CHAPITRE II

LE BILAN DES ACCIDENTS DE LA ROUTE

L'année 1998 a constitué une année noire pour la sécurité routière, après une année 1997 déjà décevante.

Le bilan de l'année 1998 s'établit à 124.387 accidents corporels, 8.437 tués, 33.977 blessés graves et 134.558 blessés légers. Le bilan de 1998 présente une nette aggravation de l'insécurité routière par rapport à 1997.En effet, après neuf années de baisse continue du nombre de tués, celui-ci a augmenté de 5,6% alors que le nombre d'accidents corporels a continué à baisser, ce qui signifie une augmentation de la gravité des accidents.

Cette évolution inquiétante résulte pour partie de l'accélération du trafic consécutif à la reprise économique, ainsi que de la combinaison d'un hiver très clément (ce qui a peu freiné le trafic) et de l'euphorie provoquée par la coupe du monde de football (le nombre de tués a augmenté de plus de 15 % en juillet 1998 par rapport à juillet 1997).

La gravité croissante des accidents s'explique aussi par une vitesse excessive : la vitesse moyenne se maintient à un niveau trop élevé, l'inertie du comportement des constructeurs neutralisant ainsi les efforts accomplis en matière de sécurité des véhicules et des infrastructures.

Cependant, ces éléments d'explication ne sauraient exonérer le gouvernement de sa responsabilité en la matière , ne serait-ce que par les insuffisances de sa politique de sécurité routière.

A. LE BILAN DES ACCIDENTS DE LA ROUTE

Nombre d'accidents corporels, de tués et de blessés
(Indice base 100 en 1993)



Accidents corporels

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Rase campagne

43.627

100

41.866

96

41.661

95

40.082

92

40.953

94

41.239

95

Milieu urbain

98.873

100

90.860

97

91.288

97

85.324

91

84.249

90

83.148

89

Ensemble des réseaux

137.500

100

132.726

97

132.949

97

125.406

91

125.202

91

124.387

90

Tués

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Rase campagne

6.030

100

5.786

96

5.655

94

5.528

92

5.463

91

5.829

97

Milieu urbain

3.022

100

2.747

91

2.757

91

2.552

84

2.526

84

2.608

86

Ensemble des réseaux

9.052

100

8.533

94

8.412

93

8.080

89

7.989

88

8.437

93

Blessés

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Rase campagne

67.648

100

64.745

96

64.477

95

61.003

90

62.484

92

62.644

93

Milieu urbain

121.372

100

116.087

96

116.926

96

109.114

90

107.094

88

105.891

87

Ensemble des réseaux

189.020

100

180.832

96

181.403

96

170.117

90

169.578

90

168.535

89

En six ans le nombre d'accidents corporels a diminué de 10 %, celui des tués de 7 % et celui des blessés de 11 %, alors que dans le même temps la circulation augmentait de 14 %. On observera toutefois des indicateurs inquiétants : depuis deux ans, le nombre d'accidents corporels en rase campagne augmente sensiblement, alors que dans le même temps le nombre d'accidents en milieu urbain est en très légère diminution, si bien que pour l'ensemble des réseaux, le nombre d'accidents est pratiquement stable.

L'année 1998 a connu une  inflexion particulière avec l'accroissement du nombre de tués en rase campagne comme en milieu urbain. Il faut remonter à 1993 pour constater des statistiques aussi mauvaises. L'effort de réduction mené sur quatre ans (1994-1997) a été effacé.

Toutefois, les cinq premiers mois de 1999 donnent des évolutions plus rassurantes : le nombre d'accidents corporels est en diminution sensible (-3,7%), de même que le nombre de blessés (-4,1%). Le nombre de blessés graves et de tués chute encore plus sensiblement (respectivement -9,1% et - 5,5%) ce qui semble témoigner d'une moindre gravité des accidents.

Bilan des cinq premiers mois de 1999 par rapport
à la même période de 1998

 

accidents corporels

tués

blessés graves

blessés légers

total blessés

5 mois 1999

47 114

2 982

11 840

51 331

63 171

5 mois 1998

48 928

3 154

13 021

52 831

65 852

Différence

- 1 814

- 172

- 1 181

- 1500

- 2 681

Evolution

- 3,7%

- 5,5 %

- 9,1 %

- 2,8 %

- 4,1 %

En six ans, la plupart des catégories d'usagers a vu son nombre de tués diminuer plus ou moins fortement : - 17% pour les usagers de véhicules utilitaires et poids lourds, - 15% pour les cyclomotoristes, - 13% pour les piétons, - 9% pour les cyclistes et - 6% pour les automobilistes. En revanche, il a augmenté pour les motocyclistes (+5%). Il faut remarquer en effet qu'en 1998, la hausse du nombre de tués est la plus forte chez les motocyclistes, les usagers de véhicules de tourisme et les piétons. En revanche, le nombre de tués continue à diminuer chez les cyclistes, les cyclomotoristes et les usagers de véhicules utilitaires et poids lourds.

