Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce

HYEST (Jean-Jacques)

RAPPORT 291 (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 291

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 mars 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce ,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.


Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 151 , 400 (1996-1997), 20 , 309 et T.A. 87 (1997-1998).

Deuxième lecture : 241 (1999-2000).

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 735 , 2114 et T.A. 454.

Divorce.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 29 mars 2000, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques  Hyest, à l'examen de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

Elle s'est félicitée de ce que, deux ans après l'adoption de la proposition de loi d'origine sénatoriale, le gouvernement, prenant conscience de l'urgence de la réforme, ait décidé l'inscription de cette proposition à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.

Rappelant que l'intention du Sénat avait été d'assouplir la révision de la prestation compensatoire et de favoriser son paiement en capital , elle a considéré que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, fondé sur la distinction entre un capital non révisable et éventuellement payable en huit ans, qui serait la règle, et la rente viagère, révisable et capitalisable, qui serait l'exception, poursuivait le même objectif tout en confortant les principes posés par le législateur en 1975.

Elle a donc adhéré à l'architecture d'ensemble proposée par l'Assemblée nationale.

Elle a cependant souligné qu'il était impératif d'adopter des dispositions fiscales favorisant le paiement rapide de la prestation en capital.

Elle a proposé à cet effet d'assimiler, à l'égard de l'impôt sur le revenu, le versement du capital en somme d'argent au versement d'une rente , tout en permettant au créancier de répartir les sommes déclarées sur huit ans pour éviter qu'il ne soit pénalisé par un paiement plus rapide de la prestation.

Elle a en outre proposé plusieurs modifications au texte, notamment :

- la rente viagère serait fixée par rapport à un capital de référence , le juge ayant constaté que le débiteur n'était pas en état de payer ce capital ;

- la pension de réversion perçue du chef de l'ex-époux décédé serait automatiquement déduite des prestations en cours de versement , ainsi qu'il est prévu pour les rentes viagères à venir ;

- le montant de la pension de réversion déduit de la rente ne serait pas automatiquement réintégré dans celle-ci en cas de perte de cette pension du fait du remariage ou du concubinage notoire du créancier .

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en deuxième lecture de sa proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 23 février dernier.

L'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi à l'unanimité, presque deux ans jour pour jour après son adoption, à l'unanimité également, par le Sénat.

C'est en effet le 25 février 1998 que le Sénat s'était prononcé sur les propositions de loi déposées par M. Nicolas About, d'une part, et M. Robert Pagès et plusieurs de ses collègues, d'autre part. 1( * )

Entre-temps, de nombreuses propositions de loi réformant la prestation compensatoire ont été déposées à l'Assemblée nationale et 176 questions parlementaires ont été posées sur le sujet, démontrant la préoccupation des députés et sénateurs à cet égard.

La Chancellerie ne souhaitait pas, à l'origine, dissocier la réforme de la prestation compensatoire d'une réforme annoncée portant sur l'ensemble du droit de la famille. Mais il apparaît que la présentation de cette réforme devant le Parlement, préparée par les rapports successifs de Mme Irène Théry 2( * ) et du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Defossez 3( * ) , remis respectivement en mai 1998 et en septembre 1999, ne devrait pas intervenir avant l'année 2001.

Votre commission ne peut que se féliciter de ce que le gouvernement, deux ans après l'examen du texte par le Sénat, ait enfin pris conscience de l'urgence de la réforme de la prestation compensatoire et ait décidé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.

Le caractère très difficilement révisable d'une prestation, fixée le plus fréquemment par le juge sous forme de rente et transmissible aux héritiers du débiteur, à une époque où la situation financière des parties est susceptible de subir les contrecoups de la crise économique, et où on assiste à la multiplication des familles recomposées, a en effet conduit à des situations humainement intolérables.

Des ex-époux au chômage se sont ainsi vu imposer une charge qui n'était plus en relation avec leurs ressources. Des enfants d'un deuxième lit ou des secondes épouses se sont vu contraints, quant à eux, à verser à grand peine une rente à une première épouse qui leur était inconnue et disposait parfois de ressources supérieures aux leurs. Ces situations ont engendré un sentiment d'injustice ou même de révolte chez les débiteurs.

Le Sénat le premier a reconnu que ces situations inextricables ne devaient pas perdurer. Il faut cependant être attentifs à ne pas créer pour autant de nouvelles injustices en oubliant de préserver les intérêts des créanciers actuels qui semblent aujourd'hui moins armés pour faire entendre leur voix que les débiteurs mécontents.

On rappellera que, aux termes de l'article 270 du code civil , la prestation compensatoire est destinée à compenser les disparités que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des ex-époux. Elle est fixée par le juge dans le cas des divorces contentieux, à savoir les divorces pour faute (42,2% des divorces prononcés en 1996) et les divorces sur demande acceptée (13,3% des divorces). Dans le cas du divorce sur requête conjointe (41,4% des divorces), elle est fixée par les époux dans leur convention homologuée par le juge.

La prestation compensatoire n'existe pas en cas de divorce pour rupture de la vie commune (1,5% des divorces) qui, ne mettant pas fin, contrairement aux autres cas de divorce, au devoir de secours, donne lieu à l'attribution d'une pension alimentaire. La prestation compensatoire ne peut en outre être attribuée à l'époux aux torts exclusif duquel le divorce est prononcé.

D'après les statistiques élaborées par la Chancellerie à partir des divorces prononcés en 1996 4( * ) , 16 120 divorces , soit moins de 14% des
divorces
(hors les divorces pour rupture de la vie commune), ont été assortis


cette année-là d'une prestation compensatoire, accordée dans 97% des cas à la femme .

Le niveau moyen de la rente mensuelle fixée par le juge sur demande de l'épouse a été de 2008 F. Celui du capital décidé dans les mêmes conditions s'est élevé à 203 480 F.

Les rentes mensuelles , seules ou associées à une forme de versement, apparaissent dans 67% des cas, et dans 78% des divorces contentieux. Le capital seul n'est décidé que dans 20% des cas.

Les rentes viagères représentent 31% des rentes mensuelles. La part des rentes viagères devient prépondérante quand l'épouse dépasse 50 ans alors qu'elle n'atteint pas 10% pour les épouses de moins de 40 ans.

Les trois quart des rentes temporaires ne dépassent pas 10 ans .

I. UNE PROPOSITION D'ORIGINE SÉNATORIALE : ASSOUPLIR LA PRESTATION COMPENSATOIRE SANS EN MODIFIER LES PRINCIPES

La proposition initiale adoptée par le Sénat en 1998 comportait huit articles.

Le Sénat s'était attaché à assouplir les modalités de révision de la rente et à en favoriser le versement en capital, tout en respectant le cadre de la loi de 1975.

A. ASSOUPLIR LES MODALITÉS DE RÉVISION DES RENTES

La prestation compensatoire a été instituée en 1975 à la place des pensions alimentaires qui avaient été une source de multiplication des contentieux postérieurs au divorce. Dans l'esprit du législateur, elle devait permettre de régler définitivement les conséquences pécuniaires du divorce entre époux.

Elle présente ainsi, selon l'article 273 du code civil , un " caractère forfaitaire " et " elle ne peut être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité ".

La jurisprudence a progressivement bloqué l'application de ce texte. Tout d'abord, les juges conservant leurs habitudes antérieures, ont accordé massivement des rentes à vie, lorsque le capital faisait initialement défaut.

Puis, la Cour de cassation a donné une interprétation si restrictive des conséquences d'une exceptionnelle gravité que la révision de la prestation compensatoire est devenue quasiment impossible. En conséquence, les demandes de révision n'ont pas dépassé ces dernières années un millier par an.

Prenant en compte les situations humainement intolérables auxquelles le caractère très difficilement révisable de la rente avait conduit, le Sénat a souhaité assouplir les conditions et la procédure de révision des prestations compensatoires, tant pour l'avenir que pour les rentes en cours de versement :

- il a prévu en premier lieu que la révision pourrait intervenir à la demande du débiteur, comme du créancier, en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties ( article premier ) ;

- il a en outre explicitement étendu aux héritiers du débiteur la possibilité de demander, dans les mêmes conditions assouplies, la révision de la prestation compensatoire ( art. 2 bis ) ;

- il a de plus, sur proposition du gouvernement, attribué au juge aux affaires familiales , saisi sur simple requête , la compétence pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire ( art. 1 er bis ) ;

- il a enfin étendu la nouvelle possibilité de révision aux rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la loi ( art. 4 ).

