M. Roger BESSE

DEUXIÈME PARTIE : LES PRINCIPAUX ENJEUX

I. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF)

Le gouvernement propose que l'actuel budget de l'aménagement du territoire devienne à partir de 2006 un programme, dénommé « aménagement du territoire » et inclus dans la mission « politique des territoires ».

A. LA MISSION « POLITIQUE DES TERRITOIRES »

1. L'abandon du projet de mission réunissant les services du Premier ministre

A la fin de l'année 2004, le gouvernement envisageait de réunir dans une mission unique l'ensemble des services du Premier ministre.

a) Rappel : le projet de mission réunissant les services du Premier ministre

Comme l'a indiqué votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de budget de l'aménagement du territoire pour 2004, il était envisagé à l'automne 2003 de réunir dans une mission unique ce qui constituait alors l'ensemble des services du Premier ministre , à l'exception des Journaux officiels 16 ( * ) , c'est-à-dire, outre la DATAR :

- les services généraux du Premier ministre ;

- le secrétariat général de la Défense nationale ;

- le commissariat général du Plan ;

- le conseil économique et social.

Les crédits de paiement correspondants étaient de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

Cette mission aurait compris quatre programmes :

- « aménagement du territoire » (267 millions d'euros) ;

- « direction de l'action du gouvernement » (497 millions d'euros) ;

- « communication et audiovisuel » (624 millions d'euros) ;

- « sécurité et défense » (89 millions d'euros).

b) La proposition de votre commission des finances de mettre en place une mission « stratégie de l'aménagement du territoire »

Dans leur récent rapport d'information, déposé le 5 mai 2004, relatif à la mise en oeuvre de la LOLF 17 ( * ) , nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, respectivement président et rapporteur général de votre commission des finances, ont jugé ce projet de mission inapproprié.

Ils ont en revanche préconisé la mise en place d'une mission interministérielle « stratégie de l'aménagement du territoire », afin de regrouper les programmes « structurants » . Cette mission devait rassembler les programmes « aménagement du territoire » et « interventions territoriales de l'Etat » de ce qui constituait alors le projet de mission « premier ministre », ainsi que les programmes « soutien des politiques d'équipement », « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » et « information géographique et cartographique » de ce qui constituait alors le projet de mission « logement, aménagement et tourisme ».

Faute de regrouper les crédits d'une politique identifiable comme telle, la mission « logement, aménagement et tourisme » proposée dans la maquette gouvernementale devait ainsi être éclatée entre les missions « stratégie de l'aménagement du territoire », « logement et urbanisme » (pour le programme « logement ») et « politique économique » (s'agissant du programme « tourisme »).

2. Le présent projet de mission « politique des territoires » se conforme aux propositions de votre commission des finances

Conformément aux préconisations de votre commission des finances, le gouvernement, dans la maquette validée le 16 juin 2004, propose désormais d'intégrer les crédits de l'aménagement du territoire au sein d'une mission interministérielle dédiée à cette politique , dénommée « politique des territoires ».

Le projet de mission « politique des territoires »

(en millions d'euros)

Programmes proposés par votre commission des finances (mai 2004) (1)

Programmes proposés par le gouvernement

Responsables

Montants

2004

2005

2005/2004 (en %)

Soutien des politiques d'équipement

Stratégie en matière d'équipement

Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Directeur des affaires économiques et internationales

132

134

1,5

Aménagement, urbanisme et ingénierie publique

Aménagement, urbanisme et ingénierie publique

Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction

1.334

1.347

1,0

Information géographique et cartographique

Information géographique et cartographique

Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Directeur général de l'institut géographique national

76

76

0,0

-

Tourisme

Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Directeur du tourisme

77

79

2,6

Aménagement du territoire

Aménagement du territoire

Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale

273

265

-2,9

Interventions territoriales de l'Etat

Interventions territoriales de l'Etat

Services du Premier ministre

Gestion par le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (MISILL) : secrétaire général

0

0

0

 

TOTAL

 

1.892

1.901

0,5

(1) Rapport d'information n° 292 (2003-2004) de nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 mai 2004.

Sources : rapport d'information n° 292 (2003-2004) précité ; « Présentation indicative des crédits du budget général selon les principes de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) »

La seule différence par rapport aux préconisations de votre commission des finances est que le programme « tourisme » a été intégré non à la mission « politique économique », mais à la présente mission « politique des territoires ».

3. Une mission qui regrouperait 20 % des crédits consacrés à l'aménagement du territoire

Les crédits de la mission « politique des territoires » correspondrait à environ 20 % de l'ensemble des crédits consacrés à l'aménagement du territoire , comme l'indique le graphique ci-après.

