M. Claude HAUT

B. CONCERNANT LA FLOTTE DE COMMERCE

Le soutien à la flotte de commerce des navires battant pavillon français constitue le deuxième volet prioritaire de la politique maritime française. Il se justifie par le handicap de compétitivité naturel de la France, et se traduit par un système d'aides évalué dans le projet de loi de finances pour 2005 à 60,8 millions d'euros, contre 62,1 millions d'euros en 2004, soit une diminution de 2 %.

La flotte de commerce s'est établie à 205 navires au 1 er juillet 2003. Elle occupe le 29 e rang mondial en 2003 : en 1945, la France était la quatrième puissance maritime mondiale.

A titre de comparaison, les flottes européennes représentaient au début de l'année 2002, 13,7 % du tonnage mondial et la flotte sous pavillon français ne représentait que 0,4 % de ce total . Selon le dernier rapport de la CNUCED, la France a généré 5,1 % de la valeur du commerce mondial en 2001 avec une flotte représentant 0,75 % du tonnage de port en lourd mondial.

Le déclin du pavillon français est considérable et lié notamment à son coût , trois à quatre fois plus élevé que celui d'un pavillon de complaisance. Il comporte pourtant des avantages réels en termes de sécurité. Par ailleurs, la protection sociale des marins français s'avère nettement meilleure que celle, quasiment inexistante des marins naviguant sur pavillons de complaisance. En 1987 a été créé un « registre bis » dit de Kerguelen dans un objectif de compétitivité et d'attractivité. Ce registre, qui constitue aujourd'hui le principal registre de la flotte de commerce française n'a pas réellement tenu ses promesses. C'est pourquoi le gouvernement à la suite au rapport précité de notre collègue Henri de Richemont : « Un pavillon attractif, un cabotage crédible 4 ( * ) » envisageait de lui substituer un nouveau registre, le registre international français (RIF) en s'inspirant des registres bis des voisins européens dont la flotte a mieux résisté que la flotte française au cours des dernières années.

Ce registre, qui a fait l'objet d'une proposition de loi adoptée par le Sénat le 11 décembre 2003 , s'inspirerait des propositions contenues dans le rapport précité : l'équipage comprendrait obligatoirement un capitaine et un suppléant français ; le salaire des navigants serait défiscalisé et une exonération des charges patronales instaurée ; les marins non européens pourraient être embauchés par des sociétés de placement et bénéficieraient d'une protection sociale aux normes européennes. Pour l'instant, la proposition de loi n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le projet d'autoroutes de la mer semble plus avancé. L'objectif du gouvernement est de proposer à la Commission européenne, dans le cadre du programme Marco Polo, un projet sur la façade Manche-Mer du Nord- Atlantique, comme prévu par le Comité interministériel de la mer du 16 février 2004 et le dernier CIADT.

En attendant ces réformes, le dispositif des GIE fiscaux qui favorise l'investissement maritime est maintenu .

Bilan du GIE fiscal

Le dispositif du GIE fiscal, régi par les articles 39 C et 39 CA du Code général des impôts, permet aux investisseurs et à l'exploitant du navire de bénéficier d'un avantage fiscal, variable selon le type d'opération, se situant en moyenne entre 20 et 25 % du montant investi.

En 2003, 29 dossiers ont été déposés et 38 navires ont été agréés ou pré-agréés, notamment un navire à passagers de Seafrance et 8 navires porte-conteneurs de CMA-CGM. Sur les sept premiers mois de l'année 2004, 14 dossiers ont été déposés représentant un investissement total de 1.942 millions d'euros. A fin juillet, quatre d'entre eux ont reçu un agrément ou une décision de principe favorable de la DGI.

A fin juillet 2004, depuis la mise en oeuvre du dispositif en 1998, 231 navires ont fait l'objet d'une demande d'agrément auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les dossiers ayant reçu un agrément ou un pré-agrément représentaient 119 navires et un investissement total de 4.677 millions d'euros dont : 8 navires à passagers représentant 740 millions d'euros d'investissements (BAI, CMN, SNCM, SeaFrance, Emeraudes-lines...), 16 porte-conteneurs pour 612 millions d'euros (CMA-CGM, Marfret, Maersk...), 2 méthaniers pour 390 millions d'euros (Gaz de France), ainsi que 18 pétroliers de taille moyenne (Fouquet-Sacop, Pétromarine, Maritima, Bröstrom, Socatra...).

D'après le « rapport Richemont » précité, il donne satisfaction aux armateurs : « Sans l'existence de ce GIE fiscal, l'entrée en flotte sous pavillon national aurait été reconsidéré 5 ( * ) ». Par ailleurs les allègements de charges  sont également reconduits : remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle et remboursement des contributions sociales patronales aux armateurs opérant des navires battant pavillon français et soumis à la concurrence.

Le remboursement des contributions sociales a été, en principe, étendu aux charges d'allocations familiales et de chômage par la loi de finances pour 2001.

Le dispositif n'a été appliqué qu'en 2003, et sur une partie seulement de ces charges (30 %). La loi de finances rectificative pour 2003 ayant abondé cette dotation de 8,39 millions d'euros, le remboursement de ces dernières charges a pu être effectué à hauteur de 80% pour les armements à passagers et à hauteur de 60% pour les autres armements.

En 2004 la dotation de 44,00 millions d'euros a permis également le remboursement intégral des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie, et accidents du travail versées par les entreprises en 2003. Le solde des crédits disponibles permettra un remboursement partiel des charges relatives aux allocations familiales et à l'assurance chômage.

Les crédits prévus au projet de loi de finances pour 2005 (44 millions d'euros) permettront de rembourser les armements éligibles sensiblement dans les mêmes conditions qu'en 2004 .

Enfin, le dispositif de taxation forfaitaire au tonnage 6 ( * ) pour les armateurs de commerce introduit par la loi de finances pour 2003 et qui se substituera à l'impôt sur les bénéfices 7 ( * ) , a reçu l'aval de la Commission européenne le 13 mai 2003.

L'objectif de ce dispositif, attendu par la profession et déjà largement en vigueur dans les autres Etats européens, est de maintenir et de développer les activités maritimes dont le centre de décision effectif est situé sur le territoire français et de renforcer de la flotte sous pavillon français avec tous les emplois afférents.

Ce nouveau dispositif d'aide, très proche de ceux mis en oeuvre dans les autres Etats-membres, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, consiste en la taxation d'un bénéfice déterminé forfaitairement, par application d'un barème au tonnage des navires exploités par l'armement. Cette taxe se substitue à l'impôt de droit commun sur les sociétés. Il est optionnel et s'applique par périodes de 10 ans.

Ce dispositif concerne les entreprises qui exploitent des navires armés au commerce dont la gestion stratégique et commerciale est réalisée à partir de la France et uniquement pour les revenus provenant d'activités de transport maritime. Ces entreprises doivent être assujetties à l'impôt sur les sociétés en France.

L'instruction fiscale du 12 février 2004 précise que ce régime est en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003. L'option doit être exercée au plus tard au titre d'un exercice clos ou d'une période d'imposition arrêtée avant le 1er janvier 2005. Ensuite, ne pourront opter que les entreprises qui deviendront éligibles postérieurement au 1er janvier 2004. Celles-ci devront opter au plus tard au titre de l'exercice suivant celui au cours duquel elles seront devenues éligibles.

A la fin du mois de juillet 2004, l'analyse des déclarations fiscales des armements ne permet pas encore de préciser le nombre d'entreprises ayant opté au titre de l'année 2003. Cependant un certain nombre ont déjà opté ou manifesