Projet de loi, adopté avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;

JOLIBOIS (Charles)

RAPPORT 283 (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 283

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mars 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

- le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, renforçant la protection de la
présomption d' innocence et les droits des victimes ;

- la proposition de loi de M. Philippe RICHERT tendant à faciliter et à améliorer l'
indemnisation des victimes de violences urbaines ,

Par M. Charles JOLIBOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.


Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 1079 , 1468 et T.A. 275.

Deuxième lecture : 1743, 2136 et T.A. 441.

Sénat
: Première lecture : 291, 419, 412 et T.A. 163 (1998-1999).

Deuxième lecture : 222 (1999-2000) et 240 (1998-1999).

Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 22 mars 2000, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Charles Jolibois, le projet de loi (n° 222) renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que ce projet de loi, contenant à l'origine quelques dispositions importantes telles que la présence de l'avocat au début de la garde à vue et la création d'un juge de la détention provisoire, avait été considérablement enrichi par le travail parlementaire. Il a fait valoir que le Sénat avait pris l'initiative d'instaurer un recours contre les décisions des cours d'assises, acceptée par l'Assemblée nationale. Il a souligné que l'Assemblée nationale avait pour sa part entrepris de judiciariser les décisions du juge de l'application des peines .

Le rapporteur a estimé que, sur un texte de cette nature, les deux assemblées devaient avoir à coeur de parvenir à un texte commun.

A la suite du débat, la commission a adopté des amendements tendant principalement à :

- réformer la libération conditionnelle , conformément aux propositions formulées par la commission présidée par M. Daniel Farge, en modifiant les critères permettant l'octroi de cette mesure et en confiant le pouvoir actuellement détenu par le garde des sceaux à une juridiction collégiale ;

- créer un véritable juge des libertés , compétent non seulement en matière de détention provisoire, mais exerçant également les pouvoirs aujourd'hui reconnus au président du tribunal de grande instance en matière de liberté ;

- confirmer les dispositions du projet de loi relatives à l' appel des décisions de cours d'assises , en conservant neuf jurés en premier ressort et en appel, avec une présidence par un président de chambre en appel, et en ouvrant l'appel au ministère public et à la victime, sauf en cas d'acquittement ;

- supprimer la plupart des peines d'emprisonnement prévues en matière de délits de presse , pour éviter que leur survivance dans la législation française ne serve de justification aux autorités de nombreux Etats étrangers, dans lesquels les peines d'emprisonnement sont effectivement appliquées, à la différence de la France où elles ne sont qu'une scorie d'une législation tombée en désuétude ;

- encadrer les conditions dans lesquelles pourra être réalisé un enregistrement sonore des interrogatoires des personnes gardées à vue , en précisant, d'une part que cet enregistrement ne sera réalisé qu'à la demande de la personne interrogée, son avocat consulté, d'autre part que l'enregistrement ne pourra être écouté au cours de la procédure qu'à la demande de la personne interrogée ;

- prévoir un équilibre entre présomption d'innocence et liberté de l'information en élargissant, comme en première lecture, le champ d'application de l'article 9-1 du code civil , pour permettre à toute personne présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction de saisir le juge, afin de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

L'historique de l'examen du présent projet de loi démontre, s'il en était besoin, que la loi demeure l'oeuvre du Parlement et qu'un dialogue nourri entre les deux Chambres et avec le Gouvernement permet d'aller plus loin dans la construction législative.

Le projet de loi (n°222) renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes , qui contenait, dans sa version initiale, quelques propositions importantes, en particulier la création d'un juge de la détention provisoire et la possibilité pour les personnes gardées à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, a été fortement enrichi au cours de la discussion parlementaire.

Tandis que le Sénat a pris l'initiative de l'appel des décisions de cour d'assises, qui avait toujours échoué jusqu'à présent, l'Assemblée nationale a décidé de réformer l'application des peines, afin de faire des décisions du juge de l'application des peines de véritables décisions juridictionnelles. Le projet de loi ne concernait au départ que la phase préparatoire au procès, il réforme désormais toute la procédure pénale, de la garde à vue à l'exécution des peines.

Le présent projet de loi initial comportait 40 articles. Après deux lectures à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat, 104 articles demeurent en discussion, compte tenu des compléments apportés au texte au cours de la navette. 27 articles ont été adoptés sans modification par le Sénat en première lecture et 21 par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Votre commission aborde cette deuxième lecture avec le même souci qu'en première lecture de concilier l'efficacité de la procédure pénale et le renforcement de la présomption d'innocence.

Après avoir rappelé le contenu du projet de loi issu des travaux du Sénat en première lecture, votre rapporteur évoquera les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale en deuxième lecture avant de présenter les propositions de votre commission des lois.

I. UN PROJET DE LOI DÉJÀ SIGNIFICATIVEMENT AMÉLIORÉ PAR LE SÉNAT

A. LE PROJET DE LOI INITIAL : RENFORCER LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PHASE PRÉPARATOIRE AU JUGEMENT

Le projet de loi déposé par le Gouvernement en septembre 1998, inspiré pour partie par les travaux de la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche, prévoyait plusieurs évolutions importantes de notre procédure pénale dans la phase préparatoire au jugement :

- un renforcement du contrôle des mesures de garde à vue , avec la possibilité pour une personne placée en garde à vue de demander à s'entretenir avec un avocat dès la première heure de la mesure et non plus lorsque vingt heures se sont écoulées ;

- la consécration du statut de témoin assisté , qui pourrait permettre au juge d'instruction d'entendre en présence d'un avocat une personne sans la mettre en examen ; le statut de témoin assisté pourrait permettre d'éviter des mises en examen prématurées ;

- le renforcement du caractère contradictoire de la procédure , notamment en ce qui concerne les demandes d'actes formulées pour les parties et les expertises ;

- la création d'un juge de la détention provisoire compétent pour ordonner ou prolonger la détention provisoire ;

- une modification très limitée des conditions permettant le placement en détention provisoire , en particulier des seuils de peines encourues permettant un tel placement en détention ;

- l'ouverture de fenêtres de publicité au cours de l'instruction, en particulier en ce qui concerne les audiences de la chambre d'accusation.

Le projet de loi prévoyait par ailleurs de renforcer les droits des victimes d'infractions pénales en améliorant leur information à tous les stades de la procédure et en facilitant les constitutions de partie civile.

B. L'APPORT PRINCIPAL DU SÉNAT : L'INSTAURATION D'UN DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION EN MATIÈRE CRIMINELLE

La discussion parlementaire a permis, dans de nombreux domaines, d'améliorer de manière significative le contenu du projet de loi. En première lecture, l'Assemblée nationale a notamment renforcé les dispositions relatives aux droits des victimes et adopté plusieurs amendements destinés à limiter la durée des procédures pénales.

Le Sénat, s'appuyant sur ses travaux antérieurs 1( * ) dont il a salué l'intégration de certains éléments dans le projet initial, a apporté des amendements essentiels au projet de loi, bien souvent contre l'avis du Gouvernement.

1. La réforme des cours d'assises

La décision la plus importante prise par le Sénat au cours de la première lecture a incontestablement été la mise en place d'un recours en matière criminelle . Votre commission a estimé impossible que la procédure pénale demeure marquée par une anomalie aussi grave que l'absence d'appel dans les matières où peuvent être prononcées les peines les plus graves prévues par notre droit pénal.

Le Sénat a donc décidé la mise en oeuvre d'un appel tournant permettant le renvoi d'une affaire d'une cour d'assises à une autre en cas d'appel.

Rappelons qu'au cours du débat devant le Sénat, Mme le garde des sceaux s'est opposée aux propositions sénatoriales en faisant valoir : " (...) je ne pense pas que l'on puisse adopter une telle réforme au détour d'amendements sur un texte qui concerne un autre sujet. ".

Votre commission pense, au contraire, que c'était l'honneur du Parlement de proposer lui même une réforme fondamentale pour la protection des libertés dans notre pays. Elle constate avec plaisir que l'Assemblée nationale, de même que la ministre de la justice, se sont ralliées à cette proposition en lui apportant un certain nombre d'améliorations.

2. Une réflexion approfondie sur la mise en examen

Parmi les propositions importantes formulées par le Sénat en première lecture, figure également la modification des règles relatives à la mise en examen. Le projet de loi initial ne contenait aucune disposition sur ce sujet.

Votre commission a estimé que la mise en examen ne devait être utilisée que lorsque les charges pesant contre une personne étaient déjà conséquentes. Elle a en outre considéré qu'il était anormal qu'une personne puisse être mise en examen par lettre recommandée sans avoir la moindre chance de s'expliquer devant le juge d'instruction prononçant cette mesure.

Le Sénat a donc décidé qu'il ne serait plus possible de mettre en examen une personne qu'en présence d'indices " graves ou concordants " alors que de simples indices sont actuellement suffisants.

En outre, le Sénat a souhaité qu' aucune mise en examen ne puisse plus intervenir par lettre recommandée sans que la personne ait une chance de s'expliquer au préalable.

Là encore, votre commission ne peut que se réjouir de constater que son appel a été entendu et que l'Assemblée nationale a accepté ses propositions tout en les complétant.

3. Une détention provisoire limitée aux cas strictement nécessaires

En première lecture, le Sénat a accepté la création d'un nouveau juge appelé à exercer les compétences actuelles du juge d'instruction en matière de détention provisoire tout en s'opposant à ce que ce magistrat reçoive le titre peu gratifiant de juge de la détention provisoire. Il a donc décidé de ne pas nommer ce magistrat.

Afin de renforcer encore les garanties destinées à faire en sorte que le placement en détention provisoire ne soit prononcé que lorsqu'il est strictement indispensable, le Sénat a décidé qu'en cas d' appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire interjeté le jour même de la décision, la chambre d'accusation devrait se prononcer dans les quatre jours de l'appel.

Le Sénat a aussi décidé d' élever les seuils de peine encourue permettant le placement en détention provisoire. Alors que le projet de loi initial était très timide dans ce domaine et que l'Assemblée nationale ne lui avait pas apporté de modifications en première lecture, le Sénat a décidé que la détention provisoire ne serait plus possible que lorsque la peine encourue est au moins égale à trois ans d'emprisonnement .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté cette proposition et a même décidé d'aller plus loin dans certains cas limités, avec l'accord du Gouvernement. Il faut pourtant se souvenir que Mme le garde des sceaux s'était ainsi prononcée devant le Sénat sur sa proposition d'augmenter les seuils permettant le placement en détention provisoire : " (...) Je ne peux donner mon accord à cette proposition qui affaiblit la répression dans de nombreux domaines sensibles. "

4. Les droits des victimes confortés

En première lecture, le Sénat a également adopté quelques dispositions destinées à renforcer les propositions du projet de loi en ce qui concerne les droits des victimes. Il a ainsi prévu le droit pour la partie civile d'être assistée par un interprète et a modifié le serment prononcé par les jurés de cour d'assises au début d'un procès afin que celui-ci mentionne les intérêts de la victime.

5. Un appel au Gouvernement en ce qui concerne la responsabilité pénale des élus locaux

Le Sénat, au cours de la première lecture, a adopté plusieurs amendements relatifs à la responsabilité pénale des élus locaux . Il a en effet souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur une question préoccupante qui n'était alors évoquée dans aucun des textes législatifs soumis au Parlement par le Gouvernement.

De nombreux élus locaux sont poursuivis et parfois condamnés pour des faits non intentionnels, en particulier en matière d'homicides et de blessures involontaires, alors qu'ils n'avaient aucun moyen d'éviter l'accident à l'origine des poursuites engagées contre eux.

Depuis le débat sur le présent projet de loi, notre excellent collègue M. Pierre Fauchon a déposé une proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dont l'objet consiste à mieux préciser les contours des infractions non intentionnelles afin d'éviter des poursuites injustifiées. Cette proposition tend à modifier le code pénal et a vocation de s'appliquer à l'ensemble de nos concitoyens .

Cette proposition de loi a été reprise par le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des élus locaux présidé par M. Jean Massot, qui a rendu ses conclusions en novembre dernier. Le Sénat a adopté la proposition de loi de M. Pierre Fauchon le 27 janvier dernier. Celle-ci doit être examinée par l'Assemblée nationale le 6 avril prochain.

Ainsi, les appels lancés par le Sénat lors du débat en première lecture sur le présent projet de loi, dans des termes peut-être excessifs à l'époque, auront permis une prise en compte de l'importante question qui n'avait pas jusqu'alors fait l'objet de toute l'attention nécessaire.

II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE : DES INNOVATIONS IMPORTANTES

L'Assemblée nationale a examiné en deuxième lecture le projet de loi les 9 et 10 février derniers. Elle lui a apporté de nombreuses modifications, davantage à vrai dire qu'en première lecture. Certaines de ces modifications constituent des innovations importantes.

A. L'ENREGISTREMENT DES INTERROGATOIRES DE GARDE ÀVUE

L'Assemblée nationale a complété les dispositions du projet de loi relatives à la garde à vue par trois nouvelles dispositions :

- elle a prévu que les interrogatoires de l'ensemble des personnes gardées à vue devraient faire l'objet d'un enregistrement sonore qui pourrait être écouté, sur décision d'un magistrat, au cours de la procédure ;

- elle a souhaité que les procès-verbaux d'interrogatoires mentionnent les heures auxquelles les personnes gardées à vue ont pu s'alimenter ;

- elle a enfin adopté un article précisant que les personnes gardées à vue doivent être retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine et interdisant les fouilles portant atteinte à l'intégrité physique de la personne.

B. MISE EN EXAMEN ET STATUT DU TÉMOIN ASSISTÉ

L'Assemblée nationale a accepté que le statut de témoin assisté puisse être accordé dans des conditions plus larges que celles prévues par le projet de loi initial. Elle a toutefois estimé impossible de contraindre le juge d'instruction à accorder ce statut à toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle existent des indices laissant présumer qu'elle a commis une infraction.

L'Assemblée nationale a également accepté que les droits du témoin assisté ne soient pas identiques à ceux des personnes mises en examen. Elle a cependant prévu que la personne disposerait, en plus du droit d'être assistée par un avocat ayant accès au dossier, du droit d'être confrontée à ses accusateurs.

L'Assemblée nationale, contrairement au Sénat, a souhaité que le juge d'instruction ne soit pas contraint de mettre en examen un témoin assisté contre lequel existent des indices graves et concordants d'avoir commis une infraction, tout en permettant à cette personne de demander à tout moment à être mise en examen.

En ce qui concerne la mise en examen, l'Assemblée nationale a partagé les préoccupations du Sénat. Elle a prévu que la mise en examen ne serait plus possible qu'en présence d'indices " précis, graves ou concordants ".

Par ailleurs, aucune mise en examen ne pourrait intervenir sans que la personne ait été entendue par le juge d'instruction. Le texte de l'Assemblée nationale va même jusqu'à prévoir que le juge ne pourrait pas mettre en examen une personne entendue comme témoin assisté sans l'entendre à nouveau, sauf si la mise en examen intervient à la fin de l'information.

C. LA DÉTENTION PROVISOIRE

L'Assemblée nationale a refusé les propositions du Sénat supprimant le nom du nouveau juge qu'elle a décidé d'appeler à nouveau juge de la détention provisoire.

Elle a précisé le déroulement de la procédure devant le juge de la détention provisoire et a refusé qu'un débat contradictoire soit systématiquement organisé devant ce magistrat, même lorsqu'il n'envisage pas de mettre la personne en détention. L'Assemblée nationale a également décidé, contrairement au souhait du Sénat, que seules les ordonnances du juge de la détention provisoire ordonnant ou prolongeant une détention provisoire seraient motivées.

L'Assemblée nationale a souhaité que la détention provisoire puisse s'effectuer sous le régime du placement sous surveillance électronique . Elle a enfin décidé que les parents de jeunes enfants ne pourraient plus être placés en détention provisoire sauf en cas d'infractions contre les enfants, en cas de crimes ou en cas de non-respect du contrôle judiciaire.

L'Assemblée nationale a accepté les propositions du Sénat en ce qui concerne les seuils permettant le placement en détention provisoire. Elle a décidé de porter le seuil de peine encourue à cinq ans en cas d'infraction contre les biens. En revanche, elle a supprimé tous les seuils pour les personnes ayant déjà été condamnées à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an.

Les durées maximales de détention provisoire ont également profondément été modifiées par rapport à la première lecture. L'Assemblée nationale a en effet décidé que la durée de détention ne pourrait en aucun cas excéder deux ans en matière correctionnelle et quatre ans en matière criminelle.

L'Assemblée nationale a également souhaité réduire la durée des détentions provisoires en matière de comparution immédiate en prévoyant que le jugement des personnes renvoyées devant le tribunal en comparution immédiate et placées en détention provisoire devrait intervenir dans un délai d'un mois alors que ce délai est actuellement de deux mois.

Enfin, l'Assemblée nationale a refusé la proposition du Sénat consistant à remplacer le référé liberté par un appel de la décision de placement en détention provisoire qui serait examiné par la chambre d'accusation dans un délai de quatre jours.

D. LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE

L'Assemblée nationale a accepté la proposition du Sénat consistant à permettre un recours contre les décisions des cours d'assises qui serait examiné par une autre cour d'assises.

Elle a complété le dispositif adopté par le Sénat, notamment pour prévoir l'obligation pour la cour d'assises de répondre à une question spécifique sur l'irresponsabilité pénale de l'accusé lorsqu'une cause d'irresponsabilité est invoquée.

Surtout l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au dispositif adopté par le Sénat :

- alors que le Sénat avait prévu que le recours appartiendrait non seulement à l'accusé mais aussi au procureur de la République sauf en cas d'acquittement, l'Assemblée nationale a décidé que seul l'accusé pourrait faire appel , le ministère public ne disposant pas d'un droit d'appel incident ;

- alors que le Sénat avait prévu que le recours serait examiné par une autre cour d'assises comportant le même nombre de jurés et de magistrats, l'Assemblée nationale a décidé de modifier la composition de la cour d'assises appelée à statuer en première instance. Celle-ci comporterait sept jurés et trois magistrats, la cour d'assises d'appel conservant la composition actuelle de neuf jurés et trois magistrats ;

- l'Assemblée nationale a précisé les conséquences de la décision prise par le Sénat de supprimer l'obligation pour l'accusé de se constituer prisonnier la veille du procès ; elle a prévu que le président de la cour d'assises pourra mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps si l'accusé ne se présente pas à l'interrogatoire prévu avant le début du procès ; en outre, la cour pourrait mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps pendant le déroulement de l'audience.

E. LA JURIDICTIONNALISATION DE L'APPLICATION DES PEINES

L'Assemblée nationale a décidé lors de la deuxième lecture d'entreprendre une réforme importante de l'application des peines . Alors que les décisions que peut prendre le juge de l'application des peines en matière de libération conditionnelle, de semi-liberté, de réduction de peine, de permission de sortie ou de placement à l'extérieur sont actuellement des mesures d'administration judiciaire, l'Assemblée nationale a décidé d'en faire des décisions juridictionnelles .

Ainsi, pour de nombreuses mesures, contrairement au droit actuel, le juge de l'application des peines serait tenu d'entendre le condamné, assisté le cas échéant de son conseil et les décisions prises pourraient faire l'objet d'un appel devant la chambre des appels correctionnels. Actuellement, seul le ministère public dispose du droit d'appel contre les décisions du juge de l'application des peines.

Les décisions prises par l'Assemblée nationale constituent une mise en oeuvre d'une partie des propositions récemment formulées par une commission sur la libération conditionnelle mise en place par Mme le Garde des Sceaux et présidée par M. Daniel Farge, conseiller à la Cour de cassation.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DE NOUVELLES AVANCÉES AU SERVICE D'UNE MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

La présente réforme doit permettre d'apporter des améliorations significatives à la procédure pénale. Votre commission, qui a regretté en première lecture que l'ensemble de la procédure ne soit pas entièrement réexaminé en vue de l'élaboration d'un nouveau code définissant une procédure pénale véritablement modernisée, souhaite néanmoins que les deux assemblées parviennent à un accord sur un projet de loi dont l'ambition a été considérablement renforcée au cours de la navette parlementaire.

Elle souhaite que cette deuxième lecture soit l'occasion de nouvelles avancées permettant une amélioration substantielle du droit actuel.

A. RÉFORMER LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

L'Assemblée nationale a décidé de réformer partiellement l'application des peines en donnant un caractère juridictionnel aux décisions prises par le juge de l'application des peines.

Votre commission vous propose d'aller plus loin en procédant à une réforme complète de la libération conditionnelle. Tout démontre en effet que la libération conditionnelle permet, dans de nombreux cas, d'éviter la récidive des condamnés. Or, cette mesure, qu'elle soit prononcée par le juge de l'application des peines ou par le ministre de la justice, connaît un déclin préoccupant depuis quelques années.

Ainsi, en vingt-six ans, le taux d'admission à la libération conditionnelle des condamnés relevant de la compétence des juges de l'application des peines est passé de 29,3 % en 1973 à 14 % en 1998.

De même, en trente ans, le taux d'admission à la libération conditionnelle par rapport au nombre de dossiers relevant de la compétence du garde des sceaux a pratiquement diminué de moitié : de 1970 à 1999, ce taux est passé de 64,16 % à 30,5 %.

Depuis vingt ans, de très nombreuses propositions ont été faites pour réformer la libération conditionnelle. Dès 1983, notre excellent collègue M. Robert Badinter, alors garde des sceaux, avait proposé de supprimer la compétence du ministre de la justice en matière de libération conditionnelle et de créer un tribunal de l'application des peines. Cette réforme n'a jamais été à son terme.

Très récemment, une commission mise en place par Mme le Garde des Sceaux et présidée par M. Daniel Farge, président du Comité consultatif de libération conditionnelle, a proposé une réforme complète de la libération conditionnelle impliquant à la fois une redéfinition des critères permettant la libération conditionnelle et une modification de la procédure applicable.

Cette commission a proposé que le juge de l'application des peines, actuellement compétent pour prononcer la libération conditionnelle lorsque la peine du condamné est inférieure à cinq ans d'emprisonnement, devienne compétent pour les peines inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement. La commission a en outre souhaité que le pouvoir, actuellement exercé par le garde des sceaux lorsque la peine est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, soit désormais confié à une juridiction collégiale.

Votre commission vous propose de mettre en oeuvre cette réforme, que l'Assemblée nationale a déjà commencé à entreprendre en juridictionnalisant les décisions du juge de l'application des peines. Votre commission vous propose qu'un tribunal de l'application des peines soit compétent pour prononcer les libérations conditionnelles pour les condamnés à une peine supérieure à dix ans d'emprisonnement. Les décisions de ce tribunal pourraient faire l'objet d'un recours devant une juridiction nationale de la libération conditionnelle placée près de la Cour de cassation .

Votre commission vous propose également de préciser les critères permettant la libération conditionnelle, sans toutefois procéder à une énumération exhaustive. Actuellement, la libération conditionnelle peut être accordée aux condamnés présentant des gages sérieux de réadaptation sociale. Or, il semble que ce critère donne lieu à une interprétation très restrictive de la part des autorités chargées de prononcer la libération conditionnelle. Celles-ci considèrent trop souvent que l'exercice d'un emploi est nécessaire pour que les gages de réadaptation sociale soient effectivement réunis.

En proposant cette réforme, votre commission forme l'espoir qu'elle facilitera la réinsertion dans notre société de nombreux condamnés.

Le Sénat, en prenant une telle initiative, fait preuve d'une belle continuité. Rappelons en effet que la libération conditionnelle date de 1885 et que la loi qui lui a donné naissance est issue d'une proposition d'un sénateur, M. René Bérenger.

B. METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE JUGE DES LIBERTÉS

Le Sénat a accepté en première lecture que le pouvoir d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire soit retiré au juge d'instruction pour être confié à un magistrat distinct. Il s'est en revanche opposé à ce que ce magistrat puisse recevoir le titre de juge de la détention provisoire, alors même que son institution a pour objectif de limiter la détention provisoire aux cas strictement nécessaires.

L'Assemblée nationale, tout en gardant la qualification de juge de la détention provisoire, a prévu la possibilité que lui soient confiées un grand nombre d'attributions actuellement exercées par le président du tribunal de grande instance. Cette possibilité concerne la prolongation des gardes à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le contrôle des perquisitions dans les mêmes matières, la prolongation du maintien en rétention ou en zone d'attente des étrangers, le contrôle des perquisitions en matière fiscale et douanière...

Votre commission vous propose d'aller jusqu'au bout de cette logique en attribuant, de manière pleine et entière, ces prérogatives au nouveau juge créé par le projet de loi. Dès lors, celui-ci deviendrait un véritable juge des libertés et votre commission vous propose de lui donner cette dénomination.

C. SUPPRIMER LES PEINES D'EMPRISONNEMENT EN MATIÈRE DE DÉLITS DE PRESSE

•  La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse est une loi très protectrice de la liberté de la presse. Pour autant, adoptée il y a plus d'un siècle et fort peu modifiée depuis, elle comporte de nombreuses infractions passibles de peines d'emprisonnement, qui paraissent aujourd'hui inadaptées.

Dans la plupart des cas, les peines de prison ne sont jamais prononcées et il serait possible d'en déduire que leur maintien dans la loi de 1881 ne présente guère d'inconvénients. Toutefois, de nombreux pays semblent avoir adopté une législation empruntant beaucoup à la législation française. Dans ces pays, les journalistes sont malheureusement beaucoup trop fréquemment emprisonnés. Les autorités de ces Etats arguent parfois, pour justifier ces emprisonnements, des dispositions de la loi française qui permettent elles aussi l'emprisonnement des journalistes.

Votre commission propose la suppression de la plupart des peines d'emprisonnement prévues par la loi du 29 juillet 1881 . Cela concernerait en particulier les délits de diffamation et d'injures envers les particuliers ou envers les ministres, les parlementaires ou les dépositaires de l'autorité publique, ainsi que les offenses ou outrages commis envers des dignitaires, nationaux ou étrangers qui resteraient passibles d'amendes.

En revanche, une telle suppression paraît inopportune en ce qui concerne l'incitation à commettre certaines infractions graves ou la provocation à la haine raciale (article 24 de la loi de 1881).

Le 2 mars dernier, la commission nationale consultative des droits de l'homme a estimé que " le texte de la loi de 1881 conserve des sanctions qui peuvent apparaître aujourd'hui disproportionnées et qui, surtout, transposées à la lettre dans d'autres pays, sont de nature à porter atteinte au principe même de la liberté d'expression ".

La France s'est dotée en 1881 d'une législation en matière de presse qui l'a placée parmi les pays défendant le mieux cette liberté essentielle. Votre commission propose aujourd'hui une modernisation de ce droit allant dans le sens d'un renforcement de la liberté de la presse .

D. PARFAIRE TECHNIQUEMENT LE PROJET DE LOI

En ce qui concerne les principales dispositions du projet de loi, votre commission souhaite poursuivre le dialogue, déjà fructueux, avec l'Assemblée nationale.

1. Réforme de la procédure criminelle

Après en avoir débattu, votre commission, outre des précisions et des améliorations rédactionnelles, a apporté trois modifications importantes au texte proposé en ce qui concerne le recours contre les décisions des cours d'assises :

- elle a décidé de permettre un appel du ministère public , sauf en cas d'acquittement. Il lui est apparu que l'absence d'appel du ministère public pouvait présenter des inconvénients sérieux dans certaines situations. Ainsi, en cas de procès impliquant plusieurs coaccusés, la cour d'assises statuant en appel ne serait plus en mesure de connaître l'ensemble de l'affaire si certains des coaccusés seulement faisaient appel. Par ailleurs, il n'est pas exclu que les cour d'assises prononcent plus facilement des condamnations élevées dès lors que la faculté d'appel n'appartiendrait qu'à l'accusé ;

- votre commission a par ailleurs décidé de ne pas prévoir un nombre de jurés différent au sein de la cour d'assises statuant en premier ressort et au sein de la cour d'assises statuant en appel . L'abaissement de neuf à sept du nombre de jurés en première instance aurait pour effet de diminuer la proportion de jurés par rapport au nombre de magistrats. En outre, la composition actuelle des cours d'assises fonctionne de manière efficace et il n'existe guère de raison décisive de la modifier. Afin que la cour d'assises statuant en appel soit néanmoins une juridiction supérieure à la cour d'assises ayant statué en premier ressort, votre commission propose que la cour d'assises statuant en appel soit obligatoirement présidée par un président de chambre à la cour d'appel ;

- enfin, votre commission a estimé, après réflexion, qu'il était normal que la victime puisse faire appel quant à ses intérêts civils , sans que cette possibilité soit subordonnée à un appel préalable de l'accusé. Elle a décidé, dans un souci d'efficacité, qu'en cas d'appel portant exclusivement sur les intérêts civils, cet appel serait porté devant la chambre des appels correctionnels.

2. Garde à vue

Votre commission estime tout à fait bienvenue la disposition imposant aux enquêteurs de faire figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire les heures auxquelles la personne gardée à vue a pu s'alimenter .

En revanche, votre commission considère que l'article 2 DA du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoit que les personnes gardées à vue doivent être retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine et interdit les fouilles portant atteinte à l'intégrité physique, est beaucoup trop imprécis pour avoir une portée normative. Elle vous propose donc sa suppression. Le principe du respect de la dignité humaine sera en tout état de cause inscrit dans le futur article préliminaire du code de procédure pénale.

En ce qui concerne l' enregistrement des interrogatoires de garde à vue , votre commission, après en avoir longuement débattu, a estimé qu'une telle mesure pourrait présenter un intérêt en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire.

A l'initiative du Sénat au cours de la première lecture, les procès-verbaux d'interrogatoire devront être beaucoup plus précis que par le passé puisqu'ils comprendront désormais les questions posées à la personne interrogée.

Votre commission s'est demandé si l'enregistrement des interrogatoires ne risquait pas d'avoir des conséquences défavorables à la personne mise en garde à vue s'il était possible d'écouter à tout moment de la procédure et sans réserves le document sonore.

Elle propose donc que l'enregistrement des interrogatoires ne puisse être écouté au cours de la procédure qu'en cas de contestation par la personne gardée à vue du contenu du procès-verbal d'interrogatoire. Par ailleurs, elle propose également que cet enregistrement ne soit pas systématique, mais qu'il soit réalisé à la demande de la personne, son avocat préalablement consulté.

Ces propositions paraissent réaliser un équilibre satisfaisant entre la nécessité d'éviter que l'enquête soit entravée et la volonté de renforcer la protection de la présomption d'innocence.

3. Autorité judiciaire et police judiciaire

Votre commission propose d'insérer dans le projet de loi quelques dispositions tendant à renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire. Il s'agirait notamment de permettre au procureur de fixer un délai pour la durée des enquêtes préliminaires.

Surtout, votre commission propose que les enquêtes concernant les officiers et les agents de police judiciaire agissant en cette qualité associent l'Inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent.

4. Détention provisoire

Votre commission propose d'accepter la proposition de l'Assemblée nationale prévoyant l'impossibilité de mettre en détention provisoire une personne encourant moins de cinq ans d'emprisonnement pour un délit prévu au livre III du code pénal (atteintes contre les biens).

En revanche, votre commission ne peut accepter la disparition de tous les seuils de peine encourue pour les personnes déjà condamnées à une peine d'emprisonnement d'un an. Une telle solution pourrait permettre le placement en détention provisoire d'une personne qui n'encourrait qu'une peine d'amende, sous prétexte qu'elle aurait déjà été condamnée.

En ce qui concerne les durées maximales de la détention provisoire , votre commission accepte les durées maximales de deux ans en matière correctionnelle et de quatre ans en matière criminelle prévues par l'Assemblée nationale, mais persiste à penser que pour certaines infractions très graves et complexes, telles que le terrorisme ou le trafic de stupéfiants, il est indispensable qu'une certaine souplesse soit possible. Elle propose donc que dans ces domaines la chambre d'accusation, qu'elle propose de dénommer chambre de l'instruction , puisse, à titre exceptionnel, prolonger la durée de la détention provisoire pour une durée maximale supplémentaire d'un an.

Par ailleurs, votre commission ne peut accepter, malgré la générosité des intentions qui ont animé les auteurs de cet amendement, la disposition interdisant le placement en détention provisoire de parents de jeunes enfants sauf en cas d'infraction contre les enfants, de crime ou de non respect du contrôle judiciaire. Une telle mesure porterait atteinte au principe d'égalité devant la justice et paraît en outre inapplicable telle qu'elle a été définie par l'Assemblée nationale.

Enfin, votre commission accepte la proposition de décentralisation des décisions prises en matière d'indemnisation des détentions provisoires injustifiées . Ces indemnisations seraient donc accordées par le Premier président de la cour d'appel dont les décisions pourraient faire l'objet d'un appel devant la commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires placée auprès de la Cour de cassation.

5. Liberté de l'information et présomption d'innocence

Afin d'améliorer l'équilibre entre présomption d'innocence et liberté de la presse, votre commission vous propose, comme en première lecture, d'élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil, qui permet à toute personne mise en examen, placée en garde à vue ou faisant l'objet d'un réquisitoire du procureur de la République, de saisir le tribunal aux fins de faire cesser une atteinte à la présomption d'innocence, lorsqu'elle est présentée avant toute condamnation comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction.

Votre commission estime paradoxal qu'une personne mise en examen puisse faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, alors que ce droit n'est pas reconnu à une personne présentée publiquement comme coupable d'une infraction et qui ne fait elle-même l'objet d'aucune poursuite judiciaire. Elle vous propose que l'article 9-1 puisse être utilisé par toute personne présentée comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(article préliminaire nouveau du code de procédure pénale)
Principes généraux

Cet article tend à énoncer en tête du code de procédure pénale les principes fondamentaux qui doivent s'appliquer à cette procédure , et en premier lieu le principe de la présomption d'innocence et ses conséquences en ce qui concerne les mesures de contrainte qui peuvent être prises à l'encontre d'une personne suspectée ou poursuivie.

L'Assemblée nationale, en deuxième lecture comme en première lecture, a souhaité rappeler en tête du code de nombreux principes qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial.

En première lecture, le Sénat a, pour sa part, adopté un texte plus proche du projet de loi initial, en considérant que cet article devait s'adresser au juge pour faciliter l'interprétation et l'application du code de procédure pénale .

En conséquence, le Sénat a supprimé les principes qui s'adressaient au législateur lui-même. Il serait en effet paradoxal que le législateur inscrive en tête du code de procédure pénale des principes qu'il lui revient de mettre en oeuvre.

Votre commission vous propose de suivre à nouveau ce raisonnement. Il lui paraît en effet singulier que le législateur inscrive, par exemple, en tête du code de procédure pénale que celle-ci " doit être juste et équitable ".

Il est de la responsabilité du Parlement de faire en sorte que la procédure pénale soit juste et équitable. Le présent projet de loi doit d'ailleurs contribuer à faire en sorte qu'il en soit ainsi.

Votre commission vous propose donc, par un amendement , de modifier cet article, pour en resserrer la rédaction, afin qu'il mentionne réellement des principes essentiels susceptibles de guider le juge, à savoir :

- le respect de la présomption d'innocence d'une personne tant que sa culpabilité n'a pas été établie dans le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et de l'équilibre des droits des parties ;

- le droit pour la personne suspectée ou poursuivie d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur ;

- l'obligation que les mesures de contrainte contre une personne soient prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, qu'elles soient strictement limitées aux nécessités de la procédure et proportionnées à la gravité de l'infraction, qu'enfin elles ne portent pas atteinte à la dignité de la personne;

- l'obligation de statuer sur l'accusation dont une personne fait l'objet dans un délai raisonnable ;

- la prévention, la limitation, la réparation et la répression des atteintes à la présomption d'innocence selon les dispositions prévues par la loi ;

- la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LES DROITS DE LA DÉFENSE ET LE RESPECT
DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE

SECTION 1
Dispositions relatives à la garde à vue

Article 2 DA
(art. 63 du code de procédure pénale)
Respect de la dignité de la personne
au cours de la garde à vue

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, tend à compléter l'article 63 du code de procédure pénale, relatif aux conditions dans lesquelles des personnes peuvent être placées en garde à vue, pour prévoir que les personnes gardées à vue doivent être retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine auquel chacun a droit .

