M. Yann GAILLARD

I. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Bien qu'il ait perdu son statut régalien, le ministère de la culture reste apparemment un département sans « histoire budgétaire ». Non seulement son budget pour 2005 augmente de 5,9 % mais encore aucune annulation n'a frappé ses crédits cette année, quelques reports ont été notifiés, tout au plus.

Et pourtant, la gestion de ce ministère est loin de ressembler à un long fleuve tranquille .

Celui-ci ressent encore l'onde de choc de la grève des intermittents du spectacle, même si ses échos budgétaires sont désormais très réduits. La potion fut à l'évidence désagréable mais elle n'en restait pas moins nécessaire pour sauver un système qui garantit la création dans les secteurs du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Elle semble de plus avoir porté ses fruits.

En 2005, l'exécution budgétaire ne subit plus le contrecoup du « krach financier » de l'archéologie préventive : l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) reste dans une situation financière précaire. Les effets de la réforme de la redevance d'archéologie préventive ne sont pas encore perceptibles. Il a bénéficié en 2004 d'une avance de trésorerie de 23 millions d'euros, qui ne pèse pas sur le budget du ministère de la culture. Aucune subvention n'est inscrite au budget 2005 pour l'INRAP.

Le ministère pourrait bien avoir « mangé son pain blanc » avec l'épuisement de la marge de manoeuvre dont il disposait jusqu'à l'opération de vérité budgétaire de la loi de finances pour 2003, et ce d'autant plus que les réserves que constituaient les stocks d'autorisations de programme non consommées et les reports de crédits de paiement sur les titres V et VI, ont été neutralisées par la régulation budgétaire. De ce fait, en 2004, de réelles tensions ont été observées, des opérations de restauration du patrimoine ont été interrompues, faute de crédits. La situation est en cours de normalisation et l'augmentation des crédits du ministère correspond essentiellement aux besoins recensés dans ce domaine.

Le réajustement des dotations, tout comme la modification partielle de la clé de traduction des AP en CP pour la rendre plus conforme aux habitudes de paiement, ont permis de desserrer la contrainte budgétaire au profit, de facto, des titres III et IV du budget.

Enfin, il convient de noter que le ministère de la culture qui a déjà fait preuve d'une grande volonté et d'une certaine excellence dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), fournit dès cette année un effort conséquent puisque 12 % de ses crédits feront l'objet d'une expérimentation de globalisation et de fongibilité au sens de la LOLF.

Les observations de votre rapporteur spécial concerneront un certain nombre de questions générales à caractère transversal, mais également certains problèmes ponctuels ou d'actualité.

A. LES QUESTIONS DE STRUCTURE

Si la préparation de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances se déroule de façon exemplaire, le ministère doit, parce qu'il prend sa part de l'effort de maîtrise des déficits, faire face à des difficultés de gestion à court terme.

1. Une exécution budgétaire en flux tendus

En 2003, pour la première fois depuis de nombreuses années, les crédits de paiement ont été dimensionnés à la hauteur des besoins compte tenu des crédits de reports disponibles. Le ministère avait ainsi délibérément rompu avec la pratique consistant à demander, pour des raisons d'affichage, plus de crédits qu'il n'était capable d'en dépenser .

Le climat créé par le rapport de M. Rémi Labrusse 1 ( * ) ainsi que par le rapport de votre commission des finances 2 ( * ) , qui ont sans doute contribué à faire croire que le secteur du patrimoine monumental était atteint d'une incapacité structurelle à dépenser ses crédits, a incité le gouvernement à surréagir.

Dans un tel contexte, il était donc logique -mais il faut le reconnaître quelque peu contradictoire-, à la fois de réduire les dotations, et d'encourager les opérateurs à ouvrir de nouveaux chantiers. C'était oublier que le secteur avait déjà connu, par le passé, des crises de paiement, et que ce n'était pas l'existence de reports importants qui permettait de l'en préserver.

On peut dire, à cet égard, que le ministère a été victime de son succès. Compte tenu des efforts accomplis dans les conservations régionales des monuments historiques, les dotations pour 2004 en crédits de paiement se sont révélées calculées au plus juste , au point de déboucher cette année, comme l'année dernière, sur des crises de paiement dans de nombreuses régions et sur l'arrêt des travaux entrepris .

