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Rapport n° 121 (1999-2000) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 8 décembre 1999

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N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d' entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay ;

- le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay ,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Sénat : 33 et 34 (1999-2000).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de deux projets de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la convention d'extradition entre la France et l'Uruguay, signées à Paris le 5 novembre 1996.

Ces conventions permettront d'établir un cadre de référence dans les relations judiciaires entre la France et l'Uruguay. Les deux pays n'étaient liés jusqu'à présent ni par une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, ni par une convention d'extradition.

La France avait exprimé le souhait dès 1990 de conclure avec l'Uruguay de telles conventions. Ce n'est qu'en 1994, puis surtout en 1996, que les négociations décisives ont eu lieu et ont permis la signature de ces deux conventions.

Votre rapporteur évoquera brièvement la situation actuelle de l'Uruguay au lendemain des élections générales et les relations franco-uruguayennes, avant de détailler le contenu, au demeurant classique, de ces deux conventions.

I. LE NOUVEAU CONTEXTE DES RELATIONS FRANCO-URUGUAYENNES

Il est particulièrement intéressant de chercher à déterminer les grandes lignes du nouveau contexte des relations franco-urugayennes alors même que des élections législatives et présidentielles viennent d'avoir lieu en Uruguay. Touché par les crises mexicaine et brésilienne, l'Uruguay connaît une période économique difficile qui fragilise les fondements de son modèle économique. Enfin, nos relations bilatérales souffrent d'une certaine banalisation. Autrefois extrêmement développées, elles sont aujourd'hui confrontées à d'importantes divergences d'intérêts économiques, notamment en matière agricole.

A. LE NOUVEAU PAYSAGE POLITIQUE URUGUAYEN

L'Uruguay est un pays à forte tradition démocratique. Indépendant depuis 1825, il s'est doté d'une Constitution dès 1830. Depuis cette époque, deux partis politiques se sont partagés le pouvoir : le parti " Colorado " et le parti " Blanco ". Ces deux partis de centre-droit peuvent être comparés aux partis " Tory " et " Whig " au Royaume-Uni.

A l'époque contemporaine, l'Uruguay a connu une période de dictature de 1973 à 1985, amenée par la répression du mouvement terroriste d'extrême gauche Tupamaros. Depuis cette date, la démocratie est rétablie en Uruguay. Les partis Colorado et Blanco ont été successivement au pouvoir ; M. Julio Maria Sanguinetti (1984-1989 et 1994-1999) du parti Colorado et M. Luis Alberto Lacalle, du parti Blanco (1989-1994) ont été élus Président de la République.

1. Les institutions

Les institutions de l'Uruguay sont, aujourd'hui, organisées par la Constitution de 1967.

Celle-ci institue un régime présidentiel tempéré. Le Président de la République exerce avec ses ministres le pouvoir exécutif. Il nomme les ministres. Il n'y a pas de Premier ministre. Il peut dissoudre l'Assemblée qui peut, elle, censurer les ministres. Il exerce un mandat de cinq ans non renouvelable immédiatement. Il est élu au suffrage universel direct au scrutin majoritaire à deux tours depuis 1996. Auparavant, le scrutin majoritaire à un tour était utilisé. Cette réforme a été adoptée par référendum à une courte majorité (50,2 %). Des primaires internes aux différents partis sont désormais obligatoires, ceux-ci ne pouvant présenter qu'un seul candidat.

Le pouvoir législatif est exercé par un Parlement bicaméral dont les membres sont élus pour cinq ans à la représentation proportionnelle. Le Sénat comprend 31 membres, il est présidé par le vice-président. La Chambre des représentants compte 59 membres.

Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour Suprême de justice . Elle est la Cour Suprême de toutes les juridictions. Ses membres sont nommés par le Congrès. Ils nomment les membres de toutes les autres juridictions.

Par ailleurs, le pays est composé de 19 départements dirigés par un " Intendant ".

2. Les élections du 31 octobre et du 28 novembre 1999

Des élections législatives et sénatoriales ont eu lieu le 31 octobre dernier en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle. Le second tour s'est tenu le 28 novembre 1999.

Ces élections marquent, de l'avis de la plupart des commentateurs, une profonde évolution du paysage politique uruguayen, qui passe d'une rivalité traditionnelle Colorado-Blanco à une bipolarité droite-gauche .

