous avez la possibilité de vous exprimer très spontanément pour apporter votre contribution à un travail législatif important et difficile, mais qui peut correspondre à une conception du dialogue social dans une société moderne.

M. Jean DELANEAU, président. - Je vais donc passer la parole à Mme Biaggi, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail Force Ouvrière (CGT-FO).

Mme Michelle BIAGGI. - Je voudrais d'abord commencer par présenter la délégation qui m'accompagne, puisque l'ensemble de nos responsables de ces services publics et de la fonction publique devaient s'exprimer sur ce sujet.

M. Seigneur représente la Fédération de l'Energie EDF GDF. Ensuite, M. Apruzzese, qui représente la Fédération des Transports RATP. M. Pougis est le trésorier de la Fédération des Services publics et de Santé. M. Perrot est le secrétaire de la Fédération des Services publics et de Santé. M. Charbonnier représente notre Fédération des transports SNCF. M. Tourneau, la Fédération générale des fonctionnaires. Et M. Veyrier, qui est le secrétaire général de la Fédération des Transports équipements, il s'agit des transports aériens.

Après avoir présenté mes camarades qui sont ici et qui s'exprimeront, je vais donner la position de la Confédération sur un plan très général et ce que nous pensons à FO des propositions de réglementer le droit de grève.

Je vous dirai pour commencer que je trouve que c'est un sujet qui est extrêmement sensible et récurrent. A chaque fois qu'il y a un mouvement de grève dans la fonction publique, toujours revient cette vieille idée, à savoir la mise en place d'un service minimum. Pour la confédération exécutive générale de la CGT-FO -nous l'avions déclaré dans un communiqué de presse- mettre en place un service minimum revient à mettre en cause non seulement le droit constitutionnel de grève, mais présente par ailleurs dans certains secteurs, comme dans le transport, des problèmes de sécurité. C'est pourquoi je me suis fait accompagner de mes camarades qui vous évoqueront ces problèmes de sécurité, qui sont très importants.

La remise en cause du droit fondamental de grève est une vieille idée, qui ressort périodiquement, de même que l'opposition du droit des usagers au droit des travailleurs.

Par ailleurs, je voudrais rappeler que la loi prévoit le respect d'un préavis de cinq jours avant l'exercice du droit de grève, pendant lesquels les parties intéressées sont tenues de négocier. C'est l'article L. 521-3 du Code du travail, qui découle d'une loi de 1963.

Les réalités sociales sont telles parfois que les directions refusent de recevoir les représentants légitimes des salariés une fois que le préavis est déposé, et parfois contestent également la validité de ce préavis ; ce qui fait que les cinq jours pendant lesquels les parties sont tenues de négocier sont des jours où les gens se regardent au lieu de discuter.

Dans ces conditions, lorsqu'il y a détérioration du climat social, pour que les organisations syndicales soient écoutées, voire entendues, leur seul recours est la grève, et c'est pour cela que lorsque l'on n'utilise pas ces cinq jours de préavis pour discuter, on voit bien souvent le conflit aboutir à la grève.

Donc pour la confédération FO, plutôt que d'instaurer un service minimum -et je demanderai même ce qu'est un service minimum et ce que vous imaginez que cela pourrait être- pour nous, il faut redonner du sens aux cinq jours de préavis. Légalement, les parties sont tenues de négocier pendant ce temps-là et c'est pendant cette période qu'il faut redonner tout son sens à la négociation.

Et je terminerai en disant que pour notre organisation syndicale FO, en démocratie, l'idée d'encadrer ou de limiter le droit de grève constitue une remise en cause d'une liberté fondamentale. Telles sont les positions générales de la confédération.

Je vais laisser s'exprimer mes camarades qui iront plus dans le détail de chacun des secteurs d'activité.

