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Rapport n° 122 (1999-2000) de M. André ROUVIÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 8 décembre 1999

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N° 122

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l' Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999,

Par M. André ROUVIÈRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 66 (1999-2000).

Traités et conventions .

ntroduction

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes invités à examiner un projet de loi autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 créant l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999.

En effet, la 26 e session de l'Assemblée des Parties a adopté à cette occasion des modifications importantes à la convention originelle, destinées à restructurer l'Organisation en un dispositif à deux niveaux : une société anonyme, Eutelsat SA d'une part, sous la tutelle d'une organisation intergouvernementale maintenue (EUTELSAT), mais aux missions redéfinies à due concurrence, d'autre part.

L'objet principal de ces modifications est de donner à la nouvelle structure qui opère dans un secteur industriel -espace et télécommunications- en plein essor, les capacités juridiques et commerciales qui lui permettront de se développer dans un cadre devenu très concurrentiel.

Il faut rappeler qu'EUTELSAT, créée sous forme provisoire en 1977 pour exploiter un réseau transeuropéen de télécommunications par satellites, est régie depuis 1982 par une convention intergouvernementale, en vigueur depuis le 1 er septembre 1985 et qui réunit aujourd'hui 47 Etats membres.

Notre pays, partie à la convention, est également impliqué par la part importante qu'y prend le " Signataire " pour la France, l'opérateur français France Télécom.

Votre rapporteur décrira l'évolution du marché des télécommunications par satellites qui justifient la réforme qui nous est soumise, et les principales données du nouveau dispositif mis en place.

I. LES SERVICES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS PAR SATELLITES : UN MARCHÉ PORTEUR OÙ LA CONCURRENCE EST VIVE

A. UN MARCHÉ PORTEUR

La convergence des secteurs des télécommunications et de l'informatique devrait contribuer à doubler la demande mondiale de services de télécommunications au cours de la prochaine décennie. Ce marché pourrait représenter 5,4 milliards de dollars d'ici 2008. Cette croissance sera principalement tirée par le trafic de données, y compris Internet, qui devrait croître au rythme de 28 % par an.

Dans ce contexte, les réseaux satellitaires occuperont une place importante sur certains segments de ce marché en croissance. Il s'agira en particulier de l'acheminement par satellites du trafic d'accès local et d'interconnexion pour les réseaux d'entreprise et les services Internet (de 25 à 35 % par an).

En revanche, les études prospectives laissent envisager une croissance plus modérée (6-10 % par an) pour les services satellitaires audiovisuels, du fait de la pénétration déjà rapide de la télévision directe par satellite. La croissance la plus élevée devrait concerner les pays en développement qui ont récemment ouvert leurs marchés à la concurrence pour les services de radiodiffusion. Enfin, les revenus liés à la téléphonie devraient connaître une certaine stagnation.

Sur ces marchés porteurs, les systèmes satellitaires représentent un triple avantage, en ce qu'ils permettent la fourniture rapide de l'accès sur une grande zone de couverture et la possibilité de connexions internationales, la fourniture de services de téléphonie et d'accès local dans les régions jugées peu rentables par les fournisseurs de services terrestres, la fourniture de services audiovisuels permettant un élargissement de l'offre de programmes destinés à des publics de plus en plus fragmentés, des programmes numériques de haute définition et les services pour réseaux d'entreprises et de trafic Internet.

En ce qui concerne plus particulièrement l'Europe occidentale, les principaux développements concerneront les services audiovisuels et le multimédia interactif type Internet, dans la mesure où la région bénéficie déjà, pour d'autres services, d'infrastructures terrestres très développées. En Europe orientale, les débouchés potentiels concernent tous les services satellitaires qui pourraient, d'ici 2008, connaître une croissance d'environ 20 %. L'accès multimédia interactif représentera à lui seul un marché de 5 milliards de dollars en 2008.