Cet article prévoit également qu'il ne peut être procédé à des fouilles portant atteinte à l'intégrité physique des personnes, que celles-ci doivent bénéficier d'un temps de repos raisonnable et être alimentées de manière à conserver toutes leurs capacités physiques et mentales.

S'il est aisé de comprendre la motivation de ces dispositions, il faut néanmoins constater qu'elles paraissent dépourvues de toute portée normative. Par ailleurs, le futur article préliminaire du code de procédure pénale prévoira, quelle que soit la rédaction retenue à l'issue de la navette parlementaire, que les mesures de contrainte auxquelles peut être soumise une personne doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée, ne pas porter atteinte à la dignité de la personne et être strictement limitées aux nécessités de la procédure .

Dans ces conditions, votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 2 D
(art. 63-1 du code de procédure pénale)
Notification de ses droits à la personne gardée à vue

Cet article prévoit, dans son premier paragraphe, que la personne placée en garde à vue doit être informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. En première lecture, le Sénat avait souhaité que soient employées les termes mêmes de la convention européenne des droits de l'homme et a décidé que la personne devait être informée " des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle ".

Il apparaît toutefois que le terme " accusations " a un sens bien précis dans la procédure pénale française et ne concerne que la procédure criminelle. Il paraît donc préférable de prévoir que la personne sera informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ce qui constituera un progrès par rapport au droit actuel.

Le second paragraphe de cet article prévoit que la personne placée en garde à vue doit être informée, au début de la mesure, du fait qu'elle pourra, six mois après la garde à vue, interroger le procureur sur la suite donnée à la procédure en l'absence de poursuites ou de classement. Comme en première lecture, votre commission considère qu'il est surréaliste d'informer d'un tel droit une personne au moment de son placement en garde à vue. En conséquence, elle vous soumet un amendement de suppression de cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 2 G
(art. 716 du code de procédure pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les prévenus

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la première lecture, prévoit que les personnes en détention provisoire doivent être placées au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit , sans qu'il soit possible de déroger à cette règle en raison de la distribution des maisons d'arrêt ou de leur encombrement.

L'Assemblée nationale a décidé de reporter l'application de cette mesure trois ans après la publication de la loi. En première lecture, le Sénat, à la demande du Gouvernement, a porté ce délai à cinq ans.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé de revenir au texte qu'elle avait adopté en première lecture, tout en déplaçant cet article qui n'a effectivement aucune raison de figurer parmi les dispositions relatives à la garde à vue. Elle a donc supprimé à juste titre le présent article. Les dispositions relatives à l'emprisonnement individuel des prévenus seront donc examinées à l'article 18 septies du projet.

En conséquence, votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 2 bis A
(art. 63-5 nouveau du code de procédure pénale)
Enregistrement des interrogatoires de garde à vue

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à introduire dans le code de procédure pénale un article 63-5 pour prévoir que les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original serait placé sous scellés fermés et sa copie versée au dossier.

Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original pourrait être écouté au cours de la procédure.

•  L'enregistrement des interrogatoires de garde à vue existe déjà dans d'autres pays :

- au Royaume-Uni, l'enregistrement est obligatoire depuis 1984 ;

- en Allemagne, l'interrogatoire précédant l'accusation, conduit par un procureur ou par la police, fait l'objet d'un enregistrement ;

- en Espagne, aucun interrogatoire de garde à vue ne peut se faire sans la présence d'un avocat. L'enregistrement audiovisuel est possible, à la demande du gardé à vue ou à l'initiative de l'enquêteur, sous réserve de l'accord du gardé à vue.

Il est tout à fait légitime que les progrès techniques soient utilisés dans les procédures judiciaires lorsqu'ils peuvent contribuer à l'efficacité de l'enquête ou à la protection de la présomption d'innocence.

•  En France, le premier exemple d'utilisation de la technique d'enregistrement en matière de procédures judiciaires résulte de la loi n° 94-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles. Depuis l'adoption de cette loi, l'article 706-52 du code procédure pénale prévoit qu'au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime d'une infraction sexuelle fait, avec son consentement ou celui de son représentant légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

Cette disposition a pour objet d'éviter au mineur d'avoir à répéter à de nombreuses reprises les faits traumatisants dont il a été victime.

Les modalités d'application de cet article ont fait l'objet de discussions très approfondies entre les deux assemblées, notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'enregistrement pourrait être visionné. Il a été prévu que cet enregistrement pourrait être visionné au cours de la procédure d'instruction dans des conditions très encadrées. La circulaire du 20 avril 1999 relative à l'enregistrement audiovisuel ou sonore de l'audition des mineurs victimes d'infractions sexuelles précise de manière très détaillée les conditions de réalisation, d'utilisation et de conservation des enregistrements.

Les questions posées par le présent article sont différentes de celles que soulevait l'enregistrement des auditions des mineurs victimes. En effet, il ne s'agit pas ici d'éviter à la personne gardée à vue de répéter à plusieurs reprises certains faits.

Le débat à l'Assemblée nationale sur ce sujet a été relativement bref, de sorte qu'il est difficile de savoir l'objectif prioritaire de cette mesure. Mme le garde des sceaux s'est interrogée à ce sujet : " S'agit-il de renforcer le contrôle des gardes à vue alors que seuls les interrogatoires sont enregistrés, et uniquement sous forme sonore ? S'agit-il de garantir la sincérité des déclarations figurant sur le procès-verbal, ce qui ne coïncide pas avec le caractère écrit de notre procédure pénale ? ".

De fait, il est essentiel de clarifier le but recherché par cette disposition si l'on souhaite en préciser utilement les modalités. La commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, a proposé l'enregistrement des interrogatoires en assignant clairement à ce dispositif le but de permettre la vérification du contenu du procès-verbal : " La commission estime enfin indispensable l'enregistrement par magnétophone des interrogatoires et confrontations en cours de garde à vue, les bandes immédiatement placées sous scellés étant écoutées en cas de divergence entre les propos rapportés par procès-verbal et les déclarations ultérieures ".

Au cours du débat à l'Assemblée nationale, Mme Frédérique Bredin, auteur de l'amendement, a fait valoir que l'enregistrement sonore des interrogatoires de garde à vue entraînerait une " modification des rapports entre la personne qui interroge et celle qui est interrogée ". Il semble toutefois que, si l'objectif est de changer les relations entre la personne qui interroge et celle qui est interrogée, à supposer que ces relations soient marquées par des comportements contestables, un enregistrement audiovisuel serait plus adapté.

Le principal intérêt de la mesure paraît donc être la possibilité de vérifier les propos transcrits sur le procès-verbal d'interrogatoire. Celui-ci est en effet une synthèse qui résume, parfois en quelques paragraphes, plusieurs heures d'interrogatoire.

Dès lors que l'on admet que l'enregistrement est destiné à vérifier l'exactitude sur le fond des propos rapportés par le procès-verbal, plusieurs questions se posent. Le procès-verbal ne risque-t-il pas de perdre toute valeur face au document sonore ? L'enregistrement peut-il être réalisé sans l'accord de la personne interrogée, alors que, dans de nombreux cas, il s'agit de personnes illettrées, s'exprimant médiocrement en français et que l'enregistrement pourra être écouté au cours de la procédure sur décision d'un magistrat ?

Votre commission craint que cette disposition, si elle n'est pas précisée, manque son objectif. Il paraît souhaitable, en premier lieu, que l'enregistrement ne puisse avoir lieu qu'à la demande de la personne, après qu'elle se sera entretenue avec son avocat, désormais contacté à la première heure. Par ailleurs, l'enregistrement risque d'avoir des effets totalement contraires à ceux recherchés si un magistrat peut décider, de sa propre initiative, et à n'importe quel stade de la procédure, de procéder à l'écoute du document. Il paraît nécessaire que seule la personne interrogée puisse demander l'écoute du document sonore si elle conteste les propos qui lui sont prêtés dans le procès-verbal.

Ces conditions paraissent nécessaires pour que l'enregistrement des interrogatoires constitue effectivement un progrès dans la protection de la présomption d'innocence.

Compte tenu des précautions qui paraissent nécessaires, votre commission s'est demandé s'il était réellement souhaitable de mettre en oeuvre une mesure aussi coûteuse pour une utilisation qui sera sans doute rare, les procès-verbaux de police n'étant pas systématiquement contestés, loin s'en faut. M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a estimé que cette mesure mobiliserait 2.500 policiers à temps plein.

Elle vous propose néanmoins d'accepter cette disposition en précisant par un amendement que l'enregistrement ne pourra être réalisé qu'à la demande de la personne gardée à vue, après que celle-ci aura pu consulter son avocat. Elle vous propose en outre que l'enregistrement ne puisse être écouté qu'à la demande de la personne placée en garde à vue.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis A ainsi modifié .

Article 2 bis B
(art. 64 du code de procédure pénale)
Mentions devant figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire

Dans sa rédaction actuelle, l'article 64 du code de procédure pénale prévoit notamment que les officiers de police judiciaire doivent mentionner sur le procès-verbal d'interrogatoire d'une personne gardée à vue la durée des interrogatoires auxquelles elle a été soumise et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et l'heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure à laquelle elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent.

Le présent article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit que les heures auxquelles la personne a pu s'alimenter devront également figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire. Il s'agit d'une mesure bienvenue, même si elle ne garantira en rien qu'une personne gardée à vue aura pu s'alimenter convenablement pendant la durée de la garde à vue.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 2 ter
(art. 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945)
Enregistrement des interrogatoires de mineurs

Cet article tend à modifier l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour prévoir l'enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue .

Comme elle l'a fait pour les autres personnes placées en garde à vue (article 2 bis A), votre commission vous propose, par un amendement , que l'enregistrement ne puisse être effectué qu'à la demande de la personne gardée à vue, son avocat consulté, et qu'il ne puisse être écouté au cours de la procédure qu'à la demande de la personne interrogée.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

SECTION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 2 TER
Dispositions relatives au contrôle de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire

Votre commission propose de compléter les dispositions relatives à la garde à vue par quelques dispositions ayant pour objectif de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire .

Article additionnel après l'article 2 ter
(art. 75-1 et 75-2 nouveaux du code de procédure pénale)
Fixation d'un délai en matière d'enquête préliminaire
Information du procureur en cas d'identification d'un suspect

Votre commission propose, par cet article additionnel, d'insérer dans le code de procédure pénale deux nouveaux articles. Le texte proposé pour l'article 75-1 tend à prévoir que le procureur de la République fixe le délai dans lequel une enquête préliminaire doit se dérouler. Le procureur pourrait proroger ce délai au vu des justifications fournies par les enquêteurs.

Le texte proposé pour l'article 75-2 du code de procédure pénale tend à imposer aux officiers de police judiciaire qui mènent une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit d'aviser le procureur de la République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction est identifiée. Cette disposition sera surtout utile dans le cas où les officiers de police judiciaire entreprennent d'office des enquêtes préliminaires.

Ces dispositions figurent dans le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, mais votre commission considère qu'elles méritent d'être adoptées rapidement et qu'elles ont un lien direct avec le présent projet de loi, qui tend notamment à renforcer le contrôle des magistrats sur les mesures de garde à vue.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel ainsi rédigé après l'article 2 ter.

Article additionnel après l'article 2 ter
(art. 227 du code de procédure pénale)
Application immédiate des décisions prises
par la chambre d'accusation en matière disciplinaire

En vertu de l'article 224 du code de procédure pénale, la chambre d'accusation est chargée d'exercer un contrôle sur l'activité des fonctionnaires civils et militaires, officiers et agents de police judiciaire, pris en cette qualité. Conformément à l'article 227 du code de procédure pénale, la chambre d'accusation peut adresser des observations à l'officier ou agent de police judiciaire ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d'appel, soit sur l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de police judiciaire et de délégué du juge d'instruction ou ses fonctions d'agent de police judiciaire.

Dans une affaire récente, la cour de cassation a estimé que le recours contre la décision de la chambre d'accusation avait un effet suspensif, contrairement aux décisions de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de police judiciaire par le procureur général.

Le présent article additionnel tend à mettre fin à cette contradiction, en prévoyant l'application immédiate des décisions de la chambre d'accusation en cette matière. Cette disposition figure dans le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, mais a toute sa place dans le présent projet de loi, qui modifie la procédure pénale de la garde à vue à l'exécution des peines.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel ainsi rédigé après l'article 2 ter.

Article 2 quater
Participation de l'inspection générale des services judiciaires
aux enquêtes administratives concernant les officiers de police judiciaire

Cet article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la première lecture, prévoit la création d'une inspection générale de la police judiciaire, chargée d'enquêter sur les infractions commises par les officiers de police judiciaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, estimant qu'elle relevait davantage du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale. De fait, le Sénat a adopté, lors de la discussion de ce projet de loi, un amendement qui, sans créer une nouvelle structure, prévoit que les enquêtes concernant les officiers et agents de police judiciaire associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'introduire cette disposition, acceptée par le Gouvernement, lors du débat relatif à l'action publique en matière pénale, dans le présent projet de loi.

En effet, dès lors que ce projet de loi tend à modifier le déroulement de la garde à vue, il est normal que soit abordée la question du contrôle des officiers et agents de police judiciaire.

L'association de l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent doit permettre un renforcement du contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire sans faire peser aucune suspicion sur la manière dont les policiers et les gendarmes exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux modalités de mise en examen

Le projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la mise en examen . En première lecture, l'Assemblée nationale a simplement proposé que le juge d'instruction ne puisse plus mettre en examen une personne qu'en présence d'indices " précis ". Le Sénat a souhaité mener une réflexion approfondie sur cette question et a proposé, lors de la première lecture, que la mise en examen ne soit possible qu'en présence d'indices graves ou concordants et qu'une personne ne puisse plus être mise en examen par lettre recommandée sans avoir eu la possibilité de s'expliquer devant le juge d'instruction.

En deuxième lecture, ces propositions ont été acceptées et complétées par l'Assemblée nationale.

Article 3 bis
(art. 80-1 du code de procédure pénale)
Caractère des indices permettant la mise en examen

Dans sa rédaction actuelle, l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut mettre en examen " toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi ". L'article 80-1 définit les modalités de la mise en examen et prévoit que celle-ci peut résulter de l'interrogatoire de première comparution, être faite par l'envoi d'une lettre recommandée ou notifiée par un officier de police judiciaire.

En première lecture, l'Assemblée nationale a estimé que les indices permettant la mise en examen devaient être " précis ". Votre commission a observé que la frontière entre des " indices " et des " indices précis " était pour le moins imprécise. Elle a proposé que la mise en examen n'intervienne qu'en présence d'indices " graves et concordants ", ces termes étant déjà employés dans le code de procédure pénale et bien connus des praticiens.

Toutefois, le débat en séance publique a permis d'affiner cette question. Il apparaît en effet qu'en vertu de l'article 105 du code de procédure pénale, le juge d'instruction est obligé de mettre en examen une personne en présence d'indices graves et concordants. Il paraissait donc difficile d'employer les mêmes termes pour définir le moment à partir duquel la mise en examen est possible . Prévoir que le juge ne peut mettre en examen tant qu'il n'a pas d'indices graves et concordants et qu'il est obligé de mettre en examen dès qu'il dispose de tels indices aurait pu susciter des difficultés juridiques importantes. Le Sénat a donc prévu que la mise en examen serait possible en cas d'indices " graves ou concordants " et obligatoire en cas d'indices " graves et concordants " .

Par ailleurs, le Sénat, dans l'article 3 ter du projet de loi, a apporté une autre modification à l'article 80-1 du code de procédure pénale. Il a décidé qu'il ne serait plus possible de mettre en examen une personne par lettre recommandée sans lui donner la possibilité de s'expliquer au préalable devant le juge d'instruction.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a procédé, sur proposition du Gouvernement, sous-amendée par la rapporteuse de la commission des Lois, à une réécriture complète de l'article 80-1.

Le premier alinéa du texte proposé prévoit qu'à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices " précis, graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions " dont il est saisi. Ainsi, ce texte évoque des indices " rendant vraisemblable " la participation à l'infraction et non plus des indices " laissant présumer " cette participation. La nouvelle définition paraît plus exigeante pour le juge d'instruction et plus protectrice de la présomption d'innocence.

En revanche, l'ajout du terme " précis " pour qualifier les indices permettant la mise en examen ne paraît guère présenter d'intérêt. Au contraire, la formule employée par l'Assemblée nationale laisse davantage de marge au juge d'instruction puisque les différents qualificatifs sont alternatifs et non cumulatifs . Il suffirait donc que les indices soient précis ou graves ou concordants pour que la mise en examen puisse intervenir.

Votre commission vous propose, par un amendement , de prévoir à nouveau que la mise en examen est possible en présence d'indices graves ou concordants, ces termes étant déjà employés dans le code de procédure pénale.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne et l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit au cours de l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté.

Cette disposition est directement issue des travaux du Sénat, qui s'était opposé aux mises en examen faites par lettre recommandée sans que la personne ait la possibilité de s'expliquer. Le Gouvernement, suivi par l'Assemblée nationale, a proposé qu'aucune mise en examen ne puisse intervenir sans une audition préalable par le juge d'instruction, qu'il s'agisse d'une audition en tant que témoin assisté ou d'un interrogatoire de première comparution.

Enfin, le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit que le juge ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. Cette disposition paraît peu normative, mais constitue un encouragement à recourir à la procédure de témoin assisté.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 3 ter A
(art. 105 du code de procédure pénale)
Caractère des indices rendant obligatoire la mise en examen

L'article 105 du code de procédure pénale prévoit notamment qu'une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peut être entendue comme témoin. Le juge est donc tenu, sous réserve des dispositions du présent projet relatives au témoin assisté, de mettre en examen cette personne. A défaut, la procédure peut être annulée.

L'Assemblée nationale, par coordination avec les décisions prises à l'article 3 bis, a souhaité que les indices rendant obligatoires la mise en examen soient " précis, graves et concordants ". Votre commission ne perçoit guère l'intérêt de l'ajout du terme " précis ". Les termes " graves et concordants " n'ont pas posé jusqu'à présent de difficultés d'application et sont bien connus des praticiens, ayant donné lieu à une jurisprudence importante.

Votre commission, par coordination avec les décisions prises à l'article 3 bis, propose la suppression de cet article.

Article 3 ter
(article 80-2 du code de procédure pénale)
Procédure préalable à l'interrogatoire de première comparution

Cet article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au cours de la première lecture, tendait à modifier l'article 80-1 du code de procédure pénale pour prévoir qu'une personne devait avoir la possibilité de s'expliquer devant le juge avant qu'intervienne une éventuelle mise en examen par lettre recommandée.

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé qu' aucune mise en examen ne pourrait intervenir sans audition préalable .

Elle a modifié le présent article, qui tend désormais à rétablir l'article 80-2 du code de procédure pénale pour définir la procédure applicable avant l'interrogatoire de première comparution.

•  Le texte proposé par le premier paragraphe de cet article pour l'article 80-2 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut convoquer, par lettre recommandée, une personne pour qu'il soit procédé à sa première comparution, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. Cette lettre devrait donner connaissance à la personne de chacun des faits dont est saisi le juge d'instruction et pour lesquels la mise en examen est envisagée tout en précisant leur qualification juridique.

La lettre devrait également faire connaître à la personne qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. Le texte prévoit que la lettre doit préciser que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue de la première comparution.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 80-2 du code de procédure pénale prévoit que la convocation peut également être notifiée par un officier de police judiciaire.

Enfin, le troisième alinéa du texte proposé prévoit que l'avocat choisi ou désigné est convoqué dans les conditions prévues par l'article 114 du code de procédure pénale, relatif aux interrogatoires ou confrontations.

En pratique, ces dispositions sont plus précises que celles adoptées par le Sénat au cours de la première lecture. Le Sénat avait prévu qu'une première lettre recommandée faisant part de l'intention du juge de mettre en examen une personne devait permettre à celle-ci de demander à être entendue. A défaut d'une telle demande, la mise en examen pouvait intervenir par lettre recommandée.

Le texte proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale doit permettre à toute personne de s'expliquer avant sa mise en examen, en présence d'un avocat. La personne serait informée avant l'entretien, des faits dont est saisi le juge d'instruction et de leur qualification juridique, ce qui constitue un progrès incontestable.

Votre commission vous propose un amendement tendant à porter d'un mois à deux mois le délai maximal dans lequel doit intervenir la première comparution après l'envoi de la lettre recommandée. En effet, après avoir reçu la lettre recommandée, la personne devra faire connaître le nom de son avocat, qui devra à son tour être convoqué. Il paraît donc plus prudent de prévoir un délai un peu plus long. L'allongement du délai n'a aucune conséquence préjudiciable pour la personne mise en cause, dans la mesure où elle sera informée des faits dont est saisi le juge d'instruction et pourra préparer dans des conditions satisfaisantes l'interrogatoire de première comparution.

• Le second paragraphe de cet article tend à abroger l'article 116-1 du code de procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction est tenu de faire droit à la demande de première comparution d'une personne mise en examen. Cette disposition perd de fait toute signification, dans la mesure où la mise en examen ne pourra plus intervenir sans audition de la personne par le juge.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

SECTION 3
Dispositions étendant les droits des parties au cours de l'instruction

Article 4 ter A
(article 116 du code de procédure pénale)
Interrogatoire de première comparution

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale. Lors de la deuxième lecture, tend à modifier l'article 116 du code de procédure pénale relatif au déroulement de l' interrogatoire de première comparution .

Le déroulement de l'interrogatoire de première comparution doit en effet être modifié pour tenir compte des améliorations apportées à la procédure de mise en examen par le projet de loi. Cinq articles du projet de loi ont pour objet de modifier l'article 116 du code de procédure pénale, dont un article adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, de sorte qu'il devient très difficile d'avoir une vision claire de la procédure qui sera applicable après l'adoption du projet de loi.

Votre commission propose, par un amendement , de rassembler dans le présent article l'ensemble des modifications apportées à l'article 116 par les articles 4 ter A, 4 ter, 4 quater A, 21 et 33, afin d'opérer une réécriture complète de cet article.

Les principales modifications apportées à cet article par le projet de loi sont les suivantes :

- toutes les références à " la personne mise en examen " sont remplacées par des références à " la personne ", ce qui est logique, dans la mesure où l'interrogatoire de première comparution ne pourra plus intervenir après la mise en examen et ne débouchera plus nécessairement sur la mise en examen ;

- le juge d'instruction devra, au début de l'interrogatoire, faire connaître à la personne chacun des faits dont il est saisi et leur qualification juridique ;

- le juge d'instruction devra avertir la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée ; comme actuellement, l'accord pour être interrogé ne pourra être recueilli qu'en présence d'un avocat ;

- après avoir recueilli les déclarations de la personne ou procédé à son interrogatoire, le juge d'instruction devra notifier à la personne, soit qu'elle n'est pas mise en examen et qu'elle bénéficie des droits du témoin assisté, soit qu'elle est mise en examen. Dans ce dernier cas, le juge devra porter à la connaissance de la personne les faits ou la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications diffèrent de ceux qui lui ont déjà été notifiés. Le juge d'instruction devra informer la personne de ses droits de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation.

En effet, en vertu de l'article 81 du code de procédure pénale, les parties peuvent demander certains examens médicaux ; en vertu de l'article 82-1 du code de procédure pénale, que le projet de loi tend à modifier, les parties pourront demander à ce qu'il soit procédé à tous actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité ; conformément au texte proposé pour l'article 82-2 que le projet de loi tend à insérer dans le code de procédure pénale, la personne mise en examen pourra demander que certains actes soient effectués en présence de son avocat. L'article 156 du code de procédure pénale permet, pour sa part, aux parties de demander une expertise. Enfin, l'article 173 permet aux parties de saisir la chambre d'accusation lorsqu'elles estiment qu'une nullité a été commise ;

- enfin, le juge d'instruction devra informer la personne de son droit de demander la clôture de l'information au bout d'un an de procédure ; sur ce point, votre commission vous propose de rétablir le texte initial du projet de loi, l'Assemblée nationale ayant proposé une rédaction qui paraît trop contraignante puisqu'elle prévoit la saisine presque automatique du président de la chambre d'accusation après une année d'information en matière correctionnelle et dix-huit mois en matière criminelle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 4 ter B
(art. 134 du code de procédure pénale)
Conséquence de l'impossibilité d'exécuter
un mandat d'amener ou d'arrêt

Conformément aux articles 3 bis et 3 ter du projet de loi, le juge d'instruction ne pourra plus, après l'adoption du texte, procéder à la mise en examen d'une personne sans l'avoir au préalable entendue, soit en tant que témoin assisté soit au cours d'un interrogatoire de première comparution. Il convenait de prévoir l'hypothèse dans laquelle une personne ne répondrait pas à la convocation qui lui serait adressée en vue d'un interrogatoire de première comparution.

Le présent article tend à compléter l'article 134 du code de procédure pénale, relatif à l'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt. Cet article prévoit notamment que si la personne ne peut être saisie, un procès-verbal de perquisition et de recherches infructueuses est adressé au magistrat qui a délivré le mandat. Cet article serait complété pour prévoir que la personne recherchée est alors considérée comme mise en examen pour l'application de l'article 176, qui prévoit que le juge d'instruction examine s'il existe contre la personne mise en examen des charges constitutives d'infraction, dont il détermine la qualification juridique. A la suite de cet examen, le juge d'instruction décide ou non le renvoi de la personne devant le tribunal. Or, le renvoi devant le tribunal ne peut concerner qu'une personne mise en examen.

Il est donc nécessaire de prévoir que les personnes qui ne répondent pas à une convocation en vue d'un interrogatoire de première comparution et qui ne sont pas retrouvées après délivrance d'un mandat d'amener ou d'un mandat d'arrêt sont considérées comme mise en examen pour le règlement de l'information.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 4 ter
[Pour coordination]
(art. 116 du code de procédure pénale)
Interrogatoire de première comparution

Cet article, adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, tend à modifier l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de première comparution, afin de prévoir que le juge d'instruction doit informer la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée.

Dans un souci de clarté, votre commission a décidé de procéder, à l'article 4 ter A du projet, à une réécriture complète de l'article 116 du code de procédure pénale, que cinq articles du projet de loi tendent à modifier.

Par coordination, elle vous propose la suppression du présent article.

Article 4 quater A
(art. 116 du code de procédure pénale)
Interrogatoire de première comparution

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier l'article 116 du code de procédure pénale, notamment pour tenir compte du fait qu'il ne sera plus possible de mettre en examen une personne sans qu'elle ait été préalablement entendue par le juge d'instruction.

Votre commission approuve les modifications proposées.

Néanmoins, cinq articles du projet de loi modifiant l'article 116 du code de procédure pénale, elle a décidé de procéder à une réécriture complète de cet article à l'article 4 ter A, ce qui rend inutile le présent article.

En conséquence, votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 5
(art. 156, 164 et 167 du code de procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en matière d'expertise

Cet article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les expertises organisées au cours de l'instruction. Il prévoit notamment que le ministère public ou la partie demandant une expertise pourra préciser lors de sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert.

En première lecture, sur la proposition de notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a modifié cet article pour prévoir que " sauf dispositions particulières, les mesures d'instruction ordonnées par le juge pénal obéissent aux règles de procédure civile ".

L'article 16 du code de procédure civile prévoit actuellement que " le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ". Il dispose en outre que le juge " ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ".

Ainsi, les expertises civiles ne sont opposables à une partie que si elle a été présente ou dûment appelée. L'article 162 du code de procédure civile permet à la personne qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui a ordonné la mesure d'instruction d'en suivre l'exécution, quel que soit le lieu, et de formuler des observations.

L'Assemblée nationale s'est opposée à l'application au procès pénal des règles de la procédure civile. La rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a notamment avancé les arguments suivants pour justifier la suppression de cette disposition :

" (...) si un procès civil oppose le plus souvent deux parties, le demandeur et le défendeur, les procédures pénales concernent parfois plusieurs dizaines de personnes, mises en examen ou parties civiles, notamment dans les affaires de terrorisme ou de trafic de stupéfiants. L'internationalisation de la criminalité, dont on constate chaque jour les effets, risque d'accentuer ce phénomène.

" De manière plus générale, l'application systématique du principe du contradictoire semble difficilement conciliable avec les spécificités du droit pénal : ainsi, il paraît impossible d'obliger la victime d'une agression sexuelle à subir une expertise en présence de l'auteur des faits ou de son avocat ".

Votre commission estime elle aussi qu'il est difficile d'appliquer les règles de la procédure civile aux expertises pénales, malgré le caractère séduisant d'une telle disposition. Rappelons que les parties, en matière civile, doivent déposer une provision au greffe de la juridiction avant une expertise.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification .

Article 5 bis A
(art. 217 du code de procédure pénale)
Transmission aux avocats des parties
des arrêts de la chambre d'accusation

Dans sa rédaction actuelle, l'article 217 du code de procédure pénale prévoit notamment que les dispositifs des arrêts des chambres d'accusation sont portés, dans les trois jours, à la connaissance des avocats des parties. Il dispose également que les dispositifs des arrêts de non-lieu sont portés à la connaissance des personnes mises en examen et que les dispositifs des arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police sont portés à la connaissance des parties. Les arrêts complets ne sont transmis aux parties que lorsqu'elles peuvent former un pourvoi en cassation.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit la transmission, dans tous les cas, des arrêts eux-mêmes et non des dispositifs. Les avocats des parties pourront ainsi avoir connaissance de l'intégralité des arrêts, ce qui paraît être une évolution utile, qui ne devrait pas entraîner de contrainte importante pour les chambres d'accusation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 5 bis
(art. 89-1, 116, 173 et 173-1 nouveau du code de procédure pénale)
Délai de recevabilité de certaines requêtes en nullité

Cet article, introduit dans le projet de loi par le Sénat lors de la première lecture, tend à insérer un article 173-1 dans le code de procédure pénale fixant aux parties un délai pour faire état de la nullité de certains actes . La personne mise en examen devrait faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen. Il en irait de même pour la partie civile en ce qui concerne sa première audition.

L'Assemblée nationale a accepté cet article, tout en supprimant une référence appelée à figurer dans l'article 116 du code de procédure pénale. L'Assemblée a intégré cette référence à l'article 4 quater A du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 5 ter A
(art. 174-1 nouveau du code de procédure pénal)
Conséquence de la nullité de la mise en examen

A l'article 3 bis du projet de loi, l'Assemblée nationale a prévu, lors de la deuxième lecture du projet de loi, que, " à peine de nullité ", le juge d'instruction ne pourra mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices " précis, graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ".

Le présent article a été introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, afin de prévoir les conséquences de l'annulation d'une mise en examen par la chambre d'accusation. Il prévoit l'insertion d'un article 174-1 dans le code de procédure pénale, disposant qu'en cas d'annulation d'une mise en examen, la personne est considérée comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs , jusqu'à l'issue de l'information. Naturellement, cette disposition ne s'appliquerait pas si la personne demandait elle-même à être mise en examen. Le juge d'instruction pourrait procéder à une nouvelle mise en examen si les conditions prévues par l'article 80-1 du code de procédure pénale étaient réunies.

L'Assemblée nationale a décidé, dans le cadre des dispositions relatives à la réforme de la procédure criminelle, qui figurent aux articles 21 octies et suivants du projet, de qualifier la chambre d'accusation de chambre d'appel de l'instruction. Elle n'a cependant pas prévu l'application de ce changement de nom dans le projet de loi lui-même. Votre commission vous soumet un amendement tendant à réparer cet oubli. Pour des raisons qui seront expliquées à l'article 21 decies A, elle vous propose que la chambre d'accusation devienne la chambre de l'instruction .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

SECTION 3 bis
Dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus

En première lecture, le Sénat a adopté plusieurs amendements destinés à mettre l'accent sur une question alors totalement absente des réflexions du Gouvernement, à savoir la situation des élus locaux et singulièrement des maires, de plus en plus souvent mis en cause pour des faits non intentionnels. Le Sénat a adopté plusieurs dispositions tendant en particulier à prévoir la saisine d'un tribunal administratif en cas de plainte contre un élu local, afin de déterminer le caractère détachable ou non de la faute reprochée à l'élu.

Le débat ouvert par le Sénat a permis à chacun et en particulier au Gouvernement de prendre enfin conscience de l'importance de cette question. En octobre dernier, notre excellent collègue, M. Pierre Fauchon, a déposé une proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, qui a été adoptée par le Sénat le 27 janvier et doit être discutée prochainement par l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale a supprimé l'ensemble des dispositions concernant la situation des élus locaux que le Sénat avait inscrites dans le projet de loi. La rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a estimé que " l'ensemble de ces dispositions n'avaient qu'un lointain rapport avec l'objet du texte ".

Votre commission ne partage par cette appréciation. En effet, la présomption d'innocence a vocation à s'appliquer à tous. Or, les élus locaux, de même que d'autres décideurs publics sont parfois mis en cause à la suite d'accidents qu'ils n'avaient aucun moyen d'éviter.

Le problème de la responsabilité pour des faits non intentionnels faisant désormais l'objet d'un texte spécifique en cours de discussion par les assemblées, votre commission ne propose pas de rétablir des dispositions concernant les élus locaux dans le présent projet de loi.

Articles 5 ter et 5 quater
(art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
art. L. 2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28
du code général des collectivités territoriales)
Saisine d'un tribunal administratif en cas de mise en cause pénale
d'un élu local ou d'un fonctionnaire

L'article 5 quater du projet de loi, introduit dans le texte par le Sénat au cours de la première lecture à l'initiative de notre excellent collègue M. Alain Vasselle, tendait à modifier le code général des collectivités territoriales pour prévoir, en cas de mise en cause d'un maire, d'un président de conseil général ou d'un président de conseil régional, la saisine, par le procureur de la République, du Conseil d'Etat, afin qu'il désigne un tribunal administratif appelé à déterminer si l'élu a commis une faute détachable de l'exercice de ses fonctions. Si le tribunal concluait à l'existence d'une faute détachable, l'élu pourrait être mis en cause pénalement dans les conditions de droit commun. Dans le cas contraire, le tribunal administratif serait seul compétent pour connaître de la faute commise.

L'article 5 ter, également inséré dans le projet de loi à l'initiative de M. Alain Vasselle, tendait à appliquer ce dispositif aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public et aux anciens fonctionnaires. L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, en rappelant que le Sénat avait adopté une proposition de loi destinée à résoudre le problème posé sans pour autant créer un régime spécifique de responsabilité pour les élus.

De fait, le Sénat a adopté, le 27 janvier dernier, la proposition de loi de notre collègue, M. Pierre Fauchon, qui vise à mieux préciser la définition des délits non intentionnels. Actuellement, une personne peut être mise en cause pour homicide ou blessures involontaires à la suite de la moindre imprudence ou négligence. La proposition adoptée par le Sénat prévoit que la responsabilité pénale peut être engagée pour la moindre imprudence lorsque le lien entre la faute et le dommage est direct, mais que, lorsque le lien entre la faute et le dommage n'est qu'indirect, la responsabilité pénale d'une personne physique ne peut être engagée qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence.

Compte tenu de la discussion en cours de cette proposition de loi, qui pourrait apporter une solution aux difficultés rencontrées par les élus locaux mis en cause pénalement pour des faits non intentionnels, votre commission vous propose de maintenir la suppression de ces articles.

Article 5 quinquies
(art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)
Protection accordée aux maires agissant
en qualité d'agents de l'Etat

Cet article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au cours de la première lecture à l'initiative de notre excellent collègue M. Michel Charasse, tend à compléter l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires.

Actuellement, en cas de poursuite d'un agent public devant la juridiction judiciaire, lorsqu'il n'y a pas de faute personnelle détachable de la fonction exercée et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit couvrir les amendes prononcées. Elle doit, de plus, protéger les agents publics contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer le préjudice subi.

La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.

Enfin, la collectivité est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé.

A l'initiative de notre excellent collègue, M. Michel Charasse, le Sénat a décidé, lors de la première lecture du projet de loi, de prévoir l'obligation pour l'Etat d'accorder aux maires une protection identique à celle prévue pour les fonctionnaires lorsqu'ils agissent en qualité d'agents de l'Etat. Cet amendement a été adopté avec l'accord du Gouvernement.