Ces nouvelles dispositions avaient pour objectif d'assouplir les conditions de révision de la rente, sans pour autant revenir au régime des pensions alimentaires grâce à l'exigence du caractère substantiel du changement de situation .

Elles auraient permis à chaque partie de se prévaloir des modifications de sa propre situation et de celle de l'autre conjoint.

Dans l'absolu, la révision aurait donc pu conduire à l'augmentation de la rente, même si ce n'était pas là le but premier recherché par le Sénat.

Selon la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, la nouvelle possibilité de révision aurait été applicable aux divorces par consentement mutuel quand les conjoints n'auraient pas, comme l'article 279 du code civil les y autorise, prévu de clause de révision dans leur convention.

B. FAVORISER LE VERSEMENT EN CAPITAL

En 1975, le législateur avait tenu à affirmer le caractère forfaitaire et définitif de la prestation compensatoire en prévoyant le principe de son versement sous forme de capital. L'article 274 du code civil prévoit ainsi que la prestation est versée sous forme de capital si la consistance des biens de l'époux débiteur le permet, l'article 276 du même code disposant qu'à défaut de capital, la prestation prend la forme d'une rente.

Dans la pratique, les juges, suivant en cela la demande des époux, ont le plus souvent fixé des prestations sous forme de rente. Il ressort des chiffres donnés par la Chancellerie que sur l'ensemble des divorces prononcés en 1996, la prestation n'a été accordée sous forme de capital seul que dans 20% des cas .

Le Sénat a adopté plusieurs dispositions favorisant le versement de la prestation en capital :

- sur proposition du gouvernement, il a complété l'article 275 du code civil pour que le versement en capital puisse résulter de l'abandon de biens en nature, non seulement en usufruit, comme il est prévu actuellement, mais également en propriété ou pour l'usage et l'habitation ( article 1 er ter ) ;

- sur proposition du gouvernement, il a complété l'article 276 du code civil pour prévoir que le débiteur ou le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente pourrait à tout moment en demander la capitalisation ( article 1 er quater ).

Pour favoriser le paiement de la prestation en capital, votre commission des Lois avait souhaité en outre adopter des dispositions fiscales incitatrices . Le régime fiscal de la prestation compensatoire défavorise en effet les débiteurs de prestation sous forme de capital par rapport aux débiteurs de prestation sous forme de rente et joue donc un rôle essentiel dans la préférence marquée par les parties pour la rente. Votre rapporteur avait cependant accepté de retirer la disposition présentée en considération des engagements pris par Mme le garde des Sceaux de trouver une solution à la question, l'article 40 de la Constitution ayant été évoqué (voir ci-dessous le B du III).

C. AUTRES DISPOSITIONS

Le Sénat a adopté deux autres dispositions, l'une relative à la fixation de la durée de la rente par le juge et l'autre ayant pour objet de mieux garantir le versement de la prestation compensatoire en rente ou en capital :

- il a ainsi précisé, à l'article 276-1 du code civil , que le juge devait fixer la durée de la rente , celle-ci pouvant être viagère, en prenant en considération des éléments d'appréciation des besoins et des ressources des époux énumérés à l'article 272 du code civil , étant précisé que le décès de l'époux créancier avant l'expiration de la durée fixée mettrait fin à la charge de la rente ( art. 2 ) ;

- sur proposition du gouvernement, il a prévu à l'article 277 du code civil que le juge pourrait imposer à l'époux débiteur de garantir le versement de la prestation par la souscription d'un contrat d'assurance , au même titre que par l'hypothèque légale ou judiciaire, le gage ou la caution déjà visés par ledit article ( art. 2 ter ).

II. L'ASSEMBLÉE NATIONALE A DIFFÉRENCIÉ LE RÉGIME DE LA RENTE DE CELUI DU CAPITAL

L'Assemblée nationale, saisie deux ans plus tard par le Gouvernement, n'a pas remis fondamentalement en cause les intentions manifestées par le Sénat. Elle a cependant adopté un nouvel ordonnancement des dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire fondé sur la différenciation du régime de la rente viagère et de celui du capital.

Au vu des dispositions adoptées, le capital redeviendrait la règle et la rente viagère l'exception. La rente viagère serait révisable. Le capital ne le serait pas mais ses modalités de paiement pourraient être aménagées. Dans les deux cas, la prestation resterait transmissible aux héritiers du débiteur.

De huit articles, la proposition est ainsi passée à 17 articles, seul l'article premier ter , prévoyant la possibilité de verser la prestation compensatoire sous forme de capital par abandon de biens en propriété ou pour l'usage et l'habitation, ayant été adopté sans modification.

L'Assemblée nationale a en premier lieu fixé le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital pour les divorces contentieux ( art. premier, art. 273 du code civil ).

L'attribution d'une rente viagère resterait néanmoins possible à titre exceptionnel, et par décision spécialement motivée, non plus en raison de la consistance des biens du débiteur, mais en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier. Le juge prendrait en compte les éléments d'appréciation énumérés à l'article 272 du code civil concernant l'évaluation des besoins et des ressources des conjoints ( art. 2, art. 276-1 du code civil ).

Le juge n'aurait donc plus la possibilité de fixer des prestations sous forme de rente à durée limitée.

Les prestations compensatoires versées sous forme de capital et de rente viagère obéiraient à des régimes distincts.

Le régime du versement en capital est inscrit à l'article 276 du code civil par l'article 1 er quater de la proposition  aux termes duquel :

- le juge peut autoriser le paiement échelonné du capital sur une durée maximum de huit ans, par versements mensuels ou annuels indexés comme en matière de pensions alimentaires ;

- à la mort du débiteur, la charge du capital passe à ses héritiers ;

- le montant du capital n'est pas révisable . Seules les modalités de paiement fixées par le juge le sont, sur demande du débiteur, en cas de changement notable de sa situation, ou sur demande des héritiers du débiteur. Le juge peut alors, à titre exceptionnel, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée supérieure à huit ans ;

- le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment de la charge du capital. Le créancier lui-même, peut, après la liquidation du régime matrimonial, saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital.

Le régime de la rente viagère est fixé par les articles 2 bis, 2 ter A et 2 ter B de la proposition aux termes desquels :

- la charge de la rente viagère passe à l'hérédité sous déduction de plein droit de la pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé ( art. 2 bis, art. 276-2 du code civil ) ;

- la rente peut être révisée à la baisse ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties, à la demande du débiteur et de ses héritiers ( art. 2 ter A, art. 276-3 nouveau du code civil ) ;

- à tout moment, le débiteur ou ses héritiers peuvent demander la capitalisation de la rente. Cette action est également ouverte au créancier, s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial ( art. 2 ter B, art. 276-4 nouveau du code civil ).

S'agissant des divorces sur requête conjointe , la convention pourra prévoir un terme extinctif ou une condition résolutoire et le versement d'une rente à durée déterminée restera possible ( art. 2 sexies, art. 278 du code civil ).

L'Assemblée nationale a développé les dispositions transitoires prévues par le Sénat en distinguant le cas des diverses rentes en cours de versement :

- l'article 4 prévoit la révision des rentes viagères et leur transformation en capital, dans les mêmes conditions que pour les rentes à venir.

- l'article 5 prévoit les modalités de révision ou de transformation en capital des rentes temporaires ;

- l'article 6 donne la possibilité au débiteur de demander au juge de décider que le montant de la pension de réversion touchée du chef du conjoint décédé pourra venir en déduction de la rente ;

- l'article 7 applique les dispositions de la loi aux instances en cours.

L'Assemblée nationale a, en outre, complété par la durée du mariage et la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail la liste des critères pris en compte par le juge pour définir les besoins et les ressources des parties et fixer le montant de la prestation compensatoire ( art. 1 er A, art. 272 du code civil ).

Elle a également étendu au versement en capital les garanties qui pourraient être apportées au versement de la rente, sans modifier les garanties prévues par le Sénat ( art. 2 ter, art. 277 du code civil ).