M. Jean DELANEAU, président. - Je vous remercie.

M. Yves VEYRIER. - Vous nous posez une série de questions et vous invoquez le principe de continuité du service public. Moi, j'ai envie de vous poser à mon tour une question : est-ce que la suppression de 17.000 emplois au sein des services du ministère de l'Equipement, reconnue par les deux derniers ministres, est-ce que les 490 nouvelles suppressions d'emplois votées dans le cadre du budget 99 permettent de mieux respecter la continuité du service public et la mission essentielle au maintien de la sécurité des personnes et des biens ?

On a interpellé beaucoup de parlementaires et élus locaux à l'occasion des débats sur le projet de budget pour 1999, et beaucoup se plaignent du manque de moyens des services de l'Etat pour assurer normalement le service public. Dans le cadre de la viabilité hivernale, qui consiste à déneiger les routes et à s'assurer qu'à tout moment n'importe quelle route sera accessible par les services de sécurité, le ministre fait le constat que des véhicules restent dans la cour du parc de l'équipement faute de personnel pour les conduire. C'est un constat qui a été fait publiquement par le ministre. Les plans d'organisation de la viabilité hivernale sont organisés en fonction de priorités qui tiennent compte du manque de moyens pour assurer globalement la viabilité hivernale. Quand on sous-traite les services en question à des entreprises privées, c'est un fait que les entreprises privées n'interviennent que la journée et non la nuit.

A contrario , est-ce qu'on assure un service minimum permettant de préserver au-delà de la sécurité des personnes et des biens, y compris la sécurité des agents ? Là où on mettait deux agents dans un véhicule, on n'en met plus qu'un. Quand on conduit un véhicule de déneigement, c'est dans des conditions climatiques rigoureuses, cela peut être la nuit, sur des chaussées glissantes, avec un trafic engorgé ; l'année dernière un accident mortel a eu lieu parce que l'agent avait conduit pendant de nombreuses heures d'affilée.

Parallèlement, l'astreinte qui est organisée pour permettre que les agents soient disponibles à tout moment, au lieu d'être organisée sur quatre semaines, l'est sur un cycle de deux semaines : les agents sont amenés à intervenir beaucoup plus fréquemment.

On a pris l'exemple du système des transports aériens. Est-ce que l'application des directives dites de libéralisation du transport aérien permet d'assurer au mieux le principe de continuité du service public ? Cela a conduit à remettre en cause le principe de péréquation mis en oeuvre par Air Inter pour développer le réseau intérieur dans un souci d'aménagement du territoire. Il en résulte que certaines lignes ont été abandonnées. La concurrence s'est exacerbée, mais sur certaines lignes seulement, aux mêmes créneaux horaires et on voit se multiplier les vols petits et moyens porteurs sur ces créneaux horaires, d'où un engorgement du trafic et des retards accrus auxquels tout un chacun ici a été confronté, en dehors de tout mouvement de grève.

C'est plutôt en période normale que le service minimum n'est même plus appliqué. Je m'en tiendrai à cela.

Nous constatons, concernant la question du préavis, qu'il est très souvent utilisé maintenant non pas pour négocier -les directions de l'administration ayant plutôt pour consigne d'éviter de négocier et de faire en sorte que la grève ne se voit pas- et que les cinq jours sont utilisés pour mettre en place des services de remplacement.

M. Jean DELANEAU, président. - Je voudrais indiquer que bien sûr, ce n'est pas le rôle du Sénat de définir le contenu du service minimum, il ne peut aller sur les brisées des responsables des entreprises ou des services, et ces problèmes que vous avez évoqués, beaucoup de sénateurs sont également membres des conseils généraux et c'est une responsabilité que nous partageons avec eux.

M. Guy TOURNEAU. - Voilà un débat qui revient souvent sur le tapis, car si la Constitution prévoit que la grève s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent, il apparaît qu'il n'y a pas beaucoup de lois, à part celles prévues pour interdire le droit de grève à certaines catégories d'agents, comme l'a très bien dit monsieur le rapporteur, cela ne veut pas dire que les organisations syndicales n'ont pas été associées à une discussion à ce sujet. Je prendrai pour exemple quand le statut de la fonction publique a été réformé.

La continuité du service public dispose de moyens assez importants pour la sauvegarde des biens et des personnes, et les services publics ne rentrent pas en grève comme d'autres services.