Au Parlement, la répartition des sièges était la suivante à l'issue des élections de 1994 :

- au Sénat : 11 Colorado

10 Blanco

9 Encuentro Progressista (centre gauche)

1 Nuevo Espacio (gauche)

- à la Chambre des représentants : 31 Colorado

31 Blanco

31 Encuentro Progressista

5 Nuevo Espacio

A l'issue des élections du 31 octobre 1999 , la répartition est la suivante :

- au Sénat : 10 Colorado

7 Blanco

12 Encuentro Progressista

1 Nuevo Espacio

- à la Chambre des représentants : 32 Colorado

23 Blanco

40 Encuentro Progressista

4 Nuevo Espacio

A l'élection présidentielle, étaient candidats, à l'issue des élections primaires du 25 avril, M. Tabaré Vasquez pour la coalition de gauche Encuentro Progressista, l'ancien Président Luis Alberto Lacalle pour le parti Blanco et le sénateur Jorge Batlle pour le parti Colorado. M. Tabaré Vasquez est sorti en tête du premier tour avec 38,5 % des suffrages, suivi de M. Jorge Batlle (31,3 %) et de M. Luis Alberto Lacalle (21,3 %). Le second tour a vu la victoire large de M. Jorge Batlle avec 51,59 % des voix contre M. Tabaré Vasquez avec 44,07 %.

Le nouveau Président, M. Jorge Batlle, est issu d'une véritable dynastie. Trois de ses ancêtres ont été Président de la République : son arrière grand-père Lorenzo Battle (1868-1872), son grand-oncle José Battle y Ordonez (1903-1907 et 1911-1915), qui est à l'origine du modèle économique et social uruguayen qui fit connaître l'Uruguay comme " la Suisse de l'Amérique latine " ; enfin, son père, Luis Batlle Berres a été chef de l'Etat de 1947 à 1951. Agé de 72 ans (né à Montevideo le 25 octobre 1927), ancien avocat, polyglotte, il est entré très tôt en politique. Il est élu député de Montevideo dès 1958. Il fut candidat quatre fois à la présidence en 1966, 1971, 1989 et 1994 avant d'être élu cette année. Il s'opposa au coup d'Etat militaire du 27 juin 1973 et fut emprisonné puis ne put de se présenter à l'élection présidentielle de novembre 1984, alors que M. Julio Sanguinetti accédait à la présidence. M. Jorge Batlle a des convictions libérales et devrait conduire, s'il dispose d'une majorité fiable, de profondes réformes économiques. Mais son principal problème risque d'être la nouvelle situation politique : son parti est divisé par son différend avec M. Sanguinetti, sa coalition est affaiblie par la présence d'un parti Blanco diminué et l'opposition est renforcée.

Certains analystes s'inquiètent d'un risque de blocage des institutions puisque, si le Président est élu au suffrage majoritaire à deux tours, le Parlement est élu à la proportionnelle, proportionnelle intégrale nationale pour le Sénat, et liste départementale mais décompte national pour la Chambre. Coexistent donc plusieurs régimes électoraux différents, qui semblent mal adaptés à la nouvelle bipolarisation de la vie publique.

Plus grave, la Constitution prévoit qu'un grand nombre de décisions doivent être prises aux majorités qualifiées des deux tiers et des trois cinquièmes . Ainsi, les nominations des membres de la Cour des comptes, de la Cour suprême de justice, du Tribunal du contentieux administratif, de la Cour électorale et les directeurs des grandes entreprises publiques sont confirmées par le Parlement à de telles majorités.

Le processus législatif pourrait, pour sa part, être ralenti. En cas de désaccord entre les deux chambres, elles sont réunies en assemblée générale qui ne peut décider qu'à la majorité des deux tiers. A défaut, le projet de loi ne peut être redéposé au cours de la même session annuelle. En outre, si le Président décidait d'avoir recours à la procédure d'urgence, le Parlement ne pourrait plus s'y opposer car une majorité des 3/5 es est requise. De même, il ne pourrait plus s'opposer au veto du Président de la République contre un projet de loi. Par ailleurs, en cas de motion de censure contre le Gouvernement (majorité absolue), le Président peut demander un second vote ou maintenir le ou les ministres en cause si la majorité des deux tiers n'a pas été atteinte, ou de dissoudre les chambres si elle n'a pas atteint les 3/5 es .

La mise en accusation du Président doit recueillir les deux tiers des suffrages au Sénat.

La loi électorale ne peut être modifiée que par une majorité des deux tiers dans les deux chambres.

Enfin, pour la première fois, la gauche aura suffisamment d'élus pour pouvoir interpeller le Gouvernement.

Au plan politique, ces élections marquent l'avènement de la coalition de gauche comme première force politique du pays. Les deux partis de droite, qui représentaient 89 % des voix en 1966 et 70 % en 1989, n'en représentent plus que 54 %. Depuis l'élection surprise en 1989 de Tabare Vasquez à la mairie de Montevideo, la coalition de gauche " Frente amplio " est à la tête de la capitale. Aux élections de 1994, M. Vasquez était arrivé immédiatement derrière M. Sanguinetti. En 1999, il est arrivé en tête. Par ailleurs, à droite, les reports de voix du parti Blanco sur le candidat Colorado ont été excellents et manifestent l'avènement d'une bipolarisation dans les deux camps.

