G. AUDITION DE M. PIERRE CARLIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL, DÉLÉGUÉ INDUSTRIE D'EDF

M. Jean DELANEAU, président.- Nous accueillons Monsieur Pierre CARLIER.

Monsieur le rapporteur va préciser un peu la façon dont il va aborder le problème.

M. Claude HURIET, rapporteur- Merci Monsieur le Président.

En effet, Monsieur le Directeur, Madame, concernant l'intitulé et l'objet de la proposition de loi relative au service minimum -en accord d'ailleurs avec l'auteur, que j'ai plaisir à saluer- le Président de la commission et le rapporteur, avant que la commission même n'en soit saisie, ont pensé qu'il était indispensable de situer le service minimum dans une démarche plus large, qui s'inscrive dans la prévention des conflits et des grèves.

Donc, dans votre intervention, je souhaiterais que vous ne vous limitiez pas au service minimum, mais que vous envisagiez, de manière plus large, les conditions dans lesquelles le principe de service minimum pourrait être respecté, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement, le principe du droit de grève n'étant nullement remis en cause.

Il est souhaité que vous élargissiez votre propos pour que la commission puisse en faire largement son profit.

M. Pierre CARLIER.- Messieurs, Mesdames, je vous salue. Je vais tenter, dans un propos liminaire, de répondre à votre question grève, service minimum, prévention des conflits.

La grève, tout comme la continuité du service public sont deux droits, de valeur constitutionnelle.

Pour nous, au sein d'EDF, il n'y a ni texte législatif, ni texte réglementaire. Néanmoins, depuis dix ans exactement, il y a eu un certain nombre de grèves, une respiration sociale au sein de l'entreprise, plus ou moins conflictuelle, et en même temps, aucune coupure liée à un déficit de production par rapport aux besoins des clients en France.

La dernière grève ayant entraîné des coupures liées à un déficit de production a eu lieu l'hiver 1998/1989.

En 1989, ce que nous appelons dans notre jargon interne des " notes " ont été formalisées, permettant de satisfaire aux obligations de service public tout en respectant le droit de grève. Ces notes portent chez nous le nom de leurs auteurs : "  BENAT " qui, à l'époque était responsable de la Production Transport et " DAURES " responsable de la Distribution.

Quel est le contenu de ces notes ? Elles commencent par dire que le droit de grève est un droit constitutionnel, chacun est libre de faire grève quand il le souhaite. Toutefois, nous avons deux obligations, la première est celle pour laquelle vous m'avez convié : l'alimentation du service public. La seconde : exploitant pour produire beaucoup d'outils nucléaires, nous avons une obligation de sûreté nucléaire, ce point n'est pas déconnecté du premier.

Nous avons actuellement 40.000 personnes à la Direction Production Transport. Nous avons identifié 1.000 personnes dont nous avons impérativement besoin à leur poste de travail pour assurer la continuité du service public.

Les autres sont totalement libres de faire grève. Ceux-là aussi et ils peuvent baisser la production. Nous leur demandons impérativement de piloter l'équilibre production-consommation. La production est générée par les centrales électriques. La consommation est ce dont ont besoin les clients du service public. Tout cela est piloté du niveau national.

Pour vous donner une image, aujourd'hui, nous consommons en France 66.000 mW. Notre capacité de production disponible est de 80.000 mW.

Tous les outils n'ont pas le même prix. Le nucléaire et l'hydraulique sont plus rentables, les coûts de production marginaux, très faibles. Le thermique, le charbon, le fuel, le gaz sont plus élevés. L'export, ou plutôt l'apport, est à des conditions que l'on trouve sur le marché

Que faisons-nous pour équilibrer ? Nous appelons les moyens de production en fonction de leur coût de production. Nous marchons à l'économie pour baisser les tarifs que nous offrons aux clients.

Les jours de grève, les personnes de la production font grève, donc la production baisse. La veille, nous sommes obligés, par anticipation, de démarrer d'autres outils de production : du charbon, du fuel et cela nous coûte cher.