L'Assemblée nationale a décidé de supprimer cet article. De fait, il paraît avoir davantage sa place dans la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Celle-ci contient d'ores et déjà les dispositions relatives à la protection des élus locaux par leurs collectivités respectives. Par ailleurs, il semble que la jurisprudence admette d'ores et déjà que les élus locaux sont des agents publics auxquels la collectivité doit une protection au titre de l'article 11 du statut des fonctionnaires 2( * ) .

En conséquence, votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

SECTION 4
Dispositions relatives au témoin
et au témoin assisté


Article 6 bis
(art. 109 du code de procédure pénale,
art. 434-15-1 nouveau du code pénal)
Sanction du refus de comparaître des témoins

En première lecture, le Sénat, sur proposition des membres du groupe socialiste et apparentés, a décidé de supprimer la possibilité pour le juge d'instruction de prononcer lui-même une amende contre les témoins refusant de comparaître devant lui. Il a en conséquence prévu l'insertion dans le code pénal d'un délit de non-comparution de témoin passible de 25.000 F d'amende.

L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif. A la réflexion, votre commission estime qu'il n'est pas sain que le juge d'instruction condamne lui-même les témoins qui refuseraient de comparaître.

Votre commission propose en conséquence, par un amendement de rétablir cet article, afin que le refus de comparaître d'un témoin soit sanctionné par le tribunal plutôt que par un juge d'instruction, nécessairement partial à l'égard dudit témoin.

Votre commission vous soumet cet article ainsi modifié .

Article 7
(art. 113-1 à 113-8 nouveaux du code de procédure pénale)
Témoin assisté

Rappelons qu'actuellement le régime du témoin assisté peut être accordé aux personnes faisant l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile et aux personnes nommément visées par un réquisitoire du procureur de la République . Dans le premier cas, elles bénéficient de tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Dans le second cas, elle bénéficient du droit d'avoir un avocat ayant accès au dossier.

Le présent article tend à prévoir un véritable statut de témoin assisté et à faciliter le recours à cette procédure. La mission d'information de votre commission des Lois sur la présomption d'innocence avait formulé cette proposition dès 1995 3( * ) .

Le texte initial proposé par le Gouvernement prévoyait un régime assez timide en ce qui concerne le champ d'application du statut de témoin assisté.

• Le texte proposé pour les articles 113-1 et 113-2 nouveaux du code de procédure pénale prévoyait que les personnes visées par un réquisitoire ne pourraient qu'être entendues comme témoins assistés ou mises en examen, conformément au droit actuel. Le texte prévoyait également que les personnes visées par une plainte avec constitution de partie civile pourraient être entendues comme témoin assisté et bénéficieraient obligatoirement de ce régime si elles en faisaient la demande. Enfin, le projet de loi initial prévoyait qu'une personne nommément visée par une plainte ou une dénonciation, non mise en examen, pourrait également être entendue comme témoin assisté, sur décision du juge d'instruction.

En première lecture, le Sénat a complété ce dispositif. Il a en effet proposé que le statut de témoin assisté puisse être accordé à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime au cours de l'instruction ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction . Il a en outre souhaité que le statut de témoin assisté soit automatiquement reconnu à ces personnes si elles en faisaient la demande.

Examinant le projet de loi en deuxième lecture, l'Assemblée nationale, qui n'avait pas modifié cette partie du texte en première lecture, a tenté de concilier le projet de loi initial et les propositions du Sénat. Le texte qu'elle a adopté prévoit qu'une personne nommément visée par une plainte ou mise en cause par la victime pourra être entendue comme témoin assisté et le sera obligatoirement à sa demande. Par ailleurs, une personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer à la commission d'infractions, pourrait être entendue comme témoin assisté, mais ne le serait pas obligatoirement à sa demande.

De fait, il paraît difficile de permettre à toute personne prétendant qu'il existe des indices contre elle dans une affaire de bénéficier des droits du témoin assisté, et notamment d'avoir accès au dossier.

Dans ces conditions, l'équilibre issu des travaux de l'Assemblée nationale paraît pouvoir être retenu.

•  Le texte proposé pour l' article 113-3 nouveau du code de procédure pénale prévoyait, dans le projet de loi initial, que le témoin assisté bénéficiait de tous les droits reconnus à la personne mise en examen. En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue M. Robert Badinter, a souhaité, pour que les statuts de témoin assisté et de mis en examen soient bien distingués , que les droits du témoin assisté soit limités au droit d'être assisté par un avocat et à l'accès au dossier.

Cette proposition a été entendue par l'Assemblée nationale, qui a accepté que les droits du témoin assisté ne soient pas identiques à ceux de la personne mise en examen tout en souhaitant que le témoin assisté ait non seulement le droit d'être assisté par un avocat ayant accès au dossier de la procédure, mais également le droit de demander à être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause. Cette demande pourrait être refusée par le juge d'instruction. L'équilibre atteint en ce qui concerne les droits du témoin assisté paraît satisfaisant.

Votre commission vous soumet un amendement pour prévoir que le témoin assisté pourra choisir un avocat ou demander qu'il lui en soit commis un d'office.

•  Le texte proposé pour les articles 113-4 et 113-5 nouveaux du code de procédure pénale concerne le déroulement de la première audition du témoin assisté et prévoit que le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire ou en détention. Ces dispositions ont été approuvées par les deux assemblées.

•  Le texte proposé pour l' article 113-6 nouveau du code de procédure pénale prévoyait, dans le projet de loi initial, que les dispositions de l'article 105 du code de procédure pénale, qui prévoit qu'une personne contre laquelle existent des indices graves et concordants d'avoir commis une infraction ne peut être entendue comme témoin, ne s'appliquaient pas au témoin assisté. Sur proposition de notre collègue M. Robert Badinter, le Sénat a supprimé cette disposition.

Au cours du débat, notre collègue avait notamment avancé les arguments suivants : " (...) il est un principe fondamental de la procédure pénale qui veut que, lorsque se trouvent réunis contre une personne des indices graves et concordants, le juge d'instruction doit l'inculper ou, selon la nouvelle terminologie, le mettre en examen.

" Il s'agit précisément de faire en sorte que cette personne bénéficie de tous les droits de la défense. C'est pourquoi on a toujours considéré que devaient être frappés de nullité les actes de procédure pris à l'encontre d'un justiciable qui, au lieu d'être mis en examen comme il aurait dû l'être, a continué à être traité en simple témoin.

" Dans la mesure où nous voulons que le témoin assisté n'ait droit qu'à l'assistance d'un avocat et à la connaissance du dossier (...) il n'est pas possible au juge d'instruction, même si cela l'arrange, de laisser dans la situation de témoin assisté celui contre lequel il existe des charges suffisamment graves pour qu'il soit mis en examen et accède ainsi à la totalité des droits de la défense (...) ".

L'application de l'article 105 du code de procédure pénale au témoin assisté est une question difficile. Obliger le magistrat instructeur à mettre en examen un témoin assisté dès qu'il existe des indices graves et concordants contre lui risque d'empêcher l'utilisation du statut de témoin assisté et de conduire le juge à procéder le plus tôt possible à la mise en examen, malgré les dispositions du projet de loi en cette matière.

A l'inverse, si l'on permet au juge d'instruction de continuer à entendre comme témoin assisté une personne contre laquelle il existe des charges importantes, cette personne ne bénéficiera pas de l'ensemble des droits reconnus à la personne mise en examen, ce qui pourrait l'empêcher d'assurer sa défense dans de bonnes conditions.


Le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale, qui a accepté cette solution, qu'un témoin assisté puisse conserver ce statut même lorsqu'il existe contre lui des indices graves et concordants tout en prévoyant que ce témoin pourra le demander à tout moment de la procédure, lors de son audition ou par lettre recommandée. Dans un tel cas, la personne serait considérée comme mise en examen dès sa demande ou l'envoi de la lettre recommandée.

L'équilibre atteint avec cette rédaction paraît concilier la nécessité d'encourager le juge d'instruction à utiliser le statut de témoin assisté et la préservation indispensable des droits de la défense. Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.

•  Le texte proposé pour l' article 113-7 nouveau du code de procédure pénale prévoit que le témoin assisté ne prête pas serment. Il n'a pas été modifié au cours de la discussion parlementaire.

•  Le texte proposé pour l' article 113-8 nouveau du code de procédure pénale prévoyait, dans le projet de loi initial, que le juge d'instruction pourrait, à tout moment, mettre en examen le témoin assisté dans les conditions prévues par l'article 80-1 du code de procédure pénale, notamment par lettre recommandée. Pour tenir compte des modifications apportées au régime de la mise en examen, l'Assemblée nationale a modifié le texte proposé pour cet article. Il prévoit désormais que le juge, lorsqu'il envisage de mettre en examen un témoin assisté doit, au préalable, informer la personne de son intention, le cas échéant par lettre recommandée, et la mettre en mesure de faire connaître ses observations au cours d'un interrogatoire de première comparution. Le juge pourrait également procéder à la mise en examen en adressant à la personne, en même temps que l'avis de fin d'information, une lettre recommandée précisant les faits reprochés et leur qualification juridique. La personne serait informée que, si elle demandait à être à nouveau entendue par le juge, celui-ci serait tenu de procéder à son interrogatoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 8 bis
(art. 652 du code de procédure pénale)
Membres du Gouvernement entendus comme témoins

Dans sa rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure pénale prévoit que le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du conseil des ministres sur le rapport du garde des sceaux.

L'Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a décidé que cette disposition ne s'appliquerait pas aux membres du Gouvernement entendus comme témoin assisté.

Cet amendement mérite d'être approuvé. Il convient en effet de distinguer deux situations très différentes. Bien souvent, des ministres sont cités comme témoins devant un tribunal pour des affaires qui ne les concernent pas directement, la juridiction souhaitant les entendre au titre des fonctions qu'ils exercent. Dans de tels cas, il est parfaitement normal que le Conseil des ministres donne son accord, pour éviter que des ministres soient continuellement appelés à témoigner dans des procédures judiciaires.

En revanche, dans certaines situations, la demande d'audition peut porter sur une affaire concernant directement le ministre en tant que personne. Dans un tel cas, actuellement, le ministre ne peut être entendu comme témoin sans l'accord du Conseil des ministres, mais il peut parfaitement être mis en examen sans que le juge d'instruction ait besoin d'un quelconque accord. Il serait donc utile que les membres du Gouvernement puissent bénéficier, comme les autres citoyens, des droits du témoin assisté sans que le Conseil des ministres soit appelé à donner son autorisation. Faute d'une telle disposition, les magistrats instructeurs recourront de manière prématurée à la mise en examen.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 9 ter A
(art. 429 du code de procédure pénale)
Contenu des procès-verbaux d'interrogatoire

Au cours de la première lecture, le Sénat a inséré dans le projet de loi, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Charasse, un article 21 septies modifiant l'article 419 du code de procédure pénale pour prévoir que tout procès-verbal d'interrogatoire doit comporter les questions auxquelles il est répondu .

L'Assemblée nationale a, à juste titre, supprimé l'article 21 septies pour introduire cette disposition parmi les articles du projet de loi relatifs aux droits des parties. Elle a proposé que les procès-verbaux d'interrogatoire ne comportent les questions auxquelles il est répondu que lorsque les parties ou leurs avocats en font la demande.

Votre commission estime préférable que, dans tous les cas et à tous les stades de la procédure, les procès-verbaux comportent les questions auxquelles il est répondu. Elle vous soumet donc un amendement en ce sens.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 9 ter
(art. 500-1 nouveau du code de procédure pénale)
Appel en matière correctionnelle

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue M. Pierre Fauchon, a adopté un amendement modifiant l'article 498 du code de procédure pénale pour porter de dix jours à un mois le délai d'appel en matière correctionnelle . Notre collègue avait notamment exposé que le délai de dix jours ne laissait guère la place à la réflexion et que les parties faisaient souvent appel à titre conservatoire, enclenchant ainsi une mécanique impossible à arrêter par la suite, le parquet faisant souvent un appel incident.

Les députés ont estimé que la disposition adoptée par le Sénat risquait d'accroître l'incertitude juridique des parties. Sur proposition de la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, ils ont inséré un article 500-1 dans le code de procédure pénale pour faciliter le désistement . Ainsi, le désistement par le prévenu ou la partie civile de son appel principal dans le délai d'un mois à compter de l'appel entraînerait la caducité des appels incidents , y compris celui du ministère public. Le texte prévoit également que le ministère public peut toujours se désister de son appel formé après celui du prévenu en cas de désistement de celui-ci.

La solution proposée par l'Assemblée nationale paraissant répondre aux objectifs poursuivis par le Sénat en première lecture, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 9 quater
(art. 513 du code de procédure pénale)
Ordre des interventions lors de l'audience d'appel

L'article 460 du code de procédure pénale définit l'ordre des interventions devant le tribunal correctionnel. Il prévoit que la partie civile est d'abord entendue, que le ministère public prend ses réquisitions, que le prévenu et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense ; la partie civile et le ministère public peuvent alors répliquer, le prévenu ou son avocat ayant toujours la parole en dernier.

Devant la chambre des appels correctionnels, l'ordre des interventions est différent : les parties appelantes interviennent d'abord, puis les parties intimées, dans l'ordre fixé par le président, le prévenu ou son avocat reprenant toujours la parole en dernier.

En première lecture, le Sénat a adopté, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, un amendement modifiant l'ordre des interventions devant la chambre des appels correctionnels. Notre collègue avait fait valoir que le prévenu faisant appel intervenait le premier, de sorte qu'il était rare qu'il reprenne la parole après le ministère public et la partie civile. Le Sénat a donc modifié l'article 513 du code de procédure pénale pour prévoir que l'ordre des interventions devant la chambre des appels correctionnels est le même que devant le tribunal correctionnel, l'appelant ou son représentant devant au préalable sommairement indiquer les motifs de son appel.

Cette modification a été approuvée par l'Assemblée nationale. Celle-ci a complété cet article par un nouveau paragraphe (paragraphe I) qui modifie lui aussi l'article 513 pour prévoir que les témoins à décharge cités par le prévenu peuvent être entendus par la chambre des appels correctionnels. Le ministère public pourrait s'opposer à ces auditions dans le cas où ces témoins auraient déjà été entendus par le tribunal correctionnel. La cour devrait trancher avant tout débat au fond. Actuellement, l'article 513 prévoit seulement que les témoins ne sont entendus que si la cour a ordonné leur audition. Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des Lois, a fait valoir qu'il s'agissait " de permettre à la défense de présenter les mêmes moyens de défense en appel qu'en première instance ".

Votre commission approuve cette modification. Elle vous soumet toutefois un amendement , tendant à supprimer la référence aux témoins " à décharge ". Elle estime que les témoins ne peuvent être qualifiés ainsi dans notre procédure.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 9 quinquies
(art. 652 du code de procédure pénale)
Ministres entendus comme témoin

Dans sa rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure pénale prévoit que les membres du Gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du conseil des ministres. Au cours de la première lecture, sur proposition de notre collègue M. Michel Charasse, le Sénat a profondément modifié cet article pour prévoir que les membres et anciens membres du Gouvernement ne pourraient plus comparaître comme témoins que sur des faits détachables de leurs fonctions, sauf dans les cas de procédures ouvertes devant la cour de justice de la République.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, tout en prévoyant à l'article 8 bis que les membres du Gouvernement pourront être entendus comme témoins assistés sans autorisation du conseil des ministres. Au cours du débat devant le Sénat, Mme le garde des sceaux a rappelé que la cour de justice n'était compétente que pour les actes commis par les ministres et non, par exemple, pour les faits commis par leurs collaborateurs. Elle en a déduit que l'amendement interdirait toute audition d'un ministre en qualité de témoin sur le comportement de ses collaborateurs.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 9 sexies
(art. 665 du code de procédure pénale)
Renvoi d'une juridiction à une autre

Cet article, introduit par le Sénat en première lecture sur proposition de notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, tendait à modifier les dispositions de l'article 665 du code de procédure pénale relatives au renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Actuellement, le renvoi peut être ordonné par la chambre criminelle de la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, de sa propre initiative ou à la demande des parties. L'amendement adopté par le Sénat permettait aux parties de saisir elles-mêmes la chambre criminelle de la Cour de cassation.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Devant le Sénat, Mme le garde des sceaux avait souligné que le renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice a " pour finalité la justice elle-même, la manière dont elle est rendue, et donc sa crédibilité et la confiance que les citoyens ont en elle ". Il s'agit d'un cas de renvoi très différent du renvoi pour suspicion légitime qui, lui, peut être demandé par les parties. La bonne administration de la justice, contrairement à la suspicion légitime, ne paraît pas devoir relever de l'appréciation des parties. En outre, la modification du système actuel pourrait conduire à une multiplication des saisines de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ce qui ne manquerait pas de nuire à la bonne administration de la justice.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 9 septies
(art. 679 à 686 du code de procédure pénale,
art. L. 341-3 du code forestier)
Délocalisation de certaines affaires

Cet article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la première lecture à l'initiative de notre excellent collègue M. Michel Charasse, tendait à rétablir les articles 679 à 686 du code de procédure pénale, abrogés en 1993, qui prévoyaient l' obligation de saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation pour qu'elle désigne la juridiction d'instruction et de jugement lorsque certaines personnes étaient pénalement mises en cause. Ces dispositions concernaient notamment les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, les préfets, les magistrats, pour tous les crimes et délits commis dans l'exercice des fonctions ou hors de l'exercice des fonctions. Elles concernaient également les maires, adjoints ou présidents de communautés urbaines pour les crimes et délits commis dans l'exercice des fonctions. Le Sénat, lors de la première lecture du présent projet de loi, a prévu l'application de ces dispositions aux présidents de conseils généraux et de conseils régionaux.

Les articles 679 à 686 du code de procédure pénale ne prévoyaient pas seulement le renvoi d'une juridiction à une autre pour certaines personnes, mais instauraient une procédure d'instruction particulière confiée à une chambre d'accusation.

L'Assemblée nationale a supprimé cet article.

En pratique, ces dispositions complexes ont entraîné, avant leur abrogation, de nombreuses annulations de procédure et peuvent difficilement être rétablies en l'état. Pour autant, votre rapporteur s'élève contre le qualificatif de " privilèges de juridictions " attribué à ces dispositions. Il ne s'agissait en rien d'un privilège de juridiction. Ces dispositions devaient permettre d'éviter que des notables soient jugés par la juridiction de leur lieu de résidence.

Une telle précaution n'avait pas vocation à protéger ces notables, mais à éviter que leur position soit prise en considération, que ce soit en leur faveur ou en leur défaveur.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

SECTION 6
Dispositions assurant l'exercice des droits
de la défense par les avocats


Article 9 octies
(art. 56-1 du code de procédure pénale)
Perquisitions dans les cabinets d'avocat

En première lecture, le Sénat a adopté, à la suite de propositions émanant de nos excellents collègues MM. Robert Badinter et Hubert Haenel, un amendement modifiant l'article 97 du code de procédure pénale pour préciser les conditions des perquisitions dans les cabinets d'avocat. Logiquement, l'Assemblée nationale a déplacé cette disposition en créant une nouvelle section dans le projet de loi, relative à l'exercice des droits de la défense par les avocats.

L'Assemblée nationale a en outre préféré modifier l'article 56-1 du code de procédure pénale, relatif aux perquisitions dans les cabinets d'avocats et dans les cabinets de médecins, de notaires, d'avoués ou d'huissiers, plutôt que l'article 97, qui concerne les perquisitions en général. Le texte adopté par l'Assemblée nationale est, pour le reste, très proche de celui proposé par le Sénat et s'inspire des propositions formulées dans ce domaine par un groupe de travail présidé par M. Guy Canivet, alors premier président de la cour d'appel de Paris sur les conditions de la perquisition dans les cabinets d'avocats.

Les conditions de perquisition dans les cabinets d'avocats et l'étendue du secret professionnel de l'avocat ont en effet donné lieu à de nombreux débats. Rappelons que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d'avocats, modifié en 1997, précise actuellement : " en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ".

Toutefois, la Cour de cassation estime que le juge d'instruction tient de l'article 97 du code de procédure pénale le pouvoir de saisir des documents couverts par le secret professionnel. Elle a récemment considéré qu' " il résulte des articles 97 et 99 du code de procédure pénale et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que le juge d'instruction peut s'opposer à la restitution de documents saisis dans le cabinet d'un avocat et couverts par le secret professionnel, dès lors que leur maintien sous la main de la justice en vue de déterminer l'existence d'infractions pénales est nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'il ne porte pas atteinte aux droits de la défense " 4( * ) .

En revanche, la Cour de cassation considère que les documents couverts par le secret professionnel sont insaisissables dès lors qu'ils concernent les droits de la défense.

Il paraissait donc utile de préciser les conditions dans lesquelles se déroulent les perquisitions ainsi que les règles applicables pour la saisie de documents.

Le texte proposé prévoit tout d'abord que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué . Ces dispositions résultent déjà du droit actuel. Le nouveau texte précise que seuls le magistrat et le bâtonnier ont le droit de prendre connaissance des documents découverts préalablement à leur saisie éventuelle.

Surtout, le bâtonnier ou son délégué pourrait s'opposer à la saisie d'un document si celle-ci lui paraissait irrégulière. Dans un tel cas, le document devrait être placé sous scellé fermé. Ces opérations feraient l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier. Le procès-verbal et le document placé sous scellé devraient être transmis au président du tribunal de grande instance ou au magistrat le remplaçant.

Dans les cinq jours, le président du tribunal devrait statuer sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible d'appel. Pour ce faire, il entendrait le magistrat ayant procédé à la perquisition, le procureur de la République, l'avocat au cabinet duquel a eu lieu la perquisition, enfin le bâtonnier ou son représentant.

Le président du tribunal pourrait ordonner, s'il estimait qu'il n'y avait pas lieu à saisir le document, sa restitution immédiate ainsi que la destruction du procès-verbal et la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurait dans le dossier.

Au contraire, s'il estimait que la saisie était justifiée, le président pourrait ordonner le versement du scellé et du procès-verbal au dossier. Le texte proposé dans cet article prévoit in fine que les dispositions relatives aux perquisitions dans les cabinets de médecins, d'avoués, de notaires et d'huissiers sont insérées dans un article 56-3 nouveau du code de procédure pénale. Enfin, l'article 96 du code de procédure pénale, spécifiquement relatif aux perquisitions effectuées par le juge d'instruction, serait complété pour prévoir que les nouvelles dispositions de l'article 56-1 seraient applicables à ces perquisitions.

Ces dispositions, très proches du texte voté par le Sénat en première lecture, clarifient donc les règles applicables et méritent d'être approuvées.

Votre commission, qui souhaite l'émergence d'un véritable juge des libertés, qui ne serait pas simplement chargé du contentieux de la détention provisoire, vous soumet un amendement visant à confier à ce juge ce contentieux. L'Assemblée nationale a prévu cette possibilité, mais seulement à titre facultatif et par délégation du président du tribunal. Votre commission vous propose de franchir un pas supplémentaire dans la mise en oeuvre d'un juge des libertés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 9 nonies
(art. 139-1 nouveau du code de procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats

Lors de la première lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale a, dans l'article 31 ter du projet de loi, modifié l'article 138 du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire pour préciser que seul le conseil de l'ordre des avocats est habilité à statuer en ce qui concerne l'interdiction pour un avocat d'exercer sa profession.

Actuellement, l'article 138 précise simplement que " le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue (...) ". La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, estimé que cette disposition ne retirait pas au juge d'instruction le pouvoir d'interdire à un avocat d'exercer sa profession. L'Assemblée nationale a donc souhaité qu'il soit clairement précisé que le juge d'instruction ne pouvait en aucun cas interdire à un avocat d'exercer sa profession.

Le Sénat a adopté cette disposition, tout en la déplaçant à l'article 33 bis, afin qu'elle ne figure pas dans le chapitre du projet de loi relatif aux victimes.

L'Assemblée nationale a une nouvelle fois modifié l'emplacement de cette disposition, pour la faire figurer dans une nouvelle section relative à l'exercice des droits de la défense par les avocats. Surtout, elle a, sur proposition du Gouvernement, profondément modifié cette disposition à la suite d'un long débat.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a contesté en ces termes la solution consistant à retirer purement et simplement au juge d'instruction le droit d'interdire à un avocat d'exercer sa profession dans le cadre d'un contrôle judiciaire :

" Même si la profession d'avocat justifie des garanties particulières pour éviter de porter atteinte aux droits de la défense, une telle règle est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Un ordre professionnel, aussi estimable qu'il puisse être, ne peut pas se substituer à l'autorité judiciaire en matière pénale.

" Cette solution présente également de graves effets pervers en risquant d'inciter les autorités judiciaires à placer un avocat en détention provisoire, si cette détention paraît la seule solution possible pour éviter le renouvellement d'une infraction, du moins tant qu'une interdiction d'exercer n'aura pas été prononcée par le conseil de l'ordre ".

L'Assemblée nationale a alors accepté un amendement insérant dans le code de procédure pénale un article 139-1 prévoyant que, lorsque le juge d'instruction prononce une interdiction d'exercer sa profession à l'encontre d'un avocat dans le cadre d'un contrôle judiciaire, l'avocat peut, dans le jour suivant cette décision, la contester devant le président du tribunal de grande instance, qui se verrait transmettre le dossier de la procédure. La contestation suspendrait l'exécution de l'interdiction d'exercice.

Dans les cinq jours, le président statuerait par ordonnance motivée non susceptible d'appel après avoir entendu, au cours d'un débat contradictoire, les observations du procureur de la République et de l'avocat. Le bâtonnier de l'ordre pourrait présenter des observations devant le président.

Ce recours devant le président du tribunal n'empêcherait en rien que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise par le juge d'instruction fasse elle-même l'objet d'un recours devant la chambre d'accusation, qui suspendrait elle aussi l'exécution de l'interdiction d'exercice.

Ainsi, la décision du juge d'instruction pourrait être annulée par le président du tribunal, sans que cette décision soit susceptible de recours. En l'absence d'une telle annulation, la décision pourrait également être remise en cause par la chambre d'accusation statuant sur l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire.

Votre commission estime que le système retenu en première lecture par l'Assemblée nationale et accepté par le Sénat était plus simple, puisqu'il confiait au Conseil de l'ordre des avocats le soin de prendre la décision, celle-ci étant susceptible d'appel devant la Cour d'appel. Elle vous propose, par un amendement , de revenir à ce mécanisme accepté par les deux assemblées en première lecture. Afin d'éviter tout risque de blocage, elle vous propose que le Conseil de l'Ordre statue dans les quinze jours.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES JUDICIAIRES
EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE

SECTION I A
Dispositions générales

Article 10 A
(art. 137 du code de procédure pénale)
Détention provisoire

L'article 137 du code de procédure pénale énonce la possibilité de mettre en détention provisoire certaines personnes, tout en affirmant le caractère exceptionnel de cette mesure. Il prévoit, en effet, que les personnes mises en examen restent libres, sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumises au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placées en détention provisoire.

L'article 10 A, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la première lecture, tend à réinscrire l'article 137 pour préciser que la personne mise en examen est présumée innocente.

En première lecture, le Sénat a supprimé cette disposition considérant que ce rappel n'apportait rien au droit existant. Dans un souci de conciliation, votre commission vous propose de ne pas supprimer une nouvelle fois cette disposition, dont l'intérêt paraît pourtant singulièrement limité.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 10 B
(art. L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire)
Suppression de l'obligation de présence d'au moins
un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance

L'article L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire dispose qu'il y a dans chaque tribunal de grande instance un ou plusieurs juges d'instruction.

L'Assemblée nationale a décidé, lors de la première lecture, de supprimer cette disposition. La rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, avait notamment fait valoir que le regroupement des juges d'instruction faciliterait une rationalisation de la carte judiciaire.

Le Sénat a supprimé l'article adopté par l'Assemblée nationale et celle-ci l'a rétabli en deuxième lecture.

Votre commission n'est pas hostile au regroupement des juges d'instruction et à l'idée qu'il n'y ait pas dans chaque tribunal de grande instance un juge d'instruction. Elle constate simplement que l'instrument choisi par l'Assemblée nationale pour opérer cette réforme est inopérant.

Il ne suffit pas en effet de supprimer l'obligation qu'il y ait un juge d'instruction dans chaque tribunal pour que le regroupement des juges d'instruction puisse être opéré.

Ainsi, actuellement, il n'existe pas de tribunal pour enfants dans tous les tribunaux de grande instance. Le code de l'organisation judiciaire prévoit donc que " le siège et le ressort des tribunaux pour enfants sont fixés par voie réglementaire ". De la même manière, il conviendrait, pour les juges d'instruction, de prévoir qu'un décret détermine la liste des tribunaux où sont présents un ou plusieurs juges d'instruction.

Par ailleurs, il conviendrait de préciser si, lorsqu'une affaire est du ressort d'un tribunal où il n'y a pas de juge d'instruction, la saisine du juge d'instruction d'un autre tribunal est faite par le procureur du lieu de l'infraction ou par le procureur du tribunal où sont présents des juges d'instruction.

Aucune de ces questions n'a été abordée lors des débats à l'Assemblée nationale. Votre commission persiste à penser que le présent article ne peut avoir aucun effet pratique s'il n'est pas accompagné de mesures de coordination permettant sa mise en oeuvre.

Dans ces conditions, elle vous propose à nouveau la disjonction de cet article.

SECTION I
Dispositions relatives au juge chargé de la détention provisoire

Cette section a pour objet de créer un juge de la détention provisoire distinct du juge d'instruction. En première lecture, le Sénat s'est opposé à ce qu'un juge soit qualifié de juge de la détention provisoire, rappelant que l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Il a décidé de ne pas nommer ce magistrat. L'Assemblée nationale est revenue à l'appellation de juge de la détention provisoire, tout en proposant que ce magistrat puisse se voir confier de nombreuses prérogatives n'ayant aucun lien avec la détention provisoire.

Votre commission vous propose, suivant la logique de l'Assemblée nationale, d'étendre les attributions de ce magistrat en lui confiant les prérogatives actuellement exercées par le président du tribunal de grande instance en matière de libertés. Elle estime qu'un tel accroissement de ses attributions permet désormais de faire de ce magistrat un véritable juge des libertés et propose, par un amendement , de lui donner cette appellation dans l'intitulé de la présente section.

Article 10
(art. 137-1 à 137-5 nouveaux du code de procédure pénale)
Création d'un juge de la détention provisoire

Cet article tend à créer un juge de la détention provisoire chargé de contentieux de la détention provisoire.

•  Le texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure prévoit que ce juge doit avoir rang de président, de premier vice-président ou de vice-président et qu'il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu. Il serait saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction . Votre commission vous soumet un amendement tendant à modifier la dénomination du juge de la détention provisoire pour en faire un juge des libertés.

En première lecture, le Sénat a souhaité que le juge de la détention provisoire statue dans tous les cas à l'issue d'un débat contradictoire, alors que le texte initial ne prévoyait le débat contradictoire que lorsque le juge de la détention envisageait le placement en détention ou la prolongation de cette détention.

L'Assemblée nationale s'est opposée à cette modification, la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, observant que le débat contradictoire n'avait guère d'intérêt en cas de décision favorable à la personne mise en examen. A la réflexion, votre commission vous propose d'accepter que le débat contradictoire n'ait lieu que lorsque le juge envisage le placement en détention. Actuellement, le juge d'instruction n'organise pas de débat contradictoire lorsqu'il n'envisage pas de placer la personne en détention.

Votre commission vous soumet un amendement de cohérence rédactionnelle.

•  Le texte proposé pour l' article 137-2 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction conserve le droit d'ordonner un contrôle judiciaire. Le juge de la détention provisoire pourrait lui aussi prononcer un contrôle judiciaire s'il opposait au placement en détention provisoire.

•  Le texte initial proposé pour l' article 137-3 du code de procédure pénale prévoyait que le juge de la détention provisoire n'était pas tenu de statuer par une ordonnance lorsqu'il ne décidait ni le placement en détention ou la prolongation de celle-ci, ni la prescription d'une mesure de contrôle judiciaire. Au contraire, d'autres articles du projet de loi prévoyaient que le juge de la détention devait statuer par ordonnance motivée en cas de placement en détention ou de prolongation de la détention.

En première lecture, le Sénat a souhaité que le juge statue toujours par ordonnance motivée . Il a en effet considéré que cette motivation serait utile à la personne, même en l'absence de décision de placement en détention, dans le cas d'un appel du parquet.

L'Assemblée nationale s'est opposée à cette proposition du Sénat, les députés considérant que la liberté ne se motive pas. Elle a cependant modifié le texte proposé pour l'article 137-3, afin d'en clarifier les termes. Il prévoit désormais que le juge statue par une ordonnance spécialement motivée lorsqu'il ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu'il regrette une demande de mise en liberté. Cette ordonnance devrait comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère suffisant des obligations du contrôle judiciaire ainsi que le motif de la détention pour référence aux articles 143-1 et 144 du code de procédure pénale, qui définissent les critères permettant le placement en détention provisoire.

En revanche, le juge de la détention provisoire statuerait par une ordonnance non motivée, dans les cas où il refuserait d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire. Votre commission persiste à penser qu'il est préférable que l'ordonnance soit motivée dans tous les cas, même s'il est normal de prévoir une motivation plus conséquente en cas de décision de placement en détention provisoire. Elle vous soumet donc un amendement pour rétablir le principe de la motivation des ordonnances refusant d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 10 bis AA
(art. 52-1 nouveau du code de procédure pénale)
Exercice des pouvoirs du président par le juge de la détention

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 52-1, afin de prévoir la possibilité pour le président du tribunal de grande instance de déléguer au juge de la détention provisoire, lorsqu'il n'exerce pas lui-même cette fonction, tous ses pouvoirs en matière de libertés. Cette délégation concernerait :

- le contrôle des perquisitions dans les cabinets d'avocat (art. 56-1 du code de procédure pénale) ;

- le contrôle de l'interdiction faite à un avocat d'exercer sa profession (art. 139-1 nouveau du code de procédure pénale) ;

- le placement en détention provisoire en matière de comparution immédiate (art. 396 du code de procédure pénale) ;

- la prolongation des gardes à vue en matière de terrorisme (art. 706-23 du code de procédure pénale) ;

- l'autorisation des perquisitions en matière de terrorisme (art. 706-24 du code de procédure pénale) ;

- l'autorisation des perquisitions en matière de trafic de stupéfiants (art. 706-28 du code de procédure pénale) ;

- la prolongation des gardes à vue en matière de trafic de stupéfiants (art. 706-29 du code de procédure pénale) ;

- l'autorisation des perquisitions fiscales (art. L. 16 B du livre des procédures fiscales) ;

- l'autorisation des perquisitions en matière de douane (art. 64 du code des douanes) ;

- la prolongation des rétentions d'étrangers (art. 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) ;

- la prolongation du maintien d'étrangers en zone d'attente (art. 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) ;

- l'autorisation des perquisitions en matière de concurrence (art. 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1 er décembre 1986) ;

- la contestation d'une hospitalisation sans le consentement de la personne concernée (art. L. 351 du code de la santé publique).

Ainsi, l'Assemblée nationale a souhaité étendre les prérogatives du juge de la détention provisoire. Paradoxalement, elle n'a pas pour autant changé son nom, même si le présent article fait référence au " magistrat désigné en application de l'article 137-1 ", dénomination qu'avait choisie le Sénat en première lecture.

Votre commission vous propose d'aller plus loin dans la logique poursuivie par l'Assemblée nationale. Elle estime souhaitable que le juge des libertés se voie effectivement confier les prérogatives du président du tribunal en matière de libertés, sans que cela ne demeure qu'une possibilité. Cette extension ne concernerait cependant pas la question du contrôle judiciaire des avocats, votre commission ayant décidé qu'il devait revenir au Conseil de l'Ordre de statuer sur cette question.