Le projet de mission « politique des territoires »

(en millions d'euros)

Sources : jaune « aménagement du territoire » ; « Présentation indicative des crédits du budget général selon les principes de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) »

Les crédits concernés font actuellement tous partie des divers budgets du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

4. L'absence de document de politique transversale

Compte tenu de l'écart entre le montant des crédits réunis dans le projet de mission interministérielle et celui des crédits concourant à la politique d'aménagement du territoire, nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, dans le rapport d'information précité, estimaient « souhaitable qu'un document de politique transversale (DPT) permette de retracer l'ensemble des dotations concourant à l'aménagement du territoire, ainsi que les objectifs correspondants ».

En réponse à une question posée à ce sujet par votre rapporteur spécial, le secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire a jugé qu'un tel document n'était pas indispensable , du fait de l'existence du « jaune » budgétaire et de la taille de la mission « politique des territoires ».

B. LE PROGRAMME « AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE »

1. Un programme de faible montant

Le programme « aménagement du territoire » aurait donc un montant relativement faible (265 millions d'euros).

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, la Cour des comptes estime que « l'objectif de limiter le budget de l'Etat à 150 programmes ne sera pas atteint si un trop grand nombre de programmes restent en deçà du milliard d'euro s ». Elle estime en particulier que des agrégats d'un montant inférieur à 500 millions d'euros constituent des « situations extrêmes qu'il paraît nécessaire de limiter, sinon d'éviter, lors de l'élaboration des futurs programmes ».

Le programme « aménagement du territoire » envisagé regroupe donc des crédits d'un montant particulièrement modeste, ce qu'il semblait difficile d'éviter, à moins d'accroître considérablement les moyens de la DATAR.

2. Une structuration en trois actions

Le programme « aménagement du territoire » serait structuré en trois actions :

- l'action « attractivité et développement économique » (81 millions d'euros), réunissant les crédits relatifs à la PAT et à l'AFII, et une partie des crédits non contractualisés (intervention et investissement) du FNADT ;

- l'action « développement territorial et solidarité » (168 millions d'euros), réunissant la majeure partie des crédits du FNADT (intervention et investissement, contractualisés ou non) et les deux tiers des crédits relatifs aux programmes interrégionaux ;

- l'action « grands programmes interministériels d'aménagement du territoire » (16 millions d'euros), consistant essentiellement en crédits du FNADT non contractualisés.

Chacune de ces actions se verrait également attribuer une partie des crédits de fonctionnement de la DATAR.

Il n'est pas actuellement prévu de sous-actions.

Le projet de programme « aménagement du territoire » : correspondance avec l'actuel budget de l'aménagement du territoire

(en millions d'euros)

Source : secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire

3. Les objectifs et indicateurs : une marge indéniable d'améliorations

Les objectifs et indicateurs permettent de définir plus précisément le contenu des actions. Celles-ci ne se conforment qu'imparfaitement aux préconisations faites par votre rapporteur spécial dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2004.

a) La préconisation de votre rapporteur spécial : se conformer, autant que possible, aux objectifs de la politique d'aménagement du territoire fixés par la loi du 25 juin 1999

Dans son rapport relatif au projet de budget de l'aménagement du territoire pour 2004, votre rapporteur spécial estimait souhaitable que les actions du programme « aménagement du territoire » soient proches des objectifs que la loi du 25 juin 1999 18 ( * ) fixe en matière d'aménagement du territoire :

- « soutien des territoires en difficulté » ;

- « développement local, organisé dans le cadre des bassins d'emploi et fondé sur la complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et urbains » ;

- « organisation d'agglomérations favorisant leur développement économique, l'intégration des populations, la solidarité dans la répartition des activités, des services et de la fiscalité locale ainsi que la gestion maîtrisée de l'espace » ;

- « renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne ».

S'il n'était peut-être pas pertinent de retenir chacun de ces objectifs, il pouvait sembler opportun de prendre en considération deux objectifs globaux : celui de l'équité et celui de l'efficacité économique. Comme le souligne un rapport du Conseil d'analyse économique (2001) 19 ( * ) , « si le développement local au sein de pays et le soutien des territoires en difficulté figurent parmi [les choix destinées à favoriser l'équité], les deux autres stratégies retenues - renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale et organisation d'agglomérations - apparaissent plus marquées par la recherche de l'efficacité ».

b) Des actions qui prennent peu en compte les objectifs de la loi du 25 juin 1999

Les actions et objectifs proposées pour le présent programme ne correspondent ni aux objectifs définis par la loi du 25 juin 1999 précitée, ni aux deux objectifs globaux d'équité et d'efficacité , comme l'indique le tableau ci-après.

