M. Michel CHARASSE

II. LES ENSEIGNEMENTS DE LA MISSION DE CONTRÔLE DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL EN AFRIQUE DE L'OUEST

Lors de la mission de contrôle sur pièces et sur place qu'il a réalisée en février 2004 dans quatre pays de l'Afrique de l'ouest ( Mauritanie, Sénégal, Mali et Côte d'Ivoire ), votre rapporteur spécial a constaté des situations budgétaires parfois difficiles dans les postes, particulièrement sur les projets du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), et des erreurs et imprécisions, mais aucun manquement majeur à la législation comptable et financière. Ses observations ont fait l'objet d'un rapport confidentiel adressé aux autorités compétentes, auquel le ministère des affaires étrangères a apporté une série de réponses argumentées 9 ( * ) . Le présent rapport reprend les principales observations de votre rapporteur spécial sur certains thèmes de contrôle, en particulier la gestion du FSP et la coopération avec les ONG ; les éléments ci-après en constituent la synthèse et restituent les réponses des services du ministère.

A. LA GESTION DES PROJETS DU FSP ET DE L'AFD

1. Le FSP, symbole des limites de la rhétorique diplomatique

Votre rapporteur spécial a mesuré l'ampleur de la crise de paiements du FSP dans certains postes (particulièrement au Sénégal et au Mali) et a constaté une discordance croissante entre les engagements politiques tendant à faire de l'APD une priorité au service du développement des pays pauvres et du rayonnement de la France, et la réalité de l'exécution budgétaire , suscitant l'incompréhension et l'amertume chez nos partenaires. De façon concrète, la pénurie de crédits de paiement 10 ( * ) et l'étranglement du FSP se sont traduits, dans certains cas, par l'arrêt des projets dès la fin du premier semestre et le non paiement de factures antérieures au 1 er janvier 2004, qui ont dès lors été reportées sur 2004. Une fois assurés le paiement de ces factures et les engagements minimaux au titre des projets vivants, plusieurs SCAC ne disposaient que d'aucun moyen pour initier de nouvelles actions en 2004.

Votre rapporteur spécial s'est ému de cette situation auprès du président de la République au cours même de sa mission. La situation budgétaire a toutefois été redressée en cours de gestion sur l'exercice 2004, avec un abondement supplémentaire des crédits de paiement du FSP de 50 millions d'euros, décidé le 10 mars 2004 et prélevé sur les résultats de l'AFD. Dans le projet de loi de finances pour 2005, l'écart cumulé entre autorisations de programme (AP) et crédits de paiement (CP), qui avait crû dans des proportions confinant à l'absurde au cours des trois derniers exercices, connaît enfin une inversion de tendance et les CP 11 ( * ) deviennent largement supérieurs aux AP (cf. la sous-partie relative au FSP). La répartition des CP disponibles en 2004 a été réalisée entre les projets mis en oeuvre par l'administration centrale (FSP mobilisateurs) et les projets-pays selon un ratio 40/60, stable depuis plusieurs années. Le partage des CP entre les différents pays a ensuite été effectué en tenant compte de la demande de chaque poste modulée par l'encours des projets opérationnels, le montant des engagements non soldés, le taux de décaissement de l'exercice précédent et le nombre de projets nouveaux susceptibles de voir le jour dans l'année. Votre rapporteur spécial considère que ces clefs de répartition sont pertinentes et respectent l'impératif d'incitation des postes à une meilleure gestion de leurs crédits.