Dans ce contexte politique renouvelé, la coalition au pouvoir devra rapidement trouver des solutions pour moderniser la vie publique et le modèle économique et social uruguayen fragilisé par la crise économique.

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EN QUESTION

L'Uruguay est longtemps apparue comme l'un des pays les plus riches du sous-continent et disposant d'un modèle social très avancé, ce qui a conduit à surnommer l'Uruguay la " Suisse de l'Amérique latine ". Mais aujourd'hui, son économie et son modèle social sont fragilisés par les crises mexicaine et brésilienne. Le pays peine à réformer ses structures économiques tandis que la société se divise entre très riches et très pauvres.

1. Une économie fragilisée par les chocs extérieurs

Au plan économique, le bilan des cinq dernières années correspondant au mandat présidentiel de M. Sanguinetti est mitigé. Il s'est inséré entre deux crises majeures qui ont secoué l'Amérique latine : la crise mexicaine, dite " effet tequila ", qui a entraîné la chute de 1,5 % du PIB de l'Uruguay en 1995 et la crise financière brésilienne, dite " effet samba ", en janvier 1999 , qui devrait se traduire par une baisse du PIB de quelque 2 %.

Malgré cet environnement particulièrement difficile, les cinq dernières années ont été marquées par une croissance totale de plus de 11 %. En 1997, la croissance était de 5,1 % et en 1998 de 3 %. Par ailleurs, l'inflation a fortement ralenti passant de 35,4 % en 1995 à 8,63 % en 1998 et devrait atteindre 3,5 % en 1999. Le déficit budgétaire reste peu important et stable autour de 0,5 % du PIB.

Mais globalement, du fait de la dévaluation du real brésilien , l'économie uruguayenne devrait connaître une phase de récession aggravée par la hausse des cours du pétrole qui est importé à 100 % et par la chute des cours des matières premières dont les produits de l'élevage et les produits agricoles qui sont la principale ressource de l'Uruguay avec le tourisme.

En effet, le Brésil est le principal partenaire économique de l'Uruguay avec 34 % des exportations et 22 % des importations , devant l'Argentine, qui représente 13 % des exportations et 21 % des importations.

En fait, le Mercosur représente près de la moitié du commerce extérieur uruguayen. Le pays souffre donc particulièrement des gains de compétitivité prix des produits brésiliens et de la réduction des exportations vers ce même pays ; il souffre également de la baisse du tourisme régional qui représentait un chiffre d'affaires de 759 millions de dollars en 1997.

En conséquence, les exportations ont reculé de 26,8 % au premier semestre 1999 par rapport à 1998. Il est donc probable que le déficit commercial qui atteignait plus d'un milliard de dollars en 1998 se creusera encore.

Dans cette conjoncture, le taux de chômage est élevé, 11,4 % de la population active, soit 160 000 personnes sur 1,4 million. Il faut y ajouter un fort sous-emploi et travail au noir, alors même que le secteur public emploie près de 30 % de la population active.

Pour faire face à cette crise, une série de mesures destinées à rassurer les agents économiques et à renforcer la compétitivité du secteur privé ont été prises. Elles suivent quatre axes majeurs : réduction des dépenses publiques de 100 millions de dollars, aide aux entreprises exportatrices, réduction des charges grevant les principaux secteurs de production, baisse de l'impôt sur l'actif des entités financières et des banques.

En outre un programme de réformes structurelles est en cours, bien qu'il ait pris du retard. Pour l'instant, seules deux privatisations importantes ont eu lieu : la concession de la compagnie de gaz de Montevideo , la capitale où vit près de la moitié de la population, qui a été attribuée à Gaz de France et la transformation en société d'économie mixte de la compagnie aérienne nationale opérée par Varig. La libéralisation du secteur de l'énergie est entamée depuis qu'une loi de 1997 autorise la compagnie nationale UTE à s'associer à d'autres entreprises publiques ou privées, nationales ou étrangères.

Enfin, le FMI -pour 173 millions de dollars-, la BID (Banque interaméricaine de développement) et la Banque mondiale -pour 150 millions de dollars chacune- ont accordé des prêts en vue de réformer le secteur bancaire. Celui-ci n'est pas assez efficace et trop fragile. Cette réforme est vitale pour un pays traditionnellement considéré comme une place financière refuge en Amérique latine pour les capitaux brésiliens et argentins. Le secteur bancaire est très important pour l'économie et de très nombreuses banques étrangères sont installées à Montevideo.

2. Déclin ou renouveau du " batllisme "

La situation économique fragile que connaît l'Uruguay depuis plusieurs années a profondément remis en cause la modèle social uruguayen. Celui-ci est fondé, depuis le début du siècle, et le mandat présidentiel de José Battle y Ordonez, sur un poids important de l'Etat dans le secteur social, la journée de 8 heures, les congés payés, les pensions de retraite et la gratuité des soins médicaux.