Quand nous avons tout mis sur le pont, nous avons également commercialement, en France ou avec nos clients en Europe, des contrats avec des clauses que nous pouvons effacer. Nous effaçons tout ce qui est possible, ensuite nous drainons le marché européen pour ce qui est accessible sur le spot, par exemple 66.000 mW.

Imaginons une grande grève -aujourd'hui il y en a une, mais petite, compte tenu du débat énergétique qui a lieu demain à l'Assemblée, 7 % du personnel se déclare en grève, la baisse sera de 3.000 mW. Nous avons pu avoir, dans d'autres cas, en termes de probabilité affichés la veille, moins 20.000 mW, c'est énorme pour nous.

Lorsque nous avons épuisé tous les moyens de production complémentaires, que nous les avons démarrés, que nous avons effacé tous nos clients effaçables et drainé tout ce que nous pouvions du marché européen, nous envoyons des messages aux agents de conduite pour leur dire d'arrêter la baisse.

En effet, si nous continuions la baisse de production, nous mettrions en cause l'alimentation du service public. Donc nous envoyons des messages A demandant d'arrêter la baisse.

La consommation varie dans la journée, en milieu de matinée elle monte puisque l'activité industrielle se lance, le matin à 6 heures elle est encore faible. A partir d'un certain moment nous envoyons un message B demandant de reprendre un peu de charge pour accompagner la demande du service public.

Ensuite nous libérons ces messages car en France la consommation est légèrement en baisse en milieu de journée. Elle reprend avec la pointe du soir.

Donc, nous faisons suivre aux agents grévistes les besoins du service public, mais l'entreprise a payé et paie relativement cher les moyens de production complémentaires. Je reprends mon exemple : si aujourd'hui nous avions une grande grève, moins 20.000 mW, nous en subirions 10.000 sur la journée, soit environ 10 à 12 MF de substitution de production.

Autrement dit, nous aurions continué à alimenter le service public et nous aurions un comportement d'agents grévistes qui prendraient en compte le besoin d'alimentation.

Vous avez posé plusieurs questions, nous répondrons à certaines par écrit, pour les questions de fond.

Quelle est la rémunération des agents grévistes ? Si l'agent est gréviste et si nous avons besoin de lui pour assurer la continuité du service public, nous lui demandons de rester à son poste et d'assurer seulement deux choses :

Répondre aux messages, avec un message A, on arrête de baisser, avec un message B on monte un peu la puissance.

Assurer la sécurité des installations.

Il est payé 20 % de son salaire dans ce cas.

Je vous donne la photographie du jour de grève, mais derrière il y a une complète décoordination de la vie de la production. Si un arrêt de tranche est prévu pour le renouvellement du combustible, avec un arrêt d'une ou deux journées de suite, le taux d'épuisement du combustible n'est pas le même, nous reperdons de l'argent en effets induits.

Si la grève devait durer huit à dix jours, la gestion du combustible nucléaire serait complètement déstabilisée, de même que celle des réservoirs hydrauliques.

Une simple image : en France, nous avons une forte capacité de production, mais elle est uniquement formée de réservoirs. Un réacteur nucléaire est un réservoir dans lequel on embarque du combustible pour un an ou dix-huit mois. Vous l'utilisez au bon moment, en fonction de vos besoins. Comme pour l'hydraulique, vous rentrez de l'eau dans le réservoir et vous l'utilisez en fonction des opportunités économiques.

Pour revenir sur le problème équilibre, production, consommation, attitude des grévistes vis-à-vis de l'entreprise et des personnes vis-à-vis du service public, nous avons un mode de fonctionnement qui tourne sans texte réglementaire ni législatif, au travers d'une bonne compréhension. Si je prends l'exemple de la grève profonde de décembre 1995, qui a atteint toute la France, nous n'avons eu aucun déséquilibre production-consommation lié à la production.

Vous avez parlé d'amont et d'aval. Imaginons que nous ayons un type de comportement plus ou moins contrôlé, qui entraîne la coupure du disjoncteur du quartier (ici il y a de l'alimentation de secours) nous pourrions nous trouver dans le noir, c'est une action d'indiscipline que nous poursuivons comme un acte illégal, ce n'est pas un acte de grève. Nous portons plainte et engageons une procédure disciplinaire interne.

