II. BILAN ET PERSPECTIVES

A. UN BILAN GLOBALEMENT POSITIF

Quarante ans après sa création, le bilan des activités de l'Ecole nationale de la magistrature apparaît positif. En favorisant l'acquisition de la pratique judiciaire par le biais de directions d'études mais aussi sur le terrain, l'Ecole permet de faire des auditeurs de justice, des magistrats aptes à exercer toutes les fonctions du siège comme du parquet.

En outre, l'Ecole a su évoluer pour s'adapter à la judiciarisation croissante de la société et aux exigences toujours plus fortes du justiciable à l'égard de la justice.

1. La formation actuelle

A l'heure actuelle, la formation dure 31 mois, qui sont divisés en deux phases distinctes : une phase généraliste et une phase de spécialisation.

La phase généraliste dure 25 mois et comprend :

- un stage extérieur à l'institution judiciaire française de trois mois
. Ce stage a lieu dans des entreprises, dans des administrations ou dans des juridictions étrangères. L'auditeur de justice est mis en situation de responsabilité dans l'organisme d'accueil.

- une phase d'études à Bordeaux qui dure sept mois. Cette scolarité est destinée à transmettre aux auditeurs l'ensemble des savoir-faire professionnels, aussi bien relatifs à la technique juridique qu'aux rapports avec les partenaires du magistrat, et à conduire les auditeurs à réfléchir sur l'exercice des fonctions judiciaires. Cette période est consacrée à des enseignements sous forme de conférences et de travaux par petits groupes. L'enseignement n'a pas un caractère académique et universitaire, il est à vocation pratique puisqu'il met l'accent sur l'apprentissage de chacune des fonctions susceptibles d'être exercées par l'auditeur de justice à sa sortie de l'Ecole. Il doit permettre à chaque élève d'acquérir une véritable culture judiciaire.

Bien que tournée vers la pratique, la formation accorde une place importante à la réflexion. Les pratiques judiciaires sont soumises à la critique tandis que la déontologie et l'éthique de la profession sont abordées, afin d'inciter le futur magistrat à prendre toute la mesure des responsabilités qui lui seront confiées.

- un stage en juridiction de 14 mois qui permet à l'auditeur de s'exercer dans chacune des principales fonctions judiciaires. Pendant ce stage, les élèves accomplissent concrètement les actes judiciaires du siège et du parquet, mais il ne peuvent signer seuls ces actes.

En outre, des stages complémentaires s'accomplissent dans un établissement pénitentiaire comme surveillant, éducateur ou sous-directeur, au choix de l'auditeur, dans un service de police ou de gendarmerie, dans une étude d'huissier et dans un cabinet d'avocat.

A la fin de cette première phase de formation généraliste, les auditeurs subissent les épreuves de fin de sortie. A l'issue de cet examen, certains auditeurs peuvent être invités à redoubler leur stage juridictionnel ou bien même être définitivement exclus. Le jury peut assortir sa déclaration d'aptitude de recommandations relatives à l'exercice de la première fonction.

Après avoir choisi un poste sur une liste proposée par les services du ministère de la justice, en fonction de leur rang de classement, les auditeurs abordent la dernière phase de leur formation.

Cette formation, dite spécialisée, de cinq mois, est uniquement centrée sur la préparation du premier poste : juge de grande instance, juge d'instance, juge d'instruction, juge des enfants, juge de l'application des peines, substitut. A la fin de la spécialisation fonctionnelle, l'élève est installé comme magistrat dans sa juridiction d'affectation, sa nomination dans son premier poste prenant la forme d'une décret du Président de la République pris après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

2. Le développement de la formation continue

La création de l'Ecole nationale de la magistrature répondait au souci de s'assurer de la compétence des futurs magistrats.

Toutefois, il est vite apparu qu'au regard de l'évolution permanente du droit et de sa complexification croissante, les magistrats devaient avoir l'opportunité de compléter et de perfectionner leurs connaissances tout au long de leur carrière. C'est la raison pour laquelle en 1972, l'Ecole a été chargée de la formation continue au niveau national.

Un nouveau pas a été franchi en 1990 avec le développement de la formation continue au niveau déconcentré. Cette mission est accomplie par les magistrats délégués à la formation qui s'occupent également de l'encadrement et de l'évaluation des auditeurs de justice dans le cadre de chaque juridiction.

En 1998, 199 actions de formation ont été mises en oeuvre au niveau déconcentré, concernant 2270 magistrats.

Au niveau national, 3400 magistrats ont bénéficié d'une ou de plusieurs formations (4370 participations ont été recensées).

Par ailleurs, en 1999, l'ENM a également été chargée de la formation des juges consulaires.

3. Un souci constant d'améliorer la qualité des formations

Depuis la création de l'Ecole nationale de la magistrature, la formation initiale des auditeurs de justice a évolué afin de tenir compte de l'évolution du droit et de la polyvalence requise chez les magistrats.

Ainsi, à partir de 1990 la formation a été scindée en deux, avec d'une part une formation généraliste et, d'autre part, une formation spécialisée.

