B. MUSÉES NATIONAUX : LE POIDS DES STRUCTURES

A côté de l'insuffisance structurelle des crédits d'acquisition que votre rapporteur a analysée dans son rapport d'information intitulé " Marché de l'art, les chances de la France " - que pèsent les quelques 105 millions du fonds du patrimoine, augmentés des crédits RMN, comparés aux refus de certificats en stocks qui, cumulés, frôlent le milliard de francs -, il faut évoquer les problèmes de gestion de structures de plus en plus lourdes.

Tandis que la Réunion des musées nationaux se redresse, le musée du Louvre connaît les difficultés consécutives à sa croissance rapide, trop rapide par rapport aux moyens qui lui sont alloués.

1. Le redressement de la RMN

La crise que connaît cet organisme depuis 1995 lui interdit de contribuer, comme par le passé, à l'enrichissement des collections nationales.

Cet établissement, qui a pour objet de financer l'acquisition d'oeuvres d'art, d'organiser des expositions et de développer une activité commerciale et éditoriale a vu sa situation se détériorer à partir du début des années 90. excédentaires en 1993 (+ 10 millions de francs), équilibrés en 1994, les comptes avaient dégagé un solde négatif de 39 millions de francs en 1995 et 85,9 millions de francs en 1996 et 62,2 millions de francs en 1997.

La crise économique mais aussi une gestion trop ambitieuse sur le plan commercial, avaient rogné les résultats sous l'effet des facteurs suivants : tassement du nombre de visiteurs et donc des ressources que la RMN tire des droits d'entrée, changements de régime juridique avec la transformation en établissements publics du Louvre et de Versailles, qui conservent dorénavant une part des recettes ; enfin recul des recettes tirées des activités éditoriales et commerciales - cartes postales, catalogues, CD-ROM, "produits dérivés" : au lieu de dégager des bénéfices de nature à venir conforter les missions de service public comme le montage d'exposition ou la publication de catalogues d'un intérêt scientifique certain mais au public restreint, le secteur commercial de la RMN absorbe en réalité des ressources qui auraient dû, soit contribuer aux opérations d'intérêt général, soit permettre l'acquisition d'oeuvres d'art.

Le plan de redressement adopté depuis 1997 commence à porter ses fruits aidé il est vrai par la reprise de la fréquentation 7( * ) .. Ce plan fixait deux objectifs :

- reconstituer en trois ans (1997-1999) les réserves de l'établissement et son fonds de roulement à leur niveau de 1993 ; cela supposait que la RMN dégage sur trois ans, toutes activités confondues, un bénéfice après acquisitions d'environ 80 millions de francs, intégralement reversé au fonds de roulement ;

- rationaliser l'activité commerciale pour qu'elle parvienne au minimum à équilibrer son exploitation en 1999.

Les résultats de la RMN, pour 1998, s'établissent comme suit.

Pour le droit d'entrée, le résultat positif s'élève à 55,7 millions de francs, contre 86,8 millions de francs en 1997. Cette diminution apparente du résultat est essentiellement la conséquence d'une reprise des acquisitions d'oeuvres d'art, dont le niveau avait été limité en 1997 dans le cadre du plan d'action.

Le niveau des acquisitions sur fonds propres a été porté de 28,3 millions de francs à 55,3 millions de francs

Pour les expositions , le déficit de - 17,3 millions de francs est conforme aux objectifs du plan d'action. La fréquentation a bénéficié d'un programme d'expositions qui a attiré un large public, notamment au musée d'Orsay, avec Manet-Monet puis Millet-Van Gogh, ce qui a permis de compenser les baisses de fréquentation enregistrées pendant la coupe du monde de football (- 14% en juin et -11,8% en juillet).

Le coût de la pérennisation des personnels de surveillance du Grand Palais, estimé à 2 millions de francs en 1998, a pu être absorbé par des économies réalisées notamment sur les primes d'assurance et par le succès de la carte Sésame, qui dégage un chiffre d'affaires de 5,5 millions de francs.

Pour l'ensemble des activités commerciales , le résultat redevient bénéficiaire en 1998. Ainsi, l'objectif d'équilibre financier du secteur commercial, qui constituait l'un des volets du plan d'action est d'ores et déjà atteint. Le chiffre d'affaires s'établit à 486 millions de francs, en progression de 16,8 % par rapport à 1997, avec des hausses différenciées selon les secteurs ( +12% pour les implantations muséales, + 25 % pour les boutiques hors musées, +28% pour la VPC).

Dans ce contexte favorable de l'évolution du chiffre d'affaires, la marge brute s'améliore de 2,4 points et le ratio " charges de personnel sur ventes " diminue de 2,8 points. Ainsi, les mesures prises pour le redressement de l'activité produisent leurs effets et permettent de réaliser un bénéfice de 7,8 millions de francs.