Nombre de tués par catégories d'usagers

(Indice base 100 en 1993)

Votre rapporteur rappelle par ailleurs que l'autoroute est quatre fois plus sûre que la route.

Taux moyen de tués par type de voies en 1998

autoroutes

471

routes nationales

1.928

routes départementales

3.919

Si le nombre de tués est considérablement plus faible sur autoroute, il faut remarquer qu'en six ans, le nombre d'accidents corporels a augmenté de 13% sur les autoroutes mais diminué de 13% sur les routes nationales et de 9% sur les routes départementales.

B. LES FACTEURS INTERVENANT DANS LES ACCIDENTS DE LA ROUTE

Les enquêtes effectuées sur les accidents mortels depuis 1982 dans le cadre du programme REAGIR, permettent de connaître avec précision les différents facteurs qui interviennent dans les accidents de la route.

Une analyse réalisée sur 20.000 rapports d'accidents survenus de 1983 à 1996 donne, par thème, les principaux facteurs retenus par les commissions d'enquêtes. Enfin, un accident étant généralement provoqué par la juxtaposition de plusieurs facteurs, les pourcentages indiqués ci-après ne se cumulent pas.

1. Répartition globale des accidents

Sur les 20.000 enquêtes effectuées, il y a :

95 % des accidents comportant des facteurs se rapportant à l'usager,

47 % des accidents comportant des facteurs se rapportant à l'infrastructure,

28 % des accidents comportant des facteurs se rapportant au véhicule,

7 % des accidents comportant des facteurs de rapportant à l'alerte, aux soins et aux secours,

22 % des accidents comportant des facteurs se rapportant à des éléments divers (météo...).

2. Facteurs se rapportant à l'usager

Sur l'ensemble des 20.000 enquêtes analysées, il y en a :

48 % dans lesquelles on relève une vitesse inadaptée,

27 % dans lesquelles on relève la présence de l'alcool,

30 % dans lesquelles on relève un défaut de sécurité individuelle (ceinture, casque),

18 % dans lesquelles on relève la présence de la fatigue,

16 % dans lesquelles on relève un mauvais comportement face à une situation d'urgence,

17 % dans lesquelles on relève l'inattention des conducteurs,

15 % dans lesquelles on relève l'inaptitude de la conduite,

14 % dans lesquelles on relève un problème physique du conducteur (malaise, maladie, prise de médicaments, handicap...).

Le facteur " vitesse " se retrouve dans 59 % des accidents de motos, 44 % des accidents de voitures de tourisme et dans 22 % des accidents de poids-lourds.

Votre rapporteur déplore ainsi, de façon rituelle chaque année, que la vitesse moyenne reste trop élevée et qu'elle tend même à augmenter : dans les traversées d'agglomération, une majorité de conducteurs excèdent ainsi la limite autorisée.

Ce comportement des conducteurs se traduit par un paradoxe : à toute amélioration du réseau correspond une diminution du nombre d'accidents, mais cette amélioration peut aussi entraîner une augmentation des vitesses pratiquées et donc de la gravité des accidents.

Par exemple, la résorption des "points noirs" favorise l'augmentation de la vitesse sur un itinéraire, donc l'apparition d'autres "points noirs", éventuellement encore plus dangereux car les accidents s'y produiront à plus grande vitesse, d'où la nécessité d'appréhender la sécurité routière en termes d'itinéraires .

Vitesses pratiquées de jour par les voitures de tourisme

 

1995

1996

1997

1998

Autoroutes de liaison (130 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

120

119

121

122

% dépassement vitesse limite

35

30

35

40

Autoroutes de dégagement (110 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

106

106

104

109

% dépassement vitesse limite

43

44

42

53

Routes nationales à 2x2 voies avec chaussées séparées (110 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

110

111

111

111

% dépassement vitesse limite

52

57

54

53

Routes nationales (90 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

90

90

90

89

% dépassement vitesse limite

52

56

50

50

Routes départementales à grande circulation (90 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

93

93

92

92

% dépassement vitesse limite

58

62

55

56

Traversées d'agglomérations (<5.000 habitants) par RN (50 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

62

64

62

61

% dépassement vitesse limite

82

85

82

81

Traversées d'agglomérations (20.000 à 100.000 habitants) par artères en agglomération (50 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

52

52

51

50

% dépassement vitesse limite

55

55

51

51

Traversées d'agglomérations (20.000 à 100.000 habitants) par voies d'entrées en agglomération (50 km/h)

 
 
 
 

Vitesse moyenne

60

63

62

62

% dépassement vitesse limite

79

85

84

84

Source : Sondage DSCR

Pour ce qui concerne le facteur " alcool ", la moyenne des taux d'alcoolémie relevés est de 1,8 g/l de sang ; 41 % des taux étant supérieurs à 2 g/l de sang.