Elle a enfin admis la compétence du juge aux affaires familiales prévue par le Sénat pour la révision de la prestation compensatoire en précisant que ce juge serait également compétent s'agissant de la révision de ses modalités de paiement ( art. 2 quater, art. 247 du code civil ).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UN DISPOSITIF SATISFAISANT DEVANT ÊTRE COMPLÉTÉ PAR DES MESURES FISCALES

A. UN DISPOSITIF SATISFAISANT CONFORTANT LES PRINCIPES POSÉS EN 1975

1. Une accélération bienvenue du règlement définitif de la prestation compensatoire

Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, fondées sur la distinction du versement d'un capital non révisable, qui serait la règle , et celui d'une rente viagère révisable et capitalisable, qui serait l'exception, semblent de nature à renforcer le caractère forfaitaire et définitif que le législateur de 1975 avait souhaité donner à la prestation compensatoire.

Le versement définitif de la prestation compensatoire interviendrait ainsi relativement rapidement après le divorce. La situation des femmes d'un certain âge et sans profession serait néanmoins préservée dans la mesure où elles pourraient continuer à bénéficier d'une rente viagère.

La question se pose de savoir si ces dispositions satisfaisantes sur le papier sont réalistes.

On peut en effet se demander si la situation des débiteurs leur permettra de verser un capital d'un montant suffisant sur huit années seulement .

On peut craindre de plus que la multiplication des demandes de révision des modalités de paiement en capital ne conduise, outre à un encombrement des juridictions, à un allongement de la durée des versements annihilant les effets de la réforme.

En pratique, si l'on compare la valeur moyenne des prestations en capital allouées en 1996 par les juges sur demande des épouses (203 480 F) et le montant moyen des rentes attribuées dans les mêmes conditions (2008 F par mois), on peut constater que le capital moyen versé correspond à 8,4 années de paiement de rente mensuelle moyenne .

Par ailleurs les chiffres donnés par la Chancellerie font ressortir que les trois quart des rentes temporaires prononcées à l'heure actuelle ne dépassent pas 10 ans.

La durée de huit ans fixée par l'Assemblée nationale pour le paiement du capital semble donc être en phase avec les décisions prises actuellement par les juges.

2. Une révision possible des rentes sans retour au régime des pensions alimentaires

L'Assemblée nationale a souhaité, conformément au voeu du Sénat, permettre la révision de la prestation versée sous forme de rente viagère. Elle a cependant prévu, ce que le Sénat n'avait pas fait, que cette révision ne pourrait intervenir qu'à la baisse, à la demande du débiteur et de ses héritiers, étant précisé qu'elle pourrait entraîner la suppression de la prestation .

Ces dispositions ne contreviennent pas aux principes qui avaient guidé le Sénat. Le but de la réforme n'était pas en effet de permettre la révision des prestations à la hausse et votre rapporteur avait clairement indiqué au cours des débats que, dans son esprit, la révision de la rente pourrait conduire à sa suppression.

L'Assemblée nationale a permis la révision des rentes en cas de modification " importante " dans la situation des parties. Le Sénat avait préféré le terme " substantiel " pour bien marquer la différence du régime de la prestation compensatoire avec celui des pensions alimentaires, révisables à tout moment. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a craint que le terme substantiel ne permette pas d'infléchir l'attitude restrictive des juges. La révision des modalités de versement du capital serait, quant à elle, possible en cas de changement " notable " de la situation du débiteur. La distinction entre les termes notable et important ne semble pas évidente.

Mais peu importe en définitive les termes choisis dès lors que les deux assemblées en donnent la même interprétation, à savoir que la révision du montant de la rente ou des modalités de paiement du capital sera possible mais qu'une simple modification de la situation des parties ne sera pas suffisante pour la justifier.

3. Une transmissibilité logiquement maintenue mais dont les effets peuvent être atténués

L'Assemblée nationale a confirmé le caractère transmissible de la prestation aux héritiers du débiteur, qu'elle soit versée sous forme de capital ( art. 1 er quater ) ou sous forme de rente ( article 2 bis ). Les deux assemblées ont donc considéré que la prestation compensatoire était une dette de la succession devant être prise en charge par les héritiers, comme toute autre dette.

Les nouvelles possibilités de révision de la rente, qui peuvent conduire à la suppression de celle-ci, devraient néanmoins permettre de régler certaines situations peu justifiables existant actuellement.

En outre, l'imputation prévue par l'Assemblée nationale du montant de la pension de réversion perçue du chef du débiteur prédécédé sur le montant de la rente éviterait opportunément que le décès du débiteur de la pension ne soit une source d'enrichissement pour le créancier de la prestation compensatoire.

Les nouvelles dispositions adoptées par l'Assemblée nationale semblent donc satisfaisantes. Il est néanmoins impératif de les compléter par des dispositions fiscales.

B. IL EST IMPÉRATIF DE PRÉCISER LE RÉGIME FISCAL DE LA PRESTATION

Le régime fiscal actuel de la prestation compensatoire défavorise les débiteurs de prestation sous forme de capital par rapport aux débiteurs de prestation sous forme de rente et joue donc un rôle essentiel dans la préférence marquée par les parties pour la rente.

La rente est en effet, comme les pensions alimentaires, déductible du revenu de celui qui la paie ( art. 156 du code général des impôts ) et imposable avec les revenus de celui qui la reçoit ( art. 80 quater du code général des impôts). Le second, ayant en général des revenus inférieurs à ceux du premier, est soumis à un taux d'imposition moindre. Cette solution apparaît donc avantageuse pour les deux époux, et tout particulièrement pour le débiteur.

La prestation versée sous forme de capital est soumise, soit au droit de partage de 1% prévu à l'article 748 du code général des impôts , soit aux droits de mutation à titre gratuit.

L'article 280 du code civil dispose que " les transferts et abandons prévus au présent paragraphe sont considérés comme participant au régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des donations ".

Cette disposition s'applique sans restriction aux prestations payées par un époux à l'aide de biens communs dans le cas de régimes de communauté. S'applique dans ces cas le droit de partage de 1%.

L'article 757 A du code général des impôts dispose cependant que les versements en capital entre ex-époux sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un deux.

En application de cet article, l'administration a ainsi exigé des droits de mutation à titre gratuit en cas de versements en capital provenant de biens propres des époux quel que soit le régime matrimonial. Cette opération est conforme à la pratique en matière de liquidation de régime matrimonial même si elle peut sembler contrevenir à l'esprit de l'article 280 du code civil.

En revanche, contrairement à la pratique adoptée en matière de liquidation de régime matrimonial, l'administration fiscale a soumis aux droits de mutation à titre gratuit la prestation versée sous forme de biens indivis entre des époux séparés de biens.

Lors de la première lecture de la proposition au Sénat, votre commission des Lois avait souhaité adopter des dispositions fiscales favorisant le paiement de la prestation en capital.

Elle avait ainsi prévu de doubler l'abattement applicable pour le calcul de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit exigibles en cas de versement en capital provenant des biens propres du débiteur.

Cet abattement, prévu à l'article 779 du code général des impôts, était à l'époque de 330 000 F. Il a été relevé à 500 000 F par la loi de finances pour 1999. Au delà de ce seuil, les sommes versées sont imposables à un taux progressif prévu à l'article 777 du code général des impôts et variant de 5% jusqu'à 50 000 F jusqu'à 40% au delà de 11 200 000 F.

Mme le garde des Sceaux a considéré qu'il ne convenait pas de favoriser les époux divorcés par rapport aux époux survivants et a craint des demandes reconventionnelles concernant les successions. Consciente de la nécessité d'adopter des dispositions favorables au paiement de la prestation sous forme de capital, elle s'est engagée à trouver une solution " moins pénalisante pour les finances publiques " qui réponde au souci de la commission des Lois.

Votre rapporteur avait en conséquence accepté de retirer la disposition en cause ( article 3 de la proposition de loi ), l'article 40 de la Constitution ayant été évoqué.

La prestation versée en plusieurs annuités en application de l'article 275-1 du code civil, ou des conventions entre époux dans le cas de divorce sur requête conjointe, n'est actuellement pas assimilée à une rente , donc non susceptible d'être imposable à l'impôt sur le revenu. Ont été néanmoins assimilées à des rentes des prestations dont les versements étaient périodiques et réguliers, même sur une durée ne dépassant pas trois ans.

