M. Michel CHARASSE

PREMIERE PARTIE : VUE GÉNÉRALE DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE

I. EVOLUTION DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE DEPUIS 1996

A. DEPUIS 2002, LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE SONT RESPECTÉS

1. Mise en perspective de l'aide française depuis dix ans

a) La chute de la fin de la décennie 90 a été enrayée

L'aide française au développement inclut trois composantes : l'aide publique au développement (APD) au sens du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, les apports du secteur privé à des conditions de marché et les apports des ONG aux pays tiers. Les apports du secteur privé, qui s'entendent en solde net (ce qui limite la portée de l'évolution des données), comprennent les investissements directs, les crédits à l'exportation et les investissements de portefeuille.

Sur une perspective de plus long terme, de 1982 à 2000, le total des apports financiers nets de la France aux pays en développement et aux organismes multilatéraux a diminué en volume de 47,7 % (soit une baisse de plus de six milliards de dollars). Cette évolution est cependant loin d'être linéaire puisque l'aide française a en réalité progressé jusqu'en 1996, pour diminuer ensuite de plus de moitié en quatre années. Cette chute est d'abord due à la forte baisse des apports nets de capitaux privés (- 81 %), mais également à la régression de l'aide publique, en particulier bilatérale.

La décennie 90 a été peu propice à l'APD : l'effort français en la matière est passé de 5,09 milliards d'euros en 1996 - hors TOM 16 ( * ) - à 4,5 milliards d'euros en 2000, soit un e baisse de plus de 10 %. Le ratio APD/RNB 17 ( * ) hors TOM, plus éclairant en termes d'effort réel, est également tombé de 0,42 % en 1996 à 0,32 % en 2000.

Entre 2000 et 2004 (selon les prévisions d'exécution à fin septembre) , l'aide aux Etats étrangers au sens du CAD a en revanche progressé de 52 % pour s'établir à 6,77 milliards d'euros, soit 0,42 % du RNB.

b) Les ambiguïtés de la comptabilisation de l'APD

La comptabilisation de l'APD au sens budgétaire français et selon l'OCDE présente de nombreuses différences , essentiellement imputables aux prêts de l'AFD et aux annulations de dettes (cf. encadré ci-après). Il est précisé dans le « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2005 que le chiffrage que retient ce document pour l'effort d'APD est effectué d'après la méthodologie retenue par le CAD ; en revanche la présentation des crédits budgétaires correspond toujours aux règles de comptabilisation françaises.

Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indique comme l'année précédente qu' « il n'apparaît pas envisageable d'harmoniser ces données à moyen terme » , sans d'autres explications : la perspective de cette harmonisation semble bel et bien abandonnée, au moins à moyen terme. Votre rapporteur spécial considère que s'il demeure possible de justifier ces différences de comptabilisation, il importe néanmoins qu'elles soient transparentes pour le citoyen et que la correspondance entre données soit claire et détaillée dans les documents budgétaires. Certains documents disponibles sur le site internet du ministère des finances témoignent de la volonté des corps de contrôle d'obtenir des gestionnaires des informations exhaustives sur la transition entre crédits budgétaires et APD selon le CAD. Mais ces travaux de comptabilisation ne se sont guère traduits dans les informations transmises au Parlement. En outre, la transmission tardive, cette année, du « jaune » budgétaire, document indispensable à l'étude des crédits de coopération, ne facilite pas l'analyse de la ventilation des crédits d'APD entre les différents ministères.

Les différences de comptabilisation de l'APD selon l'OCDE et selon les données budgétaires

Une des grandes difficultés de l'évaluation de l'APD française est liée au référentiel utilisé et à l'absence d'homogénéité entre la comptabilisation de l'APD par le CAD et de l'OCDE et celle présentée dans les documents budgétaire s. Cette lacune est connue, mais semble particulièrement prononcée dans le cas de la France.