Le projet de programme « aménagement du territoire »

Actions

Objectifs

Indicateurs

Attractivité et développement économique

Aider les entreprises à créer des emplois dans les zones les plus fragiles du territoire national

Remarque : cet objectif correspond à la mise en oeuvre de la PAT

Différentiel d'évolution des taux de chômage entre les zones PAT et l'ensemble du territoire national

Nombre d'emplois effectivement créés par les entreprises bénéficiaires de la PAT deux ans après la fin de leur programme

Favoriser les projets d'implantation et de développement d'entreprises internationalement mobiles

Remarque : cet objectif correspond à l'action de l'AFII

Nombre d'emplois prévus associés à des investissements internationalement mobiles

Montant des investissements prévus associés à des concrétisations de projets internationalement mobiles

Favoriser les implantations d'emplois publics dans les métropoles régionales et dans les secteurs prioritaires d'Ile-de-France

Nombre d'emplois publics nouvellement implantés ou délocalisés dans les métropoles régionales et dans les sites prioritaires de l'Ile-de-France

Développement territorial et solidarité

Assurer l'égal accès de la population française aux technologies de l'information et de la communication

Nombre de communes pouvant accéder à la téléphonie mobile

Nombre de communes pouvant accéder au haut débit

Assurer l'égal accès des populations aux services de proximité

Taux de diffusion sur le territoire des expériences innovantes mises en place dans le cadre des expérimentations et appels à projets pilotés par la DATAR

Favoriser les coopérations intercommunales dans le cadre des politiques contractuelles

Part de la population couverte par un contrat territorial : pays, agglomération, métropole, PNR...

Part des actions portées par des maîtres d'ouvrage français dans la mise en oeuvre des volets interrégional et transfrontalier des programmes européens

Grands programmes interministériels d'aménagement du territoire

Soutenir la mise en oeuvre des grands programmes interministériels d'aménagement du territoire

Rapport entre le montant total des crédits mobilisés par l'Etat, et les montants engagés par la DATAR sur les grands programmes ministériels

Pourcentage d'opérations pour lesquelles les délais de réalisation prévus sont respectés

Source : secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire

Les objectifs ne correspondent pas à ceux fixés par la loi du 25 juin 1999 précitée. Certes, le secrétariat d'Etat considère que tel est le cas. En réponse à une question de votre rapporteur spécial, il écrit en effet : « Les objectifs ont été définis en fonction des priorités fixés à la DATAR par le gouvernement lors du CIADT de décembre 2002. Ces priorités découlent des choix stratégiques énoncés fixés par la loi du 25 juin 1999. Sont ainsi notamment repris le renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale, la solidarité entres territoires, l'organisation d'agglomérations favorisant le développement économique... ». Cependant, seuls les objectifs « aider les entreprises à créer des emplois dans les zones les plus fragiles du territoire national » et « favoriser les coopérations intercommunales dans le cadre des politiques contractuelles » correspondent à des objectifs fixés par la loi précitée. Par ailleurs, l'objectif de « renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale », évoqué par la DATAR, ne correspond à aucun des objectifs du projet de programme transmis par la DATAR.

La distinction entre l'équité et l'efficacité économique , qui constituent, aux yeux de votre rapporteur spécial, les deux objectifs essentiels de la politique d'aménagement du territoire, n'apparaît pas clairement non plus à la lecture des actions et des objectifs. Chacune des deux principales actions - attractivité et développement économique, développement territorial et solidarité - réunit à la fois des objectifs tendant à l'équité et des objectifs tendant à l'efficacité. La fonction des « grands programmes interministériels d'aménagement du territoire » semble quant à elle ambiguë, dans la mesure où ces programmes sont souvent destinés au renforcement des pôles de développement existants. Ainsi, le rapport au Parlement relatif à l'utilisation des crédits du FNADT en 2001 donne comme exemples de « grandes opérations d'aménagement » « le contrat triennal Strasbourg ville européenne 2000-2002 » ou « l'opération Euroméditerranée à Marseille ».

c) Des actions correspondant plus à une logique de moyens qu'à une logique de résultats

Le projet de programme « aménagement du territoire » semble répondre essentiellement à une logique de moyens :

- l'action « développement territorial et solidarité » correspond à peu près à l'actuel FNADT ;

- l'action « attractivité et développement économique » réunit essentiellement les crédits de la PAT et de l'AFII, qui poursuivent des objectifs différents puisque la seconde cherche à attirer les entreprises étrangères, que ce soit ou non en zone défavorisée ;

- l'action « grands programmes interministériels d'aménagement du territoire » n'a quant à elle pas d'objectif clairement identifié, dans la mesure où ceux indiqués sont de purs objectifs de moyens.

* 16 En effet, l'article 18 de la loi organique du 1 er août 2001 prévoit que « les budgets annexes constituent une mission ».

* 17 Rapport d'information n° 292 (2003-2004).

* 18 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

* 19 Louis-André Gérard-Varet et Michel Mougeot, « L'Etat et l'aménagement du territoire », in Aménagement du territoire, rapport du Conseil d'analyse économique, 2001.