B. UNE FORTE CONCURRENCE OPPOSE LES ETATS-UNIS ET L'EUROPE

Cette compétition concerne les deux secteurs impliqués dans les services de communications satellitaires : celui des télécommunications et celui de l'industrie spatiale.

S'agissant du secteur des télécommunications, la déréglementation généralisée et les privatisations liées à la globalisation des marchés, ont tout à la fois, renforcé la stratégie d'internationalisation des opérateurs historiques comme France Telecom et provoqué l'arrivée de nouveaux acteurs sur les marchés les plus porteurs.

L'industrie spatiale, pour sa part, voit les industriels opérer une reconversion vers les marchés commerciaux, s'accompagnant d'une tendance à une intégration  " verticale " des constructeurs de satellites, concurrençant dès lors directement les opérateurs de télécommunications. Le marché est donc le cadre d'une véritable bataille économique entre les principaux groupes industriels mondiaux pour la fourniture de services satellitaires à valeur ajoutée.

L'industrie américaine domine largement le marché mondial, avec en tête HUGHES, LOCKHEED-MARTIN et LORAL, engagés dans un vaste mouvement de concentration. L'Europe, seule à même de soutenir cette concurrence, s'est engagée dans une restructuration entre ses constructeurs de satellites entraînant la constitution de deux pôles franco-européens, ALCATEL-SPACE et MATRA-MARCONI DASA au sein D'ASTRIUM.

C'est dans ce contexte que les opérateurs mondiaux de télécommunications souhaitent renforcer leur poids dans le secteur des télécommunications spatiales et préserver leur contrôle de l'offre de capacité spatiale. C'est ce qui a entraîné la restructuration des organisations internationales de télécommunications par satellites que sont INTELSAT, en cours de négociation, INMARSAT, déjà mise en oeuvre, et EUTELSAT, dont la réorganisation constitue l'objet de la convention soumise à notre examen.

II. LA CRÉATION D'EUTELSAT SA : UNE MÉTAMORPHOSE NÉCESSAIRE

A. LE BILAN TRÈS POSITIF D'EUTELSAT AU SERVICE DES OPÉRATEURS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

Eutelsat réunit aujourd'hui 47 Etats européens et l'Accord d'exploitation annexé à la Convention de 1982 rassemble, pour chaque Etat partie, son opérateur national de télécommunications -le Signataire-, qui représentent les actionnaires de l'Organisation : chaque Signataire dispose d'une part d'investissement déterminée au prorata de sa part d'utilisation des capacités satellitaires offertes par Eutelsat, ces parts étant réévaluées chaque année.

Premier opérateur satellitaire en Europe, Eutelsat a généré en 1998 un revenu d'exploitation de près de 3 milliards de francs, en hausse de 26 % par rapport à 1997. L'essentiel de son activité, ainsi que 83 % de son chiffre d'affaires, proviennent de la diffusion de chaînes de télévision et de stations de radio. Cette année, Eutelsat diffusait ainsi plus de 460 chaînes de télévision, dont 400 environ en numérique. La majorité de ces chaînes est diffusée par les satellites HOT BIRD à 13° Est qui desservent quelque 70 millions de foyers. Dans le cadre de son action audiovisuelle extérieure, la France privilégie d'ailleurs le réseau satellitaire EUTELSAT avec les bouquets numériques TPS, ABSat ou avec TV5, MCMI et Canal Horizons.

Les satellites EUTELSAT sont également utilisés pour des liaisons de télévision et de radio professionnelles -reportages d'actualités par satellite ou distribution de signaux à des émetteurs terrestres-, ainsi que pour des services d'entreprise : télémédecine, visio-conférence ou télé-enseignement. De même, EUTELSAT se développe vers la fourniture de services mobiles -EUTELTRACS, service de messagerie et de localisation destiné aux camions et aux navires de pêche, ou vers le service de téléphonie mobile permettant la transmission vocale et de données (EMSAT). Dernièrement, EUTELSAT a développé la fourniture de services multimédias par satellite, en particulier l'accès Internet à haut débit.