Aujourd'hui encore, l'Uruguay a un rang assez élevé dans le classement du PNUD en fonction de l'indice de développement humain. L'Uruguay est classé 40 e dans le monde et 3 e en Amérique latine et le PNB par habitant est estimé à 6 150 dollars. L'espérance de vie est comparable à celle des pays occidentaux : 72 ans pour les hommes, 79 ans pour les femmes. Le taux d'alphabétisation est de 97 %.

Pourtant, 7 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et on estime que 4 % de la population urbaine vit sous le seuil de pauvreté absolue. De même, près de 150 000 personnes occuperaient illégalement leur logement, soit environ 5 % de la population. La crise économique paupérise les classes moyennes qui restent le fondement de la démocratie uruguayenne . On constate également un accroissement des différences de niveau de vie entre la capitale et l'intérieur du pays où le niveau de vie serai inférieur de moitié à celui de Montevideo.

C. QUEL AVENIR POUR LES RELATIONS FRANCO-URUGUAYENNES ?

Les relations avec l'Uruguay sont traditionnellement de qualité et surtout très anciennes et très fortes. Mais depuis leur interruption pendant la période de dictature, nos relations n'ont pas retrouvé assez de densité pour permettre à notre image de se moderniser et pour préserver une influence qui a tendance à s'estomper. Notre pays n'échappe pas à la méfiance grandissante des Uruguayens vis-à-vis de l'Union européenne à la suite de l'affaire Pinochet et surtout des difficiles négociations sur l'agriculture entre l'Europe et le Mercosur et au sein de l'O.M.C.

1. Des relations politiques et culturelles traditionnelles à renforcer

Les relations politiques entre la France et l'Uruguay ont été très intenses. Le parti Colorado, longtemps au pouvoir après l'indépendance, s'est fortement inspiré des idéaux de la Révolution française, du positivisme et de la doctrine radicale de la III ème République. Par ailleurs, vers 1850, la population d'origine française a représenté jusqu'au tiers de la population uruguayenne, et des volontaires français ont participé à la défense de Montevideo durant la guerre civile, la " guerra grande " de 1839 à 1851. L'influence française a durablement été très forte dans tous les secteurs de la vie uruguayenne.

Depuis la fin de la dictature, les échanges politiques sont réguliers quoiqu'espacés. Le Président Sanguinetti, francophone et francophile accompli, s'est rendu en France en 1987, 1989, 1996 et 1999. Tandis que les présidents Mitterrand et Chirac se sont rendus en Uruguay en 1987 et 1997.

Au niveau parlementaire, le président uruguayen de la Chambre des députés a effectué une visite en France en juin 1999, tandis que le groupe d'amitié sénatorial s'est rendu en Uruguay en août 1999.

Notre coopération culturelle, scientifique et technique est régie par un accord de 1964. 3,9 millions de francs de crédits d'intervention y ont été consacrés en 1999, crédits auxquels s'ajoutent les 9,8 millions de francs que l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) consacre au lycée français de Montevideo.

Notre coopération scientifique et technique représente 44 % de nos crédits d'intervention. Le " comité ECOS " (évaluation-orientation de la coopération scientifique) encadre la coopération scientifique dans l'enseignement supérieur, tandis que des coopérations techniques existent dans les domaines de la santé pour lutter contre le SIDA, de l'agronomie avec l'INRA (Institut national de recherche agronomique) et de l'aménagement du territoire pour l'aménagement de la zone de Colonia, au sud-ouest du pays sur la rive orientale de l'embouchure de l'Uruguay et du Rio de la Plata, en face de Buenos Aires.

L'usage du français est en recul. Comme dans tous les autres pays du monde, il souffre d'un contexte général défavorable, mais, en outre, son enseignement est devenu optionnel et le lycée français de Montevideo a de grandes difficultés. Ses effectifs se sont effondrés et il peine à attirer les nouvelles générations. La France dispose pourtant d'un capital de sympathie important en Uruguay où une bonne partie de l'élite politique parle le français. Mais notre pays souffre d'une image désuète et, sans doute, élitiste, le français apparaissant davantage comme un facteur de distinction culturelle que comme un vecteur de communication et d'échanges professionnels.

Enfin, nos relations politiques bilatérales ont souffert du retentissement en Uruguay de l'affaire Pinochet. En effet, à cet égard, la situation de l'Uruguay n'est pas sans analogies avec celle du Chili. Ces deux pays ont connu une période de dictature puis ont organisé une vers la démocratie qui ménage l'ancien pouvoir militaire. Ainsi en Uruguay, suite aux négociations de 1983-1984, une loi d'amnistie dite de " caducité " a été votée ne 1986 et confirmée par référendum en 1989. Cette loi interdit toute poursuite au sujet des crimes commis au temps de la dictature. Toutefois, et bien que les autorités politiques uruguayennes refusent d'y donner suite, une partie de l'opinion continue de demander des explications sur la disparition de 141 personnes sous la dictature dont une bonne partie à l'étranger. De plus, une avocate française a demandé l'extradition de l'ancien chef d'Etat uruguayen Gregorio Alvarez, dans le cadre de l'affaire Roger Julien qui aurait été victime de l'opération Condor. Cette demande a provoqué de vives réactions en Uruguay.