Le résultat global de l'établissement pour 1998 est donc de 46,2 millions de francs, étant précisé que l'établissement a constitué en 1998 une dotation initiale aux provisions pour congés payés de 17,6 millions de francs .

Si l'on examine ces résultats au regard du plan d'action de la RMN pour les années 1997-1999, les comptes financiers de la RMN pour 1998 font état d'un dépassement des objectifs fixés dans ce cadre.


Millions de francs

Objectifs 1998

Plan d'action

Résultats 1998

Résultats 1997

Résultats 1996

Résultat d'exploitation

 
 
 
 

- Développement-action muséographique

52,7

55,7

86,8

66,8

- Expositions

- 17,3

-17,3

- 6,9

-7,9

- Services éditoriaux et commerciaux

- 10,3

7,8

- 17,7

-144,8

Total Exploitation

25,1

46,2

62,2

-85,9

On note que les résultats d'exploitation de la RMN sont meilleurs que ceux prévus. Sur les années 1997 et 1998 le résultat d'exploitation cumulé s'établit à 108,6 millions de francs, contre 38,5 millions de francs escomptés par le plan d'action.

La poursuite du plan d'action sur l'année 1999 est liée à la nécessité de mettre en place des outils de gestion et de consolider les acquis. Ainsi, la RMN devra faire face à de nombreux engagements financiers, comme par exemple le passage à l'Euro ou l'informatisation de son outil de travail. Elle doit également se prémunir contre des fluctuations imprévues de la fréquentation des musées et des expositions temporaires.

L'exercice 1999 devrait permettre de consolider les résultats antérieurs : l'état prévisionnel des recettes et des dépenses a été élaboré en excédent de 35 millions de francs , le déficit des expositions étant de 17,7 millions de francs et l'activité commerciale dégageant un bénéfice de 3 millions de francs.

Votre rapporteur spécial se félicite de ces bons résultats tout en se demandant si certaines mesures n'auront pas des conséquences négatives. C'est ainsi que le succès des la carte " Sésame ", qui repose sur la réduction des avantages consentis aux membres des sociétés des amis pourraient bien avoir des répercussions sur les adhésions desdites sociétés et par là même sur les ressources qu'elles mettent à la disposition des musées.

Plus fondamentalement on peut craindre que le système consistant à privilégier des expositions populaires, ne finisse par trouver ses limites, lassant une certaine partie du public et une critique prompte à ternir l'image d'excellence des expositions françaises en leur faisant craindre que le circuit des grandes expositions ne passe plus par notre pays.

Sans doute excessif ce jugement doit stimuler une politique d'exposition, dont on ne doit pas penser que, cédant aux facilités de la monographie, elle ne laisse à d'autres le privilège de la créativité.

2. La gestion des musées : l'intendance a du mal à suivre

Le musée du Louvre au quotidien paraît à la fois victime de son succès et des ambitions de ses promoteurs. Tandis que la sécurité est difficile à assurer, les files d'attente restent une donnée structurelle et les salles fermées pour manque de personnel sont de plus en plus fréquentes.

a) Les jours de fermeture




b) La durée d'attente

Le temps d'attente a fortement augmenté en 1997 par rapport à 1996 (+ 145 % du temps d'attente de plus de 30 minutes) pour deux raisons convergentes : une remontée de la fréquentation (+ 10 %) - alors que les contraintes liées au plan Vigipirate continuaient à s'imposer pleinement - et l'ouverture de nouveaux espaces muséographiques qui ont entraîné des afflux ponctuels de visiteurs.

En 1998, le temps d'attente est demeuré très élevé comme l'indique le tableau ci-après :

Temps d'attente moyen pour l'accès au hall Napoléon par les deux entrées

Attente en minutes

de

5

à

15

 

de 16

à

30

 

de 31

à

45

 

de 46

à

60

 

de 61

à

90

 

de 91

à 120

 

TOTAL

 

P

C

 

P

C

 

P

C

 

P

C

 

P

C

 

P

C

 

P

C

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

janvier

10

22

 

4

0

 

8

0

 

4

4

 

0

0

 

0

0

 

26

26

février

0

22

 

8

2

 

7

0

 

9

0

 

0

0

 

0

0

 

24

24

mars

2

23

 

5

4

 

8

0

 

8

0

 

4

0

 

0

0

 

27

27

avril

4

20

 

6

3

 

6

1

 

6

1

 

3

0

 

0

0

 

25

25

mai

6

20

 

6

4

 

6

0

 

6

0

 

0

0

 

0

0

 

24

24

juin

10

24

 

10

1

 

3

0

 

2

0

 

0

0

 

0

0

 

25

24

juillet

5

20

 

12

5

 

5

0

 

2

1

 

2

0

 

0

0

 

26

25

août

0

21

 

15

3

 

5

0

 

5

2

 

0

0

 

2

0

 