Ce document rappelle en note préliminaire que la comptabilisation de l'effort d'APD au sens du CAD diffère des inscriptions budgétaires, mais fournit des explications encore trop synthétiques. Le « jaune » souffre en outre de l'absence d'une grille de lecture et d'une table de passage entre les deux modes de comptabilisation . Ainsi, un montant important de crédits comptabilisés par le CAD ne l'est pas dans les documents budgétaires, et inversement certains crédits inscrits dans les budgets des ministères ne sont pas retenus par le CAD. La première catégorie d'écarts repose sur les principaux éléments suivants :

- les directives du CAD préconisent la prise en compte des décaissements annuels nets des remboursements effectués par les bénéficiaires, que l'origine des dépenses soit budgétaire ou non, alors que l'impact budgétaire ne porte que sur la bonification . L'APD au sens du CAD intègre donc notamment des prêts financés sur ressources extra-budgétaires et peut présenter un écart significatif avec les données budgétaires de la loi de finances initiale et relatives à l'exécution, dans la mesure où la majeure partie des prêts transitent par des comptes spéciaux du Trésor. De même les annulations de créances commerciales gérées par la COFACE n'affectent pas directement le budget de l'Etat, mais ont un impact budgétaire indirect en affectant le besoin de dotation ou la capacité de prélèvement de l'Etat sur la trésorerie de l'assurance-crédit ;

- les périodes de référence des annulations de dette sont différentes : la comptabilisation de l'effort d'APD se fonde sur l'année civile, tandis que la gestion budgétaire prend en compte l'année civile et la période complémentaire ;

- la valorisation du coût induit en France par les étudiants de deuxième et troisième cycle provenant des pays éligibles à l'APD (écolage) ne figure pas dans les dotations budgétaires, et peut être évaluée à environ 450 millions d'euros par an ;

- la participation au budget général de l'Union européenne au titre de l'aide extérieure et de la coopération , distincte de la contribution au FED (qui est comptabilisée dans les crédits budgétaires concourant à la coopération) est prise en compte par le CAD. Cette participation ne donne pas lieu à inscription budgétaire, dans la mesure où la contribution de la France au budget européen fait l'objet d'un prélèvement sur recettes et n'est pas ventilée par affectation sur les différentes rubriques du budget communautaire 18 ( * ) ;

- les données du CAD incluent les coûts administratifs , qui s'élèvent à plus de 200 millions d'euros par an, ainsi que les coûts d'assistance aux réfugiés, d'un montant proche, qui ne sont l'un et l'autre pas retenus dans les données budgétaires ;

- des écarts peuvent affecter les dépenses de recherche , celles notifiées au CAD étant supérieures aux crédits figurant dans le budget du ministère de la recherche au titre de la coopération.

Inversement, les dotations budgétaires non comptabilisées par le CAD sont les suivantes :

- le périmètre géographique retenu par le CAD comprend certains TOM, mais les dépenses dans les TOM non retenus par le CAD ne peuvent être entièrement déduites des inscriptions budgétaires (tel est le cas de certains prêts concessionnels de l'AFD) ;

- lorsqu'ils sont annulés, les prêts déjà accordés dans le cadre de l'APD, et qui ont donc créé un coût budgétaire lors de leur octroi, ne comptent que pour la valeur des intérêts annulés dans les données du CAD, alors que l'effort budgétaire porte sur la totalité des échéances dues (capital et intérêt), en particulier dans le chapitre relatif aux contrats de désendettement-développement, qui portent sur des annulations de créances APD après le point d'achèvement de l'initiative PPTE. Cet écart pourrait atteindre 300 millions d'euros en 2006-2007, lorsque les C2D auront atteint leur régime de croisière. De même, les annulations de créances au titre des mesures de l'accord de Dakar font l'objet d'une imputation budgétaire supérieure portant sur l'annulation du principal, tandis que seule l'annulation des intérêts est comptabilisée en APD par le CAD ;