Il a été prévu que l'exercice du droit de grève était subordonné au dépôt d'un préavis. Les organisations syndicales le respectent, sauf cas exceptionnels qui prouvent bien qu'aucune réglementation ne résiste à des mouvements sociaux profonds. En fait, il n'était pas utilisé pour essayer de voir la source du conflit et essayer de négocier avant le conflit. La loi a été précisée en fixant une obligation de négocier ; quelques années après, on constate qu'on est toujours dans cette situation de non-négociation pendant le préavis de grève.

Le Gouvernement attend de voir combien il y a de grévistes pour savoir comment il peut négocier. C'est une drôle de manière d'aborder le sujet. Naturellement les syndicats, forts de cette situation, essaient qu'il y ait le plus de grévistes possibles pour négocier le mieux possible. Je ne crois pas que ce soit la volonté des organisations syndicales, loin de là. En général, elles demandent des négociations et elles veulent négocier. Mais la balle n'est pas dans leur camp.

Les textes existent, l'obligation de négocier aussi. La grève est toujours le résultat, la matérialisation d'un conflit. On constate que l'on essaie toujours de négocier ce conflit au moindre prix. On négocie au moindre prix et on constate ensuite que les usagers ne sont pas contents.

Il faut peut-être renforcer la négociation pendant le préavis parce qu'on a pu le voir, des gens qui n'avaient pas le droit de grève ont été amenés à faire la grève, parfois très légitimement à certains moments, sur des problèmes de sécurité. Les services publics font souvent grève pour des problèmes de sécurité. Les derniers mouvements actuels ne sont pas faits pour gêner les usagers, mais pour régler des problèmes de sécurité pour les personnels et ceux qui utilisent le service public. La grève a incontestablement son utilité ; je sais que vous ne la remettez pas en cause.

Enfin, il y a des grèves très populaires, celle du service des impôts par exemple. On n'a jamais vu de levée de bouclier des usagers parce qu'ils n'avaient pas reçu leur rappel d'imposition.

Dans tous les cas, lorsqu'il y a un conflit de cette nature, il doit être négocié ; mais il faudrait surtout éviter qu'il y ait conflit et il faudrait aussi qu'il y ait plus de négociations et peut-être un peu plus de considération aussi. Par rapport aux pays d'Europe du Nord, les syndicats en France sont moins puissants mais peut-être aussi moins bien considérés, ce qui fait qu'il y a peut-être un peu plus de conflits. Il y a là un sujet de réflexion notamment parce que dans la fonction publique, le droit syndical est relativement récent, et qu'avant 1945 le droit de grève n'existait pas dans la fonction publique.

J'ai peut-être un peu tendance à renvoyer vers le Gouvernement, mais il a de lourdes responsabilités dans ces conflits.

M. Vincent CHARBONNIER. - Je voudrais dire que les textes prévoient déjà en cas de grève tout un arsenal de procédures qui vont du préavis à la réquisition.

A la SNCF, concernant la continuité du service public et l'instauration d'un service minimum, je ferais remarquer que le service minimum existe déjà. Il est très rare qu'une grève soit suivie à 100 % et, selon les rapports de force prévus lors du dépôt d'un préavis de grève, la direction de l'entreprise met en place un service minimum qui est plus ou moins étoffé selon le nombre de grévistes.

Ce qu'il faut souligner, c'est qu'en général ce service minimum est mis en place par l'entreprise en privilégiant les trains des grandes lignes et en défavorisant les trains de la vie quotidienne. Alors probablement, dans l'esprit de l'entreprise, il s'agit d'un souci commercial, contrairement d'ailleurs à ce que pourrait être un souci de service public.

La responsabilité de la qualité du service minimum dans ce cadre-là n'incombe plus aux organisations syndicales ni aux grévistes, mais plutôt à la direction de l'entreprise et, pourquoi pas, à la tutelle.

