M. Adrien GOUTEYRON

III. L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS EN FRANCE

A. LES SERVICES DES VISAS

1. Une insuffisance persistante des moyens humains

Votre rapporteur spécial déplore la persistance d'un manque de personnel pour assurer la délivrance des visas, carence existant depuis déjà plusieurs années 22 ( * ) .

Dans son compte-rendu de gestion budgétaire pour l'année 2003, le ministère des affaires étrangères indique que « le redéploiement des effectifs des zones excédentaires ou à faible risque vers les zones déficitaires ou à risque élevé doit permettre d'arriver à un nombre satisfaisant de dossiers par agent, estimé à 2.500 par an dans les zones à risque migratoire élevé.

« Toutefois, dans la zone à risque migratoire élevé, qui représente 60 % des demandes de visas enregistrées en 2003 et où sont concentrés 63,69 % des agents, le ratio par an et par agent reste supérieur de 13,15 % à celui attendu : il est en effet de 3.394,79 dossiers instruits par agent (442,7 emplois dans la zone) alors que le maximum devrait se situer à 3.000 .

« L'année 2003 s'est caractérisée par le passage, au premier janvier, au paiement des frais de dossier en début de procédure et n'est comparable à aucune autre année. Cette nouveauté a assaini la demande qui a enregistré une baisse de 17,62 % par rapport à 2002 (pour mémoire, environ 3 millions de dossiers avaient été traités cette année-là). En revanche, les procédures comptables habituellement appliquées aux seuls visas délivrés ont sérieusement augmenté puisque 483.687 opérations comptables ont été enregistrées pour des visas refusés » 23 ( * ) .

On rappellera que, compte tenu de l'instauration du paiement a priori pour les demandes de visas et de la diminution de ces demandes qui s'en est suivi, le taux de refus des visas est passé d'environ 30 % à 20 %.

2. Un suivi et un contrôle insuffisants des délivrances de visas à l'étranger

Par ailleurs, il est regrettable que le suivi des demandes et de la délivrance des visas ne soit pas davantage effectué au sein de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères. En effet, le ministère des affaires étrangères n'exerce pas de contrôle régulier, au niveau de l'administration centrale, du nombre de visas délivrés à l'étranger : les statistiques relatives à la délivrance des visas dans les services consulaires ne remontent à l'administration centrale qu'une fois l'année écoulée, ce qui rend difficile, et en tout cas, tardif, les possibilités de déceler des variations importantes (nombre total de visas et nombre de visas gratuits délivrés) qui s'expliquent parfois, malheureusement, par des malversations locales.

Il semblerait pourtant particulièrement utile de suivre régulièrement (par exemple, sur une base mensuelle) les demandes et délivrances de visas, en opérant des distinction en fonction de la catégorie des visas et de l'origine des demandeurs :

- d'une part, cela permettrait à l'administration centrale de « tirer la sonnette d'alarme » en cas de constat de variations anormales dans la délivrance des visas, et de vérifier ce à quoi ces variations correspondent ;

- d'autre part, cela permettrait de suivre de manière plus précise l'origine géographique des populations demandeuses et de mutualiser cette information entre les postes, ce qui permettrait de mieux comprendre la logique des flux migratoires, s'agissant notamment des pays de transit des demandeurs de visas pour l'Union européenne ;

- enfin, mais ce dernier point n'implique pas nécessairement un suivi mensualisé de la délivrance des visas, il serait utile que les statistiques relatives à la délivrance des visas soient croisés avec d'autres statistiques, afin de mieux évaluer le devenir des demandeurs de visas. Ainsi, par nationalité, pourraient être suivis le devenir des demandeurs de visas d'étude, ce qui permettrait une meilleure évaluation des effectifs et des flux d'étudiants étrangers, mais également le nombre de demandeurs de visas qui, une fois sur le territoire national, déposent une demande d'asile.

B. L'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES (OFPRA)

1. Une croissance importante des moyens

a) L'augmentation des moyens humains

Pour l'année 2004, l'effectif budgétaire de l'OFPRA était initialement de 677 emplois (368 titulaires et 309 contractuels). Il a augmenté en gestion avec le recrutement de 125 contractuels au 1 er septembre 2004. A cet effectif total de 802 agents s'ajoutent par ailleurs 67 agents de catégorie C du ministère des affaires étrangères qui sont affectés à l'OFPRA.

Les emplois de titulaire comptent 5 emplois fonctionnels, 173 emplois d'officier de protection (catégorie A), 47 de secrétaire de protection (catégorie B), 67 d'adjoint de protection (catégorie C) et 76 d'agent de protection (catégorie C).