Nous dissocions complètement l'équilibre global production-consommation des actes liés à une personne ou à un petit groupe d'individus. Nous avons eu de telles coupures à Mulhouse, Grenoble, sur un émetteur de France 3 du côté de Montpellier, dans ces cas, nous poursuivons.

Juridiquement, ces notes internes qui sont chez nous qualifiées par le nom de leur auteur, BENAT et DAURES, ont été confortées, (bien sûr nous avons eu des recours contre elles), au Conseil d'Etat, au travers des arrêts pris en mars 1997. Donc, juridiquement, nous sommes bien assis. Nous avons à respecter le droit de grève, mais avons aussi comme obligation, l'alimentation des clients qui sont du service public.

Il y a eu des recours du fait que nous ne payions que 20 %, les tribunaux et le Conseil d'Etat ont validé notre manière de faire. Les personnes n'assuraient que la sécurité.

La prévention des conflits : demain un débat parlementaire a lieu à l'Assemblée Nationale sur l'énergie. La Fédération à l'Energie, CGT, a déclenché un mouvement de grève.

Dès qu'il y a un conflit typique sur un problème spécifique de l'entreprise, localisé au niveau national ou dans les unités, nous utilisons au maximum le préavis pour engager les discussions, comprendre la problématique et voir s'il existe une solution.

Nous nous sommes engagés dans un véritable renouveau du dialogue social dans l'entreprise. Nous avons pesé de tout notre poids pour obtenir la signature des cinq fédérations syndicales sur un accord réduction, aménagement du temps de travail, le renouvellement de l'entreprise, en termes de pyramides d'âges, de profil, de partage du temps de travail pour les personnes qui ont peu d'emploi à l'extérieur. Nous sommes fondamentalement engagés dans une démarche généralisée de renouveau social, indépendamment de l'utilisation du préavis qui, là, est lié à un conflit national et local.

Sur la question de fond, la grève et le service public, dans l'état actuel des choses, avec les notes internes confortées par le Conseil d'Etat, nos 10 ans de pratique, et tenant compte de la compréhension qu'en ont les agents concernés, de l'acceptation explicite ou tacite des fédérations syndicales, je serais tenté de dire qu'il faut continuer ainsi.

Je ne sais si j'ai répondu à votre première question, en tout cas, j'ai essayé.

M. Alain GOURNAC.- Je vous remercie, vous avez été très clair Nous avons très bien compris votre position. Donc, vous êtes très avancés dans notre direction, dans ce que nous proposons. Le service minimum est déjà une culture. Pour envoyer un message A, disant qu'il ne faut pas aller plus bas, et un message B demandant de remonter un peu, encore faut-il qu'en face des personnes acceptent.

Y a-t-il eu, au niveau de la Direction d'EDF des discussions, des réflexions sur ce service minimum qui serait tout à fait organisé, ce que vous avez réalisé est très bien. Avez-vous eu des prises de position ?

M. Claude HURIET, rapporteur.- Je voulais remercier M. Carlier de son exposé et évoquer trois questions différentes, qui viennent compléter celles de mon collègue, M. Gournac.

Une observation plus qu'une question. Il a été dit au cours des auditions qu'il n'y avait plus de grandes grèves EDF depuis dix ans, cela rejoint ce que vous venez de dire, et qu'il y avait une explication intéressante : les réactions de l'opinion à une grève EDF sont immédiates et généralisées. Finalement, outre les dispositifs à terme que vous avez évoquées, le poids de l'opinion publique semble avoir été un élément de sagesse dans les discussions internes de votre maison, ce qui contribuerait à expliquer que, en l'absence de lois et de règlements, les grandes grèves appartiennent au passé.

Vous avez dans votre intervention, fait apparaître qu'il n'y avait pas, dans le contexte évoqué sur lequel je vous interroge, les deux stades préalables auxquels je songe : prévention et préavis.