A la suite de la promulgation de la loi du 13 juillet 1963 qui instaure le préavis de grève de cinq jours, j'ai retrouvé une lettre du ministère des Travaux Publics et des Transports, en date du 31 juillet 1964, qui expliquait que cette loi ne faisait pas obstacle aux mesures prises pour assurer la continuité du service public et la sécurité des personnes et des biens.

Dès 1964, il était donc admis qu'il y avait moyen d'assurer la continuité du service public et la sécurité des personnes et des biens.

Ce n'est qu'en 1982 qu'a été instaurée l'obligation de négocier durant le préavis. La plupart du temps, à la SNCF, on attend le cinquième jour pour recevoir les organisations syndicales -c'est devenu une habitude- quand on ne vérifie pas s'il ne manque pas une virgule au préavis de grève pour déclarer qu'il n'est pas valable.

De plus, il est tout à fait exceptionnel que l'entreprise découvre lors du dépôt d'un préavis de grève les problèmes. Souvent, des semaines, des mois ou des années à l'avance, les organisations syndicales ont demandé à discuter, à être reçues, et l'entreprise est parfaitement au courant des problèmes qui existent lors du dépôt d'un préavis de grève.

Malheureusement, dans la pratique actuelle à chaque fois que les organisations syndicales sont reçues dans le cadre d'un préavis de grève, elles se heurtent à des interlocuteurs qui ne veulent rien entendre et surtout ne rien négocier. Dès lors, la grève devient le seul moyen de se faire entendre. Je citerai un exemple récent : les cheminots en 1997 ont été victimes de 372 agressions physiques et les contrôleurs de 247 agressions. On ne peut pas réduire les problèmes de sécurité au seul problème des effectifs, mais dans une entreprise comme la SNCF qui, en 10 ans, a supprimé 80.000 emplois, on ne peut pas non plus évacuer ce problème-là alors que les trains et les gares ont été complètement déshumanisés. Il reste que, paradoxalement, lors du dernier conflit des contrôleurs, les négociations ont débuté le onzième jour de la grève.

Pour instaurer un service minimum par voie législative, se posent en plus à la SNCF des problèmes de sécurité : on ne peut pas faire circuler plus de trains avec un effectif réduit. Ce qui est assuré actuellement en cas de grève à la SNCF, est le maximum qui puisse être assuré ; mais l'entreprise pourrait privilégier certains transports par rapport à d'autres.

M. Jean DELANEAU, président. - Je ne voudrais pas qu'on dérive sur les modalités détaillées de chaque service. Nous n'avions pas prévu que chacun vienne avec plusieurs intervenants supplémentaires. Et il reste 10 minutes.

M. Vincent CHARBONNIER. - Instaurer un service minimum à la SNCF reviendrait à instaurer la réquisition permanente.

M. Raymond PERROT. - Je représente ici le secteur hospitalier public et je vais me limiter à quelques notions à caractère général.

Tout d'abord, pour mettre au point un principe qui vient contredire l'argumentaire et l'exposé des motifs que je lis dans la proposition de loi : il s'avère que, dans un arrêt du 7 juillet 1950, le Conseil d'Etat a considéré qu'il appartenait au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer, sous le contrôle du juge, la nature et l'étendue des limitations du droit de grève. Toutefois, la compétence de réglementer le droit de grève dans les hôpitaux a été refusée par le Conseil d'Etat au ministre chargé de la santé, en partant du principe que la compétence en ce domaine appartenait à la seule direction de l'établissement hospitalier et non aux organismes de tutelle.

La fonction publique hospitalière, c'est en France, y compris les départements et territoires outre-mer, 2.500 établissements dont 1.600 dans le secteur sanitaire et 900 dans le secteur social et médico-social, dont les personnels relèvent du statut de la fonction publique.

Le principe d'autonomie de chacun des établissements fait que le directeur de l'établissement est le représentant légal de l'institution hospitalière, et qu'il lui appartient à ce titre, et à lui seul, d'organiser le service minimum le jour de la grève.