- certaines dépenses, comme l'assistance militaire ou une partie des bonifications d'intérêts , sont exclues par le CAD et comptabilisées dans les crédits budgétaires concourrant à la coopération. Dans le cadre de la réflexion sur les relations entre sécurité et développement, les dépenses liées au maintien de la paix pourraient être mieux prises en compte dans l'APD ;

- les dons aux organismes multilatéraux sont une autre source d'écarts, les directives du CAD ne retenant, pour certains de ces organismes, qu'une partie des dons comme éligibles à l'APD, lorsque ces organismes interviennent pour partie dans des pays ne relevant pas de l'APD (comme c'est le cas pour le Fonds pour l'Environnement Mondial ou l'UNESCO).

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2. La poursuite du redressement de l'aide publique

Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit la tendance à l'augmentation de l'APD et affiche une augmentation de 10 % (10,2 % hors TOM) par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2004, soit 680 millions d'euros. Le ratio correspondant APD hors TOM/RNB se trouve ainsi relevé à 0,44 % , après 0,42 % prévu en 2004. Rappelons que l'augmentation progressive de l'aide publique au développement figure parmi les priorités énoncées en 2002 par le Président de la République, qui a annoncé un objectif de parvenir à un ratio APD/PNB de 0,5 % d'ici 2007 et de 0,7 % d'ici 2012, afin d'atteindre sur le long terme le niveau préconisé par les objectifs du millénaire pour le développement.

Evolution de l'effort français d'aide globale au développement (au sens du CAD)

(en millions d'euros)

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1996/ 2001

Aide publique

5.807

6.307

5.742

5.682

4.454

4.631

5.821

-19,3 %

bilatérale (TOM inclus)

4.488

4.777

4.185

4.125

3.069

2.842

3.836

-35,4 %

multilatérale

1.319

1.530

1.557

1.512

1.385

1.789

1.985

35,6

Apports du secteur privé

8.239,4

6.710,6

2.543,1

3.307,4

1.561

13.587

-1.476,9

64,9 %

investissements directs

3.082,4

3.673

5.520,1

5.177,8

2.973

8.988

3.093

191,6 %

crédits à l'exportation

883,2

-728

-293,0

-568,0

N.D.

313

-1.434

-64,6 %

investissements de portefeuille

5.157

4.470

-3.468

-1.870,4

-1.412

4.599

-4.467,9

-10,8 %

Organisations de solidarité internationale*

510,9

493,6

558,9

659,6

706,2

712,6

N.D.

39,5 %

dont activité dans pays tiers

367,3

352,6

376,4

456

501,8

500,1

36,2 %

dont part des provisions, fonctionnement et frais de collecte

N.D.

22,4 %

24,2 %

24,3 %

10,2 %

24,5 %

-

TOTAL (hors OSI en 2002)

14.557,3

13.511,2

8.844

9.649

6.721.2

18.987,6

N.S.

30,4 %

* Les dernières données disponibles remontent à juin 2001, et une estimation a été réalisée pour l'année 2001.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; « jaunes » annexés aux PLF 2003 et 2004

 
 

Définition de l'aide publique au développement selon l'OCDE

Ce sont les directives du Comité d'aide au développement de l'OCDE qui déterminent la comptabilisation française de l'aide au développement. L'OCDE distingue l'aide publique au développement et l'aide publique.

L'aide publique au développement inclut tous les apports de ressources qui sont fournies aux pays de la partie I de la liste du CAD, ou à des institutions multilatérales pour être ensuite acheminées vers des pays de la partie I, et qui répondent aux critères suivants :

- émaner d'organismes publics, y compris les Etats et collectivités locales, ou d'organismes agissant pour le compte d'organismes publics ;

- sachant que chaque opération doit en outre avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires de l'aide, et être assortie de conditions favorables et comporter un élément de libéralité au moins égal à 25% (sur la base d'un taux d'actualisation de 10%).