Votre rapporteur spécial a formulé plusieurs recommandations tendant à un meilleur fonctionnement structurel du FSP et à la nécessité d'un effort de rigueur partagé , évitant de donner l'impression que le MAE navigue à vue au gré des succès furtifs remportés lors des négociations budgétaires. Le MAE s'est montré en accord avec ces observations :

- acquitter en priorité et avant tout autre engagement de dépenses les impayés de 2003 . La DGCID a effectivement donné la priorité à l'apurement du passé dans ses instructions de début 2004 ;

- mettre fin à l' « acharnement thérapeutique » sur des projets qui fonctionnent mal ou qui pâtissent d'une absence de motivation réelle du partenaire. L'inspection générale du MAE devrait par exemple pouvoir suspendre ou annuler d'office les projets engagés depuis plus de cinq ans et dont le taux de décaissement est inférieur à 25 %. Cela suppose que les évaluations - qui ne manquent pas - soient objectives et suivies d'effets, et que la gestion du FSP soit assortie d'indicateurs et d'objectifs précis. Le MAE a précisé à votre rapporteur spécial qu'entre février et avril 2004, le comité d'examen des projets, sous la présidence du directeur général de la DGCID, avait procédé à une revue des 536 projets vivants du Fonds. A l'issue de cet examen, tous les projets de plus de cinq ans ont été systématiquement clôturés, ce qui va au-delà des recommandations de votre rapporteur spécial . Il s'attachera néanmoins, lors de ses prochaines missions de contrôle, à vérifier que ces instructions ont bien été mises en oeuvre. Le MAE rappelle également que toutes les évaluations finales de projets sont désormais réalisées par des consultants extérieurs ;

- resserrer de manière effective les priorités des SCAC , plutôt que de camoufler dans la rhétorique le maintien d'axes d'intervention multiples et dispersés. Le MAE reconnaît que les documents de stratégie pays (DSP) ont montré leurs limites, manquent de précisions et ne procèdent pas à une concentration suffisante de l'aide sur un nombre réduit de secteurs. Les documents cadre de partenariat , annoncés par le CICID du 20 juillet 2004, répondent à cet impératif de hiérarchisation et de synthèse. Ils devraient dans un premier temps comporter un maximum de cinq pages, qui seront ensuite ramenées à deux ou trois dans les cinq prochaines années, et s'imposeront à l'ensemble des acteurs publics du développement, ce qui n'est pas le cas des DSP actuels ;

- la réforme comptable du FSP , prévue par le décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000 relatif au fonds de solidarité prioritaire, se traduit par une processus de transition lent, complexe, rigide et source de coûts fixes (du fait des nombreux mandats de faible montant) pour l'AFD en tant que payeur. L'absence de fongibilité (entre les paiements réalisés par l'AFD au titre de l'ancien FAC et ceux effectués par le réseau du Trésor public) peut conduire à des contradictions, comme en Côte d'Ivoire. Lorsque l'Agence dispose d'une abondante trésorerie en CP/FAC non utilisée et que le FSP manque de crédits au point de ne plus pouvoir payer, ou inversement, un système d'avances de courte durée entre l'AFD et le FSP permettrait d'éviter à la France d'être humiliée parce mauvais payeur. Le MAE reconnaît que le maintien parallèle des deux systèmes est une source de complications inutiles , mais ne retient pas une telle fongibilité purement pratique et indique que l'ensemble des projets devait être basculé dans la réforme au 31 décembre 2005.

Le ministère a également indiqué à votre rapporteur spécial que la DGCID avait lancé en septembre 2003 un processus de mise en place du contrôle de gestion . Le consultant KPMG a ainsi été sélectionné après appel d'offres. Votre rapporteur spécial rappelle que cette démarche, présentée comme volontariste, constitue avant tout une conséquence de l'application de la LOLF, et traduit plus probablement le retard pris par le MAE en ce domaine.

2. Une gestion perfectible de la régulation budgétaire en 2003

La régulation budgétaire en cours d'exercice, qui selon la DGCID a concerné 18 % des crédits qui pouvaient être régulé (soit en excluant les crédits du personnel des alliances françaises), a également désorganisé la programmation des crédits sur titre IV (assistance technique, bourses et invitations...) et conduit au report sur janvier 2004 du recrutement de 400 agents. Les SCAC ont été laissés libres de décider des modalités d'application de la régulation à leur programmation. La DGCID, dans ses réponses à votre rapporteur spécial, a fait valoir qu'il s'agissait d'une liberté visant à limiter au mieux les effets de la régulation.