S'agissant, en revanche, de la téléphonie stricto sensu , pourtant vocation originelle de l'Organisation, celle-ci n'intervient qu'à hauteur de 10 % de l'ensemble de ses activités : l'Europe de l'Ouest s'appuie sur des réseaux terrestres plus rentables et c'est surtout vers l'Europe centrale et orientale que les principaux développements sont encore attendus dans ce domaine.

Pour exercer l'ensemble de ces activités, EUTELSAT s'appuie aujourd'hui sur une flotte de 15 satellites opérationnels de trois générations dont les satellites HOT BIRD plus spécialisés dans l'audiovisuel et qui représentent près du tiers de la capacité satellitaire totale disponible sur l'ensemble du continent européen.

Cette capacité satellitaire repose ainsi sur :

- les deux EUTELSAT I de première génération (F4 et F5), sur les cinq originels, mis en place sous l'égide de l'Agence Spatiale Européenne (ASE) et dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à British Aerospace ;

- les quatre EUTELSAT II de deuxième génération (F1, F2, F3, F4), fournis par Aérospatiale et dont l'Organisation maîtrise la totalité du programme, depuis la fourniture et le lancement des satellites jusqu'à leur maintien en orbite ;

- deux satellites W2 et W3 de troisième génération construits sous maîtrise d'oeuvre d'Alcatel Space (ex-Aérospatiale), destinés à remplacer les EUTELSAT II ;

- cinq satellites HOT BIRD, positionnés à 13° Est et construits par Aérospatiale et Matra-Marconi Space, qui s'inscrivent dans la stratégie de spécialisation audiovisuelle de sa capacité satellitaire ;

- deux satellites intégrés sur deux nouvelles positions géostationnaires : Telecom 2 A à 8° Ouest et DFS/Kopernikus sur 28,5° Est.

Pour le lancement de ces satellites, EUTELSAT a souvent privilégié les lanceurs Ariane, mais elle a également eu recours aux lanceurs Atlas -association russo-américaine au sein d'International Launch Services (ILS), oeuvrant à partir des Etats-Unis, ou Proton (russo-ukrainien), à partir de Baïkonour.

La zone de couverture d'EUTELSAT s'étend ainsi sur l'ensemble de l'Europe -dont les pays de l'ex-URSS-, l'Afrique du Nord et certaines régions du Moyen-Orient.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE APPROCHE COMMERCIALE

Conçue il y a 17 ans, la structure de " coopérative de moyens " satellitaires -adoptée alors pour développer la fourniture de services de télécommunications internationales par satellites en Europe ne correspond plus à la situation actuelle du marché.

La déréglementation qui a touché le secteur des télécommunications, la privatisation de grands opérateurs dans ce secteur sont autant d'éléments nouveaux que le statut actuel de l'organisation ne permet pas de prendre en compte.

L'inadaptation des procédures actuelles est un frein à l'engagement plus commercial de l'Organisation, en particulier au regard des règles actuelles suivantes :

- les règles de vote fondées à l'époque sur un légitime souci d'équité et qui se basent sur une pondération des voix liée, pour chaque Signataire, à sa part d'investissement dans le dispositif s'avèrent désormais un handicap : la procédure de décision, lourde à mettre en oeuvre, est un obstacle aux décisions rapides que requiert le nouvel environnement concurrentiel.