Les seules instructions officielles qui existent dans le secteur hospitalier sont le résultat de circulaires ministérielles. Il n'existe ni législation ni réglementation applicable dans le domaine du service minimum à l'hôpital public. C'est le simple résultat soit de jurisprudence, soit de circulaires ministérielles ponctuelles, elles-mêmes conformes à la jurisprudence, du tribunal administratif ou du Conseil d'Etat.

Cela m'amène à dire qu'aujourd'hui il n'y a pas dans le service public hospitalier de réglementation particulière concernant l'organisation du service minimum en cas de grève. La définition qui est donnée du service minimum dans les hôpitaux publics est définie par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 octobre 1978 : "le personnel dont la présence est nécessaire doit être en nombre suffisant pour assurer la sécurité physique des personnes ainsi que la continuité des soins et la conservation des installations et du matériel."

On retrouve ce principe général dans une circulaire récente sous la signature du directeur des hôpitaux, en date du 3 octobre 1995 où il est écrit : " Par ailleurs, vous voudrez bien rappeler aux directeurs des établissements de votre département qu'il leur appartient de prendre toutes dispositions pour qu'un service minimum soit assuré, la notion de service minimum pouvant être appréciée par référence aux services offerts aux usagers les dimanches et jours fériés. La procédure des réquisitions ne doit être utilisée qu'en cas d'impérieuse nécessité. "

J'ajoute, pour ce qui me concerne, le commentaire suivant : au cours des deux derniers mouvements de grève des blouses blanches, dits " grève des infirmières " en octobre 1988 et octobre 1991, qui ont été extrêmement suivis dans les hôpitaux, le sens de la responsabilité des personnels a fait qu'à aucun moment les directeurs d'établissements n'ont eu à constater un relâchement dans l'attention des personnels. J'ajoute que ceci est la conséquence directe de la conscience professionnelle des professionnels exerçant auprès des malades. Les personnels et les fonctionnaires ont le sentiment permanent de la satisfaction du travail bien fait et leur sens des responsabilités les amène à travailler normalement pour prendre en charge la santé des patients, y compris les jours de grève.

M. Jean DELANEAU, président. - Il reste très peu de temps et le rapporteur est prêt à recevoir toutes les contributions écrites complémentaires que vous pourriez nous faire.

M. Robert POUGIS. - Je représente les fonctionnaires territoriaux qui travaillent dans les collectivités locales. S'agissant de l'exercice du droit de grève dans la fonction publique territoriale, le service minimum existe déjà puisque les élus locaux et l'autorité territoriale sont tenus d'assurer en toutes circonstances la sécurité des personnes et des biens. Ce service minimum s'exerce dans deux directions : tout d'abord, les sapeurs-pompiers, la police municipale, le service des eaux, l'hygiène, et ensuite les obligations de service concernant l'état-civil où il y a des délais légaux à respecter en matière de recueil et de déclaration des naissances et des décès.

M. Gérard APRUZZESE. - Je ne vais pas revenir sur ce qui a été développé par mes camarades sur le principe et le droit, mais je vais essayer d'aborder les conséquences, pour autant qu'on arrive à définir ce qu'est aujourd'hui en matière de transport un service minimum et un service maximum.

Nous avons plutôt le sentiment que la situation actuelle correspond aux deux notions en même temps : service minimum, parce que les besoins de transports sont satisfaits en limite, et service maximum si on prend en compte les risques de pic de pollution, certaines entreprises de transport public ne pouvaient sur 90 % des lignes augmenter de manière sensible l'offre de service.

En même temps, on oublie de prendre en compte les évolutions en matière des besoins de transport, notamment sur la nature des déplacements, sur les horaires de travail flexibles et le temps partiel, ce qui fait qu'on n'est plus tout à fait rigide sur la notion de périodes dites de pointe.

Concrètement, comment se passeraient les choses si une décision de ce type était prise ? On aurait les voyageurs qui utilisent quotidiennement les transports à l'heure du service minimum, mais aussi les voyageurs qui partent avant et les voyageurs qui partent après, qui viendraient en même temps sur ces créneaux horaires. On aurait très rapidement de sérieux problèmes de sécurité pour les voyageurs transportés. Cela conduirait à remettre en cause et à imposer non pas un service minimum sur des créneaux horaires, mais à interdire concrètement à des salariés le droit à faire grève.