Dans votre intervention, vous avez fait apparaître le préavis, ce qui laisse entendre qu'il est généralement respecté, dans sa lettre et dans son esprit, mais, y a-t-il parfois des ambiguïtés ou des conflits quant à la date, aux conditions du dépôt de préavis ? Concevez-vous une publicité des conclusions du préavis ? Il est intéressant de savoir que le préavis correspond, suivant les entreprises, à une réalité ou, au contraire, à un faux-semblant. En publiant le constat, d'échec ou de succès, pourrait-on donner au préavis son véritable contenu ?

Vous avez parlé des 20 %, je voudrais que vous précisiez ce point, je ne suis pas certain d'avoir compris. Il s'agirait de 20 % de salaire, en moins ou en plus, pour ceux qui sont contraints à assurer la continuité du service.

J'avais aussi une petite question sur la nature de la grève, tout à fait préventive, avant un débat parlementaire, que je trouve tout à fait mal venu, mais je ne veux pas y donner plus d'importance que vous ne lui en avez attribué vous-même.

M. Jean CHERIOUX.- Du fait de sa marge de manoeuvre sur sa capacité de production, EDF a la chance d'échapper à la loi du service public, dans la mesure où elle a les moyens de l'assurer si une grève se présente.

La grève, dans la mesure où elle est un moyen de négociation, permet aux salariés de peser sur EDF, sur ses résultats, mais elle ne prend pas en otage l'usager. Cet aspect diffère des autres grèves dans d'autres services publics. Cela signifie donc qu'à EDF il n'y aurait pas besoin de mesures particulières portant sur le service minimum.

Une question me vient à l'esprit, qui n'est peut-être pas dans le champ de nos investigations, mais vous avez souligné le fait qu'à EDF il y avait une particularité et que celle-ci posait des problèmes de sécurité. Vous disposez d'un ensemble d'arguments juridiques qui permettent d'assurer le travail, mais en cas de coups très durs, avez-vous des moyens particuliers d'action, ne serait-ce que la réquisition, lorsqu'il s'agit de personnels très spécialisés qui assurent la sécurité des centrales nucléaires ? En cas de coup dur, ces personnels pourraient être particulièrement motivés et se mettre en grève, ce qui poserait un problème de sécurité. Avez-vous des moyens d'action ?

M. André JOURDAIN.- Je voudrais aller dans le prolongement des questions posées. Ce matin, des interlocuteurs de la RATP et d'autres services publics, ont dit qu'il serait impossible de l'organiser chez eux : par exemple, à la RATP il y aurait un afflux de voyageurs qui rendrait la circulation très dangereuse.

Il semblerait qu'EDF ne soit pas confrontée aux mêmes difficultés et que, par conséquent, l'accord a été peut-être d'autant plus facile à obtenir qu'il n'y avait pas ces perspectives de dangers soulevées en alertant la population. Il me semble que, pour vous, le problème doit être différent.

M. Pierre CARLIER.- Je vais tenter de répondre. Il y a un point commun dans vos questions. Il me revient en mémoire ce que je disais dans les années 1980, la situation a beaucoup évolué. Pour vivre, première urgence, il faut de l'air, on ne vit que peu de temps sans air. Ensuite, il nous faut de l'eau, nous ne tenons pas beaucoup de jours sans eau. Aujourd'hui, en plus, il nous faut l'électricité. Je pense que demain, les gens diront les Télécom.

Nous ne pouvons imaginer, aujourd'hui, dans le mode de vie tel qu'il s'est développé dans notre pays, vivre sans électricité, notamment en région urbaine, un peu moins vrai en campagne.

Donc, au sein de l'entreprise ce que nous appelons le service public devient presque un service vital. Comment partager là-dedans ? Vous ne donnez pas la moitié de l'air dont a besoin une personne, vous ne la rationnez pas en eau. Voilà le type de discours que nous développons depuis très longtemps.

La dernière fois où les gens, dans certains secteurs, ne l'ont pas bien compris, c'était en 1988-1989. Les pâtissiers ont jeté dans les agences EDF les pâtes qu'ils n'avaient pu cuire, d'autres ont tiré sur les agences à Toulouse, etc. La réaction a été violente, pourquoi ? Parce que vous coupiez quelque chose de vital et qui n'était pas remplaçable. Il n'y a aucun moyen de substitution.