De même, la procédure de la tarification de l'utilisation des capacités satellitaires, fixée par le conseil des Signataires, s'applique, en vertu de ce même principe d'équité, de la même façon à tous les Signataires. Elle ne permet pas le développement d'offres commerciales adaptées et complexes, face à des concurrents, comme SES-Astra, qui bénéficient pour leur part d'une politique plus flexible de commercialisation ;

- l'investissement opérationnel dans l'organisation ne peut à ce jour provenir que des signataires et est proportionnel à leur utilisation des capacités satellitaires. Ce système s'avère par trop rigide et ne permet pas de mobiliser des capitaux extérieurs. Au surplus, il impose une participation quasi exclusive des opérateurs historiques des télécommunications alors que l'arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur spatial est une des caractéristiques de l'évolution du marché ;

- la responsabilité financière des Signataires en cas de dommages subis ou causés par EUTELSAT, aujourd'hui illimitée, ne correspond plus aux nouveaux statuts de la plupart des signataires, anciens monopoles publics devenus des sociétés privées ;

- enfin, l'exclusivité de l'accès aux capacités satellitaires , réservée aux Signataires, compréhensible avant que n'intervienne la libéralisation du secteur des télécommunications, apparaît aujourd'hui dépassée, tant par son aspect discriminatoire que par l'impossibilité où elle place EUTELSAT de définir un circuit de distribution international et la libre commercialisation de ses services.

Toutes ces pesanteurs empêchent EUTELSAT d'acquérir une véritable capacité concurrentielle, au moment où sa stratégie de développement doit l'inciter à la fourniture de nouveaux services, l'extension de son champ géographique, le renforcement de ses alliances au niveau international et la création de filiales et d'entreprises communes. Ce sont ainsi ces éléments qui ont justifié la restructuration de l'Organisation en une société commerciale.

C. LA CRÉATION D'EUTELSAT SA ET LE NOUVEAU RÔLE D'EUTELSAT

Jusqu'à présent, le fonctionnement et la gestion d'Eutelsat sont fondés sur ses trois principaux organes que sont :

- l'Assemblée des Parties , où siègent les représentants des 47 Etats membres, qui est responsable de la politique générale et des objectifs à long terme. En règle générale les décisions sont prises par consensus ; si un vote s'avère nécessaire, la règle est celle d'une voix par Etat.

- le Conseil des signataires , qui rassemble les organismes de télécommunications désignés par les parties. Il approuve les budgets, les comptes, les tarifs et les conditions d'accès aux satellites. Les décisions sont, dans la majorité des cas, prises par consensus ; en cas de vote, les voix sont pondérées en fonction de la part d'investissements de chaque signataire. Le signataire pour la France, France Télécom, détient à ce jour 17,66 % de parts d'investissements, en troisième rang derrière British Telecom et Telecom Italia. Aucun signataire ne peut cependant disposer de plus de 20 % des voix pondérées.

- l'Organe exécutif , dirigé par un Directeur général 1 ( * ) nommé par le Conseil des signataires et confirmé par les Parties, est responsable de l'exécution des décisions du Conseil.

Ainsi structurée, Eutelsat a eu pour mission, depuis sa création " de concevoir, mettre au point, construire, mettre en place, exploiter et entretenir " l'ensemble de satellites de télécommunications et des équipements y afférents. Dans ce cadre, Eutelsat avait pour objectif premier la fourniture de capacités satellitaires nécessaires à des services publics de télécommunications internationales en Europe.

La présente convention modifie cette structure originelle en laissant la place à deux entités complémentaires mais de nature très différentes : une organisation Eutelsat, maintenue mais à la mission désormais limitée à la surveillance du respect de principes de base ; une société commerciale dont l'objet sera la fourniture de capacités satellitaires, de systèmes et de services de communications par satellite. Un " Arrangement ", signé entre l'Organisation et la Société, organisera les rapports entre les deux entités.

. Eutelsat SA

Eutelsat SA est une société anonyme de droit français, non cotée en bourse, créée pour 99 ans. Son siège social est " initialement " fixé en France.

Son objet sera : la fourniture du secteur spatial 2 ( * ) , de systèmes et de services de communication par satellites. A cette fin, la société entreprendra toutes activités liées à la conception, la mise au point, la construction, la mise en place, l'exploitation et l'entretien de son secteur spatial et de ces systèmes et services satellitaires.