Dans les petits tribunaux, le président du tribunal exercera lui-même les fonctions de juge des libertés et la situation actuelle ne sera pas modifiée. Dans les autres cas, le nouveau juge chargé du contentieux de la détention provisoire sera le mieux à même de statuer également sur d'autres contentieux mettant en jeu les libertés, tels que certaines perquisitions ou prolongations de garde à vue. Il paraît tout à fait souhaitable qu'un magistrat de haut rang se spécialise dans ces questions de libertés au sein des tribunaux.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à transférer au nouveau juge l'ensemble des pouvoirs du président du tribunal, ce qui justifie pleinement que ce juge soit désormais qualifié de juge des libertés . Cette proposition a notamment été formulée devant votre commission par Mme Mireille Delmas-Marty, responsable en 1988-1990 de la commission " Justice pénale et droits de l'homme ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 10 bis A
(art. 81 et 138 du code de procédure pénale)
Organismes participant au respect des obligations
du contrôle judiciaire

Dans sa rédaction actuelle, l'article 138 du code de procédure pénale prévoit, parmi les obligations qui peuvent être imposées à une personne dans le cadre d'un contrôle judiciaire :

- l'obligation de se présenter aux services ou autorités désignés par le juge d'instruction ;

- l'obligation de répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction et de se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue, M. Michel Dreyfus-Schmidt, a proposé de compléter les références aux services ou autorités visés à l'article 138 du code de procédure pénale par des références aux associations habilitées.

D'ores et déjà, de nombreuses associations participent au contrôle du respect des obligations du contrôle judiciaire et il était normal de codifier cette pratique.

L'Assemblée nationale a accepté cette modification. Elle a complété cet article par une modification de l'article 81 du code de procédure pénale. Celui-ci prévoit notamment que le juge d'instruction peut commettre le comité de probation et d'assistance aux libérés, le service compétent de l'éducation surveillée ou toute personne habilitée à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et social d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres favoriser l'insertion sociale de cette personne.

L'Assemblée nationale a souhaité que les associations habilitées soient mentionnées dans la liste des personnes ou organes qui peuvent être commis pour vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à remplacer, dans l'article 81 du code de procédure pénale, la référence à l'éducation surveillée par une référence à la protection judiciaire de la jeunesse et la référence au comité de probation et d'assistance aux libérés par une référence au service pénitentiaire d'insertion et de probation. L'Assemblée nationale avait inséré ces dispositions dans d'autres articles, qui pourront ainsi être supprimés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 10 bis B
(art. 81 du code de procédure pénale)
Protection judiciaire de la jeunesse

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à remplacer dans l'article 81 du code de procédure pénale la référence à l'éducation surveillée par une référence à la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit d'une actualisation tout à fait bienvenue.

Votre commission ayant décidé d'opérer cette modification à l'article 10 bis A, elle vous propose, par coordination, la suppression de cet article.

Article 10 bis
(art. 138, 142, 142-2 et 142-3 du code de procédure pénale
Cautionnement

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant les règles du cautionnement que le juge d'instruction peut imposer à une personne de fournir dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

Cet amendement prévoyait notamment que la personne pourrait s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, qui permet à un contribuable contestant le bien-fondé du montant des impositions mises à sa charge de demander à être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions. Ce sursis ne peut lui être refusé s'il a constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement, telles que les hypothèques, les garanties bancaires...

Le Sénat, soulignant les incertitudes qui entouraient le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, a supprimé cette disposition.

L'Assemblée a, en deuxième lecture, souhaité modifier le régime du cautionnement sans toutefois faire référence au livre des procédures fiscales.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 138 du code de procédure pénale, qui prévoit actuellement que le montant du cautionnement est fixé en tenant compte notamment des ressources de la personne. L'Assemblée nationale a souhaité que cet article fasse également référence aux charges de la personne.

•  Le deuxième paragraphe tend à supprimer dans l'article 138 du code de procédure pénale, la mention selon laquelle la constitution de sûretés, qui peut être exigée d'une personne sous contrôle judiciaire est destinée à garantir les droits des victimes. En fait, il s'agit simplement de transférer cette précision à l'article 142 du code de procédure pénale.

•  Le troisième paragraphe tend précisément à modifier l'article 142 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, celui-ci prévoit la destination du cautionnement lorsque celui-ci est exigé d'une personne sous contrôle judiciaire. Le cautionnement est notamment destiné à garantir la représentation de la personne, le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction, le paiement des amendes. Cet article serait modifié pour prévoir que les sûretés , qui peuvent être exigées de la personne placée sous contrôle judiciaire, pourraient avoir le même usage que le cautionnement .

L'objectif est clairement d'inciter le juge d'instruction à utiliser plus fréquemment la possibilité d'exiger de la personne la constitution de sûretés, de préférence à la fourniture d'un cautionnement, qui peut avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques.

•  Les paragraphes IV, V, VI et VII de cet article tendent à apporter des coordinations dans les articles 142, 142-2 et 142-3 du code de procédure pénale pour appliquer aux sûretés les mêmes règles qu'au cautionnement. Dès lors que des sûretés peuvent garantir notamment la représentation de la personne, il convient en effet de prévoir la levée de la première partie de ces sûretés lorsque la personne a satisfait à toutes les obligations du contrôle judiciaire, comme cela est prévu pour la première partie du cautionnement. A l'inverse, il convient également de prévoir que, si la personne ne satisfait pas à ses obligations, il est procédé au recouvrement de la créance garantie par la première partie des sûretés.

De la même manière, le paragraphe VII tend à prévoir le sort de la deuxième partie des sûretés, selon que la personne a été condamnée ou non et selon que les sûretés excèdent ou non les sommes nécessaires à l'indemnisation de la victime et au paiement des amendes.

Le dispositif proposé apparaît beaucoup plus satisfaisant que celui que l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture. Il devrait en effet permettre d'éviter des situations dramatiques dans lesquelles une personne est par exemple obligée de vendre son logement pour satisfaire à l'obligation de fournir un cautionnement imposée dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 10 ter
(art. 145 du code de procédure pénale)
Procédure avant la décision en matière
de détention provisoire

En première lecture, le Sénat a eu un débat approfondi à propos de la nécessité éventuelle qu'un débat contradictoire soit systématiquement organisé devant le juge appelé à connaître de la détention provisoire. Le Sénat a finalement souhaité qu'un tel débat ait lieu dans tous les cas.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial, qui ne prévoyait l'organisation d'un débat contradictoire que lorsque le juge envisageait le placement en détention provisoire. Elle a toutefois, dans le présent article, modifié l'article 145 du code de procédure pénale pour préciser de manière très claire le déroulement de la procédure.

Ainsi, le juge de la détention devrait, dans tous les cas, faire comparaître devant lui la personne mise en examen, assistée de son avocat si celui-ci a été désigné.

Le juge, après avoir pris connaissance des éléments du dossier et entendu, s'il l'estime utile, les observations de la personne lui ferait connaître s'il envisage ou non de la placer en détention provisoire :

- dans le premier cas, le juge devrait informer la personne que la décision ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat contradictoire et qu'elle a le droit de demander un délai pour préparer sa défense ;

- dans le second cas, le juge pourrait ordonner le placement sous surveillance judiciaire de la personne et devrait lui faire déclarer son adresse conformément aux dispositions de l'article 116 du code de procédure pénale relatif à l'interrogatoire de première comparution.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 12
(art. 146 du code de procédure pénale)
Conséquence d'une requalification en matière
de détention provisoire

Cet article tend à modifier l'article 146 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que, lorsqu'il apparaît au cours d'une information, que la qualification criminelle ne peut pas être retenue, le juge d'instruction peut ordonner le maintien de la personne en détention ou ordonner sa mise en liberté. Le présent article tend simplement à prendre en compte la création d'un juge chargé de la détention provisoire en prévoyant que le juge d'instruction doit saisir ce juge s'il souhaite le maintien de la personne en détention lorsque la qualification criminelle ne peut être retenue.

Cet article n'est encore en navette que pour la dénomination du juge responsable de la détention provisoire.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 13
(art. 147 du code de procédure pénale)
Mise en liberté d'office ou sur demande du procureur

Comme le précédent, cet article n'est soumis au Sénat en deuxième lecture que parce que les assemblées ne sont pas encore parvenues à un accord sur la dénomination du nouveau juge créé par le projet de loi.

Cet article tend à modifier l'article 147 du code de procédure pénale relatif aux conditions dans lesquelles une personne mise en détention provisoire peut être mise en liberté. Il prévoit que, lorsque le procureur requiert la mise en liberté, le juge d'instruction peut faire droit à la demande ou transmettre, dans les cinq jours, le dossier, assorti de son avis motivé, au juge de la détention provisoire, ce dernier devant statuer dans un délai de trois jours ouvrables.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
(art. 148 du code de procédure pénale)
Demande de mise en liberté par la personne ou son avocat

Comme les précédents, cet article tend à tirer les conséquences de la création d'un juge chargé de la détention provisoire et n'a été modifié, au cours de la navette, qu'en ce qui concerne le nom du nouveau juge.

Il s'agit de prévoir que les demandes de mise en liberté, aujourd'hui adressées au juge d'instruction qui statue, continueraient à lui être transmises, mais que celui-ci ne pourrait que faire droit à la demande ou la transmettre, avec son avis motivé au juge de la détention provisoire, qui statuerait dans les trois jours.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

SECTION 2
Dispositions limitant les conditions ou
la durée de la détention provisoire


Article 15
(art. 143-1 nouveau, 144 et 144-1-A nouveau du code de procédure pénale)
Conditions de la détention provisoire

Cet article très important du projet de loi concerne les seuils de peine encourue à partir desquels la détention provisoire est possible, ainsi que les motifs susceptibles de justifier la détention provisoire.

Actuellement, en vertu de l'article 144 du code de procédure pénale, la détention est possible lorsque la personne encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle égale ou supérieure à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant, à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas .

L'article 144 prévoit également les motifs susceptibles de justifier le placement en détention provisoire. Il s'agit des nécessités de l'instruction, de la nécessité de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement, enfin de la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant qu'a causé l'infraction à l'ordre public.

L'article 15 prévoit d'inscrire dans deux articles différents les conditions de mise en détention liées aux seuils de peine et les motifs de détention.

•  Le texte proposé pour l' article 143-1 du code de procédure pénale prévoyait, dans le projet de loi initial, non modifié par l'Assemblée nationale, un système de seuils de peine très complexe, qui ne modifiait qu'à la marge le droit actuel.

Ainsi, la détention aurait été possible lorsqu'une peine de trois ans d'emprisonnement aurait été encourue, compte tenu de l'aggravation de la peine encourue en cas de récidive. Mais la détention aurait été possible dès lors qu'une peine de deux ans d'emprisonnement avait été encourue pour des infractions contre les personnes ou contre l'Etat, la Nation et la paix publique. Enfin, la détention aurait également été possible en cas de peine encourue de deux années d'emprisonnement pour une atteinte contre les biens, mais seulement si la personne avait déjà été condamnée.

Votre commission a estimé à la fois trop timorées et trop complexes ces dispositions. Le Sénat a décidé que la détention provisoire ne serait plus possible qu'en cas de peine encourue égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement. Mme le garde des sceaux s'est alors clairement opposée à cette modification.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé, cette fois avec l'accord de Mme le garde des sceaux, d'accepter que la détention provisoire ne soit possible que lorsqu'est encourue une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement
.

L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin en ce qui concerne les infractions contre les biens. Elle a prévu que la détention provisoire ne serait plus possible lorsque la peine encourue serait inférieure à cinq ans pour un délit prévu au livre III du code pénal, relatif aux atteintes aux biens. Ainsi, les délits contre les biens, punis de trois ans d'emprisonnement, en particulier le vol simple, ne pourraient plus justifier le placement en détention provisoire.

En revanche, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer tous les seuils pour les personnes poursuivies alors qu'elles ont déjà été condamnées à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an. Une telle disposition constitue un retour en arrière par rapport au droit actuel.

Ne serait-il pas singulier de permettre la mise en détention provisoire d'une personne qui encourrait une simple amende correctionnelle, sous prétexte qu'elle a déjà été condamnée auparavant ? Votre commission n'estime pas possible de retenir une telle disposition, dont elle propose, par un amendement , la suppression.

En revanche, votre commission propose, par un amendement , que le nouveau seuil de cinq ans instauré pour les délits contre les biens ne soit pas applicable quand la personne a déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an. Dans un tel cas, s'appliquera le seuil général de trois ans . Le tableau suivant résume la différence entre le droit actuel, la position de l'Assemblée nationale en deuxième lecture et la proposition de votre commission.

Tableau des seuils de peine d'emprisonnement
permettant le placement en détention provisoire

 


Droit actuel

Texte adopté par le Sénat
en première lecture

Texte adopté par l'Assemblée nationale


Proposition de
la commission

Régime général

2 ans minimum

3 ans minimum

3 ans minimum

3 ans minimum

Régimes spéciaux

1 an en cas de flagrance

 

- 5 ans en cas de délit figurant au livre III du code pénal (atteintes aux biens)

- n'importe quelle peine, y compris une peine d'amende lorsque la personne a déjà été condamnée à une peine d' emprisonnement supérieure à un an

- 5 ans en cas de délits figurant au livre III du code pénal, sauf si la personne a déjà été condamnée à une peine d' emprisonnement supérieure à un an

•  Le texte proposé pour l' article 144 du code de procédure pénale tend à réécrire les dispositions actuelles de cet article relatives aux motifs de placement en détention provisoire, sans les modifier.

Toutefois, le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi initial, que le trouble à l'ordre public ne puisse plus justifier, à lui seul, la prolongation de la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. L'Assemblée nationale, en première lecture, a souhaité que le motif d'ordre public ne puisse plus justifier la prolongation de la détention provisoire qu'en matière criminelle. Le Sénat a alors décidé de rétablir le texte initial du Gouvernement, mais l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Votre commission, consciente que le critère du trouble à l'ordre public est parfois utilisé de manière abusive, propose néanmoins par un amendement , de revenir au texte initial du projet de loi, considérant qu'il peut exister des cas, même en matière correctionnelle, dans lesquels ce motif peut justifier un placement en détention et une prolongation de celle-ci. Le recours à un juge différent de celui qui instruit le dossier devrait permettre d'éviter les abus.

•  Le texte proposé pour l' article 144-1 A du code de procédure pénale a été introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative de la rapporteuse de la commission des lois, Mme Christine Lazerges et de M. Alain Touret. Il tend à interdire, sauf en matière criminelle, en cas de poursuites relatives aux infractions commises envers les enfants et en cas de violation des obligations du contrôle judiciaire, le placement en détention provisoire des pères et mères d'enfants de moins de dix ans , ayant chez le parent concerné leur résidence habituelle et à l'égard desquels ce parent exerce l'autorité parentale. Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que le juge des enfants peut s'opposer à cette mesure.

L'objectif poursuivi par cette disposition ne peut qu'être approuvé. Trop souvent, la détention provisoire a des conséquences dramatiques sur la structure familiale, et notamment pour les jeunes enfants.

Pour autant, l'adoption d'un tel article suscite de nombreuses difficultés. L'intervention du juge des enfants est prévue sans que les conditions de cette intervention soient définies. Le texte précise simplement qu'il peut s'opposer à la " mesure ". Qu'adviendrait-il si le juge des enfants s'opposait à la mesure ? La personne devrait-elle être obligatoirement placée en détention provisoire ou bien la procédure normale s'appliquerait-elle ? La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale donne le sentiment que le juge des enfants pourrait s'opposer au placement en détention provisoire, alors qu'il semble que l'intention des députés soit de permettre au juge des enfants de s'opposer à l'interdiction de toute détention provisoire pour les parents de jeunes enfants.

De manière plus générale, il ne paraît pas possible d'opérer une distinction entre les prévenus selon leur situation de famille, même dans un souci légitime de protection de l'enfance.

Votre commission veut croire que la création d'un juge chargé de la détention provisoire, le relèvement des seuils permettant le placement en détention provisoire, les modifications apportées aux règles du cautionnement en matière de contrôle judiciaire permettront d'éviter dans bien des cas que des enfants soient les premières victimes du recours à la détention provisoire. Elle considère en outre que la possibilité prévue par le projet de loi d'exécution de la détention provisoire sous le régime du placement sous surveillance électronique pourrait constituer un moyen utile d'éviter la rupture des liens familiaux. Elle vous soumet donc un amendement de suppression de cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 16
(art. 145-1 du code de procédure pénale)
Durée de la détention provisoire en matière correctionnelle

Cet article concerne les durées maximales de détention provisoire en matière correctionnelle.

•  Le droit actuel

Actuellement, la durée de la détention provisoire ne peut excéder :

- six mois lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas déjà été condamnée pour crime ou pour délit à une peine d'emprisonnement supérieure à un an avec sursis ;

- un an lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement et que la personne a déjà été condamnée pour crime ou délit à une peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;

- deux ans lorsque la peine encourue est comprise entre cinq ans et dix ans d'emprisonnement ;

- une durée raisonnable lorsque la peine encourue est égale à dix d'emprisonnement.

•  Le projet de loi

Le projet de loi initial prévoyait de maintenir les durées de détention provisoire actuelles tout en limitant les cas ou la durée de détention ne comporte aucune limite.

L'Assemblée nationale, en première lecture, a procédé à une réécriture complète de l'article 145-1 du code de procédure pénale. Elle a prévu que la détention ne pourrait excéder :

- quatre mois lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement ;

- un an lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement ;

- deux ans lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans et qu'une commission rogatoire internationale est délivrée par le juge d'instruction ;

- une durée raisonnable lorsque la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement et que la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou infractions commises en bande organisée.

En première lecture, le Sénat a accepté les durées proposées par l'Assemblée nationale. Il s'est toutefois opposé à la possibilité de faire dépendre la durée de détention de la délivrance d'une commission rogatoire internationale. Il a prévu que la durée maximale d'un an de détention pourrait être prolongée à titre exceptionnel par la chambre d'accusation et non plus par le juge de la détention provisoire, pendant une durée maximale d'un an.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ses propositions initiales. Elle a en effet prévu que la détention ne pourrait excéder :

- quatre mois lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an ;

- un an dans les autres cas ;

- deux ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis à l'étranger ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, associations de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement.

La durée de la détention provisoire ne pourrait donc en aucun cas dépasser deux ans en matière correctionnelle.

Votre commission accepte que la durée de la détention puisse être accrue lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis à l'étranger. Ce critère lui paraît en effet plus objectif que celui de la délivrance d'une commission rogatoire internationale par le juge d'instruction .

En revanche, elle persiste à penser que pour certaines infractions graves et complexes, la durée de détention provisoire proposée par l'Assemblée nationale pourrait, dans certaines circonstances, être insuffisante. Elle propose donc, par un amendement , qu'un allongement de la durée maximale de détention soit possible lorsque la personne encourt dix ans d'emprisonnement et qu'elle est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée. Elle propose que, pour ces infractions, la prolongation de la détention au-delà de deux ans ne puisse être autorisée qu'à titre exceptionnel par la chambre d'accusation pour une durée de six mois, la prolongation pouvant être renouvelée une fois.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 17
(art. 145-2 du code de procédure pénale)
Durée de la détention provisoire en matière criminelle

Dans sa rédaction actuelle, l'article 145-2 du code de procédure pénale prévoit une durée maximale de détention provisoire d'un an en matière criminelle. Cette durée peut être prolongée pour une durée de six mois, sans que le nombre de prolongations soit limité.

Le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi initial, d'instaurer des délais butoirs à la détention provisoire en matière criminelle. Le texte prévoyait que la durée de détention ne pourrait excéder :

- deux ans en cas de peine encourue inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans en cas de peine encourue inférieure à trente ans de réclusion ou de détention criminelles.

Aucun butoir n'était prévu en cas de peine encourue supérieure à trente ans d'emprisonnement ou en cas de crimes multiples reprochés à une personne.

En première lecture, l'Assemblée nationale a modifié ce dispositif pour prévoir que la détention ne pourrait excéder :

- deux ans en cas de peine encourue inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans en cas de peine encourue supérieure ou égale à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ainsi que lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale ;

- quatre ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale.

Enfin, l'Assemblée nationale n'avait prévu aucun délai butoir pour les personnes prévenues pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée. De même, elle n'avait prévu aucun délai butoir lorsque plusieurs crimes contre les personnes ou contre l'Etat, la Nation et la paix publique sont reprochés à la personne.

En première lecture, le Sénat a accepté les durées proposées par l'Assemblée nationale tout en refusant de faire dépendre la durée de détention de la délivrance d'une commission rogatoire ou de la multiplicité des crimes. Il a en outre prévu la possibilité que les durées maximales de deux ou trois ans puissent, à titre exceptionnel, être prolongées par la chambre d'accusation pendant une durée maximale d'un an.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ses propositions initiales. Elle a prévu que la durée de détention provisoire ne pourrait excéder :

- deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;

- trois ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ou lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention, mais que l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis à l'étranger ;

- quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal, lorsque la peine encourue est supérieure à vingt ans d'emprisonnement et que l'un des fais constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire nationale, enfin lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour crime commis en bande organisée.

Ainsi , aucune détention provisoire ne pourrait excéder une durée de quatre ans . Votre commission propose d'accepter que la multiplicité des crimes ou la commission hors du territoire national d'un des faits constitutifs de l'infraction puissent justifier un allongement de la durée de détention.

En revanche, elle persiste à penser que, pour quelques infractions graves et complexes, le délai proposé par l'Assemblée nationale peut présenter des inconvénients. Elle propose donc, par un amendement , de prévoir que la détention pourra prolongée, à titre exceptionnel, par la chambre d'accusation, au-delà de quatre ans, en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants, de proxénétisme, d'extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée. La prolongation serait faite pour une durée de six mois et pourrait être renouvelée une fois.

En deuxième lecture, la rapporteuse de la commission des Lois de l'Assemblée nationale a estimé que ce système, déjà proposé de manière plus large par le Sénat en première lecture, était trop complexe. Ce système de prolongation exceptionnelle par la chambre d'accusation est pourtant celui qu'a retenu l'Assemblée nationale en matière de délai d'audiencement des affaires à l'article 21 quinquies.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 17 bis A
(art. 145-5 nouveau du code de procédure pénale)
Consultation de services d'insertion avant toute prolongation
de la durée de la détention provisoire

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 145-5 pour prévoir que le juge d'instruction devra consulter le service pénitentiaire d'insertion ou de probation, les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou un autre organisme habilité à faire des propositions en matière d'insertion avant toute demande de prolongation de la détention provisoire. Ces personnes ou organes devront proposer les mesures socio-éducatives propres à se substituer à la détention de la personne mise en examen, à favoriser sa réinsertion sociale et à prévenir la récidive.

Une telle mesure, destinée à limiter autant qu'il est possible les prolongations de détention, paraît cependant trop contraignante. Le projet de loi contient déjà de nombreuses dispositions destinées à limiter le placement et le maintien en détention provisoire. Il convient de ne pas multiplier les formalités nouvelles.

Surtout, on voit mal, compte tenu des motifs qui peuvent justifier le placement en détention provisoire (risque de disparition des preuves, risque de fuite de la personne, trouble exceptionnel à l'ordre public...) comment des mesures socio-éducatives pourraient se substituer à la détention provisoire.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 17 bis
(art. 207-2 nouveau du code de procédure pénale)
Prolongation exceptionnelle de la durée
de détention par la chambre d'accusation

En première lecture, le Sénat a souhaité que les durées maximales de détention provisoire puissent être prolongées, à titre exceptionnel, par la chambre d'accusation lorsque les investigations du juge d'instruction indispensables à la manifestation de la vérité doivent être impérativement poursuivies et que la mise en liberté de la personne causerait, pour la sécurité des personnes et des biens, un risque d'une particulière gravité. Le texte adopté par le Sénat prévoyait que la prolongation pourrait intervenir pour une durée de quatre mois et que la décision pourrait être renouvelée deux fois.

L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif . La rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a évoqué, à l'appui de cette décision, les risques d'alourdissement de la procédure et d'encombrement des chambres d'accusation.

Votre commission a proposé de rétablir ce dispositif, tout en limitant sa portée, dans les articles 16 et 17 du projet de loi, de telle sorte que le présent article n'a plus d'objet.

Votre commission vous propose en conséquence de maintenir la suppression de cet article.

Article 18 bis A
(art. 144-2 nouveau du code de procédure pénale)
Placement sous surveillance électronique

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture à l'initiative de la rapporteuse de la commission des lois Mme Christine Lazerges, et de M. Jacques Floch et Mme Frédérique Bredin, tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 144-2, pour prévoir que la détention provisoire peut être effectuée, sur décision du juge de la détention provisoire, avec l'accord de l'intéressé, sous le régime de placement sous surveillance électronique.

Votre commission ne peut que se réjouir de l'intérêt aujourd'hui porté au placement sous surveillance électronique. Le Sénat, et en particulier notre excellent collègue, M. Guy-Pierre Cabanel, est en effet à l'origine de la loi du 19 décembre 1997, qui permet l'utilisation du placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des courtes peines ou des fins de peine d'emprisonnement.

Cette loi a été adoptée il y a plus de deux ans et n'a toujours pas reçu le moindre début d'application, même à titre expérimental. Votre commission ne peut donc que renouveler son appel au Gouvernement, afin qu'il mette rapidement en oeuvre les dispositions de cette loi, susceptible de faciliter la réinsertion sociale des condamnés.


En ce qui concerne l'application du placement sous surveillance électronique en matière de détention provisoire, la décision prise par l'Assemblée nationale mérite d'être examinée de près.

En 1995, dans son rapport au Premier ministre sur la prévention de la récidive 5( * ) , notre collège, M. Guy Cabanel, tout en proposant l'utilisation du placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution de certaines peines, avait émis des réserves en ce qui concerne l'usage de ce dispositif en matière de détention provisoire. Il avait notamment formulé les remarques suivantes :

" La transposition d'un tel dispositif en France risquerait néanmoins de se révéler d'une portée limitée dans la mesure où les critères de placement en détention provisoire demeureraient inchangés.

" Il est en effet difficilement concevable que le recours à la surveillance électronique soit appliqué à une personne dont le maintien en liberté, même surveillée, est de nature à nuire à l'ordre public, à conduire à une disparition des preuves ou à constituer une menace pour les témoins, les victimes ou pour la personne mise en examen elle-même.

" En outre, dans la mesure où une période d'assignation à domicile s'imputerait sur la peine prononcée, les juges risqueraient de se montrer réticents à appliquer ce dispositif. En effet, la personne mise en examen pourrait chercher à faire durer l'application de cette mesure, et donc l'instruction elle-même. "

Ces différentes raisons avaient conduit notre collègue à ne pas proposer l'utilisation du placement sous surveillance électronique en matière de détention provisoire.

A l'Assemblée nationale, Mme le garde des sceaux, tout en acceptant la mesure proposée, a exprimé la crainte que le placement sous surveillance électronique devienne une alternative au contrôle judiciaire plutôt qu'une alternative à l'emprisonnement.

Votre commission vous soumet un amendement destiné à mieux montrer encore que le placement sous surveillance électronique ne peut être qu'une modalité d'exécution de la détention provisoire et en aucun cas un substitut au contrôle judiciaire. Elle propose en outre que la personne puisse demander elle-même à exécuter sa détention provisoire sous le régime de placement sous surveillance électronique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 18 ter
(art. 187-1 et 194 du code de procédure pénale)
Référé-liberté

En première lecture, sur proposition de notre excellent collègue, M. Pierre Fauchon, le Sénat a décidé de remplacer le mécanisme du référé-liberté par un système d'appel à très bref délai devant la chambre d'accusation.

Actuellement, l'article 187-1 du code de procédure pénale prévoit qu'en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peuvent, lorsque l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre d'accusation d'examiner immédiatement l'appel. Le président de la chambre d'accusation doit statuer le troisième jour ouvrable suivant la demande. Lorsque le président de la chambre d'accusation infirme l'ordonnance du juge d'instruction, la personne est remise en liberté et la chambre d'accusation dessaisie. Dans le cas contraire, la chambre d'accusation doit statuer dans les quinze jours suivant l'appel, conformément à l'article 194 du code de procédure pénale.

Le Sénat, constatant que la procédure de référé-liberté était peu utilisée et qu'elle n'aboutissait que rarement à des remises en liberté, a proposé de remplacer ce système par un appel à très bref délai devant la chambre d'accusation, contraignant celle-ci à se prononcer dans les quatre jours de l'appel lorsque celui-ci intervient le jour même de la décision de placement en détention. L'avantage de ce système serait de permettre l'intervention d'une collégialité avant le placement en détention provisoire. En effet, le Sénat a prévu que la personne serait, dans l'attente de la décision, incarcérée, sans que cette incarcération soit un placement en détention provisoire.

L'Assemblée nationale s'est opposée au système proposé par le Sénat. Les députés ont remplacé ce dispositif par deux dispositions nouvelles. En premier lieu, dans le cadre d'une procédure de référé-liberté, le président de la chambre d'accusation pourrait ordonner la comparution de la personne au cours de l'audience de cabinet qu'il est tenu d'organiser. Une telle mesure paraît bienvenue, mais il faut craindre qu'elle ne soit guère utilisée, le président devant statuer au plus tard le troisième jour suivant l'appel.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a décidé d'abaisser de quinze jours à dix jours le délai dans lequel une chambre d'accusation doit se prononcer sur les ordonnances de placement en détention provisoire.

Votre commission persiste à penser qu'un appel à très bref délai des décisions de placement en détention, et non des décisions de prolongation, peut permettre un réel progrès dans le contrôle de la détention provisoire.

Tout en acceptant la proposition de l'Assemblée nationale abaissant de quinze à dix jours le délai donné à la chambre d'accusation pour statuer, elle propose à nouveau, par un amendement , qu'un appel interjeté le jour même du placement en détention doive être examiné dans les quatre jours ouvrables par la chambre d'accusation.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 18 quater
(art. 219 du code de procédure pénale)
Pouvoirs propres du président de la chambre d'accusation

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, à l'initiative du Gouvernement, tend à modifier l'article 219 du code de procédure pénale, relatif aux pouvoirs propres du président de la chambre d'accusation, pour supprimer la possibilité pour le président de la chambre d'accusation de déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un premier vice-président du tribunal de grande instance désigné par le président de ce tribunal.

Devant l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a expliqué qu'il s'agissait " de renforcer le contrôle de l'instruction par la chambre d'accusation et par son président (...) ".

De fait, compte tenu du rôle de la chambre d'accusation en matière de contrôle de l'instruction, il ne paraît pas souhaitable que les pouvoirs du président de la chambre d'accusation puissent être délégués à un magistrat du tribunal de grande instance.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Articles 18 quinquies et 18 sexies
(art. 397-3 et 397-4 du code de procédure pénale)
Comparution immédiate

Ces deux articles, introduits dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à l'initiative de Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des Lois, tendent à modifier les délais de jugement en matière de comparution immédiate lorsque la personne est en détention provisoire .

Actuellement, le procureur peut traduire sur le champ des prévenus encourant entre un an et sept ans d'emprisonnement devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure de comparution immédiate. Si l'affaire ne paraît pas en état d'être jugée ou si la personne demande un délai, le tribunal peut placer ou maintenir en détention provisoire cette personne. Dans un tel cas, en vertu de l'article 397-3 du code de procédure pénale, le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de la première comparution de la personne. Par ailleurs, l'article 397-4 du code de procédure pénale prévoit que la cour d'appel doit statuer dans les quatre mois de l'appel lorsque la personne est condamnée et maintenue ou placée en détention dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

L'Assemblée nationale, dans l'article 18 quinquies du projet, a abaissé de deux à un mois le délai dans lequel doit intervenir le jugement des personnes placées en détention provisoire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate. Elle a de même abaissé de quatre à deux mois le délai donné à la cour d'appel pour statuer.

Ces mesures paraissent tout à fait bienvenues. En effet, en matière de comparution immédiate, les seuils de peine encourue permettant le placement en détention provisoire seront différents de ceux qui existent lorsqu'une information est ouverte, après l'adoption du projet de loi. Actuellement, la procédure de comparution immédiate, et donc le placement en détention provisoire, est possible lorsque la personne encourt une peine de deux ans d'emprisonnement au moins, ou d'un an d'emprisonnement en cas de flagrant délit.

S'il ne paraît pas souhaitable de modifier ces seuils en matière de comparution immédiate, compte tenu de la nature des affaires soumises au tribunal selon cette procédure et du caractère très rapide de ce mode de jugement, il est souhaitable que la durée de la détention provisoire soit aussi courte que possible. L'abaissement de la durée maximale de détention de deux à un mois est donc une heureuse initiative.

Toutefois, cet amendement pourrait avoir des conséquences préjudiciables dans certaines circonstances. Rappelons que la procédure de comparution immédiate peut être utilisée pour les infractions passibles d'une peine inférieure ou égale à sept ans d'emprisonnement. Or, certaines infractions punies de cinq ans ou de sept ans d'emprisonnement, en particulier des infractions sexuelles, peuvent nécessiter des expertises et, dans un tel cas, le délai d'un mois pour être jugé ne pourra en aucun cas être tenu. Votre commission vous propose donc, par un amendement , que le nouveau délai d'un mois pour juger une personne en comparution immédiate ne soit applicable que lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 18 septies
(art. 716 du code de procédure pénale)
Emprisonnement individuel des prévenus

En première lecture, l'Assemblée nationale a inséré un article 2 G dans le projet de loi modifiant l'article 716 du code de procédure pénale pour prévoir que la distribution intérieure des maisons d'arrêt et leur encombrement temporaire ne pourront plus justifier, comme aujourd'hui, que les prévenus ne soient pas emprisonnés individuellement. L'Assemblée nationale a reporté l'application de cette disposition trois ans après l'entrée en vigueur de la loi.

Le Sénat a accepté cette mesure. Toutefois, à la demande du Gouvernement, il a décidé que cette disposition entrerait en vigueur cinq ans après la publication de la loi. L'Assemblée nationale, tout en modifiant la place de cet article dans le projet, a rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Pourtant, Mme le garde des sceaux a émis de sérieux doutes sur la capacité du Gouvernement à fournir à chaque prévenu une cellule individuelle dans un délai de trois ans : " Comme vous le savez, j'ai engagé un programme de construction de sept nouveaux établissements, que j'ai souhaité concentrer essentiellement sur les maisons d'arrêt. Il permettra compte tenu de la fermeture de places vétustes, de réduire à 12.500 le déficit du nombre de cellules. Ce programme représente 18 % des ouvertures de places et 26 % des fermetures réalisées depuis 1981.

" Pour parvenir à l'encellulement individuel, il faudrait donc 12.500 cellules de plus. Ce qui signifie qu'outre les 5,5 milliards que nous avons engagés pour la construction de sept nouveaux établissements et la rénovation de cinq autres, 10 milliards de francs supplémentaires seraient nécessaires
".

Votre commission espère que le présent projet de loi entraînera une diminution sensible du nombre de prévenus et facilitera donc la réalisation de l'objectif d'emprisonnement individuel des prévenus. Elle estime que l'emprisonnement individuel des prévenus doit absolument être réalisé à brève échéance. Rappelons que l'encellulement individuel a été proposé par une commission d'enquête parlementaire présidée par le vicomte d'Haussonville en...1873. Il est désormais temps que cette règle soit enfin appliquée.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 18 octies
(art. 716-4 du code de procédure pénale)
Imputation de la détention provisoire sur la peine

L'article 716-4 du code de procédure pénale prévoit notamment qu'en cas de détention provisoire, cette détention est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée ou de la durée totale de la peine à subir après confusion.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à compléter l'article 716-4 pour prévoir qu'en cas d'annulation d'une procédure, la détention provisoire ordonnée dans le cadre de cette procédure s'impute sur la peine éventuellement prononcée. Actuellement, on considère que l'annulation de la procédure fait disparaître la détention provisoire, même si une personne est par la suite condamnée pour les mêmes faits, de sorte que la détention provisoire ne s'impute pas sur la peine prononcée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

SECTION 3
Dispositions relatives à l'indemnisation
des détentions provisoires


Article 19
(art. 149 à 149-2 du code de procédure pénale)
Indemnisation des détentions provisoires

Cet article tend à améliorer les conditions d'indemnisation des détentions provisoires injustifiées. Actuellement, l'indemnisation est facultative, la décision rendue par la commission compétente n'est pas motivée et n'est susceptible d'aucun recours.