J'exagère peut-être, mais c'est la façon dont je racontais l'histoire dans les années 1980. A mon avis, c'est ressenti comme étant essentiel, vital.

Nous avons donc mis en oeuvre ces notes qui, petit à petit, sont comprises. Vous avez raison de dire que nous les avons établies parce qu'en 1989 nous nous sommes appuyés sur la réaction brutale de l'opinion. Cela nous a légitimés. Mais ces notes, dix ans après, sont comprises.

L'un d'entre vous disait que nous avions de la marge suffisante, oui, mais en fait, les clients la consomment complètement. Les chiffres actuels : 66.000, 70.000 mW, il y a un grève, c'est aussitôt moins 20.000 mW. Nous n'avons pas ces 20.000 mW disponibles. Nous devons donc démarrer tout ce dont nous disposons et acheter. Ensuite nous demandons d'arrêter, sinon il faut amputer les besoins du service public.

Qu'est-ce qui est spécifique ? Je comprends très bien, il n'y a pas d'afflux. Imaginons que nous n'ayons pas assez d'électricité, il n'y aura pas d'afflux, mais, au contraire, une réaction des clients qui demanderont leur courant. De même, si vous n'avez qu'un bus sur deux, ils seront pris d'assaut. Les types de réaction ne seront pas les mêmes.

Depuis le dispatching, nous avons à Paris une vision globale du système électrique européen et donc français. Nous sommes capables de piloter l'ensemble de l'équilibre production-consommation, avec une grande intelligence, une grande pertinence.

Tout à l'heure une personne demandait si nous expliquions la situation. Par écrit, nous justifions le lendemain tous les messages envoyés à toutes les salles de commande. Nous leur disons ce qui s'est passé, mais nous leur demandons de répondre en aveugle, car nous ne pouvons pas, en temps réel, piloter et expliquer. Le lendemain, après chaque grève, nous envoyons la justification des messages. Toute la hiérarchie, tout le personnel est ainsi informé du pourquoi de l'envoi du message. Notre seul mobile a été de garantir l'alimentation du service public, tout en respectant le droit de grève.

J'essaie de répondre à la prévention et bien au-delà. Il s'agit d'une profonde compréhension, de la culture du service public, avec le fait que nous sommes sur un élément devenu vital. Si vous coupez le courant à n'importe quelle heure, cela peut provoquer un désastre dans la vie de chacun. Il n'y a pas de substitution.

Les 20 %, représentent la rétribution globale que nous devons à l'agent qui physiquement est là, qui assure la sécurité et répond aux messages.

M. Claude HURIET, rapporteur.- Qui est gréviste.

M. Pierre CARLIER.- Nous donnons 100 % à celui qui assure tout son travail. A celui qui n'assure que la sécurité et répond aux messages, nous disons qu'il n'exécute qu'une partie de son contrat de travail, et que nous lui devons 20 %. C'est ce qui a été conforté par le Conseil d'Etat car nous avons recours devant les juridictions.

M. Claude HURIET, rapporteur.- 20 % du salaire.

M. Pierre CARLIER.- Oui, 20 % du salaire.

M. Alain GOURNAC.- Les syndicats ont-ils accepté les 20 % ?

M. Pierre CARLIER. - Non, nous avons été attaqués et nous sommes allés devant le Conseil d'Etat qui l'a validé en mars 1997. Il y a eu de nombreux recours devant les tribunaux, mais nous voulions être cohérents, la personne n'assure que la sécurité.

La sûreté nucléaire est un tout autre domaine, il est régi par l'amendement Giraud qui date de 1981. Il est consécutif au fait que des agents, les mêmes d'ailleurs, voulaient définir eux-mêmes l'état de repli du réacteur : arrêt à chaud, à froid.

Nous leur avons dit que qu'elle que soit la qualité de leur décision, elle ne leur appartenait pas et que la sûreté était le fait de la hiérarchie. Cet amendement est très clair : réquisition si nécessaire, mais jamais personne ne peut mettre en cause les problèmes de sûreté.

Deux fois seulement, en dix ans, nous avons eu à gérer des faits à travers l'amendement Giraud, il s'agissait d'un envahissement de salle de commande par des personnes voulant manifester leur mécontentement, alors que les personnes de la salle de commande respectaient les messages.