2. Des relations économiques marquées par le différend agricole

Notre balance commerciale avec l'Uruguay, traditionnellement déficitaire est devenue excédentaire en 1991. La France est le 12 e client de l'Uruguay avec 1,3 % des exportations uruguayennes mais son 4 e fournisseur avec 3,5 % des importations.

Evolution de la balance commerciale

(1994-1998 en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

1998

Exportations françaises

1387

683

824

997

1064

Importations françaises

207

185

196

224

211

Solde

1180

498

628

773

853

Taux de couverture

670

369

420

445

504

La France est le 3 ème investisseur en Uruguay avec un stock d'investissements s'élevant à 125 millions de dollars derrière le Brésil et les Etats-Unis. Elle est particulièrement présente dans les secteurs de la parapharmacie et de la pharmacie, des banques avec les implantations de la BNP, du Crédit Lyonnais et du Crédit agricole. Dans l'agroalimentaire, Bongrain s'est associé avec l'uruguayen Conaprole pour un montant de 18 millions de dollars. Dans le secteur lainier, les Chargeurs réunis et le groupe Dewavrin contrôlent 40 % du marché. Dans l'automobile, Citroën et Renault sont présents et produisent plus de 12 000 unités. Une filiale de Gaz de France a obtenu en 1994 la concession du gaz de Montevideo, des entreprises françaises participent également au système d'adduction d'eau de la capitale. Dumez et Campenon sont impliquées au sein de deux groupements distincts dans l'appel d'offres pour la construction du pont de 42 km qui devrait enjamber l'estuaire du Rio de la Plata. Enfin, dans la grande distribution, " Mr. Bricolage " s'est installé en Uruguay en 1998 pour un investissement de 1,5 million de dollars.

Par ailleurs, l'Uruguay est très engagé dans la libéralisation du commerce international. A ce titre, un conflit d'intérêt important l'oppose à l'Union européenne et à la France en matière d'agriculture. L'Uruguay est membre du " groupe de Cairns " qui réunit désormais 18 pays (dont 9 pays d'Amérique latine : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Paraguay et Uruguay, et 9 autres pays : Australie, Canada, Iles Fidji, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Afrique du Sud et Thaïlande). Ces 18 pays représentent un tiers des exportations agricoles mondiales et militent activement pour la libéralisation des échanges agricoles. Ils disposent, en effet, dans leur majorité, d'agricultures très compétitives fondées sur de grands espaces. Ils s'opposent notamment à l'Union européenne en matière de subventions agricoles.

L'objectif du groupe de Cairns dans les négociations au sein de l'OMC, comme de l'Uruguay et de l'Argentine dans les négociations d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, est d'obtenir la normalisation du secteur agricole , c'est-à-dire l'abandon de tout protectionnisme. Ils veulent imposer que l'agriculture soit le principal sujet de négociation au sein de l'OMC et conditionnent la discussion sur les " nouveaux sujets " (environnement, normes sociales) à un accord dans le domaine agricole. Par ailleurs, ils s'opposent à la reconnaissance de la notion de " multifonctionnalité " de l'agriculture proposée par l'Union européenne et qui viserait à autoriser un statut dérogatoire de ce secteur qui, au-delà de son rôle économique, aurait un rôle en matière d'aménagement du territoire, d'emploi rural et d'environnement.

II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et l'Uruguay, signée le 5 novembre 1996, reprend pour l'essentiel les dispositions des accords de même nature déjà signés par la France, avec le Mexique notamment le 27 janvier 1994, et s'inspire largement de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. Ce texte comprend 25 articles répartis en neuf titres.

A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE FRANCO-URUGUAYENNE

En l'absence de convention bilatérale, la coopération judiciaire est jusqu'ici uniquement régie par la principe de réciprocité et l'analyse, au cas par cas, des possibilités de donner suite à la demande. Les conventions d'entraide ont pour objet de créer une obligation de coopération, laissant toutefois aux Etats une possibilité de refus dans certaines hypothèses.

La convention du 5 novembre 1996 reprend un certain nombre de règles traditionnelles des conventions d'entraide judiciaire.

1. Un champ d'application traditionnel

Aux termes de l'article premier , les deux Etats " s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la sanction est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. L'entraide sera accordée sans qu'il soit exigé que les faits soient considérés comme une infraction dans le pays requis ".

Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant :

- l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations, sauf en cas de confiscation ;

- les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

2. Les motifs de refus d'entraide

L'article 4 réserve aux Etats parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans trois hypothèses :

- si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise soit comme des infractions politiques , soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ;

- si la demande a pour objet une perquisition, une saisie, une mise sous séquestre et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction au sens de la législation de la Partie requise ;

- si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.

Par ailleurs, l'entraide est refusée si la demande a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction au regard de la législation de la Partie requise.

3. Les procédures d'entraide

Les procédures d'entraide sont définies aux articles 16 à 22 (Titre VI - Procédure) de la convention.

Les demandes d'entraides sont adressées " d'autorité centrale à autorité centrale ", c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et le ministère de l'éducation et de la culture pour l'Uruguay (art. 2 et 17), la transmission diplomatique restant toutefois possible.

L'article 16 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement son objet et son motif, un bref exposé des faits reprochés et, le cas échéant, les questions susceptibles d'être posées dans le cas d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation.

Les questions de traduction sont réglées par l'article 18 : les demandes d'entraide et les pièces annexes sont accompagnées d'une traduction dan la langue de l'Etat requis effectuée selon les règles de l'Etat requérant.

En vertu de l'article 21, tout refus d'entraide doit être notifié et motivé à la Partie requérante.

Enfin, l'article 22 précise que l'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu à aucun remboursement de frais , à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention d'experts et par le transfèrement de personnes détenues.

B. LES FORMES DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE

L'entraide judiciaire en matière pénale portera essentiellement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts, le transfèrement de personnes détenues et la communication d'extraits de casier judiciaire.

1. La recherche de preuves

La convention précise dans son article 5 que l'Etat requis fera exécuter les demandes d'entraide relatives à une affaire pénale qui lui sont adressées par les autorités judiciaires de l'Etat requérant et qui ont pour objet d'accomplir des actes d'enquête ou d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents.

Si l'Etat requérant désire que les témoins ou experts déposent sous serment, il en fera expressément la demande et l'Etat requis y donnera suite si sa législation ne s'y oppose pas. Il ne donnera suite aux demandes de perquisition ou de saisie que si l'infraction est punissable aux termes de sa législation.

L'Etat requis n'est pas tenu de communiquer des originaux, sauf si l'Etat requérant le demande expressément et dans la mesure où cela se révèle possible (article 5-3).

Par ailleurs, selon l'article 6 , si l'Etat requérant le demande expressément, l'Etat requis l'informe de la date et du lieu d'exécution de la demande d'entraide à laquelle pourront assister les autorités et les personnes en cause si l'Etat requis y consent.

Enfin, selon l'article 7 , l'Etat requis pourra surseoir à la remise des objets, dossiers ou documents s'ils lui sont nécessaires pour une procédure pénale en cours. Les objets ainsi que les originaux des dossiers et documents qui auront été communiqués seront renvoyés aussitôt que possible à moins que l'Etat requis n'y renonce. Les droits que les tiers auraient acquis sur ces objets sont cependant réservés.

2. La comparution de témoins ou d'experts et le transfèrement de personnes détenues

L'article 8-3 précise que les citations à comparaître devront être envoyées à l'Etat requis au moins 40 jours avant la date fixée pour la comparution.

Si la comparution personnelle d'un témoin ou d'un expert est particulièrement nécessaire, l'Etat requérant doit en faire mention dans la demande de remise de citation, avec indication du montant des indemnités. Une avance, dans ce cas, pourra lui être consentie (article 11).

L'article 10 règle le régime des indemnités à verser ainsi que les frais de voyage et de séjour à rembourser au témoin ou à l'expert.

Le défaut de comparution d'un témoin ou d'un expert n'entraînera, en tout état de cause, aucune sanction ou mesure de contrainte (article 9).

Lorsque les demandes de citation à comparaître en tant que témoin, présentes par l'Etat requérant, concernent une personne détenue , le transfèrement de cette dernière peut être refusé dans quatre hypothèses (article 12) :

- tout d'abord, si la personne détenue n'y consent pas, et ce afin d'éviter le transfèrement d'une personne manifestement peu disposée à coopérer avec l'autorité judiciaire requérante ;

- si la présence de la personne est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pouvant ainsi privilégier le souci de mener à leur terme les instances en cours ;

- si le transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ;

- enfin, si d'autres considérations impérieuses s'opposent à ce transfèrement, ce motif de refus couvrant des situations telles que celles présentant un risque d'évasion ou un problème de sécurité.

Il faut, toutefois, souligner que ces différents motifs demeurent facultatifs et qu'ils peuvent donc ne pas être invoqués par l'autorité requise.

L'article 12-3 définit les conditions de ce transfèrement et précise notamment que la personne transférée devra rester en détention sur le territoire de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requis ne demande sa mise en liberté.