M. Louis SEIGNEUR. - Pour ce qui concerne le domaine de l'électricité et du gaz, et notamment pour les entreprises nationales, EDF GDF, le concept même de service minimum est un vieux concept qui finalement est mis en application depuis la nationalisation et qui a suivi essentiellement deux étapes. Une première étape qui se termine dans les années 88 à peu près, qui permettait d'exercer dans le cadre d'une réglementation appelée " Plan Croix Rouge ", qui permettait en toute intelligence, entre les partenaires sociaux d'une part et la direction d'autre part, de gérer les périodes difficiles et conflictuelles. Il est évident que toute cette période que nous avons vécue, en toute responsabilité, notamment des partenaires sociaux, il n'y a pas eu véritablement in fine de coupures dommageables pour le service public et pour les clientèles.

Mais depuis 1988, le cadre législatif et réglementaire a évolué ; nous avons vu apparaître une définition plus économique du périmètre qui doit être celui du service minimum, et nous avons assisté, notamment dans notre entreprise, à une redéfinition de ce qu'on appelait le service minimum uniquement axé sur la sécurité, mais qui a intégré des données économiques, notamment l'obligation d'affronter les échanges internationaux. A partir de là, le périmètre lui-même est devenu un peu flou.

D'autre part, il faut bien le dire, la Direction a pris à cette époque et jusqu'à aujourd'hui très arbitrairement les décisions. Et les organisations syndicales ne sont plus véritablement associées, alors que jusque-là elles avaient fait preuve de responsabilité, dans les périodes difficiles, pour gérer ces périodes.

Pour ce qui nous concerne, nous qui connaissons ce concept de service minimum de longue date, nous ne pensons pas forcément qu'il faille devoir aujourd'hui légiférer pour ajouter à l'idéologie dominante de l'argent. Nous disons simplement qu'on n'empêchera pas les conflits du travail d'exister et que les mouvements sociaux doivent être bien entendu canalisés en toute responsabilité.

Je prendrai pour terminer l'exemple de décembre 95 : y compris avec les réglementations qui sont à l'intérieur de nos entreprises, nous n'avons pas eu moins de 72 référés. C'est vous dire, messieurs, qu'il est important surtout de donner satisfaction lors de la phase initiale la plus importante, qui est la phase de la concertation. Cette phase, y compris à EDF, n'est pas utilisée véritablement pour tenter de résoudre les préoccupations sociales internes.

M. Jean DELANEAU, président. - Merci. Je dois dire que nous avions envisagé cette audition sous une autre forme avec un exposé liminaire de 10 minutes et ensuite un échange. Le rapporteur avait préparé des questions, nous pouvons vous les laisser et vous les compléterez de façon écrite si vous voulez.

M. Claude HURIET, rapporteur. Je propose, pour que nous ne restions pas sur notre faim, maintenant que chacun a pu s'exprimer, que je convienne, en accord avec vous-mêmes et la commission, d'une audition avec Mme Biaggi pour que je puisse poser les questions, que je n'ai pas pu poser maintenant.

Ces questions portent sur les dispositions de prévention des conflits, le respect de la finalité du préavis, et aussi la position de votre confédération sur des dispositions préventives telles que celles qui ont été mises en place à la RATP. Il faut convenir d'un autre rendez-vous afin qu'il ne soit pas dit que nous n'aurons pas apporté réponse à vos questions, pas plus que vous ne puissiez considérer que nous n'avons pas voulu apporter réponse à vos questions. Je souhaite donc que le dialogue se poursuive dans les jours qui viennent.

M. Jean DELANEAU, président. - Nous nous reverrons donc ultérieurement.

M. Claude HURIET, rapporteur. - Et dans le rapport de la commission, il va de soi que les auditions, quelle que soit leur nature, apparaissent et qu'il n'y a pas de rétention d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page