L'aide publique recouvre tous les apports qui satisfont les critères voulus pour être considérés comme une APD, mais qui sont destinés à des pays de la partie II de la liste établie par le CAD, ou à des institutions multilatérales dont l'activité bénéficie en majorité à ces pays.

La partie I de la liste du CAD comprend depuis le 1 er janvier 2003 152 pays et territoires en développement, rangés en 5 catégories :

- PMA - 50 pays les moins avancés : Angola, Ethiopie, Laos, Mauritanie, Yémen...;

- PFR - 22 pays à faible revenu (PFR, PNB par habitant inférieur à 745 dollars en 2001) : Azerbaïdjan, Côte d'Ivoire, Indonésie, Nicaragua, Zimbabwe... ;

- PRITI - 47 pays et territoires à revenu intermédiaire, tranche inférieure (PNB par habitant compris entre 746 et 2.975 dollars) : Afrique du Sud, Colombie, Bolivie, Egypte, Maroc, Philippines, Syrie... ;

- PRITS - 32 pays et territoires à revenu intermédiaire, tranche supérieure (PNB par habitant compris entre 2.976 et 9.205 dollars) : Botswana, Brésil, Gabon, Liban, Oman...;

- PRE - un pays à revenu élevé : le Bahrein.

La partie II comprend les Etats et territoires en transition, qui ne sont pas classés en fonction du PNB par habitant :

- les 12 pays d'Europe centrale et orientale et nouveaux Etats indépendants ;

- 23 pays et territoires en développement plus avancé : Bahamas, Chypre, Corée du Sud, Israël, Polynésie française...

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Le relèvement quantitatif du niveau de l'APD française s'accompagne d'un ample mouvement de réforme des modalités d'octroi de l'aide , après que la structure centrale qu'est le ministère de la coopération ait été réformée en 1998 et 1999, avec un succès mitigé. L'application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et la création d'une mission interministérielle dédiée à l'APD, la traduction des orientations de la stratégie ministérielle de réforme du Quai d'Orsay et les orientations structurelles prévues par la cinquième réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 20 juillet 2004 constituent autant d'axes stratégiques manifestant la volonté gouvernementale de moderniser l'aide française. Les choix ainsi réalisés prêtent cependant le flanc à quelques critiques de votre rapporteur spécial (cf. principales observations).

Evolution de l'effort français d'aide publique au développement (au sens du CAD)

(en millions d'euros)

 

1996

2003

2004 (1)

PLF

2005

Part de l'APD 2005 (hors TOM)

1996/ 2005

en %

Evolution

2004/2005

1. Aide bilatérale

3.774

4.419

4.441

5.158

70,7 %

36,7 %

717

16,1 %

Ministère des affaires étrangères (2)

N.D.

1.005

1.211

1.238

17 %

N.D.

27

2,2 %

Ministère des finances et AFD

1.741

1.483

2.145

29,4 %

662

44,6 %

Autres ministères

1.673

1.748

1.774

24,3 %

26

1,5 %

Dont frais administratifs

225

231

238

3,3 %

7

3 %

Soit : - prêts nets

542

-143

-81

-230

N.S.

N.S.

- dons

2.478

2.719

3.005

3.130

42,5 %

25,3 %

125

4,2 %

- annulations et consolidations de dettes

753

1.842

1.517

2.258

30,9 %

200 %

741

48,8 %

2. Aide multilatérale

1.319

1.805

2.181

2.142

29,3 %

62,4 %

-39

-1,8 %

Dont: - aide européenne

658

1.160

1.415

1.413

19,4 %

114,7 %

-2

-0,1 %

(dont FED) (3)

N.D.

446

616

694

9,5 %

N.D.

78

12,7 %

- banques et fonds de développement (4)

550

502

630

575

7,9 %

4,5 %

-55

-8,7 %

- institutions des Nations Unies

110

125

136

153

2,1 %

39,1 %

17

12,5 %

- FRPC du FMI

N.D.