La situation est d'autant plus tendue et délicate que le ministère devait dans le même temps trouver les moyens de faire face aux besoins budgétaires imprévus résultant de la mise en place d'un fonds spécifique provisoire tendant à résoudre les difficultés que rencontraient les personnels intermittents du spectacle suite à la réforme de leur système d'indemnisation du chômage. La contribution de l'Etat, estimée initialement à 20 millions d'euros, devait atteindre, selon les hypothèses hautes 162 millions d'euros sur deux ans.

Votre rapporteur spécial s'est inquiété des chapitres sur lesquels devraient être prélevées les ressources nécessaires, craignant qu'une fois de plus, ce soit le patrimoine monumental qui fasse les frais de ces mesures de la régulation budgétaire auto-administrée. Il semble que les estimations doivent être révisées à la baisse et que la participation de l'UNEDIC au financement de ce fonds ait finalement permis d'apporter une solution assez satisfaisante pour les personnels intermittents, sans grever le budget du ministère de la culture.

En tout état de cause, la seule réalité budgétaire incontestable reste celle des budgets exécutés . De ce point de vue, le niveau du budget exécuté en 2003 a dépassé le niveau élevé d'exécution de 1997 pour se situer à plus de 100 millions d'euros au-dessus du minimum atteint en 2000. Selon les prévisions communiquées par le bureau du budget du ministère, la même tendance devrait être observée en 2004, le taux d'exécution atteignant déjà, au 31 août 2004, 81 % pour le titre III, mais seulement 45,3 % pour le titre IV. Pour les dépenses en capital, l'exécution est de plus de 100 % en crédits de paiement (par rapport à la loi de finances pour 2004, à laquelle il faut ajouter d'important report de crédits de 2003), la consommation des crédits du titre V expliquant l'essentiel de cette « sur-exécution ».

2. De nouvelles perspectives pour le patrimoine monumental

Le Plan patrimoine annoncé par le ministre en septembre 2003, qui s'était substitué à la loi de programme initialement annoncée, prévoit des mesures tant législatives que réglementaires destinées à lever certains blocages et à mieux associer les différentes collectivités territoriales à la protection et à la sauvegarde du patrimoine monumental.

La qualité des réflexions contenues dans le rapport de M. Jean-Pierre Bady 3 ( * ) sur la base duquel il a été élaboré -qui sont en parfaite continuité avec celles contenues dans les travaux de votre commission sur le patrimoine monumental-, tout comme la démarche expérimentale qui le caractérise, font de ce plan, l'ossature de la nouvelle politique dont le patrimoine avait besoin.

Il comprend les mesures suivantes en faveur des monuments historiques :

un effort budgétaire durable qui concernera des monuments sur l'ensemble du territoire appartenant à l'Etat ou ne lui appartenant pas qu'ils soient publics ou privés, ainsi qu'un vaste programme de travaux concernant le château de Versailles dont la première phase d'un montant de 135 millions d'euros concernera en particulier la mise aux normes des installations. C'est ainsi que globalement en 2004 les autorisations de programme ont augmenté de 20 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2005 non seulement consolide l'effort réalisé en 2004, mais retient une nouvelle augmentation des autorisations de programme de 10 millions d'euros. L'objectif est d'atteindre un montant de 260 millions d'euros en 2008 ;

des incitations juridiques et fiscales pour favoriser l'action des propriétaires privés et des associations . Les mesures concernent le régime d'exonération des droits de mutation, la déductibilité des primes d'assurance, des assouplissements juridiques notamment en matière de déclaration de la valeur des biens assurés dans les contrats d'assurance et l'adaptation des textes régissant les conditions d'ouverture au public ;

une simplification des procédures en matière de protection et de travaux sur les monuments historiques . En particulier, les propriétaires exerceront la maîtrise d'ouvrage des travaux sur leurs monuments ce qui amènera à transférer sur une période de cinq ans les crédits de titre V consacrés aux monuments n'appartenant pas à l'Etat vers le titre VI. Par ailleurs, l'exercice de la maîtrise d'oeuvre sera facilité en donnant plus largement le choix de l'architecte en chef des monuments historiques aux propriétaires, ce dont votre rapporteur spécial se félicite . Leur nombre sera augmenté de 51 à 75. Des mesures de simplification et de rationalisation des procédures seront adoptées notamment en matière de délai de réponse de l'administration et de niveau d'instruction des dossiers.