Aux termes de l'article 13 , le témoin ou l'expert bénéficie, selon l'usage lorsqu'il comparaît devant l'autorité judiciaire requérante, d'une immunité de poursuite et d'arrestation pour des faits ou condamnations antérieures à son départ du territoire de l'Etat requis. Cette immunité est étendue aux personnes poursuivies à l'exclusion, bien entendu, des faits pour lesquels elles ont été citées à comparaître.

3. La communication d'extraits de casier judiciaire

L'article 15 précise que l'Etat requérant pourra obtenir des extraits de casier judiciaire en s'adressant directement au service compétent de l'Etat requis. Celui-ci communiquera les informations dans la mesure toutefois où il pourrait lui-même obtenir de tels renseignements auprès des autorités de l'Etat requérant.

4. Recherche et saisie des produits d'infraction

En vertu de l'article 14 , une partie peut demander de rechercher et de saisir les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la Partie requise. Celle-ci prend toutes les dispositions nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ces produits ne fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que l'autorité compétente de la Partie requérante n'ait pris de décision définitive à leur égard.

III. LA CONVENTION D'EXTRADITION FRANCO-URUGUAYENNE

L'absence de convention d'extradition entre la France et l'Uruguay créait un vide dans la coopération judiciaire entre les deux pays puisqu'elle imposait que les demandes soient traitées au cas par cas, sans obligation d'aucune sorte pour l'une ou l'autre partie. La convention signée le 5 novembre 1996 s'inspire à la fois des principes du droit français de l'extradition et de ceux de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

La convention entre la France et l'Uruguay ne contient, toutefois, aucune des dispositions relatives aux conventions d'extradition de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la convention relative à la procédure d'extradition simplifiée du 10 mars 1995 ou de la convention d'extradition du 27 septembre 1996.

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'EXTRADITION

Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-uruguayenne limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.

1. Les conditions requises

La France et l'Uruguay, par l'article premier de la présente convention, " s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre Etat comme conséquence d'une infraction pénale ".

Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition :

- l'infraction doit , en application des législations uruguayenne et française, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans ;

- si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.

La convention franco-urugua yenne se distingue sur ce point de la convention européenne d'extradition qui prend en considération le quantum de la peine prononcée, et non la durée de la peine qui reste à purger. Cette précision restreint donc le champ d'application de la convention puisque l'extradition pourra être refusée en cas de peine prononcée et supérieure à six mois partiellement exécutée, dès lors que la durée restant à purger est inférieure à six mois. Il s'agit ici, dans un souci d'efficacité, d'éviter d'engager des procédures d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées.

Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'Etat requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits (article 3).

2. Les motifs de refus d'extradition

La convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de refus d'extradition.

Les cas de refus obligatoire sont énumérés aux articles 5, 7 et 8 :

- lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ;

- lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ;

- lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou de protection des droits de la défense ou pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ;

- lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par l'Etat requis comme une infraction exclusivement militaire ;

- lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis d'un jugement définitif pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée ;

- lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des Etats.

Par ailleurs, aux termes de l'article 6, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'Etat requis . Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'Etat requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

Notons que ces différentes dispositions excluent a priori toute extradition des responsables des crimes commis sous la dictature.

Les motifs facultatifs sont, en outre, énumérés aux articles 9, 10, 11 et 12. L'extradition pourra être refusée :

- si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant , à moins que " l'Etat requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l'Etat requis, que le peine capitale ne sera pas exécutée ". On observera que cette clause est traditionnelle dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale ne soit prévue ni par la législation française, ni par la législation uruguayenne ;

- si l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat requérant et que la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;

- si la personne réclamée fait l'objet dans l'Etat requis, pour les mêmes faits, de poursuites ou d'un jugement définitif de condamnation, d'acquittement ;

- enfin l'extradition peut être refusée pour des considérations humanitaires , si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé. Cette clause est calquée sur la réserve formulée par la France au sujet de l'article 1 er de la convention européenne d'extradition.

En ce qui concerne les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane ou de change, l'extradition sera accordée dans les conditions prévues par la convention (art. 2-3). Il s'agit d'une disposition désormais classique dans les conventions d'extradition négociées par la France. Elle vise à l'assimilation de ces infractions aux infractions dites de droit commun afin de faciliter l'extradition.

Par ailleurs, l'Uruguay n'infligeant pas de peines perpétuelles , la France a fait ajouter une disposition spécifique qui lui permettra de ne pas ce voir opposer des refus systématiques d'extradition dans de telles hypothèses. Ainsi, le paragraphe 2 de l'article 11 prévoit que lorsque le fait à raison duquel l'extradition est demandée est passible ou a été sanctionnée par une peine à caractère perpétuel, l'extradition ne sera autorisée que si les garanties suffisantes sont données par l'Etat requérant concernant les mesures d'aménagement dont pourrait bénéficier la personne réclamée. Ces dispositions sont donc comparables à ce qui est prévu au sujet de la peine capitale.