Plus généralement, la société entreprendra " toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, financières, commerciales, industrielles, civiles, immobilières ou autres, se rattachant, directement ou indirectement, à cet objet social ou à tous objets similaires annexes, connexes ou complémentaires, et de nature à favoriser directement ou indirectement, les buts poursuivis par la société, son expansion dans d'autres domaines, son développement et son patrimoine social " 3 ( * ) .

Le capital social sera constitué selon les principes suivants :

- l'attribution des parts initiales de la société se fera par transformation des parts d'investissement des Signataires en actions de la société anonyme

- les actionnaires pourront échanger librement des actions, pendant la phase opérationnelle initiale de la société

- l'ouverture à de nouveaux actionnaires sera soumise aux conditions suivantes :

. l'ouverture du capital à des investisseurs extérieurs n'impliquera pas la revente forcée des actionnaires initiaux et se fera sur la base d'une préservation de leurs intérêts légitimes

. en cas d'augmentation du capital, les actionnaires auront un droit de préemption proportionnel au montant de leurs actions et disposeront d'une clause d'agrément permettant l'habilitation des nouveaux actionnaires

. si un tiers offre d'acquérir le contrôle du capital social d'un des actionnaires, des dispositions sont prises pour une revente des actions aux autres actionnaires si cela est jugé approprié.

Par ailleurs, la structure de l'entreprise sera fondée sur un Directoire et un Conseil de surveillance .

Le Directoire comprendra quatre membres désignés pour quatre ans par le Conseil de surveillance. Il disposera des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société et prendra collégialement toute décision relative à tous actes de gestion et de disposition.

Le Conseil de surveillance comprendra 15 membres élus pour trois ans. Pour la nomination des candidats au Conseil, les actionnaires seront divisés en trois groupes : un premier rassemblant ceux détenant plus de 7 % du capital, un second les détenteurs de 1 à 7 % du capital, un troisième regroupant les actionnaires détenant moins de 1 %. Un siège sera attribué à chacun des groupes. Les douze sièges restants seront attribués à chacun des groupes au prorata du pourcentage de participation globale de chaque groupe dans le capital de la société.

L'Assemblée générale des actionnaires rassemblera tous les actionnaires de la société dont aucun ne pourra exercer plus de 20 % des droits de vote.

S'agissant de la politique de passation des marchés de la société, une importante disposition des statuts prévoit que devront être pris en compte les intérêts de l'industrie européenne pour les contrats de fourniture de biens ou de prestations de services, dans le respect du droit communautaire et des accords internationaux applicables.

. l'Organisation Eutelsat

L'Organisation se voit conférer un rôle de tutelle sur les activités d'Eutelsat SA. Elle veillera en particulier à ce que la société respecte les principes de base de la convention :

. l'obligation de service public/service universel pour les services de téléphonie de base, les services audiovisuels " offerts en conformité avec les réglementations nationales et les accords internationaux pertinents, en particulier avec les dispositions de la convention européenne sur la télévision transfrontière " ; enfin les services futurs, en tenant compte des réglementations qui s'appliquent au concept de service national et à la société de l'information ;

. la couverture pan-européenne du système à satellites, afin de desservir sur une base économique, toutes les zones où il existe un besoin de service de télécommunications dans les Etats membres ;

. la non-discrimination impliquant la fourniture des services sur une base équitable " sous réserve de souplesse commerciale " ;

. la concurrence loyale

Les négociations, engagées dès 1993 pour préparer la restructuration d'Eutelsat et son intégration dans un environnement concurrentiel, n'ont pas été sans âpres discussions sur certains sujets. En particulier quant à la définition, dans les principes de base, de celui portant sur la notion de service public/service universel. Les débats ont fréquemment opposé l'approche très " libérale " défendue par le Royaume-Uni et les pays nordiques, à l'approche très large mise en avant par la France, soucieuse d'intégrer dans ce principe, par-delà les services de téléphonie de base, ceux de l'audiovisuel pour lesquels une référence est explicitement faite aux réglementations nationales et aux accords internationaux pertinents, donnant ainsi à l'Organisation de tutelle un droit de regard sur les activités de la société dans un secteur sensible.