• Le premier paragraphe de cet article tend à modifier l'article 149 du code de procédure pénale.

En première lecture, l'Assemblée nationale a rendu l'indemnisation obligatoire, tout en définissant certaines exceptions. Elle a ainsi prévu que l'indemnisation serait impossible si la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement résultait de la reconnaissance de l'irresponsabilité d'une personne atteinte d'un trouble psychique, de la prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a été placée en détention provisoire après s'être librement et volontairement laissée accuser à tort.

Le Sénat a précisé le contenu de ces exceptions, notamment pour prévoir que l'indemnisation n'est pas due lorsque la décision de non-lieu de relaxe ou d'acquittement a pour seul fondement l'irresponsabilité de la personne. En outre, le Sénat a souhaité que l'indemnisation ne soit écartée, lorsqu'une personne s'est librement et volontairement accusée à tort, que si elle a agi en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

L'Assemblée nationale a accepté ces modifications.

•  Le second paragraphe tend à modifier l'article 149-2 du code de procédure pénale, relatif aux conditions dans lesquelles la commission placée auprès de la cour de cassation, compétente en matière d'indemnisation des détentions provisoires, rend ses décisions. Il prévoit que les décisions de cette commission seront désormais motivées, que les débats auront lieu en séance publique, sauf opposition du requérant et que celui-ci sera, s'il le souhaite, entendu personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Charasse, a supprimé ces dispositions, pour transférer la compétence en matière d'indemnisation des détentions provisoires au Conseil d'Etat.

L'Assemblée nationale a rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Votre commission considère que si, jusqu'à présent, les indemnités versées pour détentions provisoires abusives ont été insuffisantes, c'est moins parce que la juridiction judiciaire n'accepte pas de reconnaître ses erreurs, que parce que les conditions d'attribution des indemnités sont définies de manière trop restrictive.

La modification des conditions d'indemnisation prévue par le projet de loi devrait permettre une amélioration sensible de la situation, d'autant plus que l'Assemblée nationale a décidé, lors de la deuxième lecture du projet de loi, de mettre en place un double degré de juridiction, en décentralisant les décisions en matière d'indemnisation des détentions provisoires (voir article suivant).

Votre commission considère donc que le système prévu par le projet de loi est équilibré et que le transfert du contentieux de l'indemnisation à la juridiction administrative ne constituerait pas un progrès évident par rapport à la situation actuelle.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 19 bis A
(art. 149-1 du code de procédure pénale)
Décentralisation des décisions d'indemnisation

• Le premier paragraphe de cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, à l'initiative du Gouvernement, tend à modifier l'article 149-1 du code de procédure pénale, qui prévoit la compétence d'une commission placée auprès de la Cour de cassation en matière d'indemnisation des détentions provisoires et définit sa composition.

Le texte proposé prévoit la compétence du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Cette décentralisation des décisions en matière d'indemnisation des détentions provisoires injustifiées a été souhaitée par la Cour de cassation, notamment parce que le nombre de dossiers en attente tend à augmenter fortement. Elle permettra l'instauration d'un double degré de juridiction dans cette matière, ce qui ne pourra qu'être favorable aux droits des personnes demandant une indemnisation.

•  Les deuxième et troisième paragraphes tendent à opérer des coordinations dans l'article 149-2, relatif aux conditions dans lesquelles statue la commission d'indemnisation.

•  Enfin, le quatrième paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale deux articles, 149-3 et 149-4, relatifs à l'appel des décisions prises en matière d'indemnisation des détentions provisoires injustifiées par le premier président de la cour d'appel. Le texte proposé pour l'article 149-3 nouveau du code de procédure pénale prévoit que l'appel pourra être formé dans les dix jours auprès de la commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires placée auprès de la Cour de cassation.

Les règles relatives à la composition de la commission ne seraient pas modifiées. Elle statuerait dans les mêmes conditions que le premier président de la cour d'appel, c'est-à-dire, sauf exception, en séance publique, et rendrait des décisions motivées.

Le texte proposé pour l'article 149-4 du code de procédure pénale renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition de la procédure devant le premier président de la cour d'appel et la commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires.

•  Le paragraphe V prévoit que la modification des règles de compétence en matière d'indemnisation des détentions provisoires entrera en vigueur six mois après la publication de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 19 bis
Commission de suivi de la détention provisoire

En première lecture, l'Assemblée nationale a prévu la création d'une commission de suivi de la détention provisoire placée auprès du ministre de la justice, qui serait chargée " de réunir les données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger ". La commission serait composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un, professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.

En première lecture, le Sénat a supprimé cet article, en observant que la création d'un organe de ce type ne paraissait pas indispensable et qu'une telle commission pourrait être créée sans recourir à la loi. Il revient en particulier aux assemblées, et notamment à leurs commissions des lois, d'exercer un contrôle sur le système pénitentiaire et notamment sur la question de la détention provisoire. En outre, la Cour de cassation dresse , pour sa part, un bilan annuel des décisions rendues par la commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires.

L'Assemblée nationale a rétabli cet article à l'initiative de la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges.

Votre commission vous propose à nouveau la disjonction de cet article.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT
À ÊTRE JUGÉ DANS UN DÉLAI RAISONNABLE

Article 20
(art. 77-2 et 77-3 nouveaux du code de procédure pénale)
Possibilité d'interroger le procureur
sur la suite donnée à une enquête

Cet article tend à insérer deux articles dans le code de procédure pénale, afin de permettre à une personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance d'interroger le procureur sur la suite donnée à la procédure à l'issue d'un délai de six mois, si elle n'a pas fait l'objet de poursuites.

Le procureur devrait alors soit classer la procédure, soit engager les poursuites ou une mesure alternative aux poursuites, soit saisir le président du tribunal de grande instance s'il estimait que l'enquête devait se poursuivre. Le président du tribunal devrait organiser un débat contradictoire, qui pourrait être public si la personne en faisait la demande et que la publicité n'était pas de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête, à l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le président pourrait ordonner la prolongation de l'enquête pour six mois ou contraindre le procureur soit à classer l'affaire soit à engager des poursuites.

L'Assemblée nationale a souhaité mieux encadrer les conditions dans lesquelles la publicité du débat contradictoire pourra être refusée. Alors que le texte initial prévoyait que la publicité pourrait être refusée si elle était de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête, l'Assemblée nationale a remplacé cette expression par une référence aux " investigations nécessitées par l'enquête ". Elle a en outre supprimé la référence à l'ordre public comme motif permettant de refuser la publicité du débat.

Votre commission, conformément aux décisions prises précédemment, vous propose par un amendement , que le juge des libertés soit chargé d'exercer ce contrôle sur la durée des enquêtes préliminaires. Elle rappelle que le juge ne sera en aucun cas obligé d'organiser un débat public. Un débat public systématique pourrait avoir pour effet d'entraver gravement l'efficacité de la procédure pénale.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 20 bis
(art. 84 du code de procédure pénale)
Demande de dessaisissement du juge d'instruction

L'article 84 du code de procédure pénale prévoit notamment que le dessaisissement du juge d'instruction au profit d'un autre juge d'instruction peut être demandé au président du tribunal, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par requête motivée du procureur de la République, agissant soit spontanément, soit à la demande des parties.

En première lecture, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a décidé de permettre aux parties de saisir directement le président du tribunal de grande instance d'une demande de dessaisissement du juge d'instruction. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, il n'est pas certain que les parties soient les mieux à même d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la justice qui, seule peut justifier, selon cet article, la demande de dessaisissement du juge d'instruction. En outre, permettre aux parties de demander le dessaisissement du juge d'instruction risquerait d'entraîner une multiplication des demandes susceptible de retarder le déroulement des informations.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 21
(art. 89-1, 116, 175-1, 186-1
et 207-1 nouveau du code de procédure pénale)
" Contrat de procédure " et " droit au cri "

Cet article a pour objet de renforcer le caractère prévisible de la durée d'une information judiciaire et de limiter cette durée.

•  Les deux premiers paragraphes tendaient à prévoir l'obligation pour le juge d'instruction d'informer la partie civile et la personne mise en examen, lorsqu'il estime que le délai prévisible de l'achèvement de la procédure est inférieur à un an, qu'elles pourront à l'issue de ce délai, demander la clôture de la procédure. En tout état de cause, la partie civile et la personne mise en examen pourraient formuler cette demande même si le juge estimait le délai d'achèvement de la procédure supérieur à un an. L'Assemblée nationale a modifié en deuxième lecture le dispositif en prévoyant qu'après un délai de douze mois en matière correctionnelle et de dix-huit mois en matière criminelle, la personne pourra demander la transmission du dossier au président de la chambre d'accusation sans que cette transmission puisse être refusée.

Le paragraphe III prévoyait dans sa rédaction initiale, une amélioration des possibilités pour les personnes mises en examen ou parties civiles de demander la clôture de l'information. Dans la rédaction initiale du projet de loi, la clôture de l'information pouvait être demandée au juge d'instruction après un an d'instruction et éventuellement avant dans le cas où le juge avait fixé un délai prévisible d'achèvement de la procédure. La demande pouvait également être formulée en l'absence d'actes d'instruction pendant quatre mois. A défaut de réponse, ou en cas de réponse négative, le texte prévoyait que la personne pouvait saisir le président de la chambre d'accusation. La personne pouvait de nouveau demander la clôture de l'information six mois après la première demande.

En première lecture, le Sénat a accepté ce dispositif tout en prévoyant que la personne formulant une demande de clôture pourrait invoquer dans sa demande la possibilité d'une disjonction. En outre, le Sénat a complété, sur proposition de notre excellent collègue M. Jean-Jacques Hyest, le dispositif proposé pour prévoir qu'en tout état de cause, à l'issue d'une période de deux ans d'instruction, le dossier était nécessairement transmis au président de la chambre d'accusation, qui pourrait alors soit renvoyer le dossier au juge d'instruction, soit le remettre à la chambre d'accusation, afin qu'elle statue sur la suite de la procédure. La chambre d'accusation aurait pu décider le renvoi à la juridiction de jugement.

L'Assemblée nationale a entièrement modifié le dispositif, qu'elle avait pourtant accepté en première lecture. Ainsi, le nouveau texte proposé pour l'article 175-1 ouvre le droit, non seulement à la personne mise en examen et à la partie civile, mais aussi au témoin assisté, de demander après douze mois d'instruction en matière correctionnelle, et dix huit mois en matière criminelle, non pas la clôture de l'information, mais la transmission du dossier au président de la chambre d'accusation . Le juge d'instruction serait tenu de procéder à cette transmission. Le président de la chambre d'accusation pourrait alors autoriser le juge à poursuivre l'information pour six mois. Il pourrait également remettre le dossier au procureur général qui le soumettrait à la chambre d'accusation. Celle-ci pourrait notamment ordonner le renvoi devant la juridiction, ou renvoyer le dossier au même juge d'instruction ou à un autre.

Votre commission considère que le dispositif proposé est trop contraignant. Il entraînera en effet systématiquement la saisine du président de la chambre d'accusation au bout d'un an en matière correctionnelle, ce qui paraît peu souhaitable.

Votre commission estime que le texte qu'elle a adopté en première lecture prévoyant la possibilité d'une demande de clôture au bout d'un an et un renvoi automatique du dossier au président de la chambre d'accusation au bout de deux ans était à la fois contraignant et réaliste. Le Gouvernement a proposé, devant l'Assemblée nationale, un amendement très proche de la rédaction retenue par le Sénat en première lecture.

Votre commission vous propose donc, par un amendement , de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, tout en le complétant par les propositions faites à l'Assemblée nationale par le Gouvernement, qui visent notamment à rappeler, conformément à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en toute matière, la durée de l'instruction ne peut excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 bis A
(art. 425 et 437 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966)
Prescription en matière d'abus de bien social

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre collègue M. Michel Charasse, a adopté un amendement tendant à codifier dans la loi de 1966 sur les sociétés commerciales la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de prescription de l'abus de bien social. La Cour de Cassation fait partir du jour de la constatation des faits dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique le délai de prescription de trois ans prévu en matière délictuelle. L'amendement de M. Michel Charasse avait pour objet d'inscrire ce principe dans la loi.

Devant le Sénat, Mme le Garde des sceaux a déclaré : " Je ne vois pas l'intérêt de consacrer cette jurisprudence, d'autant qu'elle ne se limite pas aux délits d'abus de biens sociaux (...) ".

Singulièrement, devant l'Assemblée nationale, la ministre a approuvé la suppression de cet article en indiquant : " Il n'est absolument pas question pour ce Gouvernement -et j'espère pour cette majorité- de modifier les règles en matière de prescription d'abus de bien social, ici ou ailleurs " .

De même, la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges a fait valoir : " Nous regrettons beaucoup que le Sénat ait désiré, dans ce texte, créer de nouveaux délais de prescription pour l'abus de bien social ".

Votre rapporteur veut croire que seule l'ampleur du projet de loi en discussion a pu susciter un instant d'inattention de la ministre et de la rapporteuse en ce qui concerne le contenu du texte adopté par le Sénat, qui tendait à inscrire mot pour mot dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation.

Votre commission vous propose le maintien de la suppression de cet article.

Article 21 bis B
(art. 432-14 du code pénal)
Délit de favoritisme

En première lecture, le Sénat a adopté un amendement modifiant l'article 432-14 du code pénal, relatif au délit de favoritisme, pour prévoir que les violations des dispositions du code des marchés publics ne peuvent donner lieu qu'à réparations civiles quand elles n'ont pas été commises intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou de leurs bénéficiaires.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, le présent projet de loi ne tend pas à modifier le code pénal, mais le code de procédure pénale et le présent article n'a guère sa place dans le texte.

Néanmoins, le problème soulevé est réel. Dans certaines petites communes, certains élus sont condamnés pour non-respect des règles posées par le code des marchés publics, simplement parce que ces règles sont trop complexes.

Le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics présidé par M. Jean Massot a, lui aussi, proposé de modifier le délit de favoritisme en faisant du non-respect des règles d'attribution des marchés une contravention lorsque sont en cause des marchés peu importants. Il conviendra donc qu'une réflexion complète soit conduite sur ce sujet, la solution passant peut-être par une refonte du code des marchés publics lui-même.

Votre commission vous propose de maintenir la disjonction de cet article.

Article 21 ter
(art. 175-2 nouveau du code de procédure pénale)
Information de la partie civile sur l'avancement de l'instruction

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en première lecture, tend à prévoir que le juge d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de l'instruction. Il a été supprimé par le Sénat en première lecture et rétabli par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Comme en première lecture, votre commission est sceptique quant à l'intérêt de cet article. Cette disposition paraît en effet beaucoup trop générale pour apporter un progrès à la situation actuelle. En outre, l'avocat d'une partie civile a accès au dossier de la procédure à tout moment. L'article 21 du projet de loi permet à la partie civile de demander la clôture de l'information au bout d'une année, ce qui doit lui permettre d'obtenir des informations sur l'état de la procédure. Enfin, il serait singulier de prévoir une information de la partie civile tous les six mois sans prévoir une disposition identique en faveur de la personne mise en examen.

Votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 21 quinquies
(art. 215-2 nouveau du code de procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire soit audiencée en matière criminelle

Cet article, déjà adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, prévoit qu'une personne mise en accusation et placée en détention provisoire doit comparaître devant la Cour d'assises dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu définitif. La chambre d'accusation pourrait prolonger à deux reprises l'ordonnance de prise de corps, de sorte que l'accusé serait remis en liberté s'il ne comparaissait pas devant la Cour d'assises à l'issue d'un délai maximal de deux ans.

L'Assemblée nationale a modifié, par coordination, cet article en remplaçant la référence à l'arrêt de mise en accusation par une référence à la décision de mise en accusation. Il s'agissait de tenir compte des modifications apportées à la procédure d'instruction en matière criminelle dans le cadre de la mise en place d'un appel des décisions de la Cour d'assises.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUDIENCES

Article 21 sexies
(art. L. 311-15-1 nouveau du code de
l'organisation judiciaire)
Audiencement

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'occasion de la première lecture, tend à compléter le code de l'organisation judiciaire pour prévoir que " la composition prévisionnelle des audiences pénales est déterminée par une commission paritaire composée de magistrats du siège et du parquet ". Il s'agissait selon la rapporteuse de la commission des Lois de l'Assemblée nationale de " répondre aux dysfonctionnements constatés " dans les juridictions.

Actuellement, l'article 398 du code de procédure pénale prévoit que le nombre et le jour des audiences correctionnelles sont fixés à la fin de l'année judiciaire pour l'année judiciaire suivante par une ordonnance du président du tribunal de grande instance prise après avis de l'assemblée générale du tribunal. La nature des affaires portées aux audiences est largement déterminée par le parquet.

En première lecture, le Sénat a supprimé cet article, en estimant qu'il n'était pas nécessaire de créer, par voie législative, une commission paritaire afin de développer la concertation entre magistrats du siège et magistrats du parquet. L'Assemblée nationale a néanmoins rétabli cette disposition afin de " favoriser la concertation et le dialogue entre les magistrats ". Votre commission persiste à estimer que la concertation peut être encouragée sans instaurer de nouvelles procédures contraignantes.

Elle vous propose à nouveau la suppression de cet article.

Article 21 septies
(art. 429 du code de procédure pénale)
Mention des questions posées lors
des procès-verbaux d'interrogatoires

En première lecture, sur proposition de M. Michel Charasse, le Sénat a décidé de modifier l'article 429 du code de procédure pénale pour prévoir que le texte des questions posées au cours d'un interrogatoire doit figurer dans le procès-verbal.

L'Assemblée nationale a accepté, tout en l'aménageant, cette disposition, mais l'a inscrite dans la section du projet de loi consacrée aux " dispositions renforçant les droits des parties au cours de l'audience de jugement " (article 9 ter A). Elle a en conséquence supprimé le présent article.

Votre commission vous propose le maintien de cette suppression .

Elle vous propose également la suppression du présent chapitre, les deux articles le composant étant eux-mêmes supprimés.

CHAPITRE III TER
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE CRIMINELLE

L'instauration d'un recours en matière criminelle a été la décision la plus importante prise par le Sénat à propos du présent projet de loi lors de la première lecture . Votre rapporteur, lors de la première lecture, avait en effet estimé que " le législateur peut bien renforcer les droits de la défense à l'instruction, prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de conséquences qu'est l'absence de recours en matière criminelle ".

Votre commission se félicite que le Sénat ait été entendu et suivi sur cette question. L'Assemblée nationale a en effet approuvé la proposition du Sénat d'instaurer un recours contre une décision de cour d'assises devant une autre cour d'assises, s'attachant à en préciser utilement les modalités.

Article 21 octies
(art. 231, 296, 298, 359, 360, 362 du code de procédure pénale)
Composition de la cour d'assises

L'Assemblée nationale, tout en approuvant le principe du recours contre les décisions des cours d'assises a adopté plusieurs articles sur ce sujet.

Le présent article tend pour l'essentiel à différencier de la composition de la cour d'assises statuant en première instance et celle de la cour d'assises statuant en appel.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 231 du code de procédure pénale, qui prévoit que la cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en accusation. Il s'agit de prévoir que la cour d'assises a plénitude de juridiction en premier ressort ou en appel pour juger les personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en accusation.

•  Le deuxième paragraphe tend à modifier l'article 236 du code de procédure pénale, qui fixe à neuf le nombre de jurés et définit les règles de remplacement des jurés.

Le texte proposé prévoit que le jury est composé de sept jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel. Cette modification, que le Sénat n'avait pas proposée en première lecture, a pour objet de répondre à certaines critiques formulées contre le système de renvoi de l'affaire devant une autre cour d'assises composée de la même manière que la précédente. Il paraissait difficile à certains qu'un jury populaire voit sa décision remise en cause par un autre jury populaire comportant le même nombre de personnes.

Par ailleurs, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur à l'égard de la France en 1981, prévoit que " toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ".

•  Le troisième paragraphe tend à modifier l'article 268 du code de procédure pénale, relatif aux récusations de jurés. Actuellement, l'accusé ne peut récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de quatre. Ces règles seraient maintenues en appel où le nombre de jurés serait de neuf comme actuellement. En revanche, le texte prévoit que lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et qu'elle ne comporte donc que sept jurés, l'accusé ne peut en récuser plus de trois et le ministère public plus de deux.

•  Le quatrième paragraphe tend à modifier l'article 359 du code de procédure pénale, relatif aux règles de majorité applicables pour les délibérations de la cour d'assises. Actuellement, les décisions défavorables à l'accusé doivent être prises à la majorité de huit voix sur douze. Cette règle serait maintenue lorsque la cour d'assises statue en appel. En premier ressort, la majorité requise pour prendre une décision défavorable à l'accusé serait de sept voix sur dix.

•  Le cinquième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 360 du code de procédure pénale, qui prévoit que la déclaration de la cour, lorsqu'elle est affirmative, doit constater que la majorité requise a été atteinte.

•  Le sixième paragraphe tend à modifier l'article 362 du code de procédure pénale, qui prévoit notamment les règles de majorité applicables lorsque la cour d'assises statue sur la peine. Le texte prévoit notamment que le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de huit voix sur douze au moins. Cette règle serait conservée lorsque la cour d'assises statue en appel ; en revanche, la majorité nécessaire serait de sept voix sur dix lorsque la cour d'assises statue en premier ressort.

Votre commission, après en avoir longuement délibéré, a décidé d'écarter la fixation d'un nombre de jurés différent en premier ressort et en appel . Certes, cette proposition peut paraître juridiquement plus solide que le maintien du nombre actuel de jurés dans tous les cas. En effet, si une décision d'appel devait être très différente de la décision prise en premier ressort, il paraîtrait souhaitable que la cour d'assises d'appel soit composée de telle manière que sa décision ait une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises de premier ressort.

Cependant, l'abaissement du nombre de jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort aurait pour effet de diminuer le " poids " du jury populaire au sein de la cour d'assises. Votre commission n'a pas souhaité une telle évolution. Elle proposera, dans l'article suivant, que la supériorité de la juridiction d'appel soit obtenue en prévoyant que la cour d'assises d'appel sera nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel.

Votre commission vous propose donc, par un amendement , la suppression des paragraphes II à VI de cet article, relatifs au changement du nombre de jurés.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 21 octies
(art. 244 du code de procédure pénale)
Présidence de la cour d'assises statuant en appel

Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de jurés au sein de la cour d'assises, que celle-ci statue en premier ressort ou en appel, elle vous propose, par un article additionnel, afin de donner à la décision de la cour d'assises statuant en appel une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises appelée à statuer en premier ressort, que la cour d'assises d'appel soit nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel. Actuellement, en effet, aux termes de l'article 244 du code de procédure pénale, la cour d'assises est présidée par un président de chambre ou par un conseiller de la cour d'appel.

Article 21 nonies A
(art. 349-1 nouveau, 356, 361-1 nouveau
du code de procédure pénale)
Questions relatives à l'irresponsabilité pénale de l'accusé

Cet article tend à préciser les conditions dans lesquelles la cour d'assises est conduite à se prononcer sur l'irresponsabilité pénale d'un accusé.

•  Le premier paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 349-1. Le texte proposé pour cet article prévoit que lorsque l'existence d'une cause d'irresponsabilité (trouble psychique, personne sous l'empire d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister, acte prescrit par la loi, légitime défense...) est invoquée comme moyen de défense, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions distinctes.

La première a pour objet de savoir si l'accusé a commis le fait en question. La seconde a pour objet de savoir s'il bénéficie pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité pénale . Avec l'accord des parties, le président pourrait ne poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité prévue pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.

Ce dispositif doit permettre d'améliorer la situation actuelle. En effet, aucune question n'est actuellement posée en ce qui concerne la reconnaissance d'une cause d'irresponsabilité.

Dans ces conditions, lorsqu'une cour d'assises estime qu'il existe une cause d'irresponsabilité de l'accusé, elle se contente de répondre " non " à la question sur la culpabilité, ce qui est pour le moins réducteur. Il est souhaitable que la cour réponde d'abord à la question de la commission des faits pour se prononcer ensuite sur l'irresponsabilité éventuelle.

• Le deuxième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 365 du code de procédure pénale, relatif au vote de la cour et du jury.

•  Le troisième paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 361-1, pour prévoir que, en cas de réponse positive aux questions posées sur l'éventuelle irresponsabilité pénale de l'accusé, la cour d'assises déclare celui-ci non coupable.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 21 nonies B
(art. 380-1 à 380-14 nouveaux du code de procédure pénale)
Recours contre les décisions rendues par la cour d'assises

Cet article tend à instaurer un recours contre les décisions rendues par les cours d'assises. Il s'agit d'insérer un chapitre VIII relatif à l'appel des décisions rendues par la cour d'assises en premier ressort dans le titre premier (De la cour d'assises) du livre deuxième (Des juridictions de jugement) du code de procédure pénale. Ce chapitre comporterait quatorze articles numérotés 380-1 à 380-14.

La première section de ce chapitre comporte des dispositions générales .

•  Le texte proposé pour l' article 380-1 du code de procédure pénale pose le principe de l'appel contre les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises. Il prévoit que l'affaire est portée devant une autre cour d'assises désignée par le président de la chambre criminelle de la cour de cassation.

Les principes définis par le Sénat en première lecture ont donc été approuvés par l'Assemblée nationale. Seuls les arrêts de condamnation peuvent donner lieu à appel, les décisions d'acquittement étant insusceptibles de recours.

•  Le texte proposé pour l' article 380-2 du code de procédure pénale pose un principe selon lequel la faculté d'appeler n'appartiendrait qu'à l'accusé. En cas d'appel de l'accusé la faculté d'appeler appartiendrait également :

- au procureur de la République ou au procureur général près la cour d'appel ;

- à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;

- à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;

- aux administrations publiques, dans le cas où celles-ci exercent l'action publique.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'apporter des modifications importantes au texte proposé. Votre commission estime nécessaire de prévoir une possibilité d'appel du ministère public.

Autant il paraît souhaitable qu'une décision d'acquittement prononcée par un jury populaire ne puisse être remise en cause, autant il peut paraître logique que la contestation relative au quantum de la peine appartienne au ministère public dès lors qu'elle appartient à l'accusé.

Dans certaines situations, l'appel du procureur pourrait s'avérer indispensable. Ainsi, dans un procès comportant plusieurs accusés, si certains d'entre eux seulement font appel, il peut paraître souhaitable que le procureur fasse appel, afin que l'ensemble de l'affaire puisse être réexaminée. Dans le cas contraire, les débats d'appel risqueraient d'être tronqués, ne permettant pas dans ces conditions l'émergence de la vérité . Il est en effet tout à fait imaginable qu'un coaccusé n'ayant pas fait appel, entendu comme témoin par la cour d'assises d'appel, fasse des déclarations très différentes de celles qu'il avait faites devant la première cour d'assises.

Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire que la victime puisse faire appel de la décision sur l'action civile, en l'absence même de tout appel de l'accusé ou du ministère public. En première lecture, le Sénat a certes proposé que l'appel de la partie civile ne soit qu'incident. Il lui apparaît, à la réflexion, que, dès lors qu'est instauré un appel en matière criminelle, la victime doit pouvoir en bénéficier.

•  Le texte proposé pour l' article 380-3 du code de procédure pénale prévoit que la cour d'assises statuant en appel ne peut aggraver, sur son seul appel, le sort de l'accusé. Il s'agit d'un principe général, déjà posé par l'article 515 du code de procédure pénale en matière correctionnelle.

•  Le texte proposé pour l' article 380-4 du code de procédure pénale prévoit qu'il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action publique pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel. L'ordonnance de prise en corps continuerait cependant à produire ses effets à l'encontre d'une personne condamnée à une peine privative de liberté.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'insérer un article additionnel après l'article 380-4 du code de procédure pénale, pour prévoir qu'en cas d'appel portant exclusivement sur l'action civile, l'appel est examiné par la chambre des appels correctionnels. Cette disposition, qui figurait dans le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle, présenté en 1996 par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, permettra d'éviter l'organisation d'un nouveau procès d'assises lorsque seuls les intérêts civils font l'objet d'un appel.

•  Le texte proposé pour l' article 380-5 du code de procédure pénale prévoit que le sort de l'appelant ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, être aggravé. Le même principe est posé en matière correctionnelle par l'article 515 du code de procédure pénale.

Le texte proposé prévoit en outre que la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle, mais qu'elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision.

Votre commission vous propose, par un amendement , qu'il soit précisé dans cet article que la partie civile, même en l'absence d'appel de la décision sur l'action civile, peut exercer devant la cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la partie civile. Elle pourrait en outre demander des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision ainsi que le remboursement des frais d'avocat. Il paraît normal que la partie civile puisse présenter ses observations au cours du procès d'appel.

• Le texte proposé pour l' article 380-6 du code de procédure pénale prévoit qu'il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action civile pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel. Néanmoins, la cour pourrait ordonner l'exécution provisoire de sa décision selon le texte proposé à l'article 21 decies du projet de loi pour l'article 374 du code de procédure pénale.

•  Le texte proposé pour l' article 380-7 du code de procédure pénale prévoit que lorsque la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts alloués, l'exécution provisoire peut être arrêtée par le premier président de la cour d'appel statuant en référé si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le président de la cour d'appel pourrait subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie.

Par ailleurs, le président de la cour d'appel, en cas d'appel contre la décision de la cour d'assises, pourrait, en statuant en référé, accorder l'exécution provisoire lorsque celle-ci a été refusée par la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée à la cour d'assises ou celle-ci a omis de statuer. Ce régime est celui, actuellement prévu en matière correctionnelle par l'article 515-1 du code de procédure pénale.

Pour l'application de cet article, serait compétent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la cour d'assises désignée pour connaître de l'affaire en appel. Votre commission soumet un amendement tendant à rectifier une erreur matérielle.

La seconde section du nouveau chapitre du code de procédure pénale que tend à insérer le présent article concerne les délais et formes de l'appel .

•  Le texte proposé pour l' article 380-8 du code de procédure pénale prévoit que l'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé de l'arrêt.

Le texte prévoit également que le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt pour la partie qui n'était pas présente ou représentée à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où l'arrêt serait prononcé.

•  Le texte proposé pour l' article 380-9 du code de procédure pénale donne un délai supplémentaire de cinq jours aux autres parties lorsque l'accusé a fait appel pendant le délai de dix jours prévu dans le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure pénale.

Votre commission vous soumet un amendement destiné à prendre en compte le fait que le ministère public et la victime pourront, hors les cas d'acquittement, interjeter appel.

•  Le texte proposé pour l' article 380-10 du code de procédure pénale permet à l'accusé de se désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le président lors du procès d'appel. Ce désistement rendrait caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les autres parties.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'apporter dans cet article une précision indispensable. Il est souhaitable que l'appel puisse être considéré caduc si l'accusé prend la fuite entre la décision de première instance et le procès d'appel. Dans le cas contraire, la personne ne pourrait jamais être jugée définitivement.

•  Le texte proposé pour l' article 380-11 du code de procédure pénale concerne les formes de l'appel. La déclaration devrait être faite au greffe de la cour d'assises ayant rendu la décision attaquée. Elle devrait être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un avocat, par un avoué près la cour d'appel ou par un fondé de pouvoir spécial. Ces formalités sont les mêmes que celles prévues en matière correctionnelle par l'article 502 du code de procédure pénale.

•  Le texte proposé pour l' article 380-12 du code de procédure pénale prévoit que l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'administration pénitentiaire lorsque l'appelant est détenu.

La troisième section du nouveau chapitre du code de procédure pénale serait consacrée à la désignation de la cour d'assises statuant en appel .

•  Le texte proposé pour l' article 380-13 du code de procédure pénale prévoit que, dès l'enregistrement de l'appel, la décision attaquée et, le cas échéant, le dossier de la procédure sont adressés au greffe de la chambre criminelle de la cour de cassation par le ministère public, avec ses observations éventuelles. Le président de la chambre criminelle de la cour de cassation devrait désigner dans le mois suivant la réception de l'appel la cour d'assises chargée de statuer en appel.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que la décision sera prise par la chambre criminelle elle-même, après qu'elle aura recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats. Il convient d'éviter que la décision de désignation de la cour d'assises d'appel puisse être critiquée comme émanant d'une personne seule.

Votre commission vous soumet en outre un amendement destiné à prendre en compte la situation particulière des départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Ces territoires ne comptent qu'une cour d'assises et il est souhaitable de prévoir que la même cour d'assises, composée différemment, pourra juger les affaires en appel, faute de quoi le procès devrait se tenir dans un autre territoire, ce qui impliquerait des modalités d'organisation très complexes. Le même régime doit naturellement être prévu pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui disposent d'une juridiction spécifique, la cour criminelle à Mayotte et le tribunal criminel à Saint-Pierre-et-Miquelon.

•  Le texte proposé pour l' article 380-14 du code de procédure pénale prévoit que le président de la chambre criminelle de la cour de cassation dit qu'il n'y a pas lieu à la désignation d'une cour d'assises d'appel lorsque l'appel n'a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel. Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 nonies
(art. 181, 186, 186-2 nouveau, 214, 215, 215-1,
272, 272-1 nouveau du code de procédure pénale)
Mise en accusation

Cet article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en première lecture, tend à mettre fin à l'examen obligatoire du dossier par la chambre d'accusation en matière criminelle. Cet examen obligatoire du dossier par la chambre d'accusation, seule compétente pour ordonner la mise en accusation d'une personne devant la cour d'assises, présente en effet moins d'intérêt dès lors qu'est instauré un double degré de juridiction.

Le texte a été modifié par l'Assemblée nationale, qui n'en a cependant pas changé l'esprit.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 181 du code de procédure pénale, qui prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le juge d'instruction, lorsqu'il estime que les faits constituent un crime, ordonne la transmission du dossier de la procédure au procureur général près la cour d'appel, lequel doit saisir la chambre d'accusation.

Le texte proposé pour l'article 181 donne au juge d'instruction le pouvoir d' ordonner lui-même la mise en accusation devant la cour d'assises lorsqu'il estime que les faits retenus à la charge des personnes mises en examen constituent des crimes.

L'ordonnance de mise en accusation devrait contenir l'exposé et la qualification légale des faits et préciser l'identité de l'accusé. Une fois définitive, cette ordonnance couvrirait les vices de la procédure.

Le texte prévoit que le mandat d'arrêt ou de dépôt délivré contre l'accusé au cours de l'information conserve sa force exécutoire jusqu'à la comparution devant la cour d'assises, sous réserve des délais d'audiencement que le présent projet de loi tend à instituer dans son article 21 quinquies.

Votre commission vous soumet un amendement de supression de cette précision. En effet, le texte proposé prévoit que l'ordonnance de mise en accusation ordonne prise de corps contre l'accusé. Dans ces conditions, l'ordonnance de prise de corps se substituera au mandat d'arrêt ou de dépôt qui n'a donc pas à organiser sa force exécutoire.

Le texte prévoit également que l'ordonnance de mise en accusation met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire des personnes renvoyées devant la cour d'assises pour des délits connexes aux faits reprochés aux accusés. Tel est déjà le cas de l'arrêt de mise en accusation de la chambre d'accusation. Néanmoins, le juge d'instruction pourrait maintenir en détention ou sous contrôle judiciaire les personnes concernées, notamment pour éviter une pression sur les témoins, conformément aux règles posées par l'article 179 du code de procédure pénale.

L'ordonnance serait transmise avec le dossier au procureur de la République, qui serait tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la cour d'assises.

•  Le deuxième paragraphe tend à faire figurer l'ordonnance de mise en accusation parmi celles dont la personne mise en examen peut faire appel devant la chambre d'accusation.

•  Le troisième paragraphe tend à insérer, dans le code de procédure pénale, un article 186-2 pour prévoir que la chambre d'accusation doit statuer dans les quatre mois en cas d'appel contre une ordonnance de mise en accusation, faute de quoi la personne, si elle est détenue, est remise en liberté.