-7

-33

-116

N.S.

N.S.

Total Etats étrangers (3)

5.094

6.224

6.622

7.299

100 %

43,3 %

677

10,2 %

APD (hors TOM) rapportée au RNB

N.D.

0,40 %

0,40 %

0,43 %

 
 

TOM (changement en 2000) (5)

713

195

198

201

 

N.S.

3

1,5 %

Total APD

5.807

6.420

6.821

7.501

 

29,2 %

680

10 %

APD (TOM inclus) rapportée au RNB

0,44 %

0,41 %

0,42 %

0,44 %

 
 
 
 

(1) Prévision d'exécution à fin septembre 2004. Chiffres définitifs pour l'exercice 2003.

(2) Y compris la coopération décentralisée.

(3) Pour 2004 : 565 millions d'euros inscrits en LFI et 51 millions d'euros de reports de 2003.

Pour 2005 : 628 millions d'euros inscrits dans le PLF et solde des contributions de 2003 et 2004 (66 millions d'euros).

(4) Y compris Fonds multilatéral unique de la francophonie.

(5) Rappelons que les chiffres de 1996 incluent l'aide apportée à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, et que les données postérieures à 2000 ne concernent que Mayotte et Wallis-et-Futuna.

Source : « jaune » annexés aux PLF 1998 à 2005 et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Si l'on considère la ventilation de l'aide au développement par structure gestionnaire (et donc pas nécessairement selon l'imputation budgétaire) et par instrument, on constate une prépondérance croissante du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie , en particulier du fait de l'augmentation des allègements de dette :

Evolution des versements nets d'APD par instrument et par structure

(en millions d'euros)

 

2002

2003

2004

Prévisions

2005

Variation 2004/2005

Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2.329,5

2.970,8

2.738,3

3.400,2

24,2 %

Aide multilatérale

1.235,5

1.210,4

1.405,4

1.269,7

-9,7 %

Prêts et dons du Trésor (nets)

-156,5

-82,1

-184,3

-206

N.S.

Allégements de dettes

1.137,5

1.842,5

1.517,2

2.257,5

48,8 %

Garanties diverses

63

 
 
 

-

Dons projet et dons à l'ajustement structurel (fonds sida en 2002)

50

 
 

79

-

Ministère des affaires étrangères

1.697,5

1.581,7

1.964,6

2.105

7,1 %

Action multilatérale*

750

594,9

776,1

871,9

12,3 %

Coopération technique

577

573,6

580,4

559,9

-3,5 %

Fonds de solidarité prioritaire (CP)

109,3

121,1

194,9

182

-6,6 %

Concours financiers

23,4

25,9

15

20

33 %

Dons projet et dons à l'ajustement structurel

166,8

179

223,7

253,3

13,2 %

Transport d'aide alimentaire (et valeur en 2005)

17,8

21,9

18,1

37,8

N.S.

Autres dons

41,8

39,5

139,7

163,4

17 %

Aide d'urgence

11,4

25,7

16,8

16,8

0 %

Agence française de développement (CP nets)

168,9

-19,6

149,7

14,8

N.S.

Prêt du premier guichet

100,8

44,6

250,7

236,1

-5,8 %

Prêts d'ajustement structurel (nets)

64,9

-67

-103,8

-224,1

N.S.

Coopération technique

3,2

2,8

2,8

2,8

0 %

Ministère de la recherche

352,6

322,4

326

329,6

1,1 %

Ministère de l'éducation nationale : écolage **

547,4

640

649,6

659,4

1,5 %

Autres ministères

331,8

504,2

563,2

552,1

20,6 %

Aide alimentaire

17

13,4

17,2

(MAE)

N.S.

