M. Roger BESSE

IV. LE FONDS NATIONAL D'AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

Votre rapporteur spécial suit depuis plusieurs années avec une attention particulière la gestion du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), au sujet duquel il a présenté en 2003 un rapport d'information 5 ( * ) .

A. PRÉSENTATION DU FNADT

1. Le cadre institutionnel

a) La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire

Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) a été créé par l'article 33 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 6 ( * ) , dite « Pasqua-Hoeffel », pour regrouper les crédits de cinq fonds existant alors, « consacrés aux interventions pour l'aménagement du territoire, à la restructuration des zones minières, à la délocalisation des entreprises, à l'aide aux initiatives locales pour l'emploi, au développement de la montagne et à l'aménagement rural » :

- le fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire (FIAT) ;

- le fonds du groupe interministériel pour la restructuration des zones minières (GIRZOM) ;

- le fonds d'aide à la délocalisation (FAD) ;

- le fonds régionalisé pour les initiatives locales pour l'emploi (FRILE) ;

- le fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne (FIAM) ;

- le fonds interministériel de développement et d'aménagement rural (FIDAR).

b) Les comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire

Le décret n° 95-414 du 19 avril 1995 7 ( * ) a institué auprès du Premier ministre un comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIADT).

Ce comité définit les orientations relatives à l'emploi de ce fonds, et arrête les décisions relatives à l'affectation des crédits de sa section générale.

Il comprend, sous la présidence du Premier ministre, les ministres chargés de l'aménagement du territoire, de l'intérieur, des collectivités locales, du budget, de l'économie, de l'agriculture, de l'équipement, des transports, de l'industrie, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de la ville, de l'environnement et des départements et territoires d'outre-mer (les autres ministres étant appelés à siéger au comité interministériel pour les affaires relevant de leur compétence).

Depuis 1995, année de création du FNADT, se sont tenus douze CIADT, les derniers étant ceux :

- du 3 septembre 2003, consacré au monde rural ;

- du 18 décembre 2003, relatif notamment à la réforme des contrats de plan Etat-région, au développement des grandes métropoles françaises, à la politique des transports et au développement de l'Internet haut débit sur l'ensemble du territoire ;

- du 14 septembre 2004, relatif en particulier aux « pôles de compétitivité » et à un plan d'accompagnement du haut débit en zone rurale.

c) Une répartition en trois sections

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 8 ( * ) prévoit que les crédits du FNADT sont répartis entre une section générale et une section locale à gestion déconcentrée au niveau régional. Cette disposition est précisée par la circulaire du Premier ministre du 9 novembre 2000 relative aux interventions du FNADT.

(1) La section générale

Les décisions d'attribution au titre de la section générale relèvent de la compétence du Premier ministre , sur proposition du ministre en charge de l'aménagement du territoire, après instruction du dossier par la DATAR.

La répartition des crédits qui la composent se fait en comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) ou lors d'un comité de programmation .

Selon la circulaire du 9 novembre 2000, « la section générale contribue au financement de la politique nationale d'aménagement du territoire ».

(2) Une section locale servant essentiellement au financement des contrats de plan Etat-régions

La section locale du fonds est composée d'une part, dite « section contractualisée », qui regroupe les crédits portés aux contrats de plan Etat-région (volets régional et territorial), et d'une part dite « libre d'emploi », dont les crédits sont délégués aux préfets de région.

(3) C'est le Premier ministre qui décide de la répartition des crédits non contractualisés

Si l'on connaît le montant des crédits affectés au financement des contrats de plan, c'est le Premier ministre qui décide 9 ( * ) , de manière discrétionnaire, de la répartition des crédits restants entre la partie non contractualisée de la section locale 10 ( * ) et la section générale.

Le mécanisme de répartition des crédits entre les différentes sections est donc le suivant.

La répartition des crédits du FNADT entre sections

Loi de finances initiale

Crédits CPER

= section locale contractualisée

(environ 40 % des crédits)

Autres crédits

 
 
 
 
 
 

Premier ministre

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Section générale

(environ 40 % des crédits)

Section locale libre d'emploi (environ 20 % des crédits)

2. L'action du FNADT

a) Le FNADT finance moins de 7 % de la contribution de l'Etat aux contrats de plan Etat-régions

Le FNADT finance seulement 6,78 % de la contribution de l'Etat aux contrats de plan Etat-régions, arrivant ainsi en cinquième position, loin derrière les ministères de l'équipement et de l'éducation nationale , qui en financent plus de la moitié, comme l'indique le graphique ci-après.

Le financement de la contribution de l'Etat aux contrats de plan Etat-régions 2000-2006

Source : DATAR

b) Les principaux bénéficiaires sont les communes et les EPCI

Les bénéficiaires du FNADT sont principalement les collectivités locales (environ 30 % des subventions) et les structures intercommunales (environ 15 %).