Pour compléter ce plan, il convient de mettre en place le plus rapidement possible certaines réformes symboliques telles la modification du statut des architectes en chef des monuments historiques ou la constitution au niveau des DRAC, de services patrimoniaux intégrés .

Il est également urgent de définir une nouvelle répartition des tâches entre les différents acteurs du patrimoine -CRMH 4 ( * ) , ACMH 5 ( * ) , corps d'inspection etc.- de nature à les mobiliser pour le succès de la réforme en cours.

3. Des efforts de redéploiement budgétaire appréciables

Le ministère a été conduit, par la force des événements, à faire des redéploiements. Sous la pression budgétaire, il a dû trouver les ressources pour pratiquer « l'auto assurance » que lui impose le ministère des finances, ce qui démontre qu'il existe toujours, ou presque, des marges de manoeuvre budgétaires.

Pourtant, à moyen terme, on ne peut que s'inquiéter comme le faisait d'ailleurs le rapport d'audit que le ministre avait commandé au cabinet KPMG lors de son entrée en fonction, de la rigidité croissante du budget de la culture.

A cet égard, il conviendrait que le ministre fasse le point des efforts entrepris pour retrouver des marges d'action.

Après deux décennies d'expansion caractérisées par la création d'un grand nombre de nouveaux établissements, il faut se préparer à trouver non seulement les moyens de fonctionnement adéquats, mais encore à dégager les ressources nécessaires à la remise à niveau d'équipements déjà vieillissants. L'opération a été faite pour le premier d'entre eux, le Centre Georges Pompidou, mais il faut s'attendre à devoir procéder à des opérations de réhabilitation de même nature pour d'autres grands équipements nationaux, tels que la cité des archives de Pierrefitte (18 millions d'euros pour 2005), ou la réhabilitation de la galerie Formigé de la manufacture des Gobelins (3,5 millions d'euros pour 2005).

Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a demandé à tous les ministres de définir avant le 1 er octobre 2003 une stratégie ministérielle de réforme, dont l'objet est d'amener chaque responsable à préciser les changements de structures qu'il compte opérer et notamment, les services qui pourraient être supprimés ou fusionnés. On ne peut à cet égard que rester perplexe devant l'opinion souvent émise au sein des organes centraux, selon laquelle la décentralisation doit s'accompagner du renforcement des autorités de tutelle

Le ministère de la culture annonce cette année que les objectifs de réforme et de modernisation prévus dans la stratégie de réforme 2003 ont été globalement atteints , ce dont on doit se réjouir.

La réorganisation de l'administration centrale et des services déconcentrés a été amorcée : la direction de l'administration générale a été réorganisée, une nouvelle délégation au développement et à l'action territoriale a été créée par la fusion de la délégation au développement et à l'action territoriale avec le département des affaires internationales et deux missions de la direction de l'administration générale. La réforme des services déconcentrés avance également : un projet de décret redéfinirait les missions des DRAC et leur rôle en matière d'animation et de coordination des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), réforme que votre rapporteur spécial appelle depuis longtemps de ses voeux.

En revanche, l'évolution de la gestion des personnels n'en est encore qu'à ses prémisses selon le ministère 6 ( * ) .

4. Une contribution substantielle à l'effort national de maîtrise de l'emploi public

En matière d'emploi, le ministère de la culture a fait un effort considérable dans le budget pour 2005 en acceptant de réduire de 206 (175 titulaires et de 31 contractuels) le nombre de ses emplois inscrits au « bleu » Culture et communication , contre une réduction de 191 l'année dernière.

En diminuant ainsi ses effectifs, le ministère de la culture apporte une contribution au rééquilibrage de plus de 2 %, deux fois -et même trois fois si l'on raisonne en exécution- supérieure à ce qu'il représente dans le budget de l'Etat.

Ce satisfecit que votre commission des finances se plait à souligner, ne l'empêche pas d'attirer l'attention du ministre sur une nécessaire vigilance, notamment en matière d'emplois précaires.

5. Une mise en oeuvre de la LOLF satisfaisante

La mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), doit être l'occasion pour le ministère de se pencher sur son organisation et d'entreprendre des réformes de structures.