Votre rapporteur spécial est d'avis que la DGCID n'avait effectivement pas à faire preuve d' « autoritarisme » en la matière, considérant notamment les spécificités propres à chaque pays, mais qu'elle était néanmoins fondée à donner des instructions sectorielles plus précises . Il reste que les à-coups de la régulation en 2003 (notamment le gel des reports intervenu fin mai), qui rappellent ceux de l'exercice 2002, ne facilitaient pas l'établissement d'une « doctrine ».

Le ministère a indiqué que les postes visités n'avaient pas pâti d'un traitement défavorable par rapport à la moyenne : les enveloppes du chapitre 42-15 ont diminué en 2003, après régulation, de 5,8 % par rapport à 2002, et les évolutions correspondantes en Côte d'Ivoire, au Mali, au Sénégal et en Mauritanie ont été respectivement de 0 %, - 3,3 %, - 1,9 % et - 2 %.

3. L'AFD a davantage les moyens d'une certaine rigueur et de la diversification de ses interventions

Au cours de sa mission, votre rapporteur spécial a constaté que l'exécution et le suivi des projets de l'Agence française de développement était dans l'ensemble réalisé avec rigueur et professionnalisme. La nouvelle méthode d'évaluation interne des projets , opérationnelle depuis 2003 (mais dont seule l'agence de Dakar lui a préalablement transmis les résultats), permet en particulier d'assurer un contrôle précis des facteurs de risque et de dysfonctionnement, et de décider a posteriori des mesures appropriées pour améliorer la qualité du portefeuille global de projets de l'AFD.

Votre rapporteur spécial rappelle néanmoins que l'AFD, en tant qu'établissement de crédit et établissement public, dispose de ressources diversifiées (et au besoin très innovantes, comme l'illustre l'émission de « titres super-subordonnés » réalisée en février 2004, en application d'une nouvelle faculté offerte par la loi de sécurité financière du 1 er août 2003) et d'un accès privilégié aux bonifications du Trésor , ce qui la rend beaucoup moins tributaire des aléas budgétaires. L'exercice 2005 devrait d'ailleurs se traduire par un plus grand recours aux ressources de marché. Votre rapporteur spécial craint toutefois que la diminution de 30,4 % des ressources budgétaires octroyées par le MAE, jointe à l'extension du périmètre géographique et des secteurs d'intervention de l'Agence, ne se traduise par une diminution prononcée de la composante « dons » des concours de l'AFD , et par une nouvelle crise de paiements en fin d'exercice 2005. Ces dons sont en grande majorité destinés à l'Afrique subsaharienne, dont plusieurs Etats ne sont pas éligibles aux prêts de l'Agence.

Votre rapporteur spécial a également formulé deux principales observations sur l'exécution des projets :

- les importants retards rencontrés par certains projets sont essentiellement dus à l'inertie des partenaires locaux ou européens, particulièrement au Sénégal ;

- dans les avant-projets de travaux, l'AFD gagnerait à ne pas faire réaliser l'avant-projet sommaire (APS) et l'avant-projet définitif (APD) par deux bureaux d'étude différents, car le risque demeure que le prestataire de l'APD conçoive également un APS (d'autant que son coût est en général plus élevé que l'APD), qui sera alors facturé deux fois. En revanche, l'Agence est fondée à choisir des prestataires différents pour les études, l'exécution du projet et le contrôle, bien qu'elle ne respecte pas systématiquement ce principe. Votre rapporteur spécial a enfin relevé, sur certains projets, l'emprise excessive des crédits d'évaluation et de suivi méthodologique.

B. LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET NON GOUVERNEMENTALE

Votre rapporteur spécial a plus particulièrement axé ses contrôles par sondage des crédits du titre IV sur les missions de coopération universitaire et les conventions passées avec les ONG françaises.