•  Le quatrième paragraphe tend à modifier l'article 214 du code de procédure pénale qui prévoit que la chambre d'accusation prononce la mise en accusation devant la cour d'assises lorsque les faits retenus à la charge des personnes constituent une infraction qualifiée crime par la loi. Il s'agit de supprimer la disposition de cet article qui prévoit que la chambre d'accusation statue par un arrêt rendu dans les deux mois de l'ordonnance de transmission des pièces. Dorénavant, la chambre d'accusation statuera en cas d'appel de l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction et disposera d'un délai de quatre mois pour se prononcer, conformément au texte proposé pour le nouvel article 186-2.

•  Le cinquième paragraphe concerne le contenu de l'arrêt de mise en accusation que pourrait prendre la chambre d'accusation saisie d'un appel contre l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction. Cet arrêt devrait contenir l'exposé et la qualification légale des faits. Il décernerait ordonnance de prise de corps contre l'accusé et contre les personnes renvoyées pour délit connexe devant la cour d'assises.

•  Le sixième paragraphe tend à supprimer, conformément à la décision prise par le Sénat en première lecture, l'article 215-1 du code de procédure pénale, qui prévoit l'obligation pour l'accusé de se constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience de la cour d'assises.

•  Le septième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 272 du code de procédure pénale relatif à l'interrogatoire que fait subir le président de la cour d'assises à l'accusé dans le plus bref délai après l'arrivée de ce dernier à la maison d'arrêt. Il s'agit de tenir compte du fait que l'accusé ne serait plus tenu de se constituer prisonnier la veille de l'audience.

•  Le huitième paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 272-1 pour tenir compte du fait que l'accusé ne sera plus contraint de se constituer prisonnier la veille de l'audience. Le texte proposé prévoit que le président de la cour d'assises fixe un jour pour interroger l'accusé. Si l'accusé ne se présentait pas, le président pourrait mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps.

Il en irait de même, y compris pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, si l'accusé se soustrayait aux obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaissait que sa détention était l'unique moyen d'assurer sa présence lors des débats ou du prononcé de l'arrêt. La personne pourrait, à tout moment, demander sa mise en liberté devant la cour.

Votre commission vous propose, par un amendement , de préciser que, au cours de l'audience, la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps est décidée par la cour et non par le seul président. Il convient en outre que cette décision, soit prise sur réquisitions du procureur ;. Il ne paraît en effet pas souhaitable que le président prenne cette décision de sa propre initiative. Enfin, il paraît nécessaire que l'incarcération puisse être ordonnée non seulement en cas de violation du contrôle judiciaire ou de risque de fuite, mais aussi en cas de pression sur les témoins ou les victimes. L'amendement tend également à permettre à la cour d'ordonner, si nécessaire, le placement de l'accusé sous contrôle judiciaire au début de l'audience.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 decies A
Transformation de la chambre d'accusation
en chambre d'appel de l'instruction

Pour tenir compte du fait que la mise en accusation relèvera, après l'adoption du présent projet de loi, de la compétence du juge d'instruction et non plus de celle de la chambre d'accusation, l'Assemblée nationale a décidé de donner à cette dernière l'appellation de chambre d'appel de l'instruction .

En 1995, la mission d'information de votre commission des Lois sur la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction avait formulé de nombreuses propositions destinées à renforcer le rôle de la chambre d'accusation en particulier l'ouverture de fenêtres de publicité au cours de l'instruction 6( * ) . Elle avait souhaité que ce nouveau rôle de la chambre d'accusation appelée à devenir " une véritable chambre régulatrice et un organe de transparence de l'instruction " s'accompagne d'une modification de son appellation et avait proposé de l'appeler chambre de l'instruction.

La chambre d'accusation est davantage qu'une chambre d'appel. Elle est la juridiction de contrôle de l'instruction, notamment par l'intermédiaire de son président. Elle est appelée à intervenir lorsque le juge d'instruction ne répond pas à des demandes des parties, elle peut dans certains cas évoquer l'affaire elle-même.

Surtout, elle est appelée à examiner les requêtes concernant les nullités éventuelles de la procédure et ne statue pas, dans ce cas, en tant que chambre d'appel.

Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement , de retenir la dénomination de chambre de l'instruction .

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 decies B
(art. 183 du code de procédure pénale)
Notification

L'article 183 du code de procédure pénale concerne les règles de notification de certains actes, en particulier les ordonnances de règlement et les ordonnances de renvoi ou de transmission des pièces au procureur général. Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, a pour objet de remplacer la référence à l'ordonnance de transmission des pièces au procureur général par une référence à l'ordonnance de mise en accusation conformément aux décisions prises à l'article 21 nonies.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 21 decies
(art. 367 et 374 du code de procédure pénale)
Mandat de dépôt décerné par une cour d'assises

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a adopté un amendement modifiant l'article 362 du code de procédure pénale pour permettre à la cour d'assises, s'il a été fait droit à une demande de mise en liberté formée par un accusé, de décerner contre lui mandat de dépôt lorsqu'elle prononce à son encontre une peine d'emprisonnement sans sursis.

L'Assemblée nationale a adopté un dispositif différent.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 367 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, il est immédiatement remis en liberté s'il n'est retenu pour autre cause. L'Assemblée nationale a complété ce dispositif pour prévoir que l'accusé doit également être remis en liberté lorsqu'il est condamné à une peine ferme autre qu'une peine privative de liberté ou lorsqu'il est condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire.

L'Assemblée nationale a complété l'article 367 par trois nouveaux alinéas.

Le texte prévoit ainsi que, dans les autres cas que ceux visés précédemment, l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ou continue de produire ses effets jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée.

L'Assemblée nationale a en outre prévu que l'accusé doit être remis en liberté si la cour d'assises saisie en appel n'a pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle a été interjeté l'appel . Votre commission considère qu'une telle disposition n'est guère prudente. Les cours d'assises sont actuellement surchargées et il ne paraît guère raisonnable de prévoir que les appels devront être examinés dans le délai d'un an. En outre, des précautions sont prises par le projet de loi : l'accusé sera libéré si la peine prononcée est couverte par la durée de détention provisoire déjà accomplie, aucun appel ne sera possible en cas d'acquittement. Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement , que la chambre d'accusation puisse prolonger à deux reprises, pendant six mois, le délai d'un an prévu par le présent article. Un dispositif identique a déjà été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées en ce qui concerne les délais d'audiencement devant la cour d'assises statuant en premier ressort . Votre commission propose en outre que le délai d'un an parte à compter de la désignation de la cour d'assises d'appel et non à compter de la décision de la première cour d'assises.

Le texte proposé pour l'article 367 prévoit la possibilité pour la cour d'assises de décider la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps contre la personne renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et que les circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Enfin, le texte proposé permet à la cour d'assises de déclarer exécutoires par provision certaines sanctions pénales telles que la suspension de permis de conduire, la confiscation des armes, le travail d'intérêt général.

•  Le second paragraphe tend à rétablir l'article 374 du code de procédure pénale pour prévoir que la cour d'assises peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 undecies A
(art. 9 et 24 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945)
Application aux mineurs du recours en matière criminelle

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à opérer des coordinations dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour tenir compte de l'instauration d'un recours en matière criminelle.

Il s'agit principalement de compléter l'article 24 de l'ordonnance, qui énumère les dispositions du code de procédure pénale applicables aux mineurs pour prévoir que l'ensemble des règles sur l'appel résultant des dispositions du code de procédure pénale sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants et aux arrêts de la cour d'assises des mineurs rendus en premier ressort.

Il s'agit en outre de tenir compte, dans l'article 9 de l'ordonnance de 1945, du fait que le juge d'instruction exercera à l'avenir les compétences de la chambre d'accusation en matière de mise en accusation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE III QUINQUIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DEMANDES DE REVISION

Article 21 terdecies
(art. 622 du code de procédure pénale)
Révision après une condamnation de la France
par la Cour européenne des droits de l'homme

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, à l'initiative de M. Jack Lang, a pour objet de prévoir un nouveau cas de révision des décisions pénales en cas de condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.

Le contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l'homme sur le respect par les Etats membres du Conseil de l'Europe des principes posés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a pris une importance croissante au cours des dernières années.

La France se conforme aux principes posés par la Convention européenne et tire les conséquences des condamnations qu'elle subit au titre de la violation de cette convention, notamment en accordant une compensation pécuniaire à la personne dont les intérêts ont été lésés par la violation de la Convention. En outre, de nombreuses modifications de notre législation ont eu pour origine la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Cependant, le droit français ne permet pas le réexamen d'une affaire à la suite d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans une recommandation du 19 janvier 2000, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a encouragé les Etats membres " à examiner leurs systèmes juridiques nationaux en vue d'assurer qu'il existe des possibilités appropriées pour le réexamen d'une affaire, y compris la réouverture d'une procédure, dans les cas où la Cour a constaté une violation de la Convention, en particulier lorsque :

" (i) la partie lésée continue de souffrir des conséquences négatives très graves à la suite de la décision nationale, conséquences qui ne peuvent être effacées par la satisfaction équitable et qui ne peuvent être modifiées que par le réexamen ou la réouverture, et

" (ii) il résulte de l'arrêt de la Cour que :

" (a) la décision interne attaquée est contraire sur le fond à la Convention, ou

" (b) la violation constatée est causée par des erreurs ou des défaillances de procédure d'une gravité telle qu'un doute sérieux est jeté sur le résultat de la procédure interne attaquée
".

Au cours de la discussion du présent projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté un amendement faisant d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme un nouveau cas de révision d'une affaire pénale.

Rappelons qu'actuellement l'article 622 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de demander la révision d'une décision pénale définitive lorsque des pièces propres à faire naître des indices sur l'existence de la victime de l'homicide pour lequel une personne a été condamnée sont produites, lorsque, par un nouvel arrêt ou jugement, un autre accusé ou prévenu a été condamné pour les mêmes faits et que les deux condamnations ne peuvent se concilier, lorsqu'un témoin a été condamné, après le procès, pour faux témoignage contre l'accusé ou le prévenu, enfin lorsqu'un fait nouveau est de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit qu'une demande en révision pourra être formée après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qu'une réparation équitable du préjudice causé par cette violation ne peut être obtenue que par la voie de la révision ".

Votre commission estime souhaitable que, dans certains cas, les condamnations prononcées contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme puissent conduire à une révision de la décision. Elle estime toutefois que le critère de la continuation des effets de la condamnation n'est pas le plus adapté.

Par un amendement , votre commission propose que la révision soit possible lorsque la violation de la convention a été de nature à modifier la décision devenue définitive dans un sens défavorable au prévenu ou à l'accusé. Votre commission propose, en outre, que les violations concernant les conditions dans lesquelles a été examiné un pourvoi en cassation ne permettent qu'une demande de réexamen de ce pourvoi. Il n'existe en effet aucune raison, dans un tel cas, que le procès doive être entièrement recommencé.

Enfin, votre commission propose que la demande de révision soit formulée dans le délai d'un an suivant la condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, afin d'éviter le prolongement d'une incertitude juridique.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION

Article additionnel avant l'article 22 A
(art. 14, 26, 27, 30, 32, 33, 36 et 37 de
la loi du 29 juillet 1881)
Suppression des peines de prison
en matière de délits de presse

Par un article additionnel, votre commission propose de supprimer la plupart des peines de prison prévues par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

La loi du 29 juillet 1881 est une loi très protectrice de la liberté de la presse, mais qui, plus de cent ans après son adoption, comporte des dispositions obsolètes. Les peines de prison prévues par cette loi ne sont qu'exceptionnellement prononcées et ne présenteraient guère d'inconvénients si de nombreux Etats ne s'étaient pas inspirés de la législation française pour définir leurs propres règles en matière de liberté de la presse. Il semble que, dans certains Etats, les journalistes soient fréquemment emprisonnés à cause de leurs prises de position. Les responsables de ces Etats font parfois remarquer que leur législation ressemble en tous points à la législation française.

Votre commission a estimé qu'il était temps de mettre fin à un archaïsme de la loi du 29 juillet 1881. Elle vous propose donc la suppression des peines d'emprisonnement pour les délits suivants :

- la violation de l'interdiction de circulation, distribution ou mise en vente en France des journaux ou écrits, rédigés en langue étrangère ; la violation de la même interdiction prononcée à l'encontre des journaux et écrits de provenance étrangère rédigés en langue française (article 14 de la loi du 29 juillet 1881) ;

- l'offense au Président de la République ou à celui qui en exerce les prérogatives (article 26) ;

- la publication, la diffusion ou la reproduction de fausse nouvelle faite de mauvaise foi et qui trouble la paix publique ou est susceptible de la troubler (article 27) ;

- la diffamation envers les cours, les tribunaux, les armées, les corps constitués et les administrations publiques (article 30) ;

- la diffamation envers les ministres, les parlementaires, les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l'autorité publique, les ministres des cultes... (article 31) ;

- la diffamation envers les particuliers (article 32) ;

- l'injure contre les corps et personnes désignés aux articles 30 et 31 (article 33) ;

- les diffamations et injures contre la mémoire des morts dans le cas où leurs auteurs ont eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, légataires, époux ;

- l'offense commise envers les chefs d'Etat étrangers et les ministres des affaires étrangères d'un Gouvernement étranger (article 36) ;

- l'outrage commis publiquement envers les ambassades et ministres plénipotentiaires... (article 37).

En revanche, votre commission propose de maintenir les peines d'emprisonnement dans les cas de provocation à commettre des infractions graves ou de provocation à la haine raciale (article 24 de la loi du 29 juillet 1881) ainsi qu'en cas d'injure à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion (article 33).

Par le présent article, votre commission souhaite participer à la fois à la défense de la liberté de la presse en France et dans le monde et mettre un frein, partout où cela est possible, à la pénalisation excessive de notre société.

Article 22 A
(art. 9-1 du code civil)
Actions aux fins de faire cesser une atteinte
à la présomption d'innocence

Dans sa rédaction actuelle, l'article 9-1 du code civil permet à une personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie civile, de saisir le juge lorsqu'elle est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.

Dans un tel cas, le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence aux frais de la personne physique ou morale responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence.

En première lecture, le Sénat a souhaité étendre la protection de l'article 9-1 du code civil à toutes les personnes présentées publiquement comme coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire . Il s'agissait en fait d'un retour au texte de la loi du 4 janvier 1993 proposé par la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche.

L'Assemblée nationale a refusé cette modification et a simplement ajouté le témoin assisté à la liste des personnes pouvant bénéficier de la protection de l'article 9-1 du code civil.

Votre commission vous propose, à nouveau, par un amendement , d'élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil à l'ensemble des personnes présentées publiquement encore coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire. Elle estime en effet que la présomption d'innocence doit protéger l'ensemble de nos concitoyens tant que n'est pas intervenue une condamnation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 22
(art. 35 ter de la loi du 29 juillet 1881)
Interdiction de la publication de l'image de personnes menottées
Interdiction des sondages sur la culpabilité d'une personne

Cet article tend à punir d'une peine de 100.000 F d'amende le fait de diffuser l'image d'une personne identifiée ou identifiable, n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation, faisant apparaître que cette personne porte des menottes ou des entraves.

La rédaction ou la publication de sondages d'opinion portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur les peines susceptibles d'être prononcées serait punie des mêmes peines.

En première lecture, le Sénat a apporté à cet article, sur proposition de M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, un certain nombre d'améliorations. Il a notamment décidé d'inclure parmi les comportements punissables le fait de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations. Il a en outre souhaité que soit également réprimée la publication d'images de personnes placées en détention provisoire.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé d'insérer cet article dans la loi de 1881 relative à la liberté de la presse plutôt que dans le code pénal, ce dont le Sénat ne peut que se féliciter, puisqu'il a lui-même proposé, en première lecture, l'insertion dans la loi de 1881 de dispositions que le Gouvernement entendait faire figurer dans le code pénal.

L'Assemblée nationale a surtout prévu que la diffusion de l'image de personnes portant des menottes ou des entraves ne soit pénalement punissable que si elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé .

Elle a enfin refusé d'étendre l'application de cet article aux images de personnes placées en détention provisoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 25
(art. 11, 145, 177-1, 199 et 212-1 du code de procédure pénale)
Communiqués du parquet - Fenêtres de communication

Cet article tend, d'une part, à consacrer la pratique des communiqués du parquet dans l'article 11 du code de procédure pénale, d'autre part, à instaurer des fenêtres de communication à différents stades de la procédure. Ainsi, le débat contradictoire devant le juge de la détention provisoire pourrait être public. De même, la publicité deviendrait systématiquement possible devant la chambre d'accusation. Ces propositions avaient déjà été formulées par la mission d'information de votre commission des lois sur la présomption d'innocence en 1995.

En première lecture, l'Assemblée nationale s'est opposée à ce que la publicité, tant lors du débat contradictoire devant le juge de la détention provisoire que lors des audiences de la chambre d'accusation, puisse être refusée lorsqu'elle est susceptible de nuire au bon déroulement de l'information. Le Sénat a toutefois rétabli cette disposition.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé que la publicité pourrait être refusée lorsqu'elle est " de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ". Cette expression est plus précise que la référence au " bon déroulement de l'information ", mais permet néanmoins que les contraintes de l'instruction soient prises en considération au moment de la décision sur le caractère public ou non de l'audience.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 25 bis
(art. 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881)
Diffamation envers des dépositaires de l'autorité publique

Cet article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en première lecture, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Charasse, tend en premier lieu à supprimer l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende la diffamation envers certaines personnes à raison de leurs fonctions, en particulier les " membres du ministère, les parlementaires et les fonctionnaires publics ".

Cet article prévoit en second lieu le rétablissement des dispositions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 dans l'article 32 de la même loi, qui concerne la diffamation commise envers les particuliers.

Au cours du débat devant le Sénat, notre collègue a expliqué qu'il arrivait fréquemment qu'un tribunal reconnaisse la diffamation tout en estimant que le plaignant n'avait pas fondé sa plainte sur la disposition pertinente de la loi de 1881. En effet, les personnes dépositaires de l'autorité publique ne sont protégées par l'article 31 qu'en cas de diffamation à raison de leurs fonctions. Lorsque la diffamation est relative à leur vie privée, la plainte doit être fondée sur l'article 32.

L'Assemblée nationale a refusé la modification proposée, la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, observant notamment dans son rapport " que cette modification n'apportait rien sur le fond et risquait de susciter des interrogations infondées chez les magistrats chargés de l'appliquer ".

De fait, l'intérêt de cette modification paraît tout à fait limité. L'introduction des dispositions de l'article 31 dans l'article 32 ne changera rien, dès lors que les peines visées par les deux alinéas sont différentes. Le plaignant devra viser l'alinéa pertinent pour obtenir gain de cause.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

Article 25 ter
(art. 65 et 65-1 de la loi du 29 juillet 1881)
Délai de prescription en matière d'infractions
à la loi sur la presse

L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse fixe à trois mois le délai de prescription de l'action publique et de l'action civile pour les infractions commises par voie de presse. Le même délai est prévu pour les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d'innocence, conformément à l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue, M. Michel Charasse, a décidé de porter de trois mois à trois ans le délai de prescription en matière d'infractions commises par voie de presse.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. La rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a fait valoir que " l'allongement de ce délai de prescription est (...) contradictoire, dans sa philosophie, avec les décisions antérieures des sénateurs, qui ont notamment réduit d'un an à trois mois le délai d'exercice du droit de réponse ".

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.

TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION PÉNALE

Article 26
(art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881)
Atteinte à la dignité d'une victime d'un crime ou d'un délit

L'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 punit de 25.000 F d'amende la publication de photos, dossiers, gravures, portraits ayant pour objet la reproduction des circonstances de certains crimes ou délits. A la suite d'une plainte fondée sur cet article, la cour d'appel de Paris a prononcé la relaxe des personnes poursuivies en estimant que l'incrimination ne respectait pas, compte tenu de son imprécision, le principe de légalité et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le présent article tend donc à redéfinir cette incrimination, pour punir de 100.000 F d'amende la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime .

Dans le projet de loi initial, le Gouvernement a proposé d'insérer dans le code pénal cette disposition. L'Assemblée nationale a, pour sa part, en première lecture, souhaité transférer dans le code pénal l'infraction de diffusion de renseignements concernant une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle, actuellement inscrite dans la loi du 29 juillet 1881. Elle a en outre proposé une nouvelle rédaction de cette incrimination.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de votre commission des Lois, a refusé de transférer dans le code pénal des dispositions de la loi relative à la liberté de la presse , rappelant que cette loi était très protectrice pour la liberté de la presse et équilibrée en ce qui concerne les limites qui peuvent être apportées à la liberté de l'information. Il a en revanche accepté la nouvelle rédaction de l'infraction de diffusion de renseignements sur l'identité d'une victime d'atteintes sexuelles.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté que les infractions modifiées par le projet de loi demeurent dans la loi du 29 juillet 1881. Elle a néanmoins décidé d'insérer l'infraction de diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit dans un nouvel article 39 quater de cette loi, plutôt que de la maintenir dans l'article 38 de cette loi, dont les troisième et quatrième alinéas seraient supprimés. De fait, la première partie de l'article 38 concerne la publication des pièces de l'instruction et il n'est pas illogique que l'infraction relative à la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit portant atteinte à la dignité de la victime figure dans un article spécifique.

Surtout, l'article précise désormais que la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit ne sera punissable que si elle est réalisée sans l'accord de la victime . L'Assemblée nationale a en outre prévu à l'article 26 bis du présent projet de loi que seule la victime pourrait engager les poursuites. Votre commission approuve ces modifications, qui limitent le champ d'application de l'infraction et devraient éviter par exemple que la diffusion d'images de crimes contre l'humanité, indispensable pour perpétuer le souvenir et la réprobation de ces crimes, ne soient pénalement punissables.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 26 bis
(art. 48 de la loi du 29 juillet 1881)
Mise en mouvement de l'action publique
en matière d'infractions commises par voie de presse

En première lecture, le Sénat a modifié l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Cet article définit les conditions de mise en mouvement de l'action publique pour certaines infractions commises par voie de presse.

Le Sénat a souhaité que, contrairement à la situation actuelle, l'action publique, en cas de reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, puisse être mise en mouvement non seulement par le procureur, mais également par la personne lésée.

L'Assemblée nationale a décidé d'aller plus loin dans cette logique. Le texte qu'elle a adopté prévoit que seule la partie lésée pourra mettre en mouvement l'action publique en ce qui concerne :

- la diffusion de l'image d'une personne menottée ou entravée ;

- la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime.

Un tel choix est cohérent avec l'article 26 du projet de loi tel que l'a modifié l'Assemblée nationale, puisque la diffusion de l'image de personnes menottées et la diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit ne seront punissables que si elles sont réalisées sans l'accord de la personne menottée ou de la victime.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 27
(art. 39 bis de la loi du 29 juillet 1881)
Interdiction de la diffusion de renseignements
concernant l'identité d'un mineur victime

Cet article tend à créer une infraction de diffusion de renseignements concernant l'identité d'un mineur victime d'une infraction ou l'image de ce mineur.

Dans le projet de loi initial, le Gouvernement proposait d'intégrer cette infraction dans le code pénal. En première lecture, l'Assemblée nationale a accepté cette disposition et a par ailleurs décidé, dans un autre article du projet de loi, d'insérer dans le code pénal des infractions qui figurent actuellement à l'article 39 bis de la loi de 1881 relative à la liberté de la presse :

- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur ayant quitté ses parents ;

- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur délaissé ;

- la diffusion d'informations relatives à l'identité d'un mineur qui s'est suicidé.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue M. Louis de Brossia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a décidé de faire figurer la nouvelle infraction de diffusion de renseignements concernant l'identité d'un mineur victime d'infractions dans l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, tout en améliorant la rédaction de cet article.

L'Assemblée nationale a accepté cette solution, adoptant simplement un amendement rédactionnel.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE CIVILE

SECTION 1
Dispositions relatives aux associations d'aide aux victimes

Article 28
(art. 41 du code de procédure pénale)
Recours par le procureur à des associations d'aide aux victimes

Cet article, déjà adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées a pour objet de consacrer l'existence des associations d'aide aux victimes dans l'article 41 du code de procédure pénale. Le texte adopté par l'Assemblée nationale puis par le Sénat prévoyait que le procureur pouvait recourir à une association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide et assistance à la victime de l'infraction.

L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a supprimé le terme " assistance ", afin que le rôle des associations ne soit pas confondu avec celui de l'avocat. Votre commission vous propose d'accepter cette modification, même s'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une coordination.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 28 ter
(art. 53-1 nouveau et 75 du code de procédure pénale)
Information des victimes par les officiers
et agents de police judiciaire

Cet article tend à insérer un article 53-1 dans le code de procédure pénale et à modifier l'article 75 du même code, pour prévoir qu'en cours d'enquête de flagrance ou d'enquête préliminaire, les officiers et agents de police judiciaire doivent informer les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées et assistées par un service ou une association d'aide aux victimes.

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a complété ces dispositions afin de préciser les services et les associations concernées. Il a en outre souhaité que les officiers et agents de police judiciaire indiquent aux victimes qu'elles ont le droit d'être assistés par un avocat.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a estimé préférable que les associations d'aide aux victimes orientent elles-mêmes les victimes vers un avocat, observant que les fonctionnaires de police n'étaient pas nécessairement les mieux placés pour remplir ce rôle.

Votre commission vous proposer d'adopter cet article sans modification .

Article 28 quinquies
(art. 2-18 nouveau du code de procédure pénale)
Droit pour les associations combattant les discriminations
fondées sur le sexe ou les moeurs d'exercer
les droits reconnus à la partie civile

Au cours de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de M. Jean-Pierre Michel, un amendement tendant à insérer un article 2-18 dans le code de procédure pénale pour permettre aux associations se proposant de combattre les discriminations fondées sur le sexe ou les moeurs d'exercer les droits reconnus à la partie civile.

Les droits reconnus à la partie civile pourraient être exercés par ces associations en ce qui concerne les discriminations (articles 225-21 et 432-7 du code pénal), les atteintes volontaires à la vie (articles 221-1 à 222-18 du code pénal), les menaces de commettre une destruction ou une dégradation (article 322-13 du code pénal), lorsque ces infractions sont commises en raison du sexe, de la situation de famille ou des moeurs de la victime. Les droits reconnus à la partie civile pourraient également être exercés par les associations luttant contre les discriminations en ce qui concerne les discriminations en fonction du sexe exercées dans le cadre professionnel (article L. 123-1 du code du travail).

Comme l'a indiqué M. Jean-Pierre Michel au cours des débats à l'Assemblée nationale, ce texte vise en fait à lutter contre l'homophobie. Deux propositions de loi ayant le même objet ont été déposées à l'Assemblée nationale avant l'adoption de cet amendement, respectivement par M. François Léotard 7( * ) et par les membres du groupe communiste et apparentés 8( * ) . La proposition de loi de M. Léotard tend à créer un délit de discrimination fondée sur les pratiques sexuelles non réprimées par la loi et à modifier la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. La proposition de loi présentée par les membres du groupe communiste de l'Assemblée nationale tend également à modifier la loi du 29 juillet 1881, ainsi que l'article 225-1 du code pénal relatif aux discriminations et l'article 2-6 du code de procédure pénale sur l'exercice des droits reconnus à la partie civile par certaines associations.

En pratique, la création d'un nouvel article dans le code de procédure pénale destiné à permettre aux associations luttant contre les discriminations d'exercer les droits reconnus à la partie civile ne paraît pas nécessaire pour atteindre l'objectif recherché par les auteurs de l'amendement. En effet, d'ores et déjà, l' article 2-6 du code de procédure pénale permet à ces associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les discriminations réprimées par le code pénal (articles 225-2 et 432-7 du code pénal) et les discriminations dans le cadre professionnel (article L. 123-1 du code du travail).

Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement , de compléter le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale afin de permettre aux associations luttant contre les discriminations d'exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d'atteintes à la vie et à l'intégrité de la personne, lorsqu'elles sont commises en raison du sexe ou des moeurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 28 sexies
(art. 2-19 nouveau du code de procédure pénale)
Droit pour les associations défendant les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles d'exercer
les droits reconnus à la partie civile

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'occasion de la deuxième lecture, tend à permettre aux associations se proposant, par leurs statuts, de défendre ou d'assister les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles d'exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d'homicide et de blessures involontaires commis à l'occasion d'une activité professionnelle. Toutefois, ces associations ne pourraient exercer les droits reconnus à la partie civile, que dans les hypothèses où l'action publique aurait été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Au cours du débat à l'Assemblée nationale, M. Pierre Albertini auteur, au nom de l'office d'évaluation de la législation, d'un rapport sur l'exercice de l'action publique par les associations, a formulé les observations suivantes : " Des régimes très disparates sont définis, dans différents codes spécialisés et dans diverses lois, concernent une quarantaine d'associations. Les dispositions varient selon l'ancienneté, l'agrément, la reconnaissance d'utilité publique ; certaines associations peuvent mettre en oeuvre l'action civile uniquement pour telle catégorie d'infractions et d'autres, au contraire, pour toute une série d'infractions. Bref, il faudra mettre de l'ordre dans ce qui commence à ressembler à un labyrinthe " 9( * ) .

De fait, il serait souhaitable qu'une harmonisation soit opérée en ce qui concerne les conditions qui permettent aux associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Ainsi, le présent article subordonne cette possibilité à la mise en oeuvre de l'action publique par le ministère public ou la victime. Or, une telle condition n'est pas exigée pour d'autres associations.

En première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat ont approuvé un article permettant aux associations luttant contre les mouvements sectaires d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Au cours de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, Mme le Garde des Sceaux a fait part de son intention de proposer ultérieurement une modification de ce texte, afin de limiter la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux seules associations reconnues d'utilité publique. Il est possible de se demander si une telle condition ne devrait pas être exigée pour d'autres associations que les associations luttant contre les dérives sectaires.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à subordonner la recevabilité de l'action de l'association au consentement de la victime et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 28 sexies
(ar. 2-20 du code de procédure pénale)

Droit pour les associations départementales de maires d'exercer les droits reconnus à la partie civile

Par un article additionnel, votre commission vous propose de permettre aux associations départementales des maires affiliées à l'Association des maires de France d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par des élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et blessures à raison de leurs fonctions.

Cet article figure dans le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, mais il a davantage sa place dans le présent projet de loi, qui prévoit de nouveaux cas d'exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement insérant dans le projet de loi un article additionnel ainsi rédigé.

Article 29 A
(art. 80-3 du code de procédure pénale)
Information de la victime par le juge d'instruction

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la première lecture, tend à obliger le juge d'instruction, dès le début d'une information, à avertir la victime d'une infraction de l'ouverture d'une procédure, de son droit de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit. En présence d'une victime mineure, l'avis serait donné à ses représentants légaux.

En première lecture, l'Assemblée nationale n'avait prévu cette information de la victime que pour les infractions mentionnées au livre II du code pénal, c'est-à-dire les infractions contre les personnes. Le Sénat a estimé qu'une telle distinction n'était pas conforme au principe d'égalité devant la justice et a souhaité que cette information soit donnée à toutes les victimes. L'Assemblée nationale a accepté cette modification. Elle a en outre modifié la numérotation de l'article du code de procédure pénale visé dans cet article, par coordination avec les décisions qu'elle a prises à l'article 3 ter du projet de loi.

Par ailleurs, sur proposition de MM. Bret, Duffour et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, le Sénat a décidé, en première lecture, de compléter cet article en prévoyant que le juge d'instruction devrait informer la victime de son droit d'être assistée par un avocat désigné par elle ou commis d'office. Il a également prévu que le juge d'instruction devrait informer la victime mineure de la possibilité de se faire assister d'un avocat d'office, quels que soient les revenus de ses parents.

L'Assemblée nationale n'a pas retenu cette disposition. Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des Lois, a en effet fait valoir que les victimes ne bénéficiaient pas d'avocats commis d'office, mais qu'elles pouvaient obtenir une aide juridictionnelle

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'INDEMNISATION DES VICTIMES

Article 31 septies
(art. 706-5 du code de procédure pénale)
Délai pour les demandes d'indemnité devant les CIVI

En première lecture, l'Assemblée nationale a prévu, à l'article 31sexies du projet de loi, adopté sans modification par le Sénat, que les juridictions devraient informer la partie civile de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation les victimes d'infractions (CIVI). Le présent article, également introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la première lecture, tend à modifier l'article 706-5 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que la demande d'indemnité doit être présentée à la CIVI dans le délai de trois ans après l'infraction ou, lorsque des poursuites sont engagées, dans le délai d'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive.

L'Assemblée nationale a remplacé, en première lecture, la référence à la date de la décision de la juridiction par une référence à la date à laquelle la personne a été informée de son droit de saisir la CIVI. Ainsi, en l'absence d'avis, aucun délai n'existerait plus pour former la demande d'indemnisation.

En première lecture, le Sénat a supprimé cet article. Votre rapporteur a en effet observé que l'avis à la victime n'était prévu que dans les cas où la juridiction allouait des dommages-intérêts. Or, la saisine de la CIVI est possible même en l'absence d'une telle décision.

Aussi, le système retenu par l'Assemblée nationale en première lecture risquait de permettre à une personne n'ayant pu obtenir des dommages-intérêts de la part de la juridiction de pouvoir saisir à n'importe quel moment la CIVI.

L'Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteuse de la commission des Lois, a rétabli cet article tout en prévoyant que la suppression de tout délai pour saisir la CIVI ne serait applicable que dans les cas où la victime ne serait pas informée de son droit de saisir la CIVI alors même qu'elle avait obtenu des dommages-intérêts.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 31 octies A
(art. 706-14 du code de procédure pénale)
Indemnisation des victimes d'extorsions de fonds et de dégradations

Actuellement, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail permanente égale ou supérieure à un mois ou ayant été victime d'une atteinte ou d'une agression sexuelle peut obtenir réparation intégrale de son préjudice par les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), en vertu de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, un système subsidiaire d'indemnisation plafonnée est prévu, sous certaines conditions, pour les victimes de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, ainsi que pour les victimes d'atteintes corporelles ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois (article 706-14 du code de procédure pénale).

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à compléter l'article 706-14 du code de procédure pénale pour permettre aux victimes d'extorsions de fonds ou de dégradations de pouvoir obtenir une indemnisation par les CIVI.

Notre excellent collègue, M. Philippe Richert a déposé en février 1999 une proposition de loi 10( * ) , que votre commission des Lois a décidé d'examiner conjointement avec le présent projet de loi. Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, notre collègue indique que "  (...) la multiplication des incendies de véhicules est source de nombreuses complications pour leurs propriétaires, pour qui ils constituent, dans des quartiers parfois mal desservis par les transports publics et frappés par un chômage massif, un atout primordial pour conserver leur emploi ou en trouver un.

" Ainsi, les victimes de violences urbaines rencontrent, à un degré plus élevé, les difficultés d'indemnisation auxquelles sont exposées toutes les victimes d'infractions pénales ".


M. Philippe Richert a donc proposé que les victimes de destructions, de dégradations ou de détériorations de véhicule puissent recevoir une indemnisation par les CIVI. Cette proposition est bienvenue. Comment justifier en effet que le vol d'un véhicule donne lieu à indemnisation par les CIVI, mais non l'incendie du même véhicule ?

En pratique, la proposition de loi est satisfaite par le présent article, qui tend à permettre une indemnisation par les CIVI pour toutes les dégradations , qu'elles concernent ou non un véhicule. Il s'agit d'un progrès incontestable, même si, comme l'a indiqué Mme le Garde des Sceaux devant l'Assemblée nationale " Le coût d'une telle extension (...) ne sera pas de nature à améliorer la situation du fonds de garantie (...) ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
ET DE COORDINATION
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 32 A
(art. 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France)
Visite des locaux de rétention administrative
par le procureur de la République

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'occasion de la deuxième lecture, sur proposition de Mme Christine Lazerges, , tend à compléter les articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

L'article 35 bis de l'ordonnance concerne les conditions de rétention de personnes étrangères , en particulier des personnes qui font l'objet d'un arrêté d'expulsion mais ne peuvent quitter immédiatement le territoire français. Le texte prévoit notamment que le procureur de la République est immédiatement informé de la rétention des personnes concernées. Le premier paragraphe du présent article tend à prévoir que le procureur de la République visite les locaux de rétention une fois par an.