La question se pose donc réellement de savoir quel sera le régime fiscal de la prestation versée sous forme de capital telle que prévue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, l'ensemble des intervenants a considéré qu'il était indispensable de prévoir des dispositions fiscales. Mme le garde des Sceaux s'est formellement engagée " à ce qu'une solution soit trouvée d'ici à la prochaine lecture en ce qui concerne le régime fiscal à l'égard de l'impôt sur le revenu des versements prévus par l'article 276 nouveau du code civil ".

Il est impératif que le dispositif adopté favorise un versement rapide de la prestation et donne à la nouvelle forme de versement de la prestation en capital un régime fiscal aussi attractif que celui de la rente .

Votre commission vous proposera donc d'assimiler, dans tous les cas, le capital reçu sous forme d'argent à une rente, quel que soit le nombre et la périodicité des versements effectués .

Les sommes versées pourraient ainsi être déduites des revenus du débiteur. Si les revenus de ce dernier n'étaient pas suffisants, l'excédent pourrait être déduit les années suivantes, jusqu'à la huitième année suivant le premier versement.

Les sommes reçues seraient déclarées avec les revenus du créancier qui pourrait, même en cas de règlement de la prestation sur une durée moindre, étaler la déclaration des sommes reçues sur huit ans afin qu'un paiement rapide de la prestation ne le pénalise pas fiscalement.

Votre commission vous proposera donc d'adopter à cet effet deux articles additionnels après l'article 2 septies modifiant respectivement les articles 156 et 80 quater du code général des impôts .

Les versements effectués sous forme d'abandons de biens en nature continueraient à être taxés comme capital.

Compte tenu de l'augmentation à 500 000 F du seuil d'application des droits de mutation à titre gratuit, votre commission ne vous proposera pas à nouveau d'augmenter cet abattement.

Votre commission vous proposera en revanche de modifier l'article 757 A du code général des impôts pour faire en sorte que les abandons en nature de biens indivis entre époux séparés de biens soient soumis au droit de partage de 1% qui leur est appliqué au moment de la liquidation du régime matrimonial et non aux droits de mutation à titre gratuit ( après l'article 2 septies ).

C. LA NÉCESSAIRE LIAISON ENTRE LA FIXATION DE LA PRESTATION ET LA LIQUIDATION DU RÉGIME MATRIMONIAL

La liaison de la fixation de la prestation compensatoire à la liquidation du régime matrimonial a été unanimement souhaitée par les différents intervenants lors du débat à l'Assemblée nationale. Elle n'existe à l'heure actuelle que dans le divorce par requête conjointe, seul cas où la liquidation du régime est prévue au moment où le divorce est prononcé. C'est cependant le meilleur moyen pour le créancier de disposer d'un capital et pour le juge d'avoir une vision exacte de la situation patrimoniale des ex-époux.

Le rapport du groupe de travail présidé par Mme Dekeuwer-Defossez insistait sur cette idée.

Le juge dispose déjà actuellement de la possibilité ouverte par l'article 1116 du nouveau code de procédure civile de demander à un notaire de préparer un état liquidatif du régime matrimonial ou un projet de règlement des prestations et pensions. Cette procédure est cependant très peu utilisée et, compte tenu de son caractère non contraignant pour les époux, ne donne pas toutes les garanties de sincérité des états obtenus.

L'article 1450 du code civil permet par ailleurs aux époux de passer par acte notarié, pendant l'instance en divorce, toutes conventions pour la liquidation et le partage de la communauté. Le juge peut cependant ne pas avoir connaissance de ces accords, qui en tout état de cause ne peuvent porter sur la prestation compensatoire.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale se réfère à la liquidation du régime matrimonial :

- l'article 276 du code civil résultant de l'article 1 er quater permet au créancier de saisir le juge, après la liquidation du régime matrimonial, d'une demande de paiement immédiat du solde du capital restant dû .

- l'article 276-4 du code civil résultant de l' article 2 ter B permet au créancier de demander une capitalisation de la rente, s'il établit, notamment après la liquidation du régime matrimonial, que la situation du débiteur permet désormais un versement en capital.

Cette démarche encore embryonnaire d'établissement d'un lien entre le versement de la prestation compensatoire et la liquidation du régime matrimonial mériterait d'être renforcée.

Le garde des Sceaux a cependant donné un avis défavorable aux amendements présentés en ce sens à l'Assemblée nationale, estimant qu'elle était liée à la question de la liquidation du régime matrimonial en cours de l'instance de divorce qui devrait être traitée dans le cadre d'une réforme d'ensemble de la procédure de divorce à venir.

Votre commission approuve cette démarche, ne souhaitant pas, dans le cadre de ce texte, remettre en cause des dispositions qui exigent une approche globale de la procédure de divorce.

D. QUELQUES AUTRES MODIFICATIONS DOIVENT ÊTRE APPORTÉES

En plus des mesures fiscales déjà exposées, votre commission vous proposera d'apporter au texte quelques modifications supplémentaires de forme et de fond.

De manière à assurer la prééminence du capital, votre commission souhaite qu'il soit indiqué dans la loi que la rente viagère devra être accordée par référence à un capital et que la décision du juge d'accorder une prestation compensatoire sous cette forme en considération de la situation du créancier devra être motivée de surcroît par l'impossibilité pour le débiteur de verser ce capital ( art. 2, art. 276-1 du code civil ).

S'agissant de la déduction de la pension de réversion de la rente versée, votre commission vous demandera d'en prévoir l'application automatique aux rentes en cours de versement, alignant ainsi les dispositions temporaires sur les dispositions adoptées pour les rentes à venir ( art. 6 ).

Elle vous proposera également que le montant de la pension de réversion déduit de la rente ne soit pas automatiquement réintégré dans celle-ci en cas de perte de cette pension du fait du remariage ou du concubinage notoire du créancier . Il serait en effet absurde que le remariage du créancier augmente les charges des héritiers de son ex-conjoint ( art. 2 bis, art. 276-2 du code civil ).

Toujours concernant la pension de réversion, l'article 272 du code civil énumérant les critères que le juge doit prendre en compte pour déterminer les besoins et les ressources des époux mentionne la perte éventuelle des droits des époux en matière de pension de réversion. Cette rédaction est antérieure à la loi du 17 juillet 1978 depuis laquelle le conjoint divorcé non remarié bénéficie de la pension de réversion, en concurrence avec un éventuel nouveau conjoint et au prorata de la durée du mariage de chacun avec l'époux prédécédé. Votre commission propose donc de viser les situations des époux en matière de pensions de retraite ( art. 1 er A ).

Pour pallier les difficultés temporaires que pourraient rencontrer le débiteur et éviter dans ce cas une mesure drastique de suppression de la rente viagère, votre commission vous proposera d'en prévoir la possibilité de suspension et de permettre au juge de faire varier le montant de la prestation successivement à la baisse puis à la hausse dans la limite du montant initialement fixé par le juge ( art. 2 ter A, art. 276-3 du code civil ).

Votre commission vous proposera enfin de mieux coordonner les dispositions applicables en cas de divorce par consentement mutuel avec celles applicables en cas de divorce contentieux ( art. 2 septies, art. 279 du code civil ) et d'aligner les dispositions provisoires concernant les rentes temporaires en cours de versement sur celles prévues pour les rentes viagères à venir ( art. 5 ).

Sur le plan formel , l'Assemblée nationale a modifié la structure du paragraphe du code civil relatif à la prestation compensatoire, de telle sorte que l'objet de certains articles abrogés se retrouve, sans raison apparente, dans des articles qui avaient auparavant un objet différent.

Cela induit quelques difficultés, notamment l'obligation de tenir compte des changements d'objet dans d'autres textes législatifs. A titre d'exemple, les articles 274 et 275-1 que l'Assemblée nationale propose d'abroger sont ainsi visés dans les articles 285 et 294 du code civil alors que l'objet actuel de l'article 275-1 est repris dans un article 276, lui même visé, avec un autre objet, dans les articles 80 quater et 156 du code général des impôts....

Votre commission vous proposera de rétablir une structure du code civil la plus proche possible de la structure actuelle en faisant en sorte que les articles du code civil existants gardent, autant que possible, le même objet .

Votre commission vous proposera d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER
DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE


Article premier A
(art. 272 du code civil)
Critères retenus pour la détermination des besoins
et des ressources des époux

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à compléter les critères indicatifs retenus par le juge pour la détermination des besoins et des ressources des époux permettant de fixer la prestation compensatoire.

Il prend ainsi en compte deux nouveaux critères :

- la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail ;

- la durée du mariage.