Aide aux réfugiés

260,9

394

429

433,3

1 %

Coopération décentralisée (y compris MAE)

12,2

40,5

59,9

60,8

1,5 %

Autres

41,7

56,3

57,1

58

1,6 %

TOM

187,7

195,4

198,4

201,4

1,5 %

Coûts administratifs

206,1

224,6

231,3

238,3

3 %

TOTAL APD

5.821,4

6.419,7

6.821,2

7.500,7

10 %

Effort en % du RNB

0,38 %

0,41 %

0,42 %

0,44 %

 

* Dont FED depuis 2002 et fonds sida depuis 2005

** Le terme « écolage » désigne le coût induit en France par les étudiants en deuxième et troisième cycle provenant des pays éligibles à l'APD.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

B. LA HAUSSE PROFITE LARGEMENT À L'AIDE BILATÉRALE

La baisse de l'APD entre 1996 à 2001 résultait uniquement de la chute de l'aide bilatérale (et en particulier des annulations et consolidations de dettes) , qui a perdu 1,12 milliard d'euros en cinq ans , soit près de 30 % de son montant de 1996 .

La tendance s'est cependant inversée à partir de 2002 : l'aide bilatérale a successivement augmenté de 32,2 % en 2002 puis de 20,3 % en 2003 (soit + 59,2 % en deux ans), mais la hausse serait limitée à 0,5 % en 2004 19 ( * ) . La part de l'aide bilatérale dans l'APD hors TOM s'inscrirait alors en diminution de près de quatre points par rapport à 2003, pour se situer à 67,1 %. L'effort global consenti sur l'aide bilatérale depuis quatre ans est toutefois surtout lié à la progression de 1,13 milliard d'euros des annulations et consolidations de dettes entre 2001 et 2004, et dans une moindre mesure à celle de 650 millions d'euros des dons.

Après une stabilisation en 2004, l'aide bilatérale reprendrait sa progression en 2005 avec une hausse de 16,1 % (717 millions d'euros), se décomposant en une augmentation massive de 49 % des allègements de dette, de 4,2 % des dons, et de 184 % des prêts nets de remboursements, accordés à des conditions de marché ou concessionnelles. Ces prêts nets demeurent négatifs, ce qui signifie que la France prête moins qu'elle ne reçoit de flux de remboursements. La progression des dons, qui devrait être de 10,5 % en 2004, serait donc nettement moins importante en 2005. L'effort très important consenti sur les allègements de dette - dont la prévision demeure toutefois aléatoire 20 ( * ) - est plus particulièrement tourné vers l'initiative multilatérale pour les pays pauvres très endettés (PPTE), qui représentera près des deux tiers des annulations, et confirme cette nouvelle orientation de l'APD française. Rappelons à cet égard que la France est avec le Japon le principal créancier des pays en développement, avec un encours trois fois supérieur à celui des Etats-Unis.

Au total, l'aide bilatérale représenterait en 2005 70,7 % de l'APD française hors TOM, contre 67,1 % en 2004, 71 % en 2003 et 62 % en 2001.

C. UNE TRÈS LÉGÈRE DIMINUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE

1. La diminution de l'aide multilatérale globale

La diminution de l'aide bilatérale en 1996-2002 s'était faite au profit de l'aide multilatérale , qui a augmenté de 50,5 % sur la même période et a vu son poids dans l'APD globale passer de 22,7 % à 34,1 %. Cette progression était essentiellement imputable à l'aide européenne, qui a plus que doublé sur la période, alors que les contributions aux fonds et banques de développement régionaux ont diminué de 10 %, et que celles aux institutions des Nations Unies ont progressé de 14,5 %.