De même, la France a-t-elle dû batailler pour faire prévaloir le choix du siège en France , que contestaient les signataires britanniques, suédois et danois au regard du taux élevé de l'impôt sur les sociétés en France et qui plaidaient pour une société holding fiscalement avantageuse. La France a obtenu gain de cause et Eutelsat SA aura son siège en France. Cependant, l'article 18 du projet d'arrangement précise que " Le siège de la société est établi dans un Etat membre. Il est initialement fixé en France. Toute proposition de modification du lieu d'implantation de la société devra faire l'objet d'un préavis de 6 mois à Eutelsat ".

De même, la France, contre l'avis initial du Royaume-Uni, a-t-elle été soucieuse d'insérer dans les statuts la disposition permettant de préserver les intérêts des signataires existants -dont France Télécom- et précisant les conditions d'ouverture à de nouveaux acteurs, pour éviter que la future société puisse faire l'objet d'une offensive boursière.

Les amendements à la convention de 1982, adoptés à Cardiff par l'Assemblée des Parties le 20 mai 1999 sur l'approbation desquels nous sommes invités à débattre, ne font donc que formaliser cette restructuration d'Eutelsat en une organisation à deux niveaux : l'Organisation et la Société.

Ainsi, le transfert des activités opérationnelles d'Eutelsat et des actifs et engagements correspondants vers la société anonyme Eutelsat SA entraîne-t-il la suppression de l'accord d'exploitation et de toute référence aux Signataires et à leur Conseil.

Ensuite, la nouvelle mission de supervision confiée à l'Organisation Eutelsat entraîne, pour sa part, un, un aménagement du rôle des Parties, désormais concentré sur la surveillance du respect, par la société, des principes de base. En corollaire de la restructuration significative de la mission originelle de l'Organisation, les fonctions de l'Assemblée des Parties sont réduites à due concurrence de même que le " gouvernement " de l'Organisation -Conseil des Signataires, Directeur général- voit sa structure évoluer en un Serétariat dirigé par un Secrétaire exécutif nommé par l'Assemblée des Parties.

CONCLUSION

Comme cela avait été le cas pour la réforme de l'organisation INMARSAT que votre rapporteur avait présentée au printemps dernier, l'aménagement proposé pour EUTELSAT n'a d'autre objectif que celui d'adapter les acquis économiques et techniques développés par l'organisation au nouveau contexte commercial, afin de lui donner les meilleures chances de bénéficier d'un marché en expansion et d'y intéresser nos opérateurs et les industriels franco-européens oeuvrant dans ces secteurs sensibles des télécommunications et des satellites.

C'est pourquoi votre rapporteur ne peut que recommander l'adoption par notre Haute Assemblée, du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet au cours de sa réunion du mercredi 8 décembre 1999.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. André Boyer s'est étonné des perspectives modestes concernant les revenus liés à la téléphonie mobile au cours des prochaines années.

Le rapporteur, avec M. Robert Del Picchia, a fait observer que les perspectives les plus optimistes concernaient les services Internet. Au demeurant, M. André Rouvière, rapporteur, a précisé qu'en Europe, la téléphonie mobile par satellite, assez onéreuse, était confrontée à la concurrence des réseaux traditionnels.

M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné de l'échec d'Eutelsat dans sa tentative de prise de participation d'Asiasat. M. André Rouvière, rapporteur, a fait observer que la structure actuelle de l'organisation ne lui avait précisément pas permis de mobiliser rapidement les ressources et d'obtenir la décision pour prendre de vitesse son concurrent européen SES Astra. C'était précisément l'une des raisons qui justifiait la restructuration d'Eutelsat en société commerciale.