Nous leur avons dit qu'elles mettaient en cause la sûreté en envahissant un lieu où le calme était nécessaire pour conduire le réacteur. Nous avons donc appliqué l'amendement Giraud à Saint Alban et à Tricastin. Nous disposons d'un arsenal correct et craint.

Prévention : c'est un partage profond de ce qui doit régir le personnel au regard de ses obligations. Je citais tout à l'heure cette dynamique que nous créons au travers de l'accord que nous devrions signer le 25 avec les cinq fédérations. Nous essayons d'anticiper, de comprendre les problèmes d'aujourd'hui et demain : le marché va s'ouvrir, la concurrence va devenir plus aiguë, nous allons perdre des clients. Qu'est-ce que cela signifie ? Quels sont les indicateurs ? L'activité ne se bloque pas, nous sommes beaucoup moins protégés qu'hier, en revanche, elle s'oriente vers une dynamique plus porteuse.

Pour répondre sur le chapitre prévention, au travers de ce que nous faisons, nous anticipons des problèmes et essayons d'en partager la résolution. L'ouverture du marché pourrait être un lieu de crispation énorme. Nous nous appuyons beaucoup sur des grandes entreprises du même type, Air France, France Télécom, ou sur des entreprises énergétiques d'Europe ou d'Amérique. Nous essayons d'anticiper pour faire partager les évolutions.

M. Philippe ARNAUD. - Merci, Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur de m'autoriser à poser cette question.

Je souhaitais savoir si à l'EDF le souci exprimé d'assurer la continuité du service public et de ne pas pénaliser les usagers, considérant qu'il s'agit, là, d'un véritable un service vital, était seulement un souci bien compris de responsable d'entreprise et de partenaires sociaux qui avaient la capacité de formuler et d'exprimer leurs revendications, mais en prenant en compte le souci du service public.

N'étiez-vous pas aussi aidés par des considérations techniques qui faisaient que techniquement vous ne pouviez pas, au risque de mettre en péril l'entreprise, assurer des productions d'électricité sans avoir derrière une consommation ? Cela n'a-t-il pas aidé à arriver à votre dispositif ?

M. Pierre CARLIER.- Ce qui nous aide, vous avez raison de le dire, est une gestion technique, une vision très centralisées de l'équilibre production-consommation. Les agents de production sont nombreux à la Direction Production Transport, 40.000 personnes, plus de 10.000 personnes sont concernées par ces problèmes, elles sont libres de baisser la production et arrive un moment où il faut les stopper. Il nous faut donc bien un partage très général de l'ensemble de l'entreprise car il y a une forte solidarité au sein de l'EDF, comme à la SNCF. Même la personne qui est dans le discontinu est solidaire de l'autre

M. Philippe ARNAUD. - Stopper, par souci de servir le consommateur ou bien parce que vous avez des impératifs techniques.

M. Pierre CARLIER.- Le seul impératif technique serait s'il y avait une grève des clients. Nous aurions alors trop de production et nous ne pourrions pas stocker. Dans le cas inverse, c'est nous qui devons nous adapter en permanence, nous ne pouvons pas trop baisser.

Pour l'horizon 2000, nous prenons également en compte le scénario. Si nous avions de gros clients à qui il arrivait une brutale interruption de consommation, nous pensons à des scénarii où nous aurions un excès de production, une interconnexion avec l'Allemagne, la Belgique, l'Angleterre.

Nous pouvons avoir une difficulté technique parce que nous ne stockons pas l'électricité, il faut rapidement baisser. En période de grève, c'est l'inverse, la consommation appelle, il faut que la production suive. Or, la production a tendance à baisser, sous l'effet des grévistes, à un moment il faut la stopper et si la consommation s'accroît, il faut la remonter.

M. Jean DELANEAU, président.- Je vous remercie, Monsieur le Directeur général d'avoir expliqué la situation très particulière à EDF, à tel point que nous nous demandons parfois pourquoi il y a des grèves, même si celles-ci n'ont pas de répercussion sur les consommateurs que nous sommes.

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