27

26

septembre

8

21

 

12

3

 

5

0

 

0

1

 

0

0

 

0

0

 

25

27

octobre

2

18

 

13

13

 

8

0

 

4

0

 

0

0

 

0

0

 

27

27

novembre

14

24

 

10

2

 

2

1

 

0

0

 

0

0

 

0

0

 

26

26

décembre

6

13

 

11

5

 

2

2

 

1

0

 

0

0

 

0

0

 

20

20

Total

67

244

 

112

45

 

65

4

 

47

9

 

9

0

 

2

0

 

302

302

légende :

P par la P yramide

C par la galerie du C arrousel du Louvre


A l'entrée Pyramide, que 41 % des visiteurs ont utilisée, le temps d'attente a été supérieur à une demi-heure pendant 112 jours et s'est situé entre une heure et deux heures pendant 11 jours.

A l'entrée Carrousel, que 36 % des visiteurs ont utilisée, le temps d'attente a été beaucoup moins important : inférieur à 15 minutes pendant 244 jours, il n'a jamais excédé une demi-heure.

23 % des visiteurs sont entrés par le passage Richelieu réservé aux groupes et aux personnes munies d'un libre-accès.

On note quelques bonnes initiatives : afin d'améliorer le confort d'attente des visiteurs en période de forte influence, le musée du Louvre a procédé en juin 1998 à un réaménagement de la file d'attente dans la cour Napoléon. Celle-ci se déploie désormais sous le péristyle de l'aile Denon : la majeure partie de la file d'attente est ainsi protégée des intempéries.

Une expérience d'animation de la file d'attente a été menée en parallèle par le service de l'accueil : une équipe de six animatrices de file d'attente (sic !) a été recrutée au départ pour la période du 16 juin au 31 août 1998 8( * ) . Face au succès remporté par cette forme d'accueil, le service de l'accueil du musée a décidé de pérenniser cette expérience dès le mois d'octobre, chaque mercredi, samedi et dimanche et de la renouveler pendant l'été 1999.

La réponse faite à votre rapporteur spécial précise également qu'il est " permis d'espérer que, lorsque l'accès au musée du Louvre pourra se faire également par la porte des Lions (avec l'arrivée de nouveaux agents recrutés par concours), le temps d'attente des visiteurs sera notablement diminué. "

Précisément, l'expérience semble pour l'instant avoir tourné court puisque l'entrée de la Porte des Lions est fermée par manque de personnel.....

c) Les fermetures de salles

Pour mesurer le niveau d'ouverture des salles, le Louvre distingue deux indicateurs que sont le taux de fermeture des salles pour travaux, et le taux de fermeture des salles pour manque d'effectifs.

Ces indicateurs ont évolué depuis 1993 de la façon suivante

•  taux de fermeture pour travaux (la nature de ces travaux est illustrée pour les deux années les plus récentes par la nature des réaménagements qui ont affecté le département des antiquités égyptiennes -depuis fin novembre 1995 - et le département des antiquités grecques, étrusques et romaines) : 20,50% en 1993 ; 13,70% en 1994 ; 15,80% en 1995 ; 19,55% en 1996 ; 17,84% en 1997 ; 6,22% en 1998.

•  taux de fermeture pour effectifs insuffisants : 3,03% en 1993 ; 1,06% en 1994 , 2,66% en 1995 , 5,01% en 1996 ; 6,68% en 1997 ; 14,75% en 1998 ; 14,33% pour les sept premiers mois de 1999.

Comme le relèvent ces chiffres, l'insuffisance des effectifs du musée s'accroît au fur et à mesure que les espaces muséographiques deviennent accessibles au public (en dépit du renfort de nombreux agents, ce fait est observable notamment depuis octobre et décembre 1997, dates respectives d'ouverture de certaines salles du département des antiquités orientales et des salles des antiquités égyptiennes et des antiquités grecques, étrusques et romaines).

Le musée attache une particulière attention à l'évolution de ces indicateurs. Malgré des gains de productivité très importants liés à une refonte des plannings des agents de surveillance, une amélioration de l'organisation du travail et des actions menées de façon continue pour lutter contre l'absentéisme, la fermeture de salles à laquelle le musée se trouve contraint entraîne de vives réactions de protestation du public le plus averti.

Dans ce contexte, pour organiser les ouvertures et fermetures de salles de façon à ce que le public puisse avoir au moins une information certaine sur ce qu'il pourra visiter, le musée a élaboré fin 1998 un nouveau dispositif mis en place à partir de janvier 1999.

Au lieu d'un ordre de priorité des fermetures, lequel aboutissait à ce que quelques espaces soient pratiquement toujours fermés, le dispositif prévoit que les fermetures soient effectuées par roulement hebdomadaire de différentes salles du musée. En contrepartie de ces fermetures organisées, les autres espaces sont impérativement ouverts.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page