On retrouve ce facteur :

chez les conducteurs de voitures de tourisme dans 25 % des accidents les impliquant ;

chez les motocyclistes ou cyclomotoristes dans 22 % des accidents les impliquant ;

chez les piétons dans 15 % des accidents les impliquant ;

chez les chauffeurs de poids-lourds dans 6 % des accidents les impliquant.

Si l'on examine le facteur "sécurité individuelle", on trouve le "non port du casque" chez les usagers de deux roues dans 23 % des accidents de motos et 42 % des accidents de cyclomoteurs (le facteur "casque mal attaché, mal conçu ou non adapté" est assimilé au non port). Le facteur "fatigue" se trouve chez les conducteurs de voitures légères dans 18 % des accidents de véhicules légers, chez les motocyclistes dans 9 % des accidents de motos et chez les chauffeurs routiers dans 8,5 % des accidents de poids-lourds. Enfin, "la manoeuvre dangereuse" est plus présente chez les deux roues (19,5 %) que chez les véhicules légers (13 %). Il s'agit principalement de dépassements dangereux (1/3 des accidents) et d'une mauvaise appréciation des distances (37 %).

3. Facteurs se rapportant à l'infrastructure

Le facteur " conception de l'infrastructure " se retrouve dans 34 % des accidents. Parmi ceux-ci, 20 % ont un rapport avec la configuration de la route et 15 % avec les abords. Ce facteur varie peu, quel que soit le type de véhicule.

Le facteur " entretien et exploitation de l'infrastructure " se retrouve dans 24 % des accidents.

4. Facteurs se rapportant au véhicule

Sur les 20.000 accidents mortels, le facteur " conception du véhicule " se retrouve dans 14 % des cas. Il s'agit essentiellement des dispositifs de sécurité (3 %), de résistance aux chocs (4 %) ou de problèmes de visibilité (5 %).

Le facteur " entretien du véhicule " se retrouve, quant à lui, dans 16,5 % des enquêtes, essentiellement des problèmes de pneumatiques (8,5 %) ou de mauvais entretien général (8 %).

5. Des éléments de comparaison européens

Bilan des accidents de la route dans les pays de l'Union européenne

 

Accidents corporels

Tués (à 30 jours)

Blessés

 

1997

1998

1997

1998

1997

1998

Allemagne

375.120

373.100

8.416

7.631

493.360

489.939

Autriche

35.165

34.828

1.087

936

47.230

45.645

Belgique*

46.991

37.652 (2)

1.149

936 (2)

65.644

52.263 (2)

Danemark

8.113

7.312

482

449

9.655

8.740

Espagne

84.389

92.265

5.563

5.596

123.633

134.709

Finlande

6.820

6.778

410

377

8.793

8.961

France

125.202

124.387

8.444

8.918

169.123

168.054

Grèce

24.496

24.837

2.206

2.239

32.992

33.420

Irlande

7.747

5.622 (3)

474

378 (3)

10.483

8.312 (3)

Italie**

85.035 (1)

87.853 (1)

2.740 (1)

2.690 (1)

121.094 (1)

127.797 (1)

Luxembourg

953

944

56

56

1.269

1.278

Pays-Bas

19.585 (1)

41.299

520 (1)

1.066

23.477 (1)

49.543

Portugal

50.220

49.203

2549

2.412

66.845

66.366

Royaume-Uni

247.113

ND

3.743

ND

336.894

ND

Suède

14.595

14.560

493

482

19.827

20.101

* Tués sur place **Tué dans les 7 jours

(1) Six premiers mois

(2) Neuf premiers mois

(3) dix premiers mois

ND : non disponible

Source : Indicateur rapide de sécurité routière de l'UE/Direction générale des transports


La France a été en 1998, le pays qui a connu la plus forte hausse du nombre de tués (+6%), alors même que la plupart des autres pays européens enregistraient des diminutions, comme l'Autriche (-14%), l'Allemagne (-9%), la Finlande (-8%) et le Danemark (-7%) à l'exception de l'Espagne et de la Grèce (+1%).

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