Une telle mesure est naturellement bienvenue et mérite d'être approuvée. Il faut seulement souhaiter qu'elle puisse être appliquée dans de bonnes conditions. Rappelons que le procureur de la République, aux termes de l'article D. 178 du code de procédure pénale, doit se rendre dans chaque prison une fois par trimestre et plus souvent s'il y a lieu. En outre, le présent projet de loi prévoit que le procureur de la République devra visiter les locaux de garde à vue au moins une fois par trimestre.

Le second paragraphe du présent article tend à compléter l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatif aux zones d'attente dans lesquelles peuvent être retenus les étrangers qui arrivent en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français ou demandent leur admission au titre de l'asile. L'Assemblée nationale a complété cet article pour imposer au procureur de la République de visiter les zones d'attente au moins une fois par an.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 32 B
(art. 583 et 583-1 du code de procédure pénale)
Obligation de mise en état avant l'examen d'un pourvoi

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative du Gouvernement d'une part, de Mme Christine Lazerges et M. Alain Touret d'autre part, tend à supprimer les articles 583 et 583-1 du code de procédure pénale.

Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, l'article 583 du code de procédure pénale prévoit que les condamnés à une peine privative de liberté pour une durée de plus d'un an (six mois avant l'adoption de cette loi), qui ne sont pas en état ou n'ont pas obtenu dispense de se mettre en état, sont déchus de leur pourvoi en cassation.

L'article 583-1 est issu de la loi du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Il permet à une personne de se pourvoir en cassation lorsqu'elle a été jugée en son absence et que la juridiction concernée ne lui a pas reconnu d'excuse valable ou lui a refusé d'être jugée en son absence son défenseur entendu. Dans ce cas, le pourvoi ne peut porter que sur la légalité de la décision par laquelle la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse fournie par l'intéressé.

L'introduction de cet article dans le code de procédure pénale visait à répondre partiellement à un arrêt Poitrimol du 23 novembre 1993 de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans cet arrêt, la Cour avait notamment critiqué l'absence de tout contrôle juridique des motifs pour lesquels une Cour d'appel n'avait pas reconnu valables les excuses présentées par un accusé pour justifier son absence à l'audience.

Le présent article, par la suppression des articles 583 et 583-1 du code de procédure pénale, tend à supprimer purement et simplement toute obligation de se mettre en état pour voir son pourvoi en cassation examiné. Le Gouvernement a accepté cette proposition de l'Assemblée nationale. Portant dans l'exposé des motifs du projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale, il avait estimé que " la rigueur de la règle actuelle " était " nécessaire pour éviter l'encombrement de la Chambre criminelle par des pourvois intentés par des condamnés en fuite ".

De fait, l'arrêt Poitrimol, qui a conduit le Gouvernement à proposer l'insertion d'un article 583-1 dans le code de procédure pénale ne critiquait pas seulement l'impossibilité d'un contrôle juridique sur le caractère valable des excuses fournies par un accusé pour ne pas comparaître. L'arrêt remettait en cause le principe même de la déchéance du pourvoi en l'absence de mise en état. La Cour européenne a en effet estimé " que l'irrecevabilité du pourvoi, pour des raisons liées à la fuite du requérant, s'analysait elle aussi en une sanction disproportionnée, eu égard à la place primordiale que les droits de la défense et le principe de la prééminence du droit occupent dans une société démocratique ".

Votre commission approuve la suppression de l'obligation de se mettre en état pour voir son pourvoi examiné. Elle constate toutefois que la séparation de la réforme de la justice en plusieurs textes peut conduire à des résultats fâcheux, le Parlement étant conduit à supprimer un texte adopté moins d'un an auparavant.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'EXÉCUTION DES PEINES

Article 32 C
(art. 729-3 nouveau du code de procédure pénale)
Libération conditionnelle des parents
d'enfants de moins dix ans

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative de Mme Christine Lazerges et de M. Alain Touret, tend à insérer un article 729-3 dans le code de procédure pénale pour prévoir que les condamnés à une peine inférieure à quatre années d'emprisonnement ou auxquels il reste à effectuer quatre années d'emprisonnement, exécutent cette peine sous le régime de la libération conditionnelle lorsqu'ils sont père ou mère d'un enfant de moins de dix ans à l'égard duquel ils exercent l'autorité parentale et qui a sa résidence habituelle chez eux. Le juge de l'application des peines pourrait s'opposer à cette mesure dans l'intérêt de l'enfant.

Les motivations de cet amendement sont très aisées à comprendre. Dans bien des cas, l'emprisonnement d'un père ou d'une mère a des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la famille et notamment pour les jeunes enfants. Il peut donc paraître souhaitable de rechercher des solutions pour limiter les conséquences de la condamnation pénale sur les relations familiales.

Pour autant, le présent article présente des inconvénients sérieux. Il est en effet contestable de prévoir un cas de libération conditionnelle automatique pour une catégorie de condamnés. Par ailleurs, la notion de " résidence habituelle " chez le parent emprisonné n'a plus beaucoup de signification après plusieurs années d'emprisonnement du parent concerné. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit en outre que la libération conditionnelle est prononcée lorsque le condamné exerce l'autorité parentale, sans qu'il soit distingué selon que l'autre parent exerce ou non également l'autorité parentale. Enfin, il n'est pas certain que le juge de l'application des peines soit le mieux à même d'apprécier l'intérêt de l'enfant.

Dans ces conditions, votre commission ne peut accepter cet article, même si elle partage les préoccupations qui ont animé l'Assemblée nationale en l'adoptant.

Le placement sous surveillance électronique peut constituer une solution pour favoriser le maintien des relations familiales puisqu'il pourrait être appliqué aux personnes condamnées à moins d'un an d'emprisonnement ou auxquelles il reste un an d'emprisonnement à effectuer. Par ailleurs, votre commission proposera, dans un article ultérieur, une modification des critères permettant la libération conditionnelle , afin de mentionner expressément la participation à la vie familiale parmi les raisons pouvant justifier une mesure de libération conditionnelle.

Dans ces conditions, votre commission vous propose la suppression de cet article.

Article 32 D
(art. 709-1, 731, 732 et 733 du code de procédure pénale)
Service pénitentiaire d'insertion et de probation

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier plusieurs articles du code de procédure pénale pour tenir compte de la disparition des comités de probation et d'assistance aux libérés qui ont été remplacés par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Cette réforme, entamée en 1996, a pour objet de mieux coordonner les actions d'insertion conduites au plan départemental. Il s'agit de renforcer le lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert en développant une continuité de la prise en charge des personnes au moment de leur sortie.

• Le premier paragraphe tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 709-1 du code de procédure pénale, qui prévoit l'institution de comités de probation et d'assistance aux libérés auprès des tribunaux.

• Le deuxième paragraphe tend à modifier l'article 731 du code de procédure pénale, relatif aux conditions particulières dont peut être assorti le bénéfice de la libération conditionnelle. Il s'agit de remplacer une référence aux comités de probation et d'assistance aux libérés par une référence au service pénitentiaire d'insertion et de probation. Il s'agit en outre de supprimer une référence à la composition et aux attributions des comités de probation et d'assistance aux libérés.

• Le troisième paragraphe tend à modifier l'article 732 du code de procédure pénale, relatif aux mesures d'assistance et de contrôle qui peuvent accompagner la mise en oeuvre d'une libération conditionnelle. Il s'agit une nouvelle fois de remplacer une référence aux comités de probation et d'assistance aux libérés par une référence au service pénitentiaire d'insertion et de probation, appelé à donner un avis sur la modification des dispositions de la décision de libération conditionnelle, lorsqu'elle est prise par le juge de l'application des peines.

• Le quatrième paragraphe tend à modifier l'article 733 du code de procédure pénale, relatif à la révocation de la décision de libération conditionnelle. Le présent paragraphe tend à remplacer la référence au comité de probation et d'assistance aux libérés, appelé à rendre un avis sur la révocation lorsque la décision relève du juge de l'application des peines, par une référence au service pénitentiaire d'insertion et de probation.

Par un amendement , votre commission vous propose de compléter cet article, afin de procéder à des coordinations dans les articles 41, 763-1 et 763-8 du code de procédure pénale.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 32 E
(art. 132-44 et 132-55 du code pénal)
Service pénitentiaire d'insertion et de probation

Cet article, comme le précédent, tend à prendre en considération la réforme du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Il s'agit de remplacer des références à l'agent de probation par des références au travailleur social.

• Le premier paragraphe tend à substituer l'expression " travailleur social " à celle d'" agent de probation " dans l'article 132-44 du code pénal, relatif aux mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre en cas de sursis avec mise à l'épreuve. L'agent de probation (désormais le travailleur social) joue en effet un rôle important dans ce domaine : il doit être prévenu des changements de résidence et d'emploi du condamné et exerce un contrôle sur les moyens d'existence du condamné ainsi que sur l'exécution de ses obligations.

• Le second paragraphe tend à substituer l'expression " travailleur social " à l'expression " agent de probation " dans l'article 132-55 du code pénal, relatif aux mesures de contrôle auxquelles doit satisfaire un condamné en cas de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 32 F
(art. 722, 722-1 nouveau, 730, 733, 733-1 du code de procédure pénale)
Juridictionnalisation des décisions du juge de l'application des peines

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, à l'initiative de la rapporteuse de la commission des lois, Mme Christine Lazerges, a pour objet de réformer de manière importante l'application des peines. Actuellement, le juge de l'application des peines , sous certaines réserves, est compétent pour accorder les placements à l'extérieur, la semi-liberté, les réductions, fractionnements et suspensions de peines, les autorisations de sortie sous escorte, les permissions de sortir, les libérations conditionnelles, le placement sous surveillance électronique.

En vertu de l'article 733-1 du code de procédure pénale, " Les décisions du juge de l'application des peines sont des mesures d'administration judiciaire ". Ainsi, le juge de l'application des peines n'est pas tenu d'entendre le condamné, celui-ci n'est pas assisté d'un avocat, les décisions du juge de l'application des peines ne sont susceptibles d'aucun recours de la part du condamné. Au contraire, le procureur de la République peut déférer certaines décisions du juge de l'application des peines, en particulier les décisions prises en matière de libération conditionnelle, devant le tribunal correctionnel statuant en chambre du conseil.

Le récent rapport de la commission sur la libération conditionnelle, présidée par M. Daniel Farge, conseiller à la Cour de cassation, a préconisé une juridictionnalisation complète de l'application des peines, impliquant la mise en place d'une procédure plus contradictoire, ainsi que de recours.

Le présent article tend à mettre en oeuvre une partie des recommandations du rapport de la commission sur la libération conditionnelle.

• Le paragraphe I tend à modifier l'article 722 du code de procédure pénale, relatif aux compétences du juge de l'application des peines, pour prévoir que les mesures qu'il peut accorder, à l'exception des réductions de peine et des autorisations de sortie sous escorte, font l'objet d'une décision motivée, rendue à l'issue d'un débat contradictoire, le condamné pouvant être assisté d'un conseil. La décision pourrait être attaquée par la voie de l'appel par le condamné, par le procureur de la République et par le procureur général près la cour d'appel dans les dix jours suivant la notification de la décision. L'appel serait porté devant la chambre des appels correctionnels. L'appel du ministère public formé dans les vingt-quatre heures de la notification suspendrait l'exécution de la décision jusqu'à ce que la cour d'appel ait statué.

Il s'agit d'une réforme très importante, attendue depuis longtemps et qui pourrait favoriser des attitudes plus constructives de la part des condamnés, désormais susceptibles de voir leurs demandes de libération conditionnelle examinées dans des conditions plus satisfaisantes.

Votre commission estime cependant qu'eu égard à l'importance de cette question, il convient d'aller plus loin dans cette réforme en modifiant en profondeur les règles de la libération conditionnelle, afin de mettre fin à l'intervention du Garde des Sceaux dans une matière qui relève à l'évidence de l'autorité judiciaire. Votre commission formulera, après le présent article, des propositions importantes à ce sujet.


• Le paragraphe II tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 722-1 pour prévoir qu'en cas d'inobservation des obligations ou d'inexécution des mesures de contrôle qui peuvent être imposées au condamné bénéficiant d'un aménagement de sa peine, le juge de l'application des peines pourra délivrer un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt contre la personne.

• Le paragraphe III tend à opérer une coordination avec l'article 730 du code de procédure pénale, relatif à la libération conditionnelle. Votre commission vous propose, par un amendement , la suppression de ce paragraphe, par coordination avec les amendements présentés après le présent article.

• Le paragraphe IV tend à opérer une coordination dans l'article 733 du code de procédure pénale relatif à la révocation de la décision de renvoi en liberté conditionnelle.

• Le paragraphe V tend à opérer des coordinations dans l'article 733-1 du code de procédure pénale. Il s'agit de supprimer la disposition énonçant que les décisions du juge de l'application des peines sont des décisions d'administration judiciaire. Seules conserveraient ce caractère les réductions de peine ou les autorisations de sortie sous escorte.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Articles additionnels après l'article 32 F
(art. 729, 730, 730-1 nouveau du code de procédure pénale, art.143-1, 143-2, 630-2 nouveaux du code de l'organisation judiciaire)
Réforme de la libération conditionnelle

L'article 32 F du projet de loi opère une juridictionnalisation très heureuse de l'application des peines. Toutefois, il demeure très en retrait des ambitieuses perspectives formulées dans le rapport de la commission sur la libération conditionnelle présidée par M. Daniel Farge.

Ce rapport préconise notamment la disparition des prérogatives du garde des sceaux en matière de libération conditionnelle. Au sujet du pouvoir du garde des sceaux, la commission présidée par M. Farge a notamment précisé : " (...) la tentation est grande pour le garde des sceaux de méconnaître l'évolution favorable d'un condamné plutôt que de prendre le risque d'une libération anticipée qui ne serait pas comprise par l'opinion publique en cas de nouveau crime ou délit.

" (...) il est difficilement concevable, dans un état de droit, qu'un ministre, membre du pouvoir exécutif, intervienne dans l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par l'autorité judiciaire à propos de la mesure qui provoque les plus grands bouleversements dans l'accomplissement de la peine ".

La réforme de la libération conditionnelle a été proposée à de multiples reprises au cours des vingt dernières années sans jamais aboutir.

Votre commission, qui souhaite que le rapport Farge soit mis en oeuvre vous propose, par cinq articles additionnels, de procéder dès à présent à cette réforme ambitieuse qui pourrait enfin permettre une relance de la libération conditionnelle.

Votre commission vous propose en premier lieu, conformément aux recommandations de la commission Farge, de modifier les critères permettant l'octroi de la libération conditionnelle. L'article 729 du code de procédure pénale fait seulement allusion à des gages sérieux de réinsertion sociale et cette disposition paraît trop souvent interprétée comme impliquant que le condamné ait un emploi certain à sa sortie de prison. Votre commission vous propose de prévoir une liste non exhaustive d'éléments devant être pris en considération pour l'octroi d'une mesure de libération conditionnelle.

Elle vous propose que la libération conditionnelle puisse être accordée aux condamnés manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils justifient soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de leur assiduité à un enseignement ou à une formation, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement.

Par ailleurs, votre commission vous propose de modifier les règles d'octroi de la libération conditionnelle. Actuellement, le juge de l'application des peines est compétent en matière de libération conditionnelle lorsque la peine est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. Au-delà, la compétence appartient au ministre de la justice . Votre commission, suivant là encore les recommandations de la commission Farge, propose que le juge d'application des peines soit désormais compétent pour les peines inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement et qu'au-delà, la compétence en matière de libération conditionnelle soit confiée à une juridiction collégiale .

Votre commission propose la création d'un tribunal de l'application des peines dans le ressort de chaque cour d'appel. L'appel des décisions de ce tribunal serait porté devant une juridiction nationale de la libération conditionnelle , placée auprès de la Cour de cassation et composée de trois magistrats, d'un représentant d'une association de réinsertion des condamnés et d'une personne s'étant signalée par son intérêt pour les victimes. Cette composition est proche de celle du comité consultatif de libération conditionnelle, qui donne actuellement des avis avant les décisions du ministre de la justice en matière de libération conditionnelle. Le système proposé doit permettre la mise en oeuvre complète d'une réforme qui n'a été que trop longtemps retardée dans le temps.

Article additionnel après l'article 32 F
(art. 720-1-A du code de procédure pénale)
Visite par les parlementaire des établissements pénitentiaires

L'Assemblée nationale a inséré à la fin du présent projet de loi un article 42 permettant aux parlementaires de visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de leur département. Cette disposition mérite d'être acceptée mais n'a pas à figurer parmi les dispositions finales du projet de loi.

Votre commission vous propose, par un article additionnel, de l'insérer parmi les dispositions relatives à l'exécution des peines.

Article additionnel après l'article 32 F
(art. 723-7 du code de procédure pénale)
Placement sous surveillance électronique

Par un article additionnel, votre commission vous propose de compléter les dispositions du code de procédure pénale relatives au placement sous surveillance électronique.

Il s'agit tout d'abord de prévoir que la décision de placement sous surveillance électronique d'un mineur non émancipé ne peut être prise qu'avec les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Il s'agit en outre de préciser que lorsque le lieu désigné par le juge de l'application des peines n'est pas le domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du maître des lieux.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement insérant dans le projet de loi un article additionnel ainsi rédigé.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION

Article 33
(articles 83, 116, 122, 135, 136, 138, 141-2, 144-1, 145, 145-2,
185, 187-1, 207 du code de procédure pénale)
Coordination - Juge de la détention

Cet article a pour objet de prendre en considération dans le code de procédure pénale la création d'un juge chargé de la détention provisoire en remplaçant, partout où cela est nécessaire, la référence au juge d'instruction par une référence au juge de la détention provisoire.

Cet article a subi des modifications au cours de la procédure parlementaire, d'une part en raison de l'absence d'accord entre les deux assemblées sur la dénomination du nouveau juge, d'autre part parce que l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture, décidé de réécrire intégralement certains articles du code de procédure pénale dans le projet de loi plutôt que d'opérer des coordinations rédactionnelles en fin de texte. Votre commission vous propose, dans cet article comme dans les précédents, de remplacer la référence au juge de la détention provisoire par une référence au juge des libertés.

Votre commission vous soumet trois amendements de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 33 bis
(art. 158 du code de procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats

En première lecture, le Sénat avait inséré dans le présent article les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en matière de contrôle judiciaire des avocats. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié ces dispositions et les a fait figurer à l'article 9 nonies. Elle a en conséquence décidé à juste titre la suppression de cet article.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de l'article 33 bis.

Article 37 bis
(art. 141-2, 148-1, 256, 268, 269, 273, 316, 327, 348, 349, 351, 370, 594, 599, 698-6, 706-25, 885, 888)
Coordination - Recours en matière criminelle

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier de très nombreux articles du code de procédure pénale, pour tenir compte de l'instauration d'un recours en matière criminelle.

•  Le paragraphe I tend à modifier l'article 141-2 du code de procédure pénale, relatif aux règles applicables lorsqu'une personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. Il s'agit de prévoir que, en ce qui concerne les accusés, le président de la chambre d'accusation est compétent pour ordonner l'exécution de l'ordonnance de prise de corps, sauf pendant la session d'assises au cours de laquelle la personne doit être jugée. Pendant cette session, le président de la cour d'assises serait compétent pour ordonner l'exécution de l'ordonnance de prise de corps.

•  Le paragraphe II tend à modifier l'article 148-1 du code de procédure pénale, relatif aux demandes de mise en liberté formulées par les personnes mises en examen, les prévenus ou les accusés. Cet article dispose notamment que lorsqu'une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la liberté provisoire. Le présent paragraphe prévoit qu'en matière criminelle, la cour d'assises n'est compétente que lorsque la demande est formée devant la session au cours de laquelle elle doit juger l'accusé. Il dispose en outre que, dans les autres cas, la demande est examinée par la chambre d'accusation.

•  Le paragraphe III tend à modifier l'article 256 du code de procédure pénale, relatif aux incapacités empêchant d'exercer les fonctions de juré. Actuellement, ces incapacités concernent notamment les personnes en état d'accusation ou de contumace, les fonctionnaires et agents de l'Etat révoqués de leurs fonctions, les officiers ministériels destitués, les personnes déclarées en état de faillite et non réhabilitées... Le présent paragraphe tend à introduire un nouveau cas d'incapacité de l'article 256. Les personnes dont le casier judiciaire mentionnerait une condamnation pour crime ou une condamnation pour délit à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement ne pourraient exercer les fonctions de juré. Il est quelque peu surprenant qu'une telle modification de fond figure parmi les dispositions de coordination du projet de loi.

•  Le paragraphe IV tend à modifier l'article 268 du code de procédure pénale, relatif à l'arrêt de renvoi, pour tenir compte du fait qu'après l'adoption du projet de loi, le juge d'instruction prendra lui-même une ordonnance de mise en accusation ; la chambre d'accusation ne sera plus appelée à rendre éventuellement un arrêt de mise en accusation qu'en cas de contestation de l'ordonnance de mise en accusation.

•  Le paragraphe V tend à modifier l'article 269 du code de procédure pénale, relatif au transfert dans la maison d'arrêt du lieu où se tiennent les assises, d'un accusé après l'arrêt du renvoi. Il s'agit à nouveau de tenir compte du fait qu'à l'avenir, le juge d'instruction rendra lui-même l'ordonnance de mise en accusation.

•  Le paragraphe VI tend à modifier l'article 273 du code de procédure pénale relatif à l'interrogatoire d'identité de l'accusé mené par le président de la cour d'assises. Il s'agit là encore de tenir compte de la modification des règles relatives au renvoi devant la cour d'assises.

•  Le paragraphe VII tend à modifier l'article 316 du code de procédure pénale relatif aux incidents contentieux pendant les procès d'assises. Actuellement, cet article prévoit que les arrêts de la cour en matière d'incidents contentieux ne peuvent être attaqués par la voie du recours en cassation qu'en même temps que l'arrêt sur le fond. Ce principe serait conservé lorsque la cour d'assises statue en appel. En revanche, les arrêts sur les incidents contentieux intervenus lors de l'examen de l'affaire en premier ressort ne pourraient faire l'objet d'aucun recours, mais n'auraient pas autorité de chose jugée en cas d'appel de l'arrêt sur le fond et de réexamen de l'affaire devant une autre cour d'assises.

•  Le paragraphe VIII a pour objet de modifier l'article 327 du code de procédure pénale relatif à la lecture de l'arrêt de renvoi au cours du procès. Il s'agit de prévoir que la lecture de la décision de renvoi s'accompagne, lorsque la cour d'assises statuera en appel, de la lecture des questions posées à la cour d'assises ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée.

•  Le paragraphe IX tend à modifier les articles 348 et 349 du code de procédure pénale relatifs à la lecture des questions auxquelles la cour et le jury doivent répondre. Il s'agit de prendre en considération la modification de la procédure de mise en accusation prévue par le projet de loi.

•  Le paragraphe X tend à la même modification dans l'article 351 du code de procédure pénale, relatif au cas dans lequel il résulte des débats de la cour d'assises que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par l'arrêt de renvoi.

•  Le paragraphe XI tend à modifier l'article 370 du code de procédure pénale, relatif à l'avertissement donné à l'accusé de son droit de se pourvoir en cassation. Il s'agit de tenir compte du droit qui sera désormais reconnu aux accusés d'interjeter appel.

•  Le paragraphe XII tend à la suppression de l'article 594 du code de procédure pénale qui prévoit que l'arrêt de renvoi couvre les vices de procédure antérieurs. Cet article n'est plus nécessaire, dans la mesure où le texte proposé par l'article 21 nonies pour l'article 181 du code de procédure pénal prévoit que l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction couvre les vices de la procédure lorsqu'elle est devenue définitive.

•  Le paragraphe XIII tend à prendre en compte l'instauration d'un recours en matière criminelle dans l'article 599 du code de procédure pénale, relatif aux nullités qu'il n'est pas possible de soulever comme moyen de cassation lorsqu'elles n'ont pas été soulevées devant la cour d'assises.

•  Le paragraphe XIV tend à modifier l'article 698-6 du code de procédure pénale relatif à la composition de la cour d'assises compétente pour le jugement des crimes militaires et des crimes et délits commis par les militaires dans l'exécution du service. Actuellement, cette cour est composée d'un président et de six assesseurs. Le présent paragraphe tend à prévoir que cette cour continuera à comporter six assesseurs en première instance et en comportera huit en appel.

Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de jurés des cours d'assises vous propose, par un amendement , de supprimer cette disposition.

•  Le paragraphe XV tend à modifier l'article 706-25 relatif aux règles du jugement des actes de terrorisme. Il s'agit de prendre en compte le fait que la mise en accusation sera désormais ordonnée par le juge d'instruction.

•  Le paragraphe XVI tend à modifier l'article 885 du code de procédure pénale relatif à la cour criminelle de Mayotte, afin de prévoir que cette cour sera composée différemment lorsqu'elle statue en premier ressort ou lorsqu'elle statue en appel. Votre commission vous propose, par coordination, la suppression de cette disposition.

•  Enfin, le paragraphe XVII tend à modifier l'article 888 du code de procédure pénale, relatif aux règles de majorité applicables lorsque la cour criminelle de Mayotte statue, pour tenir compte du nombre différent d'assesseurs en premier ressort et en appel. Votre commission vous propose, par coordination, la suppression de cette disposition.

Votre commission vous propose, par un amendement , de compléter cet article pour modifier l'article 354 du code de procédure pénale, relatif au déroulement du délibéré. Pour tenir compte du fait que, plus fréquemment que par le passé, des accusés comparaîtront libres, il paraît nécessaire de prévoir que l'accusé ne doit pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré. Faute d'une telle disposition, certains accusés pourraient quitter le palais de justice pendant le délibéré pour n'y plus revenir, ce qui empêcherait que l'arrêt soit prononcé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 38
(art. 4 et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945)
Garde à vue et détention provisoire des mineurs délinquants

Cet article tend à opérer des modifications dans l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour tenir compte des modifications apportées au droit positif par le projet de loi en matière de garde à vue et de détention provisoire.

Cet article a été complété par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination et vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 38 bis
(art. 689-9 nouveau du code de procédure pénale)
Compétence universelle des juridictions françaises

L'article 113-2 du code pénal prévoit que " la loi pénale française est applicable à toutes les infractions commises sur le territoire de la République ".

En principe, les infractions commises hors du territoire de la République échappent aux juridictions françaises. Toutefois, l'article 113-6 du code pénal prévoit que la loi française est applicable pour les crimes et les délits commis à l'étranger par un Français. En ce qui concerne les délits, la loi pénale française ne s'applique que " si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ". Par ailleurs, selon l'article 113-7 du code pénal " la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction ".

En outre, certaines infractions portant atteinte à des intérêts supérieurs sont également soumises à la loi pénale française, même lorsqu'elles sont commises à l'étranger (article 113-10 du code pénal).

Enfin, dans certains cas, les juridictions françaises bénéficient d'une compétence universelle par l'effet des conventions internationales. Le système de la compétence universelle " donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le délinquant a été arrêté ou se trouve même passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l'infraction et quelles que soient les nationalités de l'auteur et de la victime ". Les articles 689-2 à 689-7 du code de procédure pénale prévoient déjà des cas de compétence universelle des juridictions françaises, par exemple pour l'application de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le présent article tend à introduire un nouveau cas de compétence universelle pour l'application de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes , ouverte à la signature à New-York le 12 janvier 1998.

Cet engagement impose aux Etats parties d'établir leur compétence dans des cas où l'application des principes généraux du droit pénal français ne permet pas d'être sûr de la compétence des juridictions françaises.

Cet article permet donc d'établir la compétence des juridictions françaises en-dehors de toute condition de réciprocité en ce qui concerne les actes de terrorisme. Il permettra aux juridictions françaises de poursuivre et de juger toute personne se trouvant en France, qui a commis hors le territoire français des actes visés par la convention sur la répression des attentats terroristes à l'explosif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 38 ter
(art. 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)
Correction d'une erreur matérielle

Le Parlement a adopté le 22 novembre 1999 une loi portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure et le droit comptable.

Cette loi a notamment pour objet d'adapter la composition des formations disciplinaires des barreaux comprenant au moins cinq cents avocats disposant du droit de vote. Elle permet à d'anciens membres du conseil de l'ordre de siéger dans ces formations disciplinaires. Or, à la suite d'une erreur matérielle dans la proposition de loi initiale, le texte dispose que les anciens membres du conseil de l'ordre doivent avoir quitté leurs fonctions depuis au moins huit ans, alors que les rédacteurs de la proposition souhaitaient, ce qui est aisément compréhensible, que ces personnes aient quitté leurs fonctions depuis moins de huit ans pour pouvoir siéger dans les formations disciplinaires. Le présent article, sans rapport avec le projet de loi, tend à corriger cette erreur matérielle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 39
Délai d'entrée en vigueur de certaines dispositions

Cet article concerne les délais d'entrée en vigueur de certaines dispositions et prévoit une disposition transitoire en ce qui concerne le recours en matière criminelle.

Les délais d'entrée en vigueur proposés sont résumés dans le tableau suivant.

Délai

Dispositions concernées

• premier jour du deuxième mois suivant la publication de la loi

- dispositions relatives à la garde à vue

- obligation pour le juge d'instruction d'informer la personne qu'elle peut se taire, faire des déclarations ou être interrogée (article 4 ter)

- réforme de la procédure d'indemnisation des détentions provisoires injustifiées (article 19)

- information des victimes par les officiers de police judiciaire (article 28 ter)

- avertissement donné à la victime par le juge d'instruction de son droit de se constituer partie civile (article 29 A)

- indemnité aux personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement (article 31 sexies)

• premier jour du quatrième mois suivant la publication de la loi

- dispositions relatives au juge chargé de la détention provisoire et aux conditions de placement en détention provisoire

• premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi

- recours en matière criminelle

• un an après la publication de la loi

- délai d'audiencement en matière criminelle

En ce qui concerne le recours en matière criminelle, le présent article prévoit l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions six mois après la publication de la loi, mais précise que les personnes condamnées par une cour d'assises après la publication de la loi et dont la condamnation ne serait pas définitive le premier jour du sixième mois suivant cette publication, pourront, dans les dix jours suivant cette date, former appel de leur condamnation .

Par ailleurs, en ce qui concerne le délai d'audiencement en matière criminelle, le présent article repousse l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi à un an après la publication de la loi. Or, l'article 21 nonies du projet de loi, qui confie au juge d'instruction le soin d'ordonner la mise en accusation d'une personne prévoit que le mandat de dépôt ou d'arrêt décerné au cours de l'information conserve sa force exécutoire jusqu'à la comparution de celui-ci devant la cour d'assises, sous réserve des délais butoirs prévus en matière d'audiencement. Il convient, comme le prévoit le présent article, que cette réserve ne s'applique que lorsque les délais butoirs entreront en vigueur, c'est-à-dire un an après la publication de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 41
(art. 97 du code de procédure pénale)
Perquisitions dans les cabinets d'avocats

En première lecture, le Sénat a adopté un amendement destiné à préciser les conditions dans lesquelles peuvent se dérouler des perquisitions dans les cabinets d'avocat. L'Assemblée nationale, tout en préconisant ces dispositions, les a, à juste titre, insérées à l'article 9 octies du projet, dans une section comportant des " dispositions assurant l'exercice des droits de la défense par les avocats ". Elle a donc supprimé le présent article.

Votre commission vous propose de maintenir la suppression de l'article 41.

Article 42
(art. 720-1-A nouveau du code de procédure pénale)
Visites d'établissements pénitentiaires par les parlementaires

Cet article inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à permettre aux députés et sénateurs de visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département.

L'Assemblée nationale a d'abord adopté la même disposition dans le projet de loi relation à l'action publique en matière pénale, sur proposition de M. Jean-Luc Warsmann. Encore sur proposition de M. Warsmann, elle a décidé d'inscrire cette disposition dans le présent projet de loi.

Tout en acceptant cette disposition, votre commission a décidé de l'insérer parmi les articles relatifs à l'exécution des peines.

Votre commission vous propose en conséquence la suppression du présent article.

Article 43
Visite des établissements pénitentiaires par
la commission départementale de sécurité et d'accessibilité

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, prévoit que tout établissement pénitentiaire est visité au moins une fois par an par la commission départementale de sécurité et d'accessibilité.

Une telle disposition paraît pour le moins prématurée. Les établissements pénitentiaires ne répondent à l'évidence pas, pour beaucoup d'entre eux, aux normes définies pour les établissements appelés à recevoir du public. Cette situation doit naturellement évoluer. Toutefois, il n'est pas certain que la commission départementale de sécurité et d'accessibilité soit l'organe le mieux placé pour visiter des établissements présentant des caractéristiques très particulières.

La commission sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires présidée par M. Guy Canivet vient de formuler des propositions très ambitieuses en matière de contrôle externe des établissements pénitentiaires. Elle a notamment proposé la création d'une autorité qualifiée de " contrôle général des prisons ".

La commission a précisé : " le champ de contrôle doit (...) comprendre les conditions générales de détention, les rapports entre l'Administration et les détenus, les relations entre co-détenus, la mise en oeuvre du statut de ceux-ci, mais aussi l'état des bâtiments et des cellules , les activités proposées ".

Votre commission estime préférable d'attendre la mise en place d'un contrôle spécifique aux établissements pénitentiaires plutôt que de décider, dans la précipitation d'imposer à la commission départementale de sécurité et d'accessibilité de visiter les établissements pénitentiaires. Il est souhaitable que le Gouvernement dépose très rapidement un projet de loi relatif au contrôle de l'administration pénitentiaire.

Votre commission rappelle en outre, qu'à l'initiative du Sénat, la commission nationale de déontologie de la sécurité sera compétente à l'égard de l'administration pénitentiaire. Par ailleurs, le Sénat a récemment mis en place une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, qui pourra formuler des propositions à l'issue d'un travail approfondi d'auditions, de visites d'établissements et de comparaisons internationales.

Votre commission vous propose, dans cette attente, la suppression de cet article.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE 1


LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MERCREDI 8 MARS 2000

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AUDITION DE ME PATRICK MAISONNEUVE,
AVOCAT, RESPONSABLE DE LA COMMISSION PÉNALE
DE L'ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D'APPEL DE PARIS

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M. Jacques Larché, président, a noté que l'Assemblée nationale avait tiré parti des améliorations apportées par le Sénat en première lecture, en particulier l'appel devant les cours d'assises, que le Gouvernement n'avait pas voulu proposer initialement.

Me Patrick Maisonneuve a estimé que les travaux parlementaires allaient dans la bonne direction en renforçant le principe du contradictoire, l'égalité des armes entre les parties et la séparation entre les fonctions de jugement et de poursuite.

S'agissant de la garde à vue, il a remarqué que les arguments avancés lors de l'institution de la présence de l'avocat à la vingtième heure, selon lesquels l'efficacité de l'enquête serait battue en brèche, n'avaient pas été vérifiés dans la pratique. Il a fait part de plusieurs propositions tendant à affirmer le principe de la nécessaire compatibilité des conditions de la garde à vue avec le respect du droit à la dignité de toute personne, tout en reconnaissant qu'il était très difficile d'énumérer de façon exhaustive ces conditions. Il a estimé que les temps de repos ne s'effectuaient pas conformément aux règles d'hygiène et de sécurité, la garde à vue plaçant la personne en position de faiblesse physique et psychologique. Il a ajouté que l'intégrité et l'intimité des personnes n'étaient pas respectées et qu'il était faux d'affirmer que les fouilles à corps étaient toujours effectuées par des médecins.

Me Patrick Maisonneuve a jugé important d'informer la personne gardée à vue des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle, conformément à l'article 5-2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a estimé que l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue, facteur de transparence, était aussi une garantie pour les fonctionnaires de police. Il s'est déclaré favorable à l'enregistrement vidéo, mais a craint que cette solution ne soit trop difficile à mettre en oeuvre, et ne soit finalement pas appliquée. En conséquence, il a proposé que l'avocat puisse assister aux auditions lors de la garde à vue. Il a ensuite insisté sur la nécessité de retranscrire, dans les procès-verbaux, les questions posées à la personne gardée à vue. Enfin, il a attiré l'attention sur les pratiques de conditionnement et de déstabilisation dans la première phase de la garde à vue.