En outre, à partir de 1992, la scolarité a été allongée de sept mois (soit 31 mois au total) afin de renforcer les connaissances techniques des futurs magistrats en matière de droit communautaire et de coopération judiciaire internationale, et, afin de développer des stages extérieurs de trois mois dans les entreprises publiques et privées et dans les administrations.

Cet allongement a notamment permis d'instaurer un stage de plein exercice pendant huit semaines dans un cabinet d'avocat afin de sensibiliser les auditeurs de justice sur la fonction de la défense, ses obligations et ses contraintes.

Un effort tout particulier a également été accompli, depuis 1994, pour développer un module de formation s'étendant sur toute la durée de la scolarité et destiné à sensibiliser les auditeurs de justice à l'administration des juridictions.

L'accent a aussi été mis sur la formation économique et financière. Un tiers de la promotion effectue son stage extérieur dans des entreprises, dans des chambres régionales des comptes ou des institutions nationales ou internationales en relation avec la vie économique (Conseil de la concurrence, Commission européenne...). La formation initiale comporte, outre une formation de plusieurs jours consacrée à la comptabilité, des conférences sur le thème " le juge et l'économique " et des ateliers spécialisés développant des sujets tels que le redressement judiciaire des entreprises, la corruption etc.

Par ailleurs, dans la mesure où les futurs magistrats auront à produire de nombreux écrits et à effectuer des recherches juridiques, l'Ecole nationale de la magistrature les initie à l'informatique documentaire et au traitement de texte. Une formation aux nouvelles technologies a été mise en place, ainsi qu'une initiation à internet.

4. Les efforts entrepris pour disposer d'enseignants de qualité

Un effort particulier a été engagé afin d'attirer des maîtres de conférence de qualité et d'ouvrir le corps des enseignants à d'autres professionnels.

D'une part, le projet de budget pour 2000 va permettre un repyramidage des emplois de maîtres de conférence et un renforcement des effectifs afin que l'Ecole puisse faire face à l'accroissement de ses charges pédagogiques liées tant à l'augmentation du nombre d'auditeurs qu'à la multiplication de ses domaines d'intervention (formation des juges consulaires, des magistrats issus des concours exceptionnels).

D'autre part, le décret du 24 juin 1959 portant statut des divers personnels travaillant au sein de l'Ecole devrait être bientôt modifié en vue de fusionner le corps des fonctionnaires de l'Ecole avec ceux des services judiciaires. Cette réforme permettra d'assurer une meilleure mobilité des personnels, ouvrant de véritables perspectives de carrière et facilitant des recrutements plus diversifiés.

L'Ecole dispose aujourd'hui d'un corps enseignant de 17 maîtres de conférence, qui sont des magistrats détachés pour quelques années. Elle fait également appel chaque année à 350 enseignants occasionnels, qui sont des spécialistes dans des disciplines les plus variées : droit, histoire, sociologie, psychologie, psychiatrie, médecine légale, comptabilité...

5. L'ouverture de la formation initiale sur l'international

Aujourd'hui, le juge national est chargé d'assurer l'application uniforme des règles contenues dans les traités européens et dans les actes pris pour leur exécution. En outre, son activité juridictionnelle s'accomplit sous le contrôle de la Cour de Strasbourg, suivant les principes et les règles de la Convention européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, le juge ne peut rester à l'écart du développement de la coopération judiciaire internationale et de l'instauration progressive d'une justice pénale internationale.

En conséquence, l'Ecole nationale de la magistrature a multiplié les initiatives afin d'enseigner aux auditeurs de justice une " culture " judiciaire européenne et de les sensibiliser au développement du droit communautaire et international.

Ainsi, le stage extérieur de dix semaines peut désormais s'effectuer soit à la Cour de justice des communautés européennes à Bruxelles soit à la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, mais également dans des juridictions ou dans des institutions judiciaires étrangères.

De plus, l'Ecole organise ses enseignements en liaison avec le Centre des études européennes à Strasbourg pour préparer les auditeurs de justice à traiter les questions de droit communautaire qui sont soumises de plus en plus fréquemment aux juridictions françaises.

6. Une ouverture croissante de l'Ecole sur l'extérieur

L'Ecole nationale de la magistrature multiplie l'organisation de sessions en partenariat avec les autres écoles sous la tutelle du ministère de la justice, mais aussi avec l'Ecole nationale supérieure de police, l'Institut national du travail, la Gendarmerie nationale, le Centre national de la fonction publique territoriale etc. Ainsi, en 1998, l'ENM a formé 1.000 personnes non magistrates.

Par ailleurs, l'ENM est de plus en plus sollicitée pour apporter son appui à la formation des magistrats comme correspondants des politiques publiques. Ainsi, en 1998, l'ENM a organisé des formations pour les délégués aux politiques associatives et les correspondants communautaires, ainsi que des formations sur la politique de la ville.

L'ENM s'est également fortement engagée dans la création d'un espace judiciaire européen et dans le développement de la coopération internationale.

Ainsi, l'ENM participe au programme de l'Union européenne dit " Grotius " destiné aux juristes avocats et aux magistrats européens.

Elle a également organisé avec l'Académie de Trèves et les deux associations internationales de magistrats une session de formation sur la coopération internationale en matière pénale.

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