A M. Xavier de Villepin, président, qui s'interrogeait sur la pérennisation de la tendance actuelle à l'accroissement des capacités de télécommunications, notamment audiovisuelles, M. André Rouvière, rapporteur, a fait observer que de nouveaux besoins se faisaient jour, au fur et à mesure que des outils nouveaux parvenaient sur le marché qui, de ce fait, était encore loin d'être saturé.

M. Robert Del Picchia a alors fait valoir, en accord avec M. Xavier de Villepin, président, que les choix techniques qui, dans ce domaine, mobilisaient des investissements considérables, devaient être très étudiés en amont. Il a à cet égard rappelé l'échec commercial des satellites TDF1 et TDF2.

M. Christian de la Malène a fait observer qu'à la sophistication et à la multiplication des systèmes de communication ne correspondait pas une croissance qualitative des contenus qu'ils véhiculaient.

Enfin, M. Aymeri de Montesquiou s'est inquiété du vide juridique existant encore en ce qui concerne la confidentialité des télécommunications.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

Texte présenté par le Gouvernement

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi 4 ( * ) .

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT5 ( * )

1. Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances

Dans le nouveau contexte concurrentiel, une transformation d'EUTELSAT vers une entité aux structures de gouvernement d'entreprise et d'investissement plus souples s'avère inéluctable pour assurer le développement à court terme d'EUTELSAT.

2. Bénéfices escomptés en matière

. d'emploi

La transformation d'EUTELSAT en société anonyme de droit français, sous tutelle d'une organisation intergouvernementale, basée à Paris, assure le maintien du personnel d'EUTELSAT à Paris. Ceci est d'autant plus bénéfique que ces employés, actuellement fonctionnaires internationaux, intégreront le régime commun français. Les transformations adoptées permettront dans l'avenir à EUTELSAT de poursuivre son expansion géographique vers de nouveaux marchés, à l'Est et à l'Ouest de l'Europe, et de développer de nouvelles offres de services satellitaires, notamment multimédia interactif type Internet. Cette augmentation des activités générera de nouveaux emplois au sein d'Eutelsat SA et indirectement au sein de son réseau de distributeurs. Par ailleurs, compte tenu des liens privilégiés noués entre EUTELSAT, les constructeurs français de satellites (ALCATEL SPACE et MATRA MARCONI SPACE) et la société européenne de lancement ARIANESPACE, le maintien en France d'Eutelsat SA est favorable à la conclusion de nouveaux contrats bénéfiques pour l'emploi au sein de ces entreprises.

. d'intérêt général

La transformation de l'organisation en société anonyme de droit français renforcera le rôle de l'Europe sur le marché mondial des télécommunications et de la radiodiffusion par satellite. Dans un contexte de vive concurrence, cette transformation, qui place EUTELSAT sur un pied d'égalité avec ses principaux concurrents privés, bénéficiera aux consommateurs finals.

. financière

L'Etat français n'est pas financièrement impliqué dans le fonctionnement d'EUTELSAT. Néanmoins le changement de structure permettra au Signa taire français, France TELECOM, de valoriser ses investissements en transformant ses parts d'investissement en actions. L'Etat en tant qu'actionnaire de l'opérateur historique y trouvera donc un avantage.

. de simplification de formalités administratives

Sans objet.

. de complexité de l'ordonnancement juridique

Impossible à quantifier.