Il s'agit, avec ce texte, de donner une impulsion à un processus de réforme de l'Etat qui doit déboucher sur un accroissement de l'efficacité administrative. De ce point de vue, le ministère de la culture entend veiller à ce que « le nouveau cadre budgétaire soit construit à partir des finalités d'actions de l'Etat, et non qu'il soit simplement calqué sur les structures administratives existantes ».

Le ministère a déjà défini les grandes lignes de ce nouveau cadre budgétaire dans un esprit salué notamment par la Cour des comptes lorsqu'elle est venue présenter devant votre commission des finances son rapport, précité, sur la gestion des personnels du ministère de la culture et de ses établissements publics le 13 juillet dernier en application de l'article 58-2 de la LOLF 7 ( * ) .

En l'état actuel des choses, il est envisagé de structurer le budget de la culture en trois programmes au sein de la mission culture :

- connaissance, préservation, enrichissement et promotion du patrimoine ;

- développement et diffusion de la création ;

- transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

En outre, conformément à l'article 20.II de la loi organique précitée, le compte d'affectation spéciale n° 902-10, « soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle » constitue à lui seul une mission spécifique .

Enfin, les conditions fixées par le comité de pilotage interministériel pour créer une mission interministérielle 8 ( * ) conduisait à constater la légitimité d'une mission interministérielle dédiée à la recherche, rassemblant les principaux postes de l'actuel budget civil de recherche-développement-BCRD. Le programme « recherche culturelle et culture scientifique » , inclus dans la mission interministérielle « recherche », regroupe donc des crédits du ministère de la culture.

En termes financiers, le premier programme à vocation patrimoniale représenterait un peu moins d'un milliard d'euros et 60 % des crédits d'investissement du ministère, le second relatif à la création, presque 850 millions d'euros, le dernier qui a trait à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, 668 millions d'euros.

L'expérimentation de mise en oeuvre de la LOLF porte sur 12 % des crédits du ministère de la culture pour 2005 .

Le ministère de la culture et de la communication étendra l'expérimentation menée en direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Rhône-Alpes de l'année 2004 à sept autres DRAC : celles de Basse-Normandie, de Picardie, de Midi-Pyrénées, de Poitou-Charentes, d'Aquitaine, d'Ile-de-France et du Languedoc-Roussillon. Trois d'entre elles expérimenteront la fongibilité asymétrique de leurs dépenses ordinaires et les cinq autres expérimenteront la fongibilité asymétrique de leurs dépenses ordinaires et de leurs dépenses d'investissement.

Le budget des directions régionales est réparti au niveau déconcentré en trois BOP, pour respecter la logique des programmes, ce qui conduit de fait à expérimenter chacun d'entre eux.

Cet effort pour devancer l'appel de la LOLF doit être salué d'autant que la prise en compte des SDAP (personnel et fonctionnement) est expérimentée par quatre DRAC (Basse-Normandie, Ile-de-France, Picardie et Rhône-Alpes).

Si votre rapporteur spécial estime qu'il faut féliciter le ministère d'être parmi les bons élèves de la classe « LOLF », il croit néanmoins devoir attirer l'attention du ministre sur un certain nombre de difficultés , d'ailleurs bien naturelles, compte tenu de la complexité de l'exercice et de la spécificité du domaine de la culture.

La mise en place d'indicateurs permettant d'apprécier les performances n'est pas simple dans des domaines aussi qualitatifs comme votre rapporteur spécial a pu le constater lorsqu'il s'est efforcé d'évaluer avec notre ancien collègue Paul Loridant, l'efficacité des aides au cinéma 9 ( * ) . Il faut à cet égard veiller à assurer l'homogénéité des critères de performances budgétaires avec ceux retenus dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens que devront signer, à la suite du Louvre, la plupart des grands établissements culturels. Le contrat d'objectif et de moyen signé avec l'établissement public du musée du Louvre fera l'objet d'un développement particulier dans le rapport budgétaire, car il semble à votre rapporteur spécial que la démarche mise en oeuvre pour évaluer la performance du musée, et pour tirer les conséquences de cette évaluation est particulièrement pertinente et intéressante. C'est aussi à ce niveau qu'il convient d'insister sur l'importance des procédures de contrôle de gestion, rendues nécessaires par la révolution que constitue la fongibilité des crédits.

De plus, on peut s'interroger sur la nécessité d'assurer une meilleure vision consolidée de l'action du ministère de la culture dans la mesure où celui-ci s'appuie sur un nombre de plus en plus important d'établissements publics pour mener ses politiques. C'est toute la problématique des opérateurs publics, dont on relève qu'elle n'est pas propre au ministère de la culture. Sans doute l'outil que devraient constituer les budgets opérationnels de programme, BOP, qui ne sont pas encore définis à ce stade de la procédure, devrait en partie du moins, pallier à ce défaut lisibilité.

B. LES QUESTIONS PONCTUELLES

A côté de ces problèmes généraux, votre rapporteur spécial souhaite évoquer un certain nombre de questions qui appellent des précisions et des réponses du ministre.

1. La situation de la Réunion des musées nationaux

L'évolution engagée depuis plusieurs années, et tout particulièrement dans la période 2002-2003, voyant la transformation de grands musées en établissements publics, a profondément modifié le paysage institutionnel de la réunion des musées nationaux (RMN).

La redéfinition des rôles respectifs des musées nationaux et de la RMN est prévue par l'action du programme « patrimoines » relative aux musées de France. Elle vise à accroître l'autonomie des musées nationaux. En contrepartie de cette autonomie renforcée, les musées nationaux sont tenus d'être moteurs dans le développement des politiques nationales, et notamment en matière d'accueil des publics.

Cette évolution rend aujourd'hui nécessaire qu'une véritable réflexion stratégique soit menée pour conforter l'institution, faire évoluer ses missions dans le respect de son histoire, valoriser au mieux la compétence de ses personnels et moderniser son activité , conformément à la demande exprimée par les différents acteurs de ce secteur patrimonial, notamment dans le contexte de la décentralisation culturelle.

La RMN nécessite, selon votre rapporteur spécial, une attention particulière de l'Etat pour poursuivre l'action de redressement du secteur économique et commercial, qui demeure déficitaire, bien que l'établissement ait globalement assuré une gestion équilibrée en 2003. En l'état actuel des informations, une exécution proche de l'équilibre ne paraît pas hors de portée en 2004.

La RMN se voit, dans le cadre du programme « patrimoines », confirmée dans ses trois métiers fondamentaux d'organisateur d'expositions, d'éditeur et de libraire, et vendeur des musées nationaux et de quelques autres musées. Elle conserve un rôle technique dans le domaine de l'acquisition des trésors nationaux (lois de janvier 2002 10 ( * ) et août 2003 11 ( * ) ) et pour la gestion des acquisitions de l'Etat destinées aux musées nationaux organisés sous forme de services à compétence nationale.

Pour développer une politique culturelle de niveau international, la RMN est dorénavant affectataire des Galeries Nationales du Grand Palais, ce dont votre rapporteur spécial se réjouit. Cette politique devrait privilégier le dialogue européen et prendre particulièrement en compte la dimension éducative d'une politique d'exposition .

Un accord a ainsi été très récemment trouvé pour la programmation des expositions des galeries nationales du Grand Palais : les musées du Louvre, du quai Branly, de Versailles, d'Orsay, le musée Guimet et le centre Pompidou seront désormais représentés au sein du comité de programmation . Si la RMN est désignée clairement comme affectataire des galeries nationales, qu'elle ne quittera pas durant les travaux prévus sur le site, votre rapporteur spécial se demande quel sera son rôle et son poids au sein de ce comité de programmation.

De plus, les activités éditoriales de la RMN pourraient être regroupées avec celles du centre des monuments historiques (CMN) dans un pôle d'éditions publiques .

Quel rôle propre restera-t il à la RMN ? Celui d'acquéreur pour les musées nationaux ? Votre rapporteur spécial souhaite attirer l'attention sur les perspectives d'avenir de la RMN, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous tutelle du ministère de la culture. Il sera attentif aux conditions d'amélioration de ses résultats, et aux conditions d'exercice de ses missions traditionnelles, essentielles tant pour la politique des musées que pour le rayonnement international de la France.