S'agissant des missions universitaires, certaines lacunes sont apparues peu admissibles au regard du contexte budgétaire . Plusieurs postes, en particulier à Dakar, signent couramment des dizaines de conventions de coopération avec des universités françaises, enclines à émarger sur les crédits du MAE pour permettre à des professeurs de se dépayser et de mener des études sur des sujets certes utiles sur le plan académique, mais dont le rapport avec le développement des pays pauvres est trop souvent très ténu. Les accords d'échange entre universités françaises et des pays partenaires participent en revanche d'un échange potentiellement fructueux d'expérience et de connaissances, à condition que les intéressés rendent des comptes. Or votre rapporteur spécial a déploré le financement par les SCAC, dans certains cas (et en particulier dans les accords ayant trait aux « sciences humaines »), de missions universitaires, coûteuses et parfois touristiques, sans qu'aucun compte-rendu d'activité ne soit jamais annexé aux mandats de paiement pour justifier l'utilisation des crédits (contrairement aux missions scientifiques, qui rendent compte avec rigueur et précision). De tels comptes-rendus détaillés doivent impérativement être exigés car ils constituent à l'évidence des pièces justificatives préalables aux paiements.

Dans ses réponses, le MAE a maintenu son attachement à la coopération culturelle et universitaire, et considère qu'elle contribue directement au développement des pays pauvres. Il partage en revanche les préoccupations de votre rapporteur spécial sur les cas d'absence de compte rendu dans les dossiers de liquidation, et indique qu'un suivi plus rigoureux de ces missions sera demandé aux SCAC qui n'auraient pas encore cette exigence.

En matière de coopération non gouvernementale, votre rapporteur spécial juge efficace et nécessaire l'action des ONG dans les situations d'urgence, mais déplore les libertés que certaines organisations prennent dans l'exécution de certaines missions de coopération plus traditionnelles et en temps de paix , en particulier s'agissant de la tarification des frais de fonctionnement du siège 12 ( * ) et de la description des objectifs et actions afférents à la convention de projet, d'ailleurs trop souvent non paraphée.

Le ministère a réaffirmé son objectif d'accroissement du soutien financier aux organisations de solidarité internationale (OSI), en se fondant en particulier sur le mauvais classement qu'occupe la France en la matière au sein de la communauté des bailleurs. De fait, les crédits d'appui aux OSI bénéficient d'une mesure nouvelle de 3,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une augmentation de près de moitié par rapport à 2004. Il précise en outre que les ONG ne contribuent pas à concurrencer les entreprises 13 ( * ) et reversent le cas échéant au ministère les crédits non utilisés, et que le versement par les SCAC des tranches successives se fait après examen des rapports d'exécution technique et financier. Les projets imprécis ou non conformes aux priorités de la DGCID sont écartés.

C. LE DIALOGUE AVEC LES ETATS RECIPIENDAIRES ET L'ACTION EUROPÉENNE

1. La nécessité d'un dialogue structuré et ferme avec les pays partenaires

L'efficacité de la coopération française est largement tributaire de la précision des demandes des pays partenaires et de la volonté et de la rigueur de leurs administrations. Or il faut bien reconnaître que le dialogue avec les récipiendaires peut relever de la maïeutique , dans la mesure où ils sont parfois enclins à accepter toute forme d'aide mais ne parviennent pas à formaliser une stratégie de développement ni à hiérarchiser les secteurs.

La mise en place du processus des Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP), promu par la Banque mondiale et auquel sont censés participer dans chaque pays la société civile et l'ensemble des institutions, constitue un préalable nécessaire et utile à une meilleure affectation de l'APD, mais son application est susceptible de se heurter à l'inertie, à l'autonomie et aux ressources insuffisantes de l'administration. De même, la concertation avec les bailleurs peut voir son efficacité amoindrie par l'absence de ministère chef de file s'agissant du financement du développement, et les donateurs courent ainsi le risque de devoir honorer des demandes éparses, fragmentées, et de conduire des négociations parallèles sans réelle cohérence, voire contre-productives.