B. LA PROCÉDURE D'EXTRADITION

La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique (article 13). La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 14).

1. L'application du principe de spécialité

Par ailleurs, la convention applique le principe dit de " spécialité des poursuites ", selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 17).

Toutefois, deux tempéraments sont prévus à l'application de ce principe :

- si l'Etat requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ;

- si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'Etat requérant dans les 45 jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté.

Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'Etat requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que :

- si elle peut donner lieu à extradition en application de la présente convention ;

- si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée.

Enfin, aux termes de l' article 18, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'Etat requérant au-delà du délai de 45 jours après son élargissement, sa réextradition vers un Etat tiers ne peut être accordée que si l'Etat qui a accordé l'extradition y consent.

2. Les dispositions relatives à l'arrestation provisoire, à la remise et au transit

Lorsque l'Etat qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées par la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'Etat requérant de demander ultérieurement l'extradition. Aucun cas de refus d'arrestation provisoire n'est prévu dans la convention. En tout état de cause, l'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 45 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'Etat requis. Observons que ce délai maximal n'est que de 40 jours dans la convention européenne d'extradition (article 19).

L'article 21 concerne la décision prise par l'Etat requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de convention.

L'article 22 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée.

L'article 23 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. Sont toutefois réservés les droits que l'Etat requis ou des tiers auraient acquis sur ces objets.

L'article 24 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un Etat tiers. Le transit suit les mêmes règles que l'extradition, sauf le cas particulier d'un transit aérien.

L'article 25 règle la question des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'Etat requérant.

CONCLUSION

Ces deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition viennent ainsi compléter un ensemble de conventions bilatérales déjà signées par la France.

Elles permettent, aux yeux de votre rapporteur, d'établir avec l'Uruguay une coopération judiciaire fondée sur des bases juridiques solides. Plus généralement, l'organisation d'une telle coopération judiciaire paraît indispensable au moment où les activités criminelles se mondialisent et tentent d'utiliser les frontières pour se tenir à l'écart des poursuites judiciaires.

C'est pourquoi, sous le bénéfice des précédentes observations, votre rapporteur vous propose d'adopter les deux projets de lois.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 8 décembre 1999.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'avenir du Mercosur. La dévaluation du real brésilien lui a semblé menacer le processus d'intégration régionale. Il s'est en particulier interrogé sur l'évolution de la position de l'Argentine, alors que sa monnaie est liée au dollar et qu'elle connaît une hausse du chômage.

M. Hubert Durand-Chastel a précisé que les liens commerciaux entre l'Europe et le Mercosur étaient plus importants qu'entre le Mercosur et les Etats-Unis, et il a relevé que le Brésil était hostile à la " dollarisation " de l'économie de l'Amérique latine.

La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

ANNEXE I -
ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

(Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay)

I. Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Avant le 5 novembre 1996, la France n'était liée avec l'Uruguay par aucun texte en matière d'entraide pénale.

Le présent texte vient combler ce vide et renforcer la coopération judiciaire franco-uruguayenne. En effet, le même jour, une convention d'extradition a également été signée.

Cette convention d'entraide judiciaire en matière pénale reprend, pour l'ensemble, les dispositions que l'on rencontre dans les autres accords relatifs à l'entraide pénale signés par la France et s'inspire, pour l'essentiel, de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

II. Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi : sans objet ;

* d'intérêt général : la convention, en facilitant les procédures d'instruction, participe à une meilleure administration de la justice ;

* financière : sans objet ;

* de simplification des formalités administratives : la procédure d'entraide judiciaire en matière pénale reçoit un cadre juridique qui lui permet de s'affranchir des aléas liés aux demandes jusqu'ici fondées sur le principe de la réciprocité ;

* de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.

ANNEXE II -
ÉTUDE D'IMPACT4 ( * )

(Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay)

I. Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

En matière d'entraide pénale, aucun texte ne liait la France et l'Uruguay. La coopération en ce domaine se trouve renforcée par la signature, le même jour d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. La négociation d'une convention de transfèrement des personnes condamnées, déjà évoquée dans les entretiens bilatéraux, viendra compléter ce dispositif.

II. Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi : sans objet.

* d'intérêt général : la convention, en permettant de se faire remettre une personne poursuivie ou condamnée, contribue à une meilleure administration de la justice.

* financière : sans objet.

* de simplification des formalités administratives : la procédure d'extradition reçoit un cadre juridique et échappe désormais aux aléas des demandes fondées jusqu'ici sur le principe de la réciprocité.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : voir paragraphe précédent.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 33 (1999-2000).

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 34 (1999-2000).

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

* 4 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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