Apparaissent déjà dans l'article 272 du code civil la qualification professionnelle des époux et leur disponibilité pour de nouveaux emplois . La notion de situation au regard du marché du travail tend à apporter une précision utile eu égard aux situations difficiles auxquelles la crise économique a pu conduire.

Il serait cependant préférable de fusionner tous les critères concernant l'emploi. Votre commission vous proposera de viser la qualification et la situation professionnelles des époux au regard du marché du travail.

Il paraît tout a fait logique, même si elle n'est pas un critère d'attribution à elle seule, que la durée du mariage influe sur le montant de la prestation compensatoire dans la mesure où cette prestation doit indemniser la disparité créée par la rupture même . D'une manière générale, une rupture après une durée de mariage courte aura moins de chance de générer d'importantes disparités.

Votre commission vous proposera cependant de déplacer le critère de la durée du mariage après celui de l'âge et de l'état de santé des époux.

Par ailleurs, il est indiqué dans le même article 272 que le juge doit tenir compte de la perte éventuelle des droits des époux en matière de pension de réversion . Cette rédaction est antérieure à la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 qui a permis au conjoint divorcé non remarié de bénéficier de la pension de réversion. Désormais, le conjoint divorcé peut toucher la pension de réversion. Si le titulaire du droit à pension s'est remarié, le partage de la pension de réversion s'effectuera à son décès entre le conjoint survivant de le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage de chacun avec le titulaire décédé.

Votre commission juge donc préférable de viser de manière générale les droits respectifs des époux en matière de retraite.

Votre commission vous proposera un amendement tendant à donner une nouvelle rédaction à cet article afin de prendre en compte les trois modifications présentées ci-dessus.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier A ainsi rédigé.

Article premier
(art. 273 du code civil)
Principe du versement de la prestation compensatoire en capital

Dans la rédaction du Sénat, cet article assouplissait les conditions de révision de la prestation compensatoire prévues à l'article 273 du code civil .

Tout en gardant le principe du caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, le Sénat avait ainsi prévu la possibilité de révision de la prestation en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties.

Actuellement, l'article 273 du code civil dispose que la prestation compensatoire ne peut être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf dans le cas où l'absence de révision aurait pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

La notion d'exceptionnelle gravité a été interprétée très strictement par la jurisprudence, rendant de ce fait la révision quasiment impossible.

La Cour de cassation a de plus estimé que l'exceptionnelle gravité ne pouvait être examinée qu'à l'égard de la situation de celui qui l'invoque. Un débiteur ne pouvait donc pas se prévaloir de l'amélioration de la situation financière de l'autre conjoint.

La rédaction adoptée par le Sénat permettait au contraire à un époux de se prévaloir de l'amélioration de la situation de l'autre conjoint. L'action en révision étant ouverte aussi bien au créancier qu'au débiteur, le texte adopté ne s'opposait pas à ce que le juge prononce une augmentation de la rente en considération de l'amélioration de la situation du débiteur. Ce n'était cependant pas le but recherché par le Sénat.

L'Assemblée nationale a inscrit à cet article le principe du versement de la prestation compensatoire en capital dont le montant ne serait pas révisable .

Seuls seront possibles des aménagements concernant les modalités de paiement ( voir article premier quater ).

La primauté du capital, souhaitée par le législateur en 1975, est ainsi réaffirmée avec force.

Actuellement, l'article 274 du code civil énonce que la prestation prend la forme d'un capital lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet et l'article 276 prévoit l'attribution d'une rente à défaut de capital.

La rente restera néanmoins possible à titre exceptionnelle, mais seulement en considération de la situation du créancier, et non plus de la consistance des biens du débiteur. Son régime sera totalement différent de celui de la prestation en capital ( voir article 2 ).

Sans modifier le fond des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, votre commission vous proposera un amendement de suppression, dans le texte proposé par cet article pour l'article 273 du code civil , de la seconde phrase prévoyant le principe du versement de la prestation en capital. Cette mention serait reprise à l'article 274 du code civil , de manière à respecter le plus possible l'objet des articles existants (voir article suivant).

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article additionnel après l'article premier
(art. 274 du code civil)
Principe du versement de la prestation compensatoire en capital

Votre commission vous proposera d'inscrire à l'article 274 du code civil le principe du paiement de la prestation en capital inscrit par l'Assemblée nationale à l'article 273 du code civil (voir article premier).

L'article 274 du code civil , qui prévoit actuellement le paiement en capital de la prestation si la consistance des biens du débiteur le permet, gardera ainsi un objet similaire. Cet article est d'ailleurs visé aux articles 285 et 294 du code civil relatifs aux pensions alimentaires versées respectivement en cas de rupture de la vie commune et de contribution à l'entretien et l'éducation des enfants.

Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article premier .

Article premier bis
(art. 247 du code civil)
Compétence du juge aux affaires familiales pour statuer
sur les demandes de révision de la prestation compensatoire

Cet article, adopté par le Sénat, sur proposition du Gouvernement, avait pour objet de confier au juge aux affaires familiales la compétence pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire, unifiant ainsi la compétence en matière de fixation et de révision de la prestation.

Actuellement, la révision de la prestation compensatoire incombe déjà au juge aux affaires familiales, en application de l'article 1084 du nouveau code de procédure civile , dans les divorces sur requête conjointe, quand la convention comporte une clause prévoyant cette révision en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins de l'un d'entre eux.

Dans les autres cas de divorce, la révision revient au tribunal d'instance.

L'article 247 du code civil attribuant certaines compétences au juge aux affaires familiales après le prononcé du divorce ne mentionne en effet actuellement que les modalités d'exercice de l'autorité parentale, la modification de la pension alimentaire et la décision de confier l'enfant à un tiers.

Il est précisé que, dans ces cas, le juge est saisi sur simple requête ne nécessitant pas le ministère d'avocat.

En application du texte adopté, le juge aux affaires familiales deviendrait compétent pour tout le contentieux postérieur au divorce sur simple requête.

L'Assemblée nationale a déplacé cette disposition à l'article 2 quater. Elle a donc supprimé le présent article.

Votre commission ne vous demandera pas de rétablir l'article premier bis.

Article premier quater
(art. 276 du code civil)
Modalités de versement du capital

Dans cet article, le Sénat avait, sur proposition du Gouvernement, ouvert la possibilité, au débiteur comme au créancier d'une prestation compensatoire versée sous forme de rente, de demander à tout moment la capitalisation de cette rente.

Il avait à cet effet complété l'article 276 du code civil prévoyant actuellement la possibilité de versement de la prestation compensatoire sous forme de rente, à défaut de capital ou si celui-ci est insuffisant. Cette dernière disposition est désormais incompatible avec la construction adoptée par l'Assemblée nationale.

Le présent article réécrit donc entièrement l'article 276 du code civil , pour y introduire les dispositions relatives aux modalités de paiement du capital , à leur révision et à la transmissibilité de la prestation aux héritiers du débiteur, selon le schéma suivant :

- lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital en une fois, le juge peut autoriser le paiement du capital sur huit années maximum par des versements mensuels ou annuels indexés comme en matière de pension alimentaire ;

- à la mort de l'époux débiteur, les héritiers doivent assumer le paiement de la charge du solde du capital ;

- le montant du capital n'est pas révisable. Seules ses modalités de paiement peuvent être modifiées , à l'initiative du débiteur et de ses héritiers, ou même, du créancier :

. le débiteur comme ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital,

. après la liquidation du régime matrimonial, le créancier peut lui-même saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital,

. le débiteur peut saisir le juge d'une demande de révision des modalités de paiement en cas de changement notable de sa situation. Dans ce cas, le juge peut alors autoriser, à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée, le versement sur une durée supérieure à huit ans. Cette action est également ouverte aux héritiers du débiteur.

Ces dispositions semblent satisfaisantes à votre commission. La durée de huit ans choisie par l'Assemblée nationale pour le paiement du capital semble en phase avec les décisions actuellement prises par les juges. En effet, les trois quart des rentes temporaires prononcées en 1996 ont une durée inférieure à 10 ans. En outre, si l'on compare la valeur moyenne des prestations en capital allouées par les juges sur demande des épouses (203 480 F) et le montant moyen des rentes attribuées dans les mêmes conditions (2008 F par mois), on peut constater que le capital moyen versé correspond à 8,4 années de paiement de rente mensuelle moyenne .