ANNEXE 1

Composition d'Eutelsat : Etats parties et signataires

Etats membres

Signataires désignés

Parts d'investissements en % au 1.3.99

Albanie

Allemagne

Andorre

Arménie

Autriche

Azerbaïdjan

Belarus

Belgique

Bosnie-Herzégovine

Bulgarie

Chypre

Croatie

Danemark

Espagne

Finlande

France

Géorgie

Grèce

Hongrie

Irlande

Islande

Italie

Kazakhstan

Lettonie

Liechtenstein

Lituanie

Luxembourg

Malte

Moldavie

Monaco

Norvège

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République tchèque

Roumanie

Royaume-Uni

Russie

Saint-Marin

Slovaquie

Slovénie

Suède

Suisse

Turquie

Ukraine

Vatican

Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)

Total

Albanian Telecom

Deutsche Telekom AG

Servei de Telecommunicacions d'Andorra (STA)

Ministère des Postes et Télécommunications

Telekom Austria AG

Ministère des Transports et des Communications

Beltelecom

Belgacom SA

PTT Bosnia Herzegovina

Bulgarian Telecommunications Company Ltd

Cyprus Telecom

Ministère Affaires maritimes, transports et Communications

Tele Danmark A/S

Telefónica de España SA

Sonera Ltd

France Télécom

Ministère des Communications

Hellenic Telecom

HUNSAT

Telecom Eireann

Iceland Telecom Ltd

Telecom Italia SpA

Ministère des Transports et des Communications

Lattelekom SIA

Gouvernement de la Principauté du Liechtenstein

Ministère des Communications et de l'Informatique

Entreprise des Postes et Télécommunications

Office of the Telecommunications Regulator

Ministère des Transports et des Communications

Monaco Telecom

Telenor Satellite Services A/S

PTT Nederland NV (KPN)

Telekomunikacja Polska SA

Companhia Portuguesa Radio Marconi SA

Ceské Radiokomunikace as

Societatea Nationala de Radiocomunicatii SA

British Telecommunications plc

Comité d'Etat pour les Communications et l'Informatisation

Gouvernement de la république de Saint-Marin

Slovak Telecom

Ministère des Transports et des Communications

Telia AB

Swisscom SA

Türk Telekommunikasyon AS

Concern of Broadcasting, Radiocommunications and TV

Etat de la Cité du Vatican

Communauté des Postes, Télégraphes et Téléphones yougoslaves

0,225713

8,431614

0,050000

0,050000

0,183662

0,050000

0,050000

3,976129

0,297115

0,050000

0,061294

0,449125

0,322043

2,693274

0,050406

17,664180

0,050000

1,126537

2,407978

0,050000

0,050000

17,688470

0,050000

0,050000

0,050335

0,050000

1,735547

0,073733

0,050000

0,050000

0,922242

5,322158

4,158620

0,818813

0,212599

0,234278

20,799674

2,051301

0,050000

0,143863

3,099992

1,279555

1,210261

0,761533

0,050000

0,050000

0,747956

100,00

ANNEXE 2

Parts d'investissement dans EUTELSAT

des douze premiers signataires

(au 1 er mars 1999)

Royaume-Uni (British Telecommunications) 20,80 %

Italie (Telecom Italia) 17,69 %

France (France Télécom) 17,66 %

Allemagne (Deutsche Telekom) 8,43 %

Pays-Bas (KPN) 5,32 %

Pologne (Polish Telecommunications) 4,16 %

Belgique (Belgacom) 3,98 %

Slovénie (Ministère des transports et communications) 3,10 %

Espagne (Telefonica) 2,69 %

Hongrie (HUNSAT) 2,41 %

Russie (Comité d'Etat pour les Communications) 2,05 %

Luxembourg (Ent. Des Postes et télécommunications) 1,73 %

* 1 Actuellement M. Giuliano Berreta, de nationalité italienne.

* 2 L'expression " Secteur Spatial " désigne un " ensemble de satellites de télécommunications ainsi que les installations de poursuite, de télémesure, de télécommunications, de contrôle, de surveillance et les autres équipements associés, nécessaires au fonctionnement de ces satellites ".

* 3 Extrait des statuts de la société.

* 4 Voir le texte annexé au document Sénat n° 66 (1999-2000).

* 5 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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