Le MAE a indiqué à votre rapporteur spécial que le renforcement du partenariat constituait une préoccupation forte, et que l'insertion de la coopération dans le cadre des CSLP comme le soutien affirmé au NEPAD s'inscrivaient dans cette perspective.

La promotion des processus de décentralisation et de déconcentration , plus ou moins avancés dans les pays où s'est rendu votre rapporteur spécial, mais auquel la France se montre attachée, peut faire l'objet d'appréciations contrastées. Ces processus sont un choix souverain des partenaires, et il faut donc le respecter (notamment au Mali où il a été initié il y a dix ans). Mais il importe aussi de mettre les gouvernements en garde sur le coût potentiel de la décentralisation, sur la difficulté de mettre en place des ressources locales pérennes et autonomes, et sur la nécessaire modernisation préalable de leurs administrations centrales 14 ( * ) . La décentralisation est sans doute un moyen de renforcer la démocratie et les capacités d'investissement et de développement au plan local, mais elle ne peut pallier les déficiences souvent flagrantes des administrations nationales, dont le caractère parfois pléthorique n'est pas compatible avec la décentralisation et la déconcentration.

Le MAE déclare partager les préoccupations de votre rapporteur spécial et reconnaît avec lui que le renforcement des capacités nationales au niveau des administrations de l'Etat doit précéder et accompagner les processus de décentralisation.

La capacité d'absorption de l'aide doit en outre être mieux appréhendée . Un pays tel que le Sénégal bénéficie de sa position géographique privilégiée et d'un tissu économique plus étoffé que celui de ses voisins. Mais la présence de bailleurs en grand nombre et d'un volume important d'APD fait craindre l'apparition de rentes de situation dont profitent systématiquement les secteurs éternellement déficients de l'administration (douanes, justice).

Votre rapporteur spécial a également constaté une aspiration générale, tant chez les gouvernements qu'au sein de la communauté des bailleurs, à une plus grande utilisation du canal de l'aide budgétaire « affectée » , qui en France sera désormais gérée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Cet instrument est censé offrir les avantages suivants : flexibilité, mobilisation et décaissements plus rapides de l'aide, obtention de la taille critique dans une perspective d'aide-programme, pleine appropriation par l'Etat récipiendaire, vecteur d'harmonisation des procédures entre bailleurs. Sans nier ces avantages potentiels, votre rapporteur spécial ne saurait trop inciter le gouvernement français à ne pas y voir la panacée , car l'aide budgétaire suppose aussi des conditions qui ne sont pas toujours réunies :

- des circuits budgétaires et comptables et des règles de marchés publics fiables et transparents, ainsi que des systèmes d'ordonnancement et de paiement modernes ;

- l'aide versée ne doit pas se traduire par la diminution du budget national et une affectation sur d'autres actions ;

- une réactivité suffisante de la part des bailleurs, pour des versements élevés, ce qui dans le cas de la France n'est pas assuré. A ce titre, les résultats qui seront recueillis d'ici trois ans sur le fonctionnement des C2D, qui participent de cette logique, constitueront un « test » utile dans la perspective d'une extension du principe de l'aide budgétaire ;

- la pleine appropriation par l'Etat récipiendaire suppose qu'une réflexion concertée ait été menée en amont afin de déterminer précisément les axes susceptibles de bénéficier de l'aide-programme, assortis d'objectifs et d'un échéancier.

Votre rapporteur spécial a enfin constaté que le manque d'autorité de nombreux exécutifs sur leur propre administration affecte trop souvent les relations avec les investisseurs privés : jugements perçus comme arbitraires, redressements abusifs, taxes souterraines... Une solution pourrait consister à instituer, dans chaque pays ou avec la zone de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), une convention bilatérale rendant obligatoire un arbitrage indépendant, accepté par tous les opérateurs privés en cas de litige 15 ( * ) .