Votre commission ne vous proposera donc pas de modification sur le fond.

Sur le plan formel, en revanche, elle vous proposera d'inscrire ces dispositions à l'article 275-1 du code civil qui prévoit actuellement le paiement du capital en trois annuités plutôt qu'à l'article 276 qui autorise actuellement la fixation d'une rente à défaut de capital.

Votre commission vous proposera d'adopter l'article premier quater ainsi modifié.

Article additionnel après l'article premier quater
(art. 276 du code civil)
Prestation compensatoire attribuée sous forme de rente viagère

Votre commission vous proposera d'inscrire à l'article 276 du code civil , prévoyant actuellement la possibilité pour le juge de prononcer des rentes à défaut de capital, les dispositions introduites par l'Assemblée nationale à l'article 276-1 du code civil (voir le paragraphe I de l'article 2) .

Ces dispositions prévoient la possibilité pour le juge de prononcer une rente viagère en considération de la situation du créancier de la prestation compensatoire.

Votre commission vous proposera de les modifier, ainsi qu'il est indiqué dans le commentaire de l'article 2, pour prévoir que le juge fixe la rente viagère par référence à un capital , après s'être assuré que le débiteur n'est pas en mesure de verser ce capital .

Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article premier quater .

Article 2
(art. 276-1 du code civil)
Prestation compensatoire attribuée sous forme de rente viagère

Le Sénat avait précisé à cet article que le juge devait fixer la durée de la rente, celle-ci pouvant être viagère, en prenant en considération les éléments prévus à l'article 272 du code civil . Il avait de plus précisé que le décès de l'époux créancier avant l'expiration de la durée fixée mettait fin à la charge de la rente.

Ces dispositions modifiant le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil ne remettaient pas en cause le droit actuel mais tendaient à inciter le juge à décider des rentes temporaires.

Le paragraphe I de cet article adopté par l'Assemblée nationale inscrit au premier alinéa de l'article 276-1 du code civil la possibilité pour le juge de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, par décision spéciale et motivée, dérogeant ainsi à l'obligation de versement de la prestation compensatoire sous la forme d'un capital éventuellement payable sur huit années.

La décision d'attribuer une rente viagère doit être prise en considération de l'âge ou de l'état de santé du créancier. Le montant de la rente est déterminé, comme celui du capital, en fonction des éléments d'appréciation énumérés à l'article 272 du code civil .

Les autres dispositions actuelles de l'article 276-1 du code civil ne sont pas modifiées sur le fond, le paragraphe II du présent article, n'opérant qu'une coordination rédactionnelle. La rente viagère reste donc, comme à l'heure actuelle, indexée et son montant peut varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins des parties. Pourrait ainsi être pris en compte le départ à la retraite du débiteur.

Les rentes temporaires sont donc supprimées. Seule subsiste la rente viagère attribuée en considération de la situation du créancier.

Votre commission souhaite que le versement du capital demeure privilégié dans tous les cas . Il importe donc que le juge fixe la rente viagère par référence à un capital , après s'être assuré que le débiteur n'est pas en mesure de verser ce capital . Dans le cas contraire, en effet, il n'y a aucune raison que le capital ne soit pas versé.

Votre commission vous proposera de modifier en ce sens les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale au paragraphe I du présent article.

Sur le plan formel, elle vous proposera de replacer à l'article 276 du code civil, qui autorise actuellement le juge à fixer une rente à défaut de capital, ces dispositions insérées par l'Assemblée nationale à l'article 276-1 du code civil .

Les dispositions figurant actuellement au paragraphe I du présent article seront donc reportées dans un article additionnel après l'article premier quater.

Au paragraphe I du présent article, votre commission vous proposera en conséquence un amendement de suppression du premier alinéa de l'actuel article 276-1 du code civil prévoyant la possibilité pour le juge de fixer des rentes temporaires.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis
(art. 276-2 du code civil)
Déduction de la pension de réversion

Le Sénat avait, à cet article, expressément ouvert l'action en révision de la rente aux héritiers du débiteur.

Il avait à cet effet complété l'article 276-2 du code civil prévoyant actuellement qu'à la mort du débiteur, la charge de la rente passe à ses héritiers.

L'Assemblée nationale a reporté l'ensemble de la question de la révision de la rente viagère dans l'article suivant.

A cet article, elle a prévu que serait déduit du montant de la rente due le montant de la pension de réversion éventuellement perçue par le créancier du chef du conjoint décédé.

Elle a complété à cet effet l'article 276-2 du code civil , après y avoir apporté une modification de coordination avec la décision de suppression des rentes temporaires.

La pension de réversion régie par les articles L. 353-1 et suivants du code de la sécurité sociale , n'est pas de même nature que la prestation compensatoire. Elle n'est que la traduction des cotisations payées pendant la durée du mariage par le titulaire de la pension de retraite, auxquelles le conjoint divorcé peut être considéré comme ayant participé à travers sa contribution aux charges du mariage. La pension de réversion peut être considérée en quelque sorte comme un droit acquis à titre personnel à l'égard des assurances sociales.

Depuis la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, le conjoint divorcé non remarié bénéficie ainsi de la pension de réversion, ce qui n'était pas le cas lors du vote de la loi de 1975. Des prestations compensatoires ont donc pu être accordées en considération de la perte de pension de réversion ainsi que le prévoit l'article 272 du code civil .

Si le débiteur de la prestation compensatoire titulaire du droit à pension s'est remarié, le partage de la pension de réversion s'effectuera à son décès entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage de chacun avec lui. La pension de réversion versée au conjoint divorcé non remarié s'impute donc sur le montant de la pension versée au conjoint survivant.

La déduction du montant de la pension de réversion du montant de la rente ne profitera cependant au conjoint survivant que s'il est lui-même héritier du débiteur de la pension.

Cette déduction semble néanmoins logique dans la mesure où la rente viagère a un caractère alimentaire et qu'il paraît anormal que le décès du débiteur de la pension soit une source d'enrichissement pour le créancier de la prestation compensatoire.

En cas de remariage ou de concubinage notoire d'un créancier fonctionnaire, la pension de réversion cesse de lui être versée. L'article L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit en effet que " le conjoint survivant ou le conjoint divorcé qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire perd son droit à pension ".

La rédaction de cet article entraînerait le rétablissement du versement intégral de la prestation compensatoire, ce qui conduirait les héritiers du débiteur à voir leurs charges augmenter du fait du remariage ou de concubinage notoire de l'ex-époux créancier .

Pour éviter cette situation absurde, votre commission des Lois vous proposera un amendement précisant que, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier, le montant de la prestation compensatoire ne sera pas rétabli à son niveau initial en cas de cessation du versement de la pension de réversion du fait du remariage ou du concubinage notoire du créancier.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis ainsi modifié .

Article 2 ter A
(art. 276-3 du code civil)
Révision des prestations compensatoires
fixées sous forme de rente viagère

L'Assemblée nationale a prévu à cet article les conditions de révision de la rente viagère .

Elle a introduit à cet effet un nouvel article 276-3 dans le code civil.

La révision de la rente serait possible en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

Elle ne pourrait intervenir qu'à la baisse, étant précisé qu'elle pourrait conduire à la suppression de la prestation.

L'action en révision serait ouverte au débiteur et à ses héritiers.

Ces dispositions introduites par l'Assemblée nationale pour la rente viagère se rapprochent de celles prévues par le Sénat pour la révision de la prestation compensatoire.

L'Assemblée nationale a préféré viser des changements " importants " dans les ressources ou les besoins des parties alors que le Sénat avait préféré employer le mot " substantiel ". Le rapporteur de l'Assemblée nationale a en effet craint que le terme substantiel ne soit pas de nature à conduire les juges à revoir leur jurisprudence restrictive.

De plus, l'Assemblée nationale a précisé que la révision ne pourrait intervenir qu'à la baisse . Il semble que l'intention du Sénat n'était pas, en assouplissant les conditions de révision, de permettre une révision de la prestation à la hausse. Enfin l'Assemblée nationale a expressément précisé, sur proposition de Mme Véronique Neiertz, que la rente pourrait être supprimée , ce qui rejoint les préoccupations exprimées lors de l'examen en séance publique au Sénat.