Il est à noter que les subventions aux associations représentent une part non négligeable des crédits : de l'ordre de 10 %. Dans son rapport public pour 2001, la Cour des comptes a déploré le manque de transparence des subventions aux associations.

Les autres crédits sont attribués à des entreprises, des particuliers et des établissements publics.

c) La part croissante des crédits d'investissement

Le graphique ci-après, qui retrace les dotations du FNADT en loi de finances initiale depuis 1997, montre que les investissements représentent, chaque année, environ les deux tiers des crédits du FNADT.

Les crédits du FNADT

(en millions d'euros)

Source : lois de finances, projet de loi de finances pour 2005

d) Des opérations de petite taille

Selon le dernier rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT qui a été transmis à votre rapporteur spécial, en 2001, le FNADT a financé 2.133 projets, dont 93,3 % avaient un budget inférieur à 700.000 euros. 3,4 % des opérations ont eu un coût compris entre 700.000 euros et 1.500.000 euros, et 3,3 % ont coûté plus de 1.500.000 euros 11 ( * ) .

Le FNADT finance donc de petites opérations, sans commune mesure avec les grandes opérations d'aménagement.

B. QUEL JUGEMENT PORTER SUR LA DIMINUTION DES CRÉDITS PROPOSÉE POUR 2005 ?

1. Des crédits en diminution de 2,9 %

Les crédits demandés pour 2005 pour le FNADT s'élèvent à 206 millions d'euros , contre 212 millions d'euros en 2004, ce qui représente une diminution de 2,9 %.

Cette diminution, de plus de 6 millions d'euros, s'explique essentiellement :

- par l'augmentation des crédits d'intervention destinés à financer les contrats de plan Etat-régions (de 6 millions d'euros) ;

- par la diminution des crédits non contractualisés, d'intervention (- 6 millions d'euros) comme d'investissement (- 7 millions d'euros).

La diminution des crédits du FNADT proposée pour 2005

(en millions d'euros)

Source : « bleu » budgétaire

2. Des crédits égaux aux crédits consommés en 2003

Les crédits proposés pour 2005, de 206,12 millions d'euros, sont égaux à ceux consommés en 2003 , comme l'indique le graphique ci-après.

Le FNADT : les crédits inscrits en LFI, les crédits ouverts et les crédits consommés

(en millions d'euros)

Source : DATAR

Ainsi, le présent projet de loi de finances propose en réalité une stabilité des crédits consommés, si l'on suppose que les crédits disponibles seront égaux inscrits à ceux inscrits en loi de finances initiale.

L'Institut des Hautes Études de Développement et d'Aménagement du Territoire européens (IHEDATE)

1. La suppression des crédits de l'IHEDAT dans le projet de loi de finances pour 2003

A l'initiative de l'Assemblée nationale, les crédits du FNADT destinés, dans le projet de loi de finances pour 2003, à financer l'Institut des Hautes Études de Développement et d'Aménagement du Territoire (IHEDAT), ont été supprimés.

Le chapitre 44-10 a ainsi été réduit de 500.000 euros.

L'IHEDAT avait été créé en l'an 2000 à l'initiative de M. Jean-Louis Guigou, alors délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

Selon l'auteur de l'amendement, la même formation pourrait être dispensée par les instituts d'études politiques, par les troisièmes cycles universitaires, voire par l'école nationale d'administration.

Le ministre a déclaré qu'il s'agissait non d'une suppression, mais d'une suspension, qui permettrait de mener, pendant un an, une réflexion nécessaire.

2. La création de l'IHEDATE à l'automne 2004

A la suite de la mise en place, en janvier 2003, d'un groupe de travail sur ce thème, la DATAR a rédigé un rapport, proposant d'utiliser le prochain pôle européen d'administration publique de Strasbourg comme tête de réseau. L'ancien IHEDAT devait devenir le Centre de ressources européen en aménagement et développement des territoires (CREADT).

En juillet 2004 ont été déposés les statuts de l'IHEDATE, l'Institut des Hautes Etudes en Aménagement et Développement des Territoires Européens. Il s'agit d'une association loi de 1901. Le budget, de 500.000 euros, doit être assuré à parts égales par les quatre collèges qui le composent :

- Etat et établissements (éventuellement la Caisse des dépôts et consignations) ;

- collectivités territoriales ;

- entreprises privées ;

- auditeurs.

Le contenu pédagogique doit être marqué par les thématiques européennes, et notamment celles de l'élargissement.

Le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer doit inaugurer la session de l'IHEDATE 2004-2005 le 15 décembre 2004. Les séminaires doivent commencer fin janvier 2005.