2. La situation de l'INRAP

Le déficit cumulé de l'INRAP atteignait 38,5 millions d'euros en 2003. L'INRAP a alors bénéficié d'une subvention de 27 millions d'euros allouée par l'Etat. La situation financière de cet organisme ne devrait d'ailleurs pas se rétablir immédiatement puisqu'en 2004, l'INRAP a adopté un budget primitif en équilibre, mais a reçu une avance de trésorerie de 23 millions d'euros.

Les explications de ce « krach financier » sont connues :

- l'inadéquation du mode de calcul de la redevance qui favorisait les fouilles urbaines et renchérissait les fouilles en milieu rural, avait une double conséquence : l'accélération des premières, qui étaient sous-facturées, et le gel des secondes par suite des protestations des personnes concernées par l'augmentation brutale des coûts archéologiques ;

- la réduction de 25 %, par l'article 105 de la loi de finances pour 2003, du montant de la redevance, acquittée par les redevables, justifiée sur le fond, a aggravé le déficit de l'organisme ;

- l'absence de contrôle des services des DRAC qui ont validé les demandes présentées par l'INRAP ;

- enfin, le recours massif de l'organisme à des contrats à durée déterminée pour faire face à la multiplication du nombre d'opérations.

La réforme de la redevance d'archéologie préventive prévue par l'article 17 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement, devrait très largement améliorer la situation. Le rendement de la redevance ainsi modifiée garantirait un niveau de recettes suffisant pour garantir l'équilibre financier de l'INRAP .

Cependant, dans un premier temps, la situation s'est aggravée , car les redevables avaient la possibilité jusqu'au 31 décembre 2004 de demander à bénéficier du nouveau régime d'imposition s'il leur était plus favorable. Ceci ajouté à l'effet d'attente dû à l'annonce de la réforme a tari la perception de la redevance. La situation financière de l'INRAP reste donc précaire, alors que le financement sur facture des fouilles, autre ressource de l'INRAP, est loin d'être parfait et que les premières contestations commencent à se faire entendre.

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial juge indispensable de prêter une attention toute particulière aux défaillances de gestion constatées dans le domaine de l'archéologie préventive.

Pourquoi les services archéologiques des DRAC ont-ils validé un nombre de prescriptions archéologiques en si forte croissance ? Pourquoi les responsables de l'établissement ont-ils pu créer jusqu'à 300 emplois en CDD avant que la « sonnette d'alarme » ne soit tirée ? Quelles sont les circonstances de fait qui expliquent que le conseil d'administration de l'INRAP ait mis autant de temps à se constituer et qu'il n'ait pas pu se réunir pendant les 20 premiers mois d'existence de l'établissement ? Voilà autant de questions qui doivent être tirées au clair et c'est dans ce contexte que votre rapporteur spécial a entrepris, en application de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, un contrôle de l'Institut national de recherches archéologiques préventives et des services régionaux de l'archéologie dépendant du ministère de la culture, avec l'assistance de la Cour des comptes (selon les modalités prévues par l'article 58-1 de la LOLF), et dont il présentera les conclusions à votre commission des finances en 2005.

3. Le régime des intermittents du spectacle

La crise consécutive à la réforme du régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle avait durement frappé les festivals qui contribuent à la vitalité culturelle de notre pays, notamment pendant la saison de l'été 2003. Cette année encore, elle a eu de nombreuses répercussions.

Un fonds spécifique provisoire a été créé 12 ( * ) en juillet 2004. Il fait bénéficier d'une ouverture de droits les salariés qui auront effectué 507 heures sur 12 mois, au lieu de 11 mois prévus pour 2004, d'une part, et prendra en compte, au titre des heures travaillées, les arrêts maladie de trois mois et plus, d'autre part. La contribution de l'Etat, estimée initialement à 20 millions d'euros, serait finalement plus modeste. En effet, au 21 septembre 2004 les dépenses payées par le fonds ne s'élevaient qu'à 961.000 euros , soit un niveau très inférieur aux hypothèses de juillet 2004.

Il convient de surveiller l'éventuelle montée en puissance de ce fonds avant de conclure à la résolution du dossier des intermittents.

4. La Fondation du patrimoine

L'article 13 de la loi de finances pour 2003 a prévu à la suite d'un amendement de votre rapporteur spécial soutenu par votre commission des finances, l'affectation, à la fondation du patrimoine, d'une fraction des revenus tirés par l'État des successions en déshérence.