2. Le FED : une action enfin plus visible

Votre rapporteur spécial a longtemps émis de vives critiques sur l'utilisation des crédits dont dispose le Fonds européen de développement et leur rythme de décaissement. Sa mission de contrôle en Afrique lui a néanmoins offert quelques motifs de satisfaction, du fait d'une nette amélioration des décaissements depuis deux ans . La marge de progression demeure réelle, en particulier si l'on se réfère aux montants affectés au 9 e FED - qui démarre tardivement - et aux reports du 8 e FED. Les délégations demeurent cependant trop tributaires de la cogestion qui caractérise le processus décisionnel de Cotonou, et la raréfaction des réunions du conseil européen « développement », selon les représentants que votre rapporteur spécial a rencontrés, tend à ralentir en amont la validation des grands axes d'intervention.

L'UE dispose de moyens importants, dont l'utilisation pourrait en outre être améliorée si les délégations se montraient plus réactives et disposaient d'un fonds de réserve à mobiliser en cas d'urgence, telle que le drame du Joola au Sénégal. Votre rapporteur spécial se montre également réservé sur les nouvelles orientations du FED tendant à augmenter très sensiblement les dotations aux fonds multilatéraux , ce qui constitue un moyen certes rapide mais quelque peu facile et artificiel d'améliorer la consommation des crédits, qui se trouvent dilués dans un vaste ensemble de financements multiples. Comme l'aide française, l'aide européenne doit rester visible !

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* 9 Le ministère a notamment relevé certaines erreurs portant sur les moyens financiers attribués aux postes visités. Votre rapporteur spécial rappelle qu'il s'est fondé sur les données fournies par les postes eux-mêmes, qui étaient de fait parfois entachées d'incohérences.

* 10 Cette insuffisance de crédits n'a pas été interrompue en 2004. Dans une note adressée le 10 février aux ambassadeurs et conseillers de coopération et d'action culturelle de la ZSP, le directeur général de la DGCID constatait que « les CP mis à notre disposition ne permettront pas de financer en 2004 la mise en oeuvre de l'ensemble de nos projets de coopération. Les demandes des postes et des services centraux sont en effet trois fois supérieures aux CP ouverts ».

* 11 Lors de la conférence budgétaire de première phase de juin 2004, le MAE a proposé au ministère délégué au budget de fixer durant plusieurs exercices les CP du FSP à 235 millions d'euros , soit une croissance de 67,9 % par rapport à la dotation de 2003. Cette demande pour le moins ambitieuse n'a logiquement pas été retenue, et si la dotation finalement retenue n'est sans doute pas conforme à ce qu'une couverture intégrale des AP cumulées aurait exigé, elle est néanmoins cohérente avec la contrainte budgétaire sur l'ensemble des crédits de l'Etat comme avec le recentrage des secteurs d'affectation du FSP, suite aux conclusions du CICID du 20 juillet 2004.

* 12 Il rappelle à ce titre que la quote-part forfaitaire de 10 %, prévue par les directives de la DGCID, constitue bien un plafond et non un « droit de tirage ».

* 13 Elles sollicitent le MAE et non l'inverse, et doivent avoir réuni au moins la moitié des moyens nécessaires à la conduite du projet proposé (ce qui est souvent loin d'être le cas : en fait, le MAE semble avoir renoncé à exiger tout apport personnel des ONG).

* 14 Les projets de type « PAAFIE » (projet d'appui aux administrations financières et économiques) constituent à cet égard des outils très utiles de modernisation administrative et de crédibilisation des structures en charge du budget et de la collecte des impôts. Votre rapporteur spécial a pu constater, en Côte d'Ivoire, que les agents pouvaient également ressentir une certaine fierté d'avoir su mener à bien ce type de projet structurant.

* 15 A cet égard, le MAE relève qu'une application encore incertaine du droit des affaires, promu par l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), dans certains Etats de la ZSP, ne doit pas masquer les progrès accomplis grâce à la cour commune d'arbitrage créée à Abidjan et qui constitue un recours pour tous les Etats membres de l'organisation.