C. LE « SUIVI » DES SUGGESTIONS FAITES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Dans son rapport d'information précité sur le FNADT présenté en 2003 12 ( * ) , votre rapporteur spécial proposait notamment :

- d'accroître le montant de la section locale non contractualisée, afin de permettre aux préfets de décider localement de subventionner tel ou tel projet ;

- d'assouplir l'interdiction du financement des investissements en infrastructures « classiques » par la section locale ;

- d'améliorer l'instruction des dossiers ;

- d'accélérer le versement des subventions ;

- d'améliorer le suivi informatique des crédits ;

- de développer l'évaluation ;

- d'accroître la diffusion du rapport au Parlement ;

- de concentrer davantage les subventions.

1. Les observations prises en compte

La DATAR a pris en compte certaines observations de votre rapporteur spécial, ce dont il convient de se féliciter.

a) Le raccourcissement des délais de subvention

Ainsi, la DATAR indique qu'une meilleure anticipation des programmations FNADT lui a permis de raccourcir sensiblement les délais de versement des subventions. En 2003, la totalité des subventions programmées et gérées en centrale a pu être versée avant le 31 décembre 2003.

b) L'amélioration du suivi informatique des crédits

La DATAR a en outre amélioré le suivi informatique des crédits, grâce aux logiciels ACCORD et INDIA.

2. L'amélioration de l'évaluation

La DATAR ne prévoit pas de mesure spécifique destinée à améliorer l'évaluation du FNADT.

Cependant, l'évaluation de l'action du FNADT devrait s'effectuer dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF.

En outre, le contenu du rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT, que le gouvernement doit présenter chaque année à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances 13 ( * ) , a été considérablement amélioré. Sa diffusion demeure cependant toujours aussi confidentielle.

L'absence d'accroissement de la diffusion du rapport au Parlement

Certains ministères accordent une large diffusion aux rapports au Parlement que la loi prévoit au sujet de la mise en oeuvre de certaines dispositions.

Ainsi, les rapports au Parlement relatifs à la mise en oeuvre des zones franches urbaines 14 ( * ) sont publiés sur le site gouvernemental http://i.ville.gouv.fr , destiné à l'information sur la politique de la ville.

En revanche, le rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT, que le gouvernement doit présenter chaque année à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances, fait l'objet d'une diffusion restreinte.

3. Les observations non prises en compte

a) L'absence de réforme de structure

Il n'est envisagé ni d'accroître le montant de la section locale non contractualisée, ni d'assouplir l'interdiction du financement des investissements en infrastructures « classiques » par la section locale, comme le suggérait votre rapporteur spécial dans le rapport d'information précité.

b) Le maintien de la procédure actuelle d'instruction des dossiers

La DATAR indique qu'il « n'est pas envisagé de revoir [la] procédure d'instruction des dossiers », estimant que celle-ci « permet aux services déconcentrés de l'Etat d'instruire les dossiers de manière efficace et aux porteurs de projet de bénéficier, dans leur propre région, d'une assistance technique et de conseils pour le montage de leur demande de financement » et que « sur la base de cette instruction régionale, la DATAR est en mesure de proposer, pour ce qui concerne la section générale du fonds, l'examen final de l'ensemble des dossiers en comité national de programmation ». Cependant, il est vrai que les imperfections relevées par l'inspection des finances en 1998 provenaient moins des règles elles-mêmes que de leur application.

c) Le maintien de l'actuelle logique de « saupoudrage »

Par ailleurs, il n'est pas envisagé d'accroître le montant minimal des subventions du FNADT, de 300.000 euros pour les dépenses d'investissement financées par la section générale 15 ( * ) .

* 5 Rapport d'information n° 17 (2003-2004).

* 6 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 7 Décret n° 95-414 du 19 avril 1995 relatif au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire et pris pour l'application de l'article 33 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 8 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 9 Sur proposition du ministre en charge de l'aménagement du territoire.

* 10 S'agissant de la section locale, il est ensuite procédé à une répartition des crédits entre les régions. Pour ce qui est de crédits contractualisés, cette répartition se fait en fonction du contenu de chacun des contrats de plan, de leurs avenants et des conventions interrégionales de massif. La répartition entre les régions des crédits relevant de la section locale non contractualisée est arrêtée en fonction de critères démographiques, économiques et sociaux.

* 11 Source : rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits pour l'année 2001.

* 12 Rapport d'information n° 17 (2003-2004).

* 13 La loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée prévoit qu'à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances de l'année, un rapport est fait au Parlement sur l'utilisation des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire.

* 14 Bilan des zones franches urbaines (ZFU) - Rapport au Parlement.

* 15 Selon la circulaire du 9 novembre 2000, « pour ce qui concerne les opérations d'investissement d'intérêt régional, les préfets de région veilleront à ne proposer au financement par la section générale que les projets pour lesquels les demandes de subvention au titre du FNADT sont supérieures à 2 millions de francs [soit environ 300.000 euros], et qui concernent des opérations ou des tranches d'opérations dont le coût excède 10 millions de francs [soit environ 1,5 million d'euros] ».