La tendance a été renversée en 2003 puisque l'aide multilatérale a diminué de 180 millions d'euros et sa part dans l'APD hors TOM s'est établie à 29 %. Par un parallélisme des formes, l'essentiel de cette baisse a été imputable à l'aide européenne, dont les dotations appelées par Bruxelles ont diminué de 205 millions d'euros (dont 149 millions d'euros au titre des versements au FED) entre 2002 et 2003. L'aide multilatérale devrait néanmoins reprendre sa progression en 2004 : selon les données provisoires, les versements augmenteraient de 376 millions d'euros par rapport à 2003 (soit une hausse de 20,8 %), du fait de l'accélération des décaissements du FED et de la revalorisation de la contribution annuelle au Fonds mondial de lutte contre le sida (150 millions d'euros en 2004, soit trois fois plus qu'en 2003). L'aide multilatérale devrait alors représenter 32,9 % de l'APD hors TOM en 2004.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une légère diminution de 1,8 % (39 millions d'euros) de l'aide multilatérale par rapport à 2004, soit une part de 29,3 % de l'APD totale.

2. La prégnance de l'aide européenne

Outre les versements au FED imputés sur le budget des affaires étrangères, l'aide multilatérale au titre des actions de l'Union européenne comprend des crédits qui ne sont pas inscrits en tant que dépense budgétaire, mais constituent la part du prélèvement sur recettes au profit du budget général des Communautés européennes qui relève de l'aide au développement, et qui comprend de multiples programmes communautaires 21 ( * ) . Au total, les versements de la France au budget extérieur de l'Union européenne ont évolué ainsi sur la période récente :

Versements de la France au budget extérieur de la Commission européenne

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2000/ 2005

Contribution au budget extérieur de l'Union

858

1.051

1.281

1.160

1.415

1.413

64,7 %

dont part APD

586

722

980

707

N.D.

N.D.

N.D.

Part APD / total

68 %

69 %

77 %

59 %

N.D.

N.D.

dont FED (reports inclus)

272

442

595

446

616

694

155,1 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; « jaune » annexé au PLF 2005

La participation de la France à ces deux contributions européennes est inégale puisque sa quote-part dans le FED - 24,3 % - est supérieure à celle au titre du budget général (16,4 % prévu en 2005). Il est vrai que ces deux quotes-parts ne répondent pas aux mêmes règles, dans la mesure où le FED constitue un compte financé hors du budget général de l'Union.

L'aide européenne, stable en 2005 par rapport à 2004, représente environ 19 % de l'APD globale de la France (13 % en 1996) et près des deux tiers de l'aide multilatérale. C'est donc une part notable de l'APD française qui demeure exclue du contrôle des parlements nationaux, lesquels restent cependant compétents pour contrôler les montants alloués par les Etats, les dates de versement des fonds, les justificatifs produits à l'appui des appels de fonds et la part de la contribution nationale dans les diverses actions engagées et financées par l'Europe.

Les actions extérieures de l'Union souffrent d'un problème récurrent de sous-exécution , régulièrement dénoncé par votre rapporteur spécial et par notre collègue Denis Badré, rapporteur spécial pour le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes. Le niveau des engagements restant à liquider fin 2003 atteignait ainsi l'équivalent de 2,5 années d'engagements, soit 12,9 milliards d'euros , avec des écarts internes variant entre moins d'une année pour les programmes thématiques et 4,5 années pour le programme MEDA.

Un certain nombre de réformes institutionnelles et procédurales (création de l'office de coopération EuropeAid et déconcentration de la gestion de l'aide auprès d'agences locales) ont certes permis de rationaliser le processus de décision et d'améliorer la visibilité politique de l'aide, mais son efficacité pourrait être encore améliorée et ces réformes ne permettent aujourd'hui que de maintenir le « stock » des restes à liquider . Le bilan est encore partagé, et votre rapporteur spécial ne peut que souscrire aux propos de Mme Agnes van der Hoeven, ministre néerlandaise de la coopération au développement, qui considérait lors de la réunion informelle du Conseil développement du 26 octobre 2004, que « Bruxelles peut faire mieux. Bruxelles doit faire mieux . Il faut un accent beaucoup plus net sur la pauvreté, moins de tapis rouges et plus de résultats ».