Un accord a été trouvé sur le fond entre le ministère de la culture, la Fondation du patrimoine et le ministère des finances, qui prévoit une augmentation progressive du pourcentage des recettes ainsi affectées au « petit patrimoine ».

Le montant du pourcentage du produit des successions en déshérence encaissé par la Fondation du patrimoine est de 40 % en 2004. Il restera à 40 % en 2005 et atteindra 50 % en 2006, niveau qui sera alors pérenne.

Les actions de la Fondation sont également favorisées par d'importantes mesures prises par l'Etat :

-suppression de l'agrément fiscal par la direction générale des impôts pour les opérations labellisées par la Fondation, cette simplification permettant une augmentation du nombre de projets soutenus de plus de 30 % ;

-et incitation pour les entreprises et les particuliers à s'impliquer dans des actions de sauvegarde du patrimoine, grâce aux dispositions de la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, précitée.

5. Le crédit d'impôt en faveur des tournages effectués en France

Votre rapporteur spécial relève que les crédits du compte d'affectation spéciale 902-10 « soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle » augmentent de plus de 15 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une hausse de 3,2 %.

Votre rapporteur spécial s'était félicité de la création d'un crédit d'impôt 13 ( * ) , destiné à favoriser la localisation des tournages en France et à venir ainsi en aide à des industries techniques en grande difficulté .

Ce crédit d'impôt est de 20 % des dépenses de tournage et de post production d'un long métrage réalisé en France, plafonné à 500.000 euros par film (750.000 euros pour les films d'animation). Il prend la forme d'une baisse de l'impôt sur les sociétés dû, ou d'un « chèque » de l'administration fiscale si l'entreprise ne réalise pas de bénéfice imposable.

Entre le 1 er janvier et le 31 juillet 2004, 81 tournages de films ont commencé, au titre desquels 56 dossiers de crédit d'impôt ont été ouverts, soit 69 % en nombre de films. Il apparaît que les semaines de tournage en France reprennent de l'importance par rapport aux semaines de tournage à l'étranger, ce qui inverse une tendance inquiétante de ces dernières années 14 ( * ) .

Tout juste pourrait-on souhaiter, que ce mécanisme prenne aussi en compte le phénomène de l'accroissement abusif des rémunérations de certains talents. Ainsi, aboutira-t-on à un système d'aide aux entreprises à caractère mixte permettant de modérer les tendances inflationnistes du système d'aides actuel.

* 1 Rapport de M. Rémi Labrusse remis le 15 février 2002 au ministre de la culture.

* 2 Rapport d'information de votre rapporteur spécial n° 378 (2001-2002), « 51 mesures pour le patrimoine monumental ».

* 3 Rapport de M. Jean-Pierre Bady remis au ministre la culture le 18 novembre 2002, « Patrimoine et décentralisation ».

* 4 Conservation régionale des monuments historiques.

* 5 Architectes en chef des monuments historiques.

* 6 Cf. rapport d'information n° 442 (2003-2004), « Mieux gérer les personnels du ministère de la culture et de ses établissements publics ».

* 7 Cet article prévoit que la mission d'assistance du Parlement, confiée à la Cour des comptes, comporte la réalisation de toute enquête demandée par les commissions des finances de l'Assemblée nationale ou du Sénat sur la gestion des services aux organismes qu'elle contrôle.

* 8 « Celle-ci doit couvrir des programmes de taille suffisante, porter sur une politique sectorielle lisible, faire l'objet d'une gestion spécifique et ne pas se limiter à la déclinaison territoriale d'une politique sectorielle ».

* 9 « Revoir la règle du jeu - mieux évaluer l'efficacité des aides publiques au cinéma » n° 276 (2002-2003).

* 10 Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

* 11 Loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

* 12 Sur la base du rapport que le ministre de la culture avait demandé le 5 mai 2004 à M. Michel Lagrave, Conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, ancien directeur de la sécurité sociale.

* 13 Article 88 de la loi de finances pour 2004 n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.

* 14 En 2003, les semaines de tournage en France de films majoritairement français représentaient 61 % du temps total de tournage. Le 31 juillet 2004, ce pourcentage atteignait 72 %.