Pour éviter, en cas de difficultés temporaires du débiteur, une suppression radicale de la prestation, votre commission vous proposera de prévoir une possibilité de suspension de la rente. En outre, plutôt que d'autoriser les seules révisions à la baisse, elle vous proposera une rédaction plus souple de nature à permettre au juge, en cas d'amélioration de la situation du débiteur, de réévaluer ultérieurement une prestation qui aurait été revue à la baisse, sans pouvoir dépasser le montant initialement fixé .

Votre commission vous proposera deux amendements à cet effet.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ter A ainsi modifié.

Article 2 ter B
(art. 276-4 du code civil)
Transformation en capital des prestations compensatoires
fixées sous forme de rente viagère

A cet article, l'Assemblée nationale a prévu les conditions de transformation d'une rente viagère en capital .

A cet effet, elle a introduit un nouvel article 276-4 dans le code civil .

Elle a prévu que le débiteur et ses héritiers pourraient demander à tout moment la substitution d'un capital à une rente viagère.

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également ouvert cette action au créancier, s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial.

Votre commission vous proposera un amendement modifiant un visa à l'article 276 du code civil par coordination avec les décisions de modification de structure intervenues.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ter B ainsi modifié .

Article 2 ter
(art. 277 du code civil)
Garanties du paiement de la prestation compensatoire

Cet article, adopté par le Sénat sur proposition du Gouvernement, inclut, à l'article 277 du code civil , les contrats d'assurance parmi les garanties que peut imposer le juge à l'époux débiteur d'une rente.

Cette forme de garantie s'ajoute à celles déjà prévues par l'article 277 du code civil , à savoir l'hypothèque légale prévue au 1° de l'article 2121 du code civil pour le paiement des droits et créances d'un époux sur les biens de l'autre, l'hypothèque judiciaire définie à l'article 2123 du code civil , le gage et la caution. La jurisprudence avait interdit au juge de demander la constitution de garanties autres que celles énumérées audit article 277 .

L'Assemblée nationale a étendu les dispositions de l'article 277 du code civil à la garantie du paiement du capital.

Cette extension se justifie par la possibilité de versement du capital en plusieurs annuités. Actuellement, l'article 275-1 du code civil prévoyant la possibilité du versement du capital en trois annuités renvoie d'ailleurs à l'article 277.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ter sans modification .

Article 2 quater
(art. 247 du code civil)
Compétence du juge aux affaires familiales

L'Assemblée nationale a reporté à cet article la disposition, adoptée par le Sénat à l'article premier bis, donnant compétence au juge aux affaires familiales pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire.

Elle en a cependant modifié la rédaction pour viser explicitement la modification des modalités de paiement. Seront ainsi concernées, non seulement les demandes de révision du montant de la rente, mais également les demandes de modification des modalités de paiement de la prestation, dans lesquelles il faut inclure les demandes de transformation de la rente en capital.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 quater sans modification.

Article 2 quinquies
(art. 274 et 275-1 du code civil)
Coordination

Par coordination avec les dispositions adoptées, l'Assemblée nationale a supprimé les articles 274 et 275-1 du code civil .

L'article 274 soumet la fixation de la prestation compensatoire en capital au fait que la consistance des biens de l'époux débiteur le permette.

L'article 275-1 permet le versement du capital en trois annuités, sous réserve de garanties.

Ces deux articles sont par ailleurs visés aux articles 285 et 294 du code civil relatifs aux pensions alimentaires versées respectivement pour rupture de la vie commune et pour l'entretien et l'éducation des enfants.

Compte tenu des modifications de structure opérées précédemment, lesdits articles resteront relatifs au paiement de la prestation en capital . Il n'est donc plus nécessaire de les abroger.

Votre commission vous propose de supprimer l'article 2 quinquies.

Article 2 sexies
(art. 278 du code civil)
Durée de la prestation compensatoire
dans le divorce par requête conjointe

A cet article, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions spécifiques au cas de divorce par requête conjointe .

Elle a permis aux ex-conjoints de prévoir dans leur convention un terme extinctif ou une condition résolutoire au versement d'une prestation compensatoire et elle les a autorisés à prévoir le versement d'une rente temporaire .

Ces dispositions ont pour objet, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, d'encourager le recours à la procédure de divorce par requête conjointe et de favoriser le dialogue entre époux.

Elles donnent une base légale à des pratiques admises par la jurisprudence dans le seul cas de divorce par requête conjointe. Les ex-conjoints pourront ainsi prévoir la fin du versement de la prestation en cas de remariage du créancier ou de décès ou de départ à la retraite du débiteur.

Votre commission souscrit à l'objectif poursuivi par l'Assemblée nationale.

Il semble cependant que l'expression " condition résolutoire " ne soit pas adaptée.

Aux termes de l'article 1183 du code civil , la condition résolutoire " remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ".

Il semble que l'intention de l'Assemblée nationale n'ait pas été de prévoir une restitution de la prestation versée. En tout état de cause, cela ne serait pas souhaitable compte tenu des situations inextricables auxquelles cela pourrait conduire.

Votre commission vous proposera en conséquence un amendement indiquant que les époux peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d'un événement déterminé.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sexies ainsi modifié .

Article 2 septies
(art. 279 du code civil)
Révision de la prestation compensatoire dans le divorce
par requête conjointe

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, coordonne les conditions de révision de la prestation compensatoire prévues en cas de divorce par requête conjointe avec celles relatives à la rente viagère.

L'Assemblée nationale a ainsi précisé à l'article 279 du code civil que, dans le cas de divorce par requête conjointe, les époux pourraient prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourrait demander la révision de la prestation compensatoire en cas de changement " important ", et non plus de changement " imprévu ", dans ses ressources et ses besoins.

Il semble que, dans la mesure où aucune distinction n'est effectuée entre les différentes formes de prestation, on puisse en conclure que la révision du montant de la prestation serait possible dans tous les cas , y compris pour les prestations versées sous forme de capital et que la révision serait possible à la hausse.

En l'absence de dispositions spéciales, le droit commun de la révision s'appliquerait ainsi qu'il résulte de la jurisprudence actuelle.

Les conditions de révision d'une rente viagère semblent néanmoins beaucoup plus restrictives en cas de divorce par consentement mutuel que dans le droit commun puisque ne sont visés pour chaque époux que ses propres besoins et ressources. Il semble donc que les époux ne pourraient se prévaloir du changement de situation de l'autre époux.

Votre commission vous proposera un amendement harmonisant la rédaction applicable au divorce par consentement mutuel avec celle applicable en cas de divorce contentieux, pour permettre à chaque époux de se prévaloir de la situation de l'autre.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 septies ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 2 septies
(art. 80 quater, 156 et 757 A du code général des impôts)
Dispositions fiscales

Le régime fiscal actuel de la prestation compensatoire défavorise les débiteurs de prestation sous forme de capital par rapport aux débiteurs de prestation sous forme de rente et joue donc un rôle essentiel dans la préférence marquée par les parties pour la rente.

La rente est en effet, comme les pensions alimentaires, déductible du revenu de celui qui la paie ( art. 156 du code général des impôts ) et imposable avec les revenus de celui qui la reçoit ( art. 80 quater du code général des impôts). Le second ayant en général des revenus inférieurs à ceux du premier est soumis à un taux d'imposition moindre. Cette solution apparaît donc particulièrement avantageuse pour le débiteur sans peser sur les créanciers ayant des revenus modestes soumis en tout état de cause à un faible taux d'imposition.

La prestation versée sous forme de capital est soumise, soit au droit de partage de 1% prévu à l'article 748 du code général des impôts, soit aux droits de mutation à titre gratuit.

L'article 280 du code civil dispose que " les transferts et abandons prévus au présent paragraphe sont considérés comme participant au régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des donations ".

Cette disposition s'applique sans restriction aux prestations payées par un époux à l'aide de biens communs dans le cas d'un régime de communauté. S'applique dans ces cas le droit de partage de 1%.

L'article 757 A du code général des impôts dispose cependant que les versements en capital entre ex-époux sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un deux.

En application de cet article, l'administration a ainsi exigé des droits de mutation à titre gratuit en cas de versements en capital provenant de biens propres des époux quel que soit le régime matrimonial. Cette opération est conforme à la pratique en matière de liquidation de régime matrimonial même si elle peut sembler contrevenir à l'esprit de l'article 280 du code civil.