Le ratio crédits d'engagement / crédits de paiement, qui constitue le taux global de paiement, a ainsi progressé de dix points depuis 2000 pour s'établir à 89 % en 2002, puis s'est stabilisé en 2003 avec 88 %. Les décaissements poursuivent leur accélération pour l'Amérique latine (+ 59 % entre 2002 et 2003) et les programmes thématiques, mais stagnent pour l'Asie et l'Europe orientale et diminuent pour MEDA et l'Afrique australe . Les régions où les décaissements sont les plus rapides sont en effet celles qui ont bénéficié de la première vague de déconcentration. De même, l'existence d'une structure spécifique au mandat clair peut contribuer à accélérer les versements, ainsi que votre rapporteur spécial l'avait relevé au Kosovo en février 2003 avec l'action efficace de l'Agence européenne de reconstruction. 22 ( * )

Sans que cela préjuge du résultat final pour l'exercice en cours, le taux global d'engagement a progressé au cours des cinq premiers mois de l'année 2004 avec 39,3 % contre 33,6 % un an auparavant, mais avec des disparités toujours très fortes entre les programmes (100 % en Irak, mais moins de 3 % pour l'Afrique australe et l'aide alimentaire). Le taux d'exécution des paiements s'est également nettement amélioré : 32,2 %, soit dix points de mieux qu'au 31 mai 2003.

La perspective d'une budgétisation du FED (cf. infra ), qui avait été relancée en 2003 par une initiative française 23 ( * ) et recueillait l'assentiment du président de la République, tend désormais à se préciser. La Commission européenne, après une communication publiée en octobre 2003, a confirmé ce choix à l'occasion de la publication en février 2004 de ses propositions sur les perspectives financières 2007-2013 du budget européen, et le Parlement européen devrait également s'y montrer favorable, ne serait-ce que pour obtenir un droit de regard sur ce volet de l'action extérieure communautaire qui échappe pour l'heure à son contrôle. Plusieurs Etats membres ont néanmoins fait part de leurs réticences , en particulier l'Espagne et le Royaume-Uni, et craignent une diminution des engagements ou un alourdissement des procédures de décision.

* 16 Le Comité d'Aide au Développement de l'OCDE, dans le cadre de sa révision triennale de la liste des pays bénéficiaires de l'APD, a en 2000 induit un changement de périmètre de l'APD globale de la France, puisque la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont été exclues du groupe des TOM bénéficiaires, ce qui a contribué à diminuer le montant de l'APD globale de près de 580 millions d'euros. Aujourd'hui seuls Wallis-et-Futuna et Mayotte sont éligibles à l'APD au sens du CAD.

* 17 Le revenu national brut constitue la nouvelle unité de mesure du CAD et demeure proche du PNB.

* 18 Les données correspondantes pour chaque rubrique sont donc extrapolées à partir de la clef de contribution annuelle de la France (16,4 % en 2005).

* 19 Selon les prévisions d'exécution à fin septembre.

* 20 Ils devraient en effet diminuer de 17,6 % en 2004, alors qu'il était initialement prévu une progression de 8 % dans le projet de loi de finances pour 2004.

* 21 Ces programmes sont : PHARE (préparation de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale), TACIS (actions de réformes économiques et institutionnelles en Russie, dans les Etats de l'ex-URSS et en Mongolie), OBNOVA/CARDS (soutien à la convergence et aux réformes économiques et institutionnelles des pays des Balkans), MEDA (programme de coopération avec les pays méditerranéens), l'aide humanitaire et alimentaire, et les actions de coopération avec l'Afrique australe, l'Amérique latine et l'Asie.

* 22 Ce qui signifie

* 23 « La budgétisation du FED : une étape dans la modernisation de l'aide », rapport pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de MM. Dominique Bocquet et Stéphane Viallon, juin 2003.