Interrogé par M. Jacques Larché, président, Me Patrick Maisonneuve a considéré que la présence de l'avocat pouvait être envisagée comme une alternative à l'enregistrement de la garde à vue. Il a regretté certaines dérives par lesquelles des policiers orientaient le choix d'un avocat par la personne gardée à vue. Il a souhaité qu'en cas de contestation, la transcription de l'enregistrement ou son écoute par le magistrat soit de droit et non une simple faculté laissée à l'appréciation du juge.

Constatant que la garde à vue était utilisée comme moyen de pression, M. Henri de Richemont a marqué l'intérêt d'informer la personne gardée à vue de son droit de garder le silence.

Me Patrick Maisonneuve a approuvé l'information sur le droit au silence, mais a ajouté qu'elle ne devait pas mettre en cause le principe du contradictoire. En particulier, il a estimé que certains comportements des officiers de police judiciaire pouvaient, en pratique, faire échec au droit au silence.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a précisé que l'information sur le droit de garder le silence avait d'ores et déjà été adoptée par les deux assemblées.

M. Jacques Larché, président, a insisté sur l'intérêt de formuler les questions posées dans les procès-verbaux de garde à vue.

M. Henri de Richemont s'est demandé s'il ne convenait pas de prévenir la personne gardée à vue que toutes ses déclarations pourraient être utilisées contre elle.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a fait part des critiques sur l'enregistrement audiovisuel des déclarations des mineurs victimes, avancées lors de l'adoption de la loi relative aux infractions sexuelles, l'utilisation de l'enregistrement à tout moment de l'instruction ou à l'audience pouvant nuire à la personne mise en examen. Il a ajouté que la question de l'admissibilité en preuve de l'enregistrement et de son utilisation éventuelle devant la Cour était d'autant plus sensible que la phase de garde à vue se déroulait sans la présence de l'avocat ni du juge.

Me Patrick Maisonneuve a réfuté l'argument selon lequel les policiers manipuleraient les bandes sonores. Il a estimé que l'objectif principal des enregistrements était de rendre plus transparentes les gardes à vue et d'éviter les pressions sur la personne.

M. Jacques Larché, président, a remarqué que certains magnétophones permettaient un enregistrement sécurisé, toute manipulation de la bande sonore étant immédiatement décelable. M. Nicolas About a précisé que tel n'était pas le cas avec les enregistrements numériques.

Constatant les incertitudes sur la fiabilité de l'enregistrement, Me Patrick Maisonneuve a indiqué sa préférence pour la présence de l'avocat lors des auditions en garde à vue. A défaut, il lui a semblé que l'enregistrement constituait un progrès.

Interrogé sur la capacité des barreaux d'assurer la présence effective de l'avocat à la vingtième heure, il a fait part de la régionalisation en cours des barreaux.

Me Patrick Maisonneuve a jugé très important que l'attribution du statut de témoin assisté aux personnes visées par une plainte ou mises en cause par la victime, en application de l'article 113-2 du code de procédure pénale, s'exerce à peine de nullité.

Il a ajouté que le statut de témoin assisté devait être appliqué dans le cadre d'une enquête préliminaire, cette procédure intéressant 80 à 90 % des affaires pénales.

S'agissant de l'appel devant les cours d'assises, Me Patrick Maisonneuve a indiqué que la commission pénale du barreau de Paris était favorable depuis longtemps à la " deuxième chance ". Il a souligné l'intérêt de maintenir le jury populaire afin d'associer les citoyens au jugement des affaires pénales les plus graves.

Me Patrick Maisonneuve s'est déclaré très hostile à la motivation des arrêts de cour d'assises. En pratique, il a précisé que les plaidoiries devant les cours d'assises visaient très rarement l'acquittement et portaient majoritairement sur le quantum de la peine. Il a donc estimé qu'il y aurait très peu de contestation des arrêts d'assises, remettant ainsi en cause l'argument de l'encombrement des juridictions.

M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur une alternative à l'appel tournant qui aurait consisté à introduire la notion d'" erreur manifeste d'appréciation " utilisée par la justice administrative, afin de permettre à la Cour de cassation, dans les circonstances de l'espèce, de casser une affaire si elle l'estime nécessaire.

Interrogé par M. Charles Jolibois, rapporteur, Me Patrick Maisonneuve a approuvé la disposition permettant au seul accusé de faire appel d'un jugement d'assises. M. Pierre Fauchon a estimé que l'appel ne devait bénéficier qu'à l'accusé, l'objectif de la deuxième chance étant d'éviter la condamnation d'un innocent.

S'agissant du juge de la détention, Me Patrick Maisonneuve a considéré que la séparation des fonctions de jugement et d'instruction constituait un progrès, dans la mesure où les magistrats instructeurs utilisaient très fréquemment la mise en détention provisoire comme moyen de pression. Il a estimé que la garde à vue constituait un moyen de pression très efficace contre les personnes qui n'avaient encore jamais eu affaire au système judiciaire.

Enfin, il a insisté sur la nécessité de préserver la possibilité pour le juge d'instruction de prononcer un contrôle judiciaire afin de limiter le nombre de mises en détention provisoire. M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que les deux assemblées avaient adopté cette disposition à l'article 10 du projet de loi.

M. Pierre Fauchon s'est demandé si l'introduction du " plaider coupable " n'était pas de nature à simplifier le traitement des affaires pénales. M. Jacques Larché, président, a noté que la composition pénale, introduite par la loi améliorant l'efficacité de la procédure pénale, constituait une amorce du " plaider coupable ". Me Patrick Maisonneuve a remarqué que le " plaider coupable ", bien qu'existant en fait sur le terrain, ne faisait pas partie de notre culture juridique.

AUDITION DE MM. ETIENNE APAIRE,
JEAN-BAPTISTE PARLOS, PHILIPPE COIRRE
ET JEAN-FRANÇOIS RICARD, DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE
DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS

_______

Après avoir noté que depuis 1980, plus de dix réformes de la procédure pénale avaient été adoptées, M. Jean-Baptiste Parlos, considérant que la définition de la jurisprudence demandait environ sept ans après l'entrée en vigueur de la loi, a craint un certain désordre juridique. Il a insisté sur la nécessité d'accompagner la nouvelle réforme des moyens suffisants.

Il a estimé que la réforme proposée n'était ni cohérente, ni complète, dans la mesure où la distinction n'avait pas clairement été effectuée entre les missions juridictionnelles du juge et ses missions d'enquête et d'instruction. Il a relevé que la réforme ne concernait que 5 à 7 % des affaires pénales, puisque les procédures de comparution immédiate, de citation directe et de convocation par officier de police judiciaire dans le domaine correctionnel demeuraient hors du champ d'application du projet de loi.

S'agissant de la détention provisoire, M. Jean-Baptiste Parlos a noté que les magistrats instructeurs approuveraient de ne plus se voir confier le contentieux de la détention. Cependant, il n'a pas jugé bon que le juge de la détention provisoire soit saisi par le juge d'instruction, et non par le procureur de la République.

Il a souligné les difficultés d'application de la disposition, adoptée par l'Assemblée nationale, interdisant la mise en détention provisoire des parents qui exercent l'autorité parentale sur des enfants de moins de dix ans, indiquant qu'à la maison d'arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, 50 des 78 détenues exerçaient seules l'autorité parentale.

S'agissant de la garde à vue, M. Etienne Apaire a attiré l'attention sur les trois innovations du projet de loi, à savoir la présence de l'avocat dès la première heure, l'enregistrement des auditions et l'interdiction de la garde à vue des témoins.

Tout en soulignant l'approbation par les magistrats instructeurs du principe de la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, M. Etienne Apaire a rappelé qu'il revenait en premier lieu au parquet de s'assurer de la bonne conduite des gardes à vue par les officiers de police judiciaire.

Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences de la présence de l'avocat dès la première heure lorsque des actes urgents seraient nécessaires. Il a souhaité que la loi précise les mesures d'investigation que pourront accomplir les policiers pendant la période de garde à vue et indiqué que l'absence de l'avocat, avisé dès la première heure, ne devait pas empêcher les investigations.

M. Etienne Apaire a noté que plusieurs mesures adoptées au cours des dernières années, à savoir le raccourcissement de la durée de la garde à vue, portée à 24 heures renouvelables une fois dans les conditions de droit commun, la possibilité de trois entretiens avec l'avocat en cas de prolongation de la garde à vue et la visite médicale, étaient de nature à amputer considérablement la période effective de garde à vue. Considérant que la durée de 48 heures avait été instituée à une époque où les obligations prévues en faveur des personnes gardées à vue n'offraient pas les mêmes garanties, il a souhaité que la durée de garde à vue soit augmentée de douze heures.

S'agissant de l'enregistrement sonore des auditions de garde à vue, il a rappelé que le rôle des magistrats instructeurs était de contrôler les policiers et de les renvoyer éventuellement devant les tribunaux en cas de violences illégitimes. Il a estimé que l'enregistrement vidéo pourrait être un bon outil, à condition de s'appliquer dans l'ensemble des locaux, cette mesure étant seule de nature à limiter le soupçon pesant sur les policiers.

M. Etienne Apaire a estimé que joindre l'enregistrement sonore à la procédure excédait très largement l'objectif d'éviter les violences illégitimes. Il a jugé que la possibilité pour le juge d'écouter l'enregistrement pouvait engendrer de multiples contentieux.

M. Etienne Apaire a regretté qu'aucune mesure ne soit prévue pour obliger le témoin récalcitrant à rester à la disposition de la police le temps nécessaire à son audition. Il a proposé de créer un délit d'opposition à la justice permettant de sanctionner le refus de coopérer.

Considérant que la garde à vue permettait souvent la résolution des affaires, notamment en cas d'aveux, il a regretté que le projet de loi multiplie les sources de contentieux, alors que la délinquance ne cessait d'augmenter.

Interrogé par M. Henri de Richemont, M. Etienne Apaire a distingué le droit pour la personne gardée à vue de garder le silence afin de ne pas s'incriminer elle-même, du devoir pour le témoin de collaborer avec la justice.

M. Philippe Coirre a souhaité que les policiers intervenant sur les lieux d'un crime aient les moyens d'enquêter sur place. Il a regretté que l'effet mécanique du projet de loi soit l'ouverture systématique d'informations, en particulier du fait des articles 113-2 et 77-2 du code de procédure pénale.

Il a estimé que le statut de témoin assisté allait favoriser les ouvertures immédiates d'informations, seul le juge d'instruction étant habilité à entendre une personne mise en cause en qualité de témoin assisté. Il lui a semblé que même si cette disposition ne concernait que les informations déjà ouvertes, les juges d'instruction, contraints d'effectuer le travail de " défrichage " actuellement réalisé en garde à vue, allaient rapidement être débordés.

M. Philippe Coirre a ensuite critiqué la disposition permettant à la personne gardée à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire de flagrance, de demander au bout de six mois au procureur de la République, qui envisage de prolonger l'enquête, de se justifier dans le cadre d'un débat public. Il a jugé que les enquêtes deviendraient inefficaces, faute de confidentialité, et a regretté l'institution d'un débat public. Il lui a semblé que le procureur de la République aurait intérêt à ouvrir une information dès le début de l'enquête afin de bénéficier d'une année d'investigations confidentielles, cette pratique conduisant à augmenter le nombre des affaires " en friche ".

M. Philippe Coirre a marqué son opposition à l'appel de la décision de mise en examen et à la contestation d'une mise en examen au moyen d'une requête en nullité, cette procédure instaurant un contentieux dilatoire supplémentaire.

S'agissant des délais butoirs, M. Philippe Coirre a indiqué que les juges d'instruction ne seraient absolument pas en mesure de les tenir. Il a insisté sur le caractère peu précis de ces délais, le projet de loi n'indiquant pas s'ils incluaient les délais d'audiencement, ni dans quelles conditions ils pourraient être suspendus. Il lui a semblé nécessaire de suspendre les délais butoirs en cas de contentieux lié à une nullité de procédure.

M. Philippe Coirre a estimé qu'à moins de recruter 450 magistrats supplémentaires, le projet de loi allait provoquer un blocage de la justice pénale en quelques semaines.

M. Jean-François Ricard a noté que le métier de juge d'instruction avait considérablement changé depuis 18 ans afin d'améliorer l'équilibre entre les droits de la défense, la présomption d'innocence et l'efficacité de la répression. Il a attiré l'attention sur les périls de ce projet de loi.

Devant le risque de blocage des investigations et de neutralisation du rôle de la garde à vue, il a souhaité le maintien de la présence de l'avocat à la seule vingtième heure en matière criminelle.

M. Jean-François Ricard a souligné l'importance de limiter aux informations déjà ouvertes l'octroi du statut de témoin assisté à la personne qui en fait la demande.

Il a craint le blocage des procédures pour les infractions les plus graves, en particulier en matière de terrorisme, la clôture de l'investigation ne pouvant pas intervenir, dans de nombreux cas, avant un délai de trois ans.

M. Jean-François Ricard a mis en garde contre un ralentissement massif du traitement des affaires pénales, les contrats de procédure ne pouvant être tenus que si des moyens réels de fonctionnement étaient prévus. Il a estimé que la disposition selon laquelle le juge de la détention provisoire devait avoir rang de président ou de vice-président allait conduire à solliciter l'intervention des juges civils en tant que juges de la détention, alors que leur intérêt pour cette matière n'était pas avéré.

Constatant le déplacement de la procédure pénale de l'inquisitoire vers le contradictoire, M. Henri de Richemont s'est demandé si un policier pouvait enquêter à charge et à décharge, si les questions posées par la défense étaient de nature à intimider le témoin, enfin si l'expertise pouvait être contradictoire.

M. Jean-François Ricard a indiqué que le juge d'instruction déléguait aux policiers une partie de ses attributions au moyen d'une commission rogatoire très précisément définie et qu'il lui appartenait d'exiger un compte rendu au jour le jour et la communication des actes.

Interrogé par M. Jacques Larché, président, M. Jean-François Ricard a estimé que les pratiques consistant pour un policier à orienter le choix d'un avocat par la personne interrogée n'avaient plus cours. Il a ajouté que le juge devait entretenir un contact régulier avec les officiers de police judiciaire et sanctionner les comportements répréhensibles par le retrait de la délégation.

M. Philippe Coirre a considéré que dans un système où le parquet n'était pas indépendant et où prévalait le principe d'opportunité des poursuites, il était nécessaire que le juge d'instruction conserve la maîtrise de l'enquête pénale.

M. Jean-François Ricard a regretté la disposition pouvant conduire un témoin à s'exprimer face au juge en présence de l'avocat de la personne mise en examen, cette disposition pouvant être à l'origine de la peur de témoigner, en particulier dans les affaires de violences urbaines.

M. Jean-François Ricard a rappelé que les avocats avaient la possibilité de demander des expertises en énonçant très précisément leurs attentes. Il n'a pas jugé nécessaire que l'avocat soit présent pour poser directement des questions à l'expert. M. Jean Baptiste Parlos a noté que l'expertise contradictoire dans la procédure civile allongeait considérablement les délais.

M. Jean-Baptiste Parlos a ajouté que les juges d'instruction auraient préféré, à l'institution d'un juge de la détention provisoire, la création d'un tribunal de la détention. M. Etienne Apaire a précisé que, dans l'idéal, le procureur devrait saisir une chambre collégiale décidant le placement en détention. En tout état de cause, il a refusé que le juge d'instruction saisisse un autre magistrat. M. Philippe Coirre a indiqué que les juges d'instruction étaient favorables à la " collégialité à la carte ", moins coûteuse en termes d'effectifs que le juge de la détention provisoire.

M. Etienne Apaire a estimé que l'appel des jugements d'assises institué par le projet de loi ne respecterait pas le droit européen s'il ne s'exerçait pas devant une cour supérieure. Il a fait part de l'encombrement actuel des juridictions et a considéré que l'absence de moyens budgétaires supplémentaires allait aboutir à un déni de justice, la Chancellerie ne semblant pas avoir prévu les recrutements nécessaires pour les assesseurs.

M. Jacques Larché, président, a indiqué que la Cour de cassation devrait renvoyer les affaires aux cours d'assises les moins chargées.

AUDITION DE MME MIREILLE DELMAS-MARTY,
PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE PARIS I,
RESPONSABLE DE LA COMMISSION " JUSTICE PÉNALE
ET DROITS DE L'HOMME " EN 1988-1990

_______

Mme Mireille Delmas-Marty a tout d'abord précisé que le projet de loi, dans sa dernière version, améliorait de manière importante la procédure pénale. Elle a toutefois noté que, paradoxalement, s'agissant d'un texte sur la présomption d'innocence, les principaux progrès ne concernaient pas la phase préparatoire au procès. Parmi les avancées les plus importantes contenues dans le projet de loi, elle a cité l'appel en matière criminelle initié par le Sénat, la juridictionnalisation de l'application des peines, la possibilité de révision d'un procès pénal après une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, enfin la possibilité pour les parlementaires de visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de leur département.

Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite rappelé que la phase préparatoire au jugement pouvait prendre la forme soit d'une instruction, soit d'une enquête préliminaire aboutissant à une citation directe devant le tribunal. Elle a estimé que le projet de loi apportait des progrès incontestables dans le déroulement de l'instruction et s'est déclarée favorable aux dispositions précisant les motifs permettant la détention provisoire, ainsi qu'à la limitation de la durée de la détention provisoire, à la séparation de l'enquête et de la décision de placement en détention provisoire, enfin à la création d'une commission de suivi de la détention provisoire. Elle a en revanche regretté qu'aucune amélioration substantielle des procédures autres que l'instruction, qui représentent plus de 90 % des affaires pénales, ne soit prévue. Elle a noté que, outre les quelques avancées en matière de garde à vue, la seule disposition concernant les affaires ne faisant pas l'objet d'une instruction préparatoire était la mise en place d'un contrôle de la durée des enquêtes.

Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite souligné que le dispositif proposé était trop complexe et a regretté que le législateur modifie périodiquement la procédure pénale en ajoutant constamment de nouvelles formalités, situation déjà dénoncée par la commission " Justice pénale et droits de l'homme " dès 1990. Elle a exprimé la crainte que les difficultés d'application de la nouvelle loi n'imposent au législateur de remettre en chantier un nouveau projet à bref délai.

Mme Mireille Delmas-Marty, prenant acte de la marginalisation probable du juge d'instruction, a estimé toutefois que le projet de loi renforçait la confusion dans les rôles respectifs des acteurs de la procédure pénale. Rappelant que le juge d'instruction jouait un rôle de policier par ses pouvoirs d'enquête, un rôle d'accusateur par son pouvoir de mise en examen et un rôle de juge par ses pouvoirs en matière de privation de liberté, elle a estimé que le projet de loi ne clarifiait pas la situation et ajoutait au contraire de nouvelles confusions entre le juge et le ministère public.

Elle a ainsi noté qu'en matière de contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, le président du tribunal pourrait imposer au procureur de classer une affaire après un débat contradictoire en présence d'un avocat. Elle a en outre souligné que le juge d'instruction devrait lui-même, tel un accusateur, saisir le juge de la détention provisoire d'une demande de mise en détention et s'est demandée si une telle procédure était conforme au principe d'impartialité du juge posé par la Convention européenne des droits de l'homme.

De la même manière, elle a fait valoir que, pour éviter tout " préjugement ", la mise en examen devrait relever de l'accusation et non d'un juge. Elle a estimé que la mise en examen pourrait d'ailleurs utilement être supprimée, les personnes mises en cause pouvant bénéficier du statut de témoin assisté. Elle a fait valoir que le principal intérêt de la mise en examen était de permettre le placement en détention provisoire.

M. Jacques Larché, président, a rappelé que le passage de la notion d'inculpation à la notion de mise en examen n'avait eu aucun effet sur la perception de cette mesure par l'opinion publique.

Mme Mireille Delmas-Marty a alors observé que le fait que des indices graves et concordants soient constatés par un juge impartial était lourd de conséquences et que l'attribution du statut de témoin assisté à une personne faisant l'objet d'un réquisitoire ou d'une plainte ou contre laquelle il existe de simples indices n'avait pas la même portée.

Mme Mireille Delmas-Marty a ensuite souligné qu'une procédure d'instruction comportait différentes phases -témoin assisté (simples indices), mise en examen (indices graves et concordants), mise en détention (conditions spécifiques liées à la protection des preuves), renvoi en jugement (charges suffisantes), jugement (véritables preuves)- caractérisées par des droits clairement définis, mais qu'en l'absence d'instruction, la procédure était beaucoup plus sommaire et reposait entièrement sur le procureur, seul compétent pour apprécier si les charges étaient suffisantes pour que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a estimé que la suppression de la mise en examen risquait, quelles que soient les précautions prises, de rendre le statut de témoin assisté aussi infâmant que celui de mis en examen. Il a rappelé que le projet de loi, notamment à la suite des travaux du Sénat, prévoyait une gradation subtile entre les statuts de témoin, de témoin assisté et de mis en examen. Il s'est demandé s'il était possible d'attribuer au témoin assisté, dont le champ d'application a été fortement étendu pendant la navette parlementaire, tous les droits de la personne mise en examen.

Il a en outre considéré qu'il serait trop lourd de prévoir que la demande de mise en détention provisoire devrait être faite par le procureur, observant que le dossier passerait successivement entre les mains du juge d'instruction, du procureur et du juge de la détention provisoire.

Mme Mireille Delmas-Marty a rappelé que le juge d'instruction était supposé indépendant et impartial et que sa demande de placement en détention provisoire risquait de mettre davantage en lumière l'ambiguïté de son rôle que la situation actuelle. Elle a indiqué que la suppression de la mise en examen serait assurément plus cohérente dans un système où disparaîtrait le juge d'instruction responsable de l'enquête.

Elle a ensuite estimé qu'il serait utile d'étendre les prérogatives du juge de la détention provisoire pour en faire un juge de la phase préliminaire ou un juge des libertés, l'extension facultative de ses compétences prévue par l'article 10 bis AA du projet pouvant devenir obligatoire, par exemple à échéance de trois ans.

M. Jacques Larché, président, a demandé s'il ne serait pas préférable que le juge d'instruction conserve ses pouvoirs de placement en détention, tout en prévoyant la possibilité pour la personne de demander que la décision soit prise par une collégialité.

Mme Mireille Delmas-Marty s'est déclarée fermement convaincue que la personne chargée de l'enquête ne pouvait pas prendre une décision de mise en détention sans que ses hypothèses d'enquête aient une influence déterminante sur cette décision. Elle a en outre estimé que, pour les décisions de ce type, la collégialité ne présentait qu'un intérêt limité.

Concluant son propos, Mme Mireille Delmas-Marty a observé que la procédure pénale française tendait à devenir une exception en Europe, peu de pays (principalement l'Espagne) conservant un système comparable. Elle a rappelé que le statut du tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et celui de la Cour pénale internationale prévoyaient tous deux un système dans lequel l'enquête est confiée au procureur sous le contrôle d'un juge de la mise en état ou d'une chambre préliminaire. Elle a noté que ce système était également proposé au niveau de l'Union européenne en matière de fraudes au budget communautaire. Elle en a conclu que le projet de loi sur la présomption d'innocence ne constituait vraisemblablement qu'une nouvelle étape dans la réforme de la procédure pénale.

AUDITION DE MM. ANDRÉ-MICHEL VENTRE,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES COMMISSAIRES
ET HAUTS FONCTIONNAIRES DE LA POLICE NATIONALE,
JEAN-MICHEL TOULLEC, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT NATIONAL DES OFFICIERS DE POLICE, BRUNO BESCHIZZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, ET PATRICE BRISSET, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU SYNDICAT " SYNERGIE OFFICIERS "

_______

M. Jean-Michel Toullec, a fait part de l'inquiétude de l'ensemble des représentants des officiers de police judiciaire provoquée par les dispositions du projet de loi sur la présomption d'innocence, notamment par celles sur la garde à vue qui auraient des répercussions importantes sur les conditions de travail des policiers, le taux d'élucidation des affaires et les relations avec les victimes.

Il a rappelé que la présence de l'avocat à la vingtième heure de la garde à vue, désormais entrée dans les moeurs, avait à la fois pour objet d'assurer au témoin un soutien psychologique et moral et de lui permettre de bénéficier de conseils avant sa présentation devant le procureur de la République. Il a cependant estimé qu'un bilan de l'intervention des avocats à la vingtième heure pourrait faire ressortir le désintérêt de certains avocats pour cette procédure.

Il a indiqué que le projet de présence de l'avocat à la première heure était ressenti par les policiers comme une marque de suspicion à leur égard et qu'il introduisait de manière illogique des éléments accusatoires dans une procédure restant inquisitoire.

Il a craint que des imprécisions du texte ne conduisent à la multiplication des nullités de procédure, s'interrogeant notamment sur l'étendue des pouvoirs de l'enquêteur avant l'arrivée d'un avocat n'ayant pu être joint rapidement ou ayant des délais de route.

M. Bruno Beschizza a considéré que plusieurs dispositions du projet de loi étaient de nature à paralyser l'exercice de la police judiciaire, opinion également partagée par les magistrats instructeurs. Il a regretté que l'équilibre soit rompu entre le système inquisitoire et le système accusatoire, estimant que la réforme s'était arrêtée au milieu du gué.

Il a observé que plusieurs dispositions du projet de loi tendaient à faire porter aux policiers les conséquences du mauvais état des locaux de garde à vue et l'insuffisance des moyens d'accueil du public, à un moment où les policiers avaient eux-mêmes accompli un important effort d'adaptation.

Il a considéré que ce texte ne pouvait que conduire à décourager les policiers et à organiser une impunité généralisée sans toutefois atteindre son objectif premier de protection de la présomption d'innocence. Il a craint en effet que l'intervention de l'avocat à la première heure ne puisse réellement bénéficier qu'aux délinquants organisés, déjà en relation avec un avocat. Evoquant l'usage que des délinquants, notamment des terroristes, pourraient faire du droit de demander l'état du dossier d'enquête et le classement de l'affaire au bout de six mois, et craignant de rencontrer de l'incompréhension de la part des victimes, il a indiqué que les policiers ne voulaient pas être des boucs émissaires.

M. André-Michel Ventre a indiqué que les policiers vivaient très mal la suspicion que faisaient peser sur eux les dispositions du texte en dépit de l'important effort de modernisation accompli par la police.

Il a considéré que le texte entraverait l'action des policiers de base.

S'agissant de l'intervention de l'avocat à la première heure de la garde à vue, il s'est inquiété des nullités de procédure éventuelles résultant de l'impossibilité de contacter un avocat et la famille d'une personne gardée à vue, par exemple en cas d'ébriété de cette dernière la mettant dans l'incapacité de communiquer les informations nécessaires.

Il a également critiqué la procédure de témoin assisté soulignant les difficultés qu'elle pourrait entraîner en cas d'inceste ou de violence sexuelle en relation avec l'application de l'article 105 du code de procédure pénale.

S'agissant de l'enregistrement des auditions lors des gardes à vue, il a observé qu'il redonnerait à l'aveu une importance actuellement sur le déclin. Il s'est inquiété de la force probante qu'aurait un procès-verbal d'audition par rapport à l'enregistrement sonore, sauf à être la transcription exacte de ce dernier. Constatant qu'un simple enregistrement sonore ne permettrait pas au policier de se prémunir contre des simulateurs, il a estimé que, seul, un enregistrement vidéo serait de nature à éviter toute contestation.

Il a insisté sur le coût budgétaire des mesures proposées, soulignant que risquaient d'être réduits à néant, faute de moyens, les espoirs mis dans la politique de proximité. Il a indiqué à cet égard que la ville de New York employait 40.000 policiers pour 7 millions d'habitants, alors que Paris n'en n'employait que 28.000, dont 80 % assuraient des tâches d'ordre public.

Il s'est enfin déclaré partisan d'un réel système accusatoire permettant à la police d'assurer la sécurité des citoyens.

M. Charles Jolibois, rapporteur, s'est inquiété des discordances risquant de se produire entre les procès-verbaux d'auditions et les enregistrements sonores et a indiqué que certains de ses interlocuteurs constataient que ces derniers pourraient se retourner contre les personnes ayant effectué des aveux.

M. Nicolas About, tout en indiquant qu'il n'était pas favorable à l'intervention de l'avocat dès la première heure de garde à vue, a considéré que celle-ci ne protégerait pas plus les grands délinquants que les délinquants occasionnels, les premiers étant familiers des procédures et pouvant attendre la vingtième heure pour bénéficier des conseils de l'avocat. Il a considéré que le risque d'utilisation de la bande sonore au détriment de la personne gardée à vue était réel et qu'il fallait prendre en compte les questions de manipulation de bandes. Il s'est demandé s'il ne serait pas plus judicieux de prévoir la signature des procès-verbaux, à la vingtième heure, en présence de l'avocat.

M. Jean-Michel Toullec a souligné que la garde à vue était une véritable confrontation psychologique pouvant conduire à des aveux ultérieurement étayés par des preuves. Il a considéré que les dispositions du texte en modifieraient la nature et que des aveux enregistrés porteraient gravement atteinte à la présomption d'innocence. Il a estimé que, seul, un enregistrement vidéo pourrait apporter les garanties nécessaires, ce qui rendrait obligatoire la mise en place d'une véritable logistique et l'intervention de personnels à l'abri de tout soupçon de collusion avec la police.

Il a regretté que les débats parlementaires révèlent une véritable suspicion à l'égard de la police, en donnant pour exemple la sévère mise en cause opérée à l'Assemblée nationale des fouilles à corps effectuées dans les commissariats, alors même que ces fouilles, ayant pour objet de rechercher des preuves et d'assurer la sécurité tant des policiers que de la personne gardée à vue ou de ses co-détenus, étaient réalisées par des personnels médicaux.

M. André-Michel Ventre a considéré que les dispositions du texte créeraient un véritable parcours du combattant pour les enquêteurs de terrain. Il a craint que son application n'entraîne une baisse du taux d'élucidation des infractions, actuellement de 28 % en moyenne.

M. Bruno Beschizza a donné un exemple, validé par l'association des magistrats instructeurs, dans lequel un agresseur connu pourrait échapper à toute condamnation en exploitant les nouvelles procédures envisagées.

ANNEXE 2


PROPOSITION DE LOI N° 240

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N° 240

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 18 février 1999

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 1999

PROPOSITION DE LOI

tendant à faciliter et à améliorer l' indemnisation des victimes de violences urbaines ,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe RICHERT,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

Action sociale et solidarité nationale. - Délinquance - Fonds d'indemnisation véhicules - Ville - Code de procédure

pénale

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis plusieurs années, la violence se manifeste de plus en plus fréquemment dans certains de nos quartiers urbains. Périodiquement des individus, plus souvent des groupes, s'en prennent délibérément aux biens, parfois même aux personnes, témoignant là d'une totale absence de conscience des impératifs de la vie sociale et d'un mépris affiché pour les lois de notre République.

La banalisation de tels comportements, qui doit être combattue, n'est pas seulement préjudiciable à notre cohésion sociale. Elle emporte également de graves conséquences pour leurs victimes directes qui sont souvent, étant donné les quartiers en cause, des personnes de condition modeste.

En particulier, la multiplication des incendies de véhicules est source de nombreuses complications pour leurs propriétaires, pour qui ils constituent, dans des quartiers parfois mal desservis par les transports publics et frappés par un chômage massif, un atout primordial pour conserver leur emploi ou en trouver un.

Ainsi, les victimes de violences urbaines rencontrent, à un degré plus élevé, les difficultés d'indemnisation auxquelles sont exposées toutes les victimes d'infractions pénales.

En principe, c'est l'auteur de l'infraction qui voit sa responsabilité engagée. Celle-ci peut être recherchée au moyen de l'action civile devant les juridictions civiles ou, plus souvent, devant les tribunaux répressifs, à l'occasion des poursuites engagées à l'encontre des délinquants, par voie de constitution de partie civile. Comme il est normal, la victime se voit alors indemnisée de l'intégralité du préjudice subi.

Cependant, la victime peut avoir du mal à être ainsi effectivement indemnisée. Deux obstacles principaux peuvent se dresser. D'abord, il est possible que l'auteur de l'infraction ne soit jamais identifié. En outre, et dans l'hypothèse contraire, l'exécution du jugement peut se heurter à l'insolvabilité du débiteur.

C'est précisément pour ne pas avoir à subir ces désagréments que nombre de propriétaires choisissent d'assurer leur véhicule, laissant ainsi à leur assureur le souci de rechercher la responsabilité de l'auteur des dommages ou de sa compagnie d'assurance, par la voie amiable ou par l'exercice d'une action récursoire devant les tribunaux.

Mais l'indemnisation dans le cadre d'un contrat d'assurance de biens est variable. Elle dépend des conditions retenues dans ce dernier pour l'évaluation du bien assuré. Souvent, les propriétaires de véhicules se voient remboursés sur la base de la valeur vénale, ou la valeur d'usage, de leur automobile alors que, compte tenu de la vétusté, celle-ci est fréquemment inférieure à la somme qu'il leur faut débourser pour la remplacer.

Ainsi, les victimes se retrouvent parfois dans l'impossibilité d'obtenir de qui que ce soit une quelconque indemnité, y compris de l'Etat. La responsabilité de l'Etat ne peut en effet être recherchée pour défaut de maintien de l'ordre public que sur le fondement de la faute lourde, toujours difficile à établir devant les juridictions administratives. Il existe bien un régime de responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements et rassemblements, institué par l'article 92 d'une loi du 7 janvier 1983, mais celui-ci laisse entier le problème des infractions commises lors de "violences urbaines" dans des conditions telles qu'il ne soit pas possible de parler d'attroupements.

Le premier devoir à rendre aux victimes est de mettre fin à l'impunité dont peuvent parfois jouir les auteurs d'actes de violence. Le second d'étendre aux victimes de ces agissements le bénéfice du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Ce fonds, créé en 1983, et dont le champ a déjà été étendu en 1990, constitue souvent l'ultime expression de la solidarité nationale envers les victimes d'infractions pénales. A titre subsidiaire, il indemnise, dans les limites d'un plafond, celles d'entre elles dont les ressources sont faibles et que l'infraction place, en l'absence de toute faute de leur part, dans une situation matérielle grave. Les sommes versées ayant le caractère non de dommages-intérêts mais de secours, le Fonds est évidemment subrogé dans les droits des victimes pour obtenir le remboursement des frais par les responsables.

L'application du dispositif concernerait notamment les atteintes touchant les véhicules. Il est proposé que l'article 705-14 du code de procédure pénale soit modifié en conséquence. Le supplément de charges en résultant pour le Fonds, après récupération des sommes auprès des responsables du dommage ou de la victime, si celle-ci perçoit postérieurement des indemnités au titre du dommage subi, serait financé par une majoration des droits de consommation sur les tabacs qui l'alimente déjà.

Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous prions de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Dans le premier alinéa de l'article 705-14 du code de procédure pénale, les mots "ou d'un abus de confiance" sont remplacés par les mots "d'un abus de confiance ou de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration de leur véhicule, au sens des articles 322-1 et 322-5 du code pénal".

Article 2

Les dépenses entraînées pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme ou d'autres infractions par l'application des dispositions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts dont le produit lui est affecté.



1 Justice et Transparence, Rapport n°247 (1994-1995)

2 Cour administrative d'appel de Bordeaux, arrêt du 5 mars 1998.

3 Justice et transparence, rapport n° 248 (1994-1995).

4 Cass. Crim. 30 juin 1999.

5 " Pour une meilleure prévention de la récidive ", La documentation française - 1996.

6 Justice et transparence, rapport n° 247 (1994-1995).

7 Proposition de loi (n° 1893) relative à la lutte contre la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes à raison de leurs pratiques sexuelles non réprimées par la loi.

8 Proposition de loi (n° 2150) visant à combattre l'incitation à la haine homophobe.

9 JOAN, 2 ème séance du 10 février 2000, p. 1023.

10 Proposition de loi (n° 240, 1998-1999) tendant à faciliter et à améliorer l'indemnisation des victimes de violences urbaines.



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