En revanche, contrairement à la pratique adoptée en matière de liquidation de régime matrimonial, l'administration fiscale a soumis aux droits de mutation à titre gratuit la prestation versée sous forme de biens indivis entre des époux séparés de biens.

Lors de la première lecture de la proposition au Sénat, votre commission des Lois avait souhaité adopter des dispositions fiscales favorisant le paiement de la prestation en capital.

Elle avait ainsi prévu de doubler l'abattement applicable pour le calcul de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit exigibles en cas de versement en capital provenant des biens propres du débiteur.

Cet abattement, prévu à l'article 779 du code général des impôts, était à l'époque de 330 000 F. Il a été relevé à 500 000 F par la loi de finances pour 1999. Au delà de ce seuil, les sommes versées sont imposables à un taux progressif prévu à l'article 777 du code général des impôts et variant de 5% jusqu'à 50 000 F jusqu'à 40% au delà de 11 200 000 F.

Mme le garde des Sceaux a considéré qu'il ne convenait pas de favoriser les époux divorcés par rapport aux époux survivants et a craint des demandes reconventionnelles concernant les successions. Consciente de la nécessité d'adopter des dispositions favorables au paiement de la prestation sous forme de capital, elle s'est engagée à trouver une solution " moins pénalisante pour les finances publiques " qui réponde au souci de la commission des Lois.

Votre rapporteur avait en conséquence accepté de retirer la disposition en cause, l'article 40 de la Constitution ayant été évoqué ( article 3 de la proposition de loi ).

La prestation versée en plusieurs annuités en application de l'article 275-1 du code civil, ou des conventions entre époux dans le cas de divorce sur requête conjointe, n'est actuellement pas assimilée à une rente , donc non susceptible d'être imposable à l'impôt sur le revenu. Ont été néanmoins assimilées à des rentes des prestations dont les versements étaient périodiques et réguliers, même sur une durée ne dépassant pas trois ans.

La question se pose donc réellement de savoir quel sera le régime fiscal de la prestation versée sous forme de capital telle que prévue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Mme le garde des Sceaux s'est formellement engagée lors du débat à l'Assemblée nationale " à ce qu'une solution soit trouvée d'ici à la prochaine lecture en ce qui concerne le régime fiscal à l'égard de l'impôt sur le revenu des versements prévus par l'article 276 nouveau du code civil ".

Il est impératif que le dispositif adopté favorise un versement rapide de la prestation et donne à la nouvelle forme de versement de la prestation en capital un régime fiscal aussi attractif que celui de la rente .

Votre commission vous proposera donc d'assimiler, dans tous les cas, le capital reçu sous forme d'argent à une rente, quel que soit le nombre et la périodicité des versements effectués.

Les versements résultant d'abandons de biens en nature resteraient taxés comme des transferts de capital. Compte tenu du nouveau seuil de 500 000 F applicable depuis le 1 er janvier dernier pour l'application des droits de mutation à titre gratuit entre époux, votre commission estime moins nécessaire d'augmenter cet abattement.

En revanche, elle souhaite harmoniser dans tous les cas, les règles applicables en cas de versement de prestation compensatoire avec celles applicables en cas de liquidation de régime matrimonial.

Votre commission vous proposera donc d'adopter trois articles additionnels après l'article 2 septies :

- le premier compléterait l'article 156 du code général des impôts pour prévoir que seraient déduits des revenus du débiteur de la prestation les versements en capital effectués par lui sous forme de sommes d'argent, quel que soit le nombre et la périodicité des versements effectués. Si le revenu du débiteur était insuffisant pour que l'imputation puisse être totalement opérée, l'excédent serait reporté successivement sur les années suivantes, jusqu'à la huitième année suivant le premier versement ;

- le second compléterait l'article 80 quater du code général des impôts pour prévoir l'imposition sur le revenu des sommes d'argent reçues par le créancier, tout en permettant à ce dernier d'étaler sur huit ans la déclaration des sommes reçues, afin qu'un règlement plus rapide de la prestation ne le pénalise pas ;

- le dernier préciserait, à l'article 757 A du code général des impôts , que les abandons en nature de biens indivis entre époux séparés de biens ne seraient pas considérés comme des donations mais seraient soumis au droit de partage de 1%.

Ces trois articles seraient assortis d'un paragraphe II créant une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs pour compenser la perte de ressources pour le budget de l'Etat résultant des dispositions adoptées.

Votre commission vous propose d'adopter trois articles additionnels après l'article 2 septies.

TITRE II
DISPOSITIONS TRANSITOIRES


Article 4
Révision des rentes viagères en cours de versement

Cet article prévoyait la possibilité de révision des rentes en cours de versement dans les conditions prévues par le présent texte.

La révision des rentes aurait ainsi pu intervenir sur simple requête du débiteur ou de ses héritiers adressée au juge aux affaires familiales, en considération de changements substantiels intervenus dans les ressources ou les besoins des parties. Leur capitalisation aurait pu intervenir sur demande du débiteur comme du créancier.

L'Assemblée nationale a réservé cet article à la révision des rentes viagères . Elle a précisé que la révision des rentes, comme leur capitalisation, pourrait intervenir dans les conditions prévues respectivement par les articles 276-3 et 276-4 du code civil créés par les articles 2 ter A et 2 ter B de la proposition de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 sans modification.

Article 5
Révision des rentes temporaires en cours de versement

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, précise les conditions de révision des rentes temporaires en cours de versement.

Comme les rentes viagères, ces rentes pourront être révisées à la baisse, à la demande du débiteur ou de ses héritiers, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. Il est précisé que la révision ne pourra conduire à en proroger la durée initiale.

Les rentes pourront être transformées en un capital qui aura la consistance déterminée à l'article 275 du code civil résultant de la présente proposition, c'est à dire qu'il pourra consister en l'attribution de biens en pleine propriété ou pour l'usage et l'habitation. Le juge pourra décider d'autoriser le versement de ce capital sur une durée maximum de 8 années.

Il n'est pas prévu que la révision puisse conduire à la suppression de la rente . Il semble que cela devrait être fait, faute de quoi un raisonnement a contrario conduirait le juge a estimer que les rentes temporaires en cours de versement ne pourraient être supprimées comme pourraient l'être les rentes viagères à venir. Devront être également prévues les possibilités, adoptées précédemment pour les rentes viagères, de suspension et de variations successives en sens contraire du montant de la rente sous un plafond égal au montant initialement fixé.

Il semble en outre préférable de permettre au juge de prévoir un étalement de la durée de la rente en cas d'accord des parties .

Il serait également souhaitable d'accorder au créancier la possibilité de demander la capitalisation de la rente temporaire en cours de versement, dans les mêmes conditions que pour les rentes viagères.

Enfin il conviendra de modifier un visa à l'article 276 du code civil pour tenir compte des modifications de structures opérées.

Votre commission vous présentera donc cinq amendements à cet articles.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
Déduction des pensions de réversion des rentes en cours de versement

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, permet au juge de décider que le montant d'une pension de réversion, perçue du chef de l'ex-époux décédé, sera déduit du montant de la rente actuellement versée par ses héritiers.

La Commission des Lois de l'Assemblée nationale avait souhaité au départ prévoir la déduction automatique du montant de la pension de réversion. Mais le garde des Sceaux a convaincu l'Assemblée nationale qu'il fallait laisser au juge le soin de décider les cas dans lesquels une déduction devrait être opérée.

Votre commission considère qu'il n'y a pas de raison de ne pas appliquer aux rentes en cours les dispositions prévues pour les rentes à venir.

Elles vous proposera donc un amendement supprimant l'intervention du juge et rendant de ce fait la déduction de la pension de réversion automatique.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Application de la loi aux instances en cours

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, permet l'application des dispositions de la proposition de loi aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à des décisions ayant force de chose jugée.

Dans le cas où des décisions ayant force de chose jugée seraient intervenues, les parties bénéficieraient des dispositions transitoires applicables aux rentes en cours de versement.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification .

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble de la proposition ainsi modifiée.

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
(Art. 270 à 280-1 du code civil)




1 Rapport n° 20 (1997-1998).

2 Couple, filiation et parenté aujourd'hui - Rapport remis en mai 1998 au ministre de l'Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

3 Rénover le droit de la famille - rapport remis en septembre 1999 au Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

4 Les divorces en 1996 - Études et statistiques Justice - Sous-direction de la Statistique, des Études et de la Documentation, ministère de la Justice.



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