Régis par le décret n° 93-34 du 11 janvier 1993 modifié, ces corps de fonctionnaires assument les missions suivantes :

Les officiers de protection (catégorie A) sont chargés de l'instruction des demandes d'asile, de l'encadrement, des affaires juridiques mais également, pour ceux affectés à la Commission des Recours des Réfugiés, des fonctions de rapporteurs. Il est précisé que « la norme de productivité des officiers de protection chargés du traitement de la demande d'asile est en moyenne de 2,7 décisions par jour » ;

Les secrétaires de protection (catégorie B) assurent l'encadrement intermédiaire, participent à la mise en oeuvre de la protection des réfugiés et des apatrides (état civil, accueil), ainsi qu'à l'administration de l'Etablissement ;

Les agents et les adjoints de protection (catégorie C) assurent les tâches d'exécution (secrétariats, bureaux d'ordre) et l'accueil.

Les emplois de contractuels se répartissent en 288 emplois de catégorie A, 19 de catégorie B et 127 de catégorie C. Leurs fonctions sont identiques à celles des titulaires.

Les effectifs budgétaires depuis 1998 :

Année

Emplois fonctionnels

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Total

Titulaires

Contractuels

Titulaires

Contractuels

Titulaires

Contractuels

1998

6

133

2

46

0

0

75

262

1999

6

135

1

46

0

71

3

262

2000

6

171

1

46

0

74

0

262

2001

6

173

19

46

0

110

0

352

2002

6

173

50

46

0

131

0

406

2003

5

173

175

47

20

140

26

586

2004

5

173

288

47

19

143

127

802

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

On constate donc que les effectifs budgétaires de l'OFPRA ont été multipliés par trois entre 2000 et 2004, ce qui témoigne de l'importance du rattrapage en terme de moyens de cet établissement public. Par ailleurs, on rappellera que cet effectif de 802 emplois est complété par 67 agents de catégorie C du ministère des affaires étrangères affectés à l'OFPRA.

b) La croissance des moyens financiers

Le budget de l'OFPRA pour l'année 2004 s'élève à 38,6 millions d'euros, en progression de 10 % par rapport à celui de l'année 2003.

Le budget de l'OFPRA pour 2004 par rapport à 2003

(en millions d'euros)

Nature des dépenses

Budget initial 2003

Budget initial 2004

Evolution

Dépenses de personnel

20,9

24,3

+ 16 %

Impôts et taxes

1,2

1,4

+ 17 %

Dépenses locatives

6,8 24 ( * )

5,7

Ns

Dépenses liées à la demande d'asile (fournitures administratives, frais postaux, interprétariat)

3,3

3,6

+ 10 %

Dépenses informatiques

0,3

0,2

- 23

Autres dépenses

1,6

1,9

+ 19%

Total des dépenses de fonctionnement

34,1

37,1

+ 9%

Dépenses d'aménagement

0,2

0,4

+ 100 %

Dépenses informatiques

0,6

0,7

+ 17 %

Mobilier

0,2

0,3

+ 50 %

Autres dépenses

-

-

 

Total des dépenses d'investissement

1

1,4

+ 40 %

Total des dépenses

35,1

38,5

+ 10 %

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

La subvention de l'Etat, qui s'élevait à 38,2 millions d'euros en 2004 et est de 46,3 millions d'euros dans le projet de budget pour 2005, a été multipliée par trois entre 2000 et le projet de loi de finances pour 2005, comme l'indique le tableau ci-après.

Evolution de la subvention de l'Etat à l'OFPRA

(en millions d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

PLF 2005

Subvention de l'Etat

15,47

15,47

15,47

17

22,86

34,5

38,19

46,34

Variation

-

-

-

+ 10 %

+ 34 %

+ 51 %

+ 11 %

+ 21 %

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

L'augmentation de la subvention de l'Etat pour l'année 2005 résulte des transferts d'emplois (37 transferts d'emplois, pour un montant de 1,1 million d'euros) et des mesures nouvelles suivantes :

- déménagement de la commission des recours des réfugiés (CRR) dans un immeuble neuf à Montreuil, pour 4,3 millions d'euros ;

- consolidation de 125 agents supplémentaires recrutés en gestion 2004 à la CRR (pour une durée de 8 mois) pour 2,5 millions d'euros ;

- actualisation des régimes indemnitaires, pour 0,5 million d'euros.

2. La croissance de l'activité de l'OFPRA

L'augmentation des moyens financiers et humains de l'OFPRA vise à répondre à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, mais aussi à prendre en charge les modifications qui résultent de la réforme législative du droit d'asile engagée en 2003.

En 2003, l'OFPRA a pris au total 73.825 décisions (mineurs accompagnants inclus), dont 7.859 admissions au statut de réfugié. En outre, 3.264 dossiers ont été acceptés à la suite d'une annulation de la Commission des Recours des Réfugiés, ce qui porte les acceptations totales de l'année à 11.123. Le nombre total de demandeurs du statut de réfugié politique était de 59.768 pour l'année 2003, dont 7.564 mineurs accompagnants. Le décalage entre le nombre de demandeurs et le nombre de décisions prises par l'OFPRA témoigne de l'action conduite afin de réduire les stocks de demandes en attente, afin de pouvoir prendre une décision dans des délais raisonnables. De quatre mois à la fin de l'année 2003, ce délai serait passé à environ deux mois au 1 er semestre 2004.

A l'issue du 1 er semestre 2004, l'OFPRA a pris au total 41.164 décisions (mineurs accompagnants inclus), dont 3.918 admissions au statut de réfugié. En outre, 2.257 dossiers ont été acceptés à la suite d'une annulation de la Commission des Recours des Réfugiés, ce qui porte les acceptations totales du semestre à 6.175. Au cours de cette même période, le nombre total de demandeurs d'asile était de 29.868, dont 3.969 mineurs accompagnants.

Compte tenu des délais nécessaires d'enregistrement des décisions, et en particulier des accords, les chiffres 2004 sont encore provisoires. Par ailleurs, il convient de rappeler que, avec l'entrée en vigueur de la loi n° 52-893 du 10 décembre 2003, l'OFPRA traite désormais toutes les demandes d'asile (conventionnel, constitutionnel et au titre de la protection subsidiaire), au cours d'une instruction unique.

La comparaison du nombre de décisions prises en 2003 et au premier semestre 2004 avec le nombre de demandeurs d'asile témoigne de la réduction du nombre de dossiers en stock, comme le montre le graphique ci-après :

Evolution du stock entre fin 1998 et le 30/06/2004 (en nombre de demandes)

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

Le projet de budget du ministère des affaires étrangères prévoit une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA et 125 agents supplémentaires au profit de la commission de recours des réfugiés (CRR). En effet, si l'OFPRA a su réduire de manière importante la durée d'examen des demandes d'asile, la CRR, dont l'activité augmente fortement du fait de la réforme législative du droit d'asile, voit ses délais de traitement des dossiers accrus : en effet, les rééxamens des demandes d'asile ont augmenté de 210 % sur les 9 premiers mois de l'année 2004 par rapport à l'année 2003. La mesure proposée dans le projet de budget pour 2005 devrait permettre de réduire les délais de traitement des dossiers par la CRR à 3 mois d'ici à la fin de l'année 2005.

3. La question de l'effectivité des reconduites à la frontière

Le ministère des Affaires étrangères intervient en matière d'éloignement des étrangers en situation illégale pour faciliter l'obtention des laissez-passer consulaires et pour participer à la conclusion d'accords de réadmission ou d'accords techniques en matière d'éloignement 25 ( * ) .

S'agissant de l'obtention des laissez-passer consulaires, le ministère des affaires étrangères (Direction des Français à l'Etranger et des Etrangers en France) saisi par le ministère de l'Intérieur (Direction des Libertés Publiques et des Affaires juridiques ou Direction centrale de la Police aux Frontières) ou directement par les préfectures ayant des difficultés à obtenir les laissez-passer consulaires pour les ressortissants étrangers démunis de document de voyage faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, intervient auprès des ambassades étrangères en vue de faciliter l'obtention de ces documents indispensables à la mise en oeuvre des reconduites.

En 2003, sur les 55.854 mesures d'éloignement prononcées, 16.597 laissez-passer consulaires ont été demandés. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement s'élevait à 20,9 % pour cette même année . Un tiers de ces demandes a nécessité l'intervention du ministère des affaires étrangères. Le nombre de mesures d'éloignement est en augmentation constante depuis l'année 1998, où il était de 44.513 mesures prononcées, pour un taux d'exécution de 17,4 % .

Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères, en liaison avec le ministère de l'intérieur, négocie la conclusion d' accords de réadmission prévoyant le retour des ressortissants des pays contractants et des pays tiers, protocoles d'accords sur la délivrance de laissez-passer consulaires, arrangements administratifs sur les reconduites à la frontière, échange de lettres, mémorandum en vue d'une meilleure exécution des mesures d'éloignement. A ce jour, la France a signé 36 accords de réadmission.

Par ailleurs, dans le cadre de la communautarisation de la politique d'immigration, 4 accords communautaires de réadmission ont parallèlement été signés à ce jour avec les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao, l'Albanie et le Sri Lanka 26 ( * ) . Pour le futur, la Commission a reçu mandat pour négocier des accords de réadmission communautaires avec les Etats suivants : Algérie, Chine, Maroc, Pakistan, Russie, Turquie, et Ukraine.

* 22 On rappellera à cet égard que, à l'automne 1999, notre ancien collègue député Yves Tavernier avait publié un rapport d'information intitulé « Les services des visas, parents pauvres du ministère des affaires étrangères », rapport d'information n° 1803 (1999-2000).

* 23 Compte rendu de gestion budgétaires du ministère des affaires étrangères pour l'année 2003, page 12.

* 24 Y compris 0,9 million d'euros pour les loyers des anciens sites du 1 er janvier au 30 septembre 2003.

* 25 Ce ministère intervient aussi a posteriori, puisqu'il informe par télégramme ses postes diplomatiques et consulaires des mesures d'éloignement qui ont été exécutées, afin de sensibiliser les postes concernés au risque migratoire.

* 26 Les accords de réadmission avec l'Albanie et le Sri Lanka devraient entrer en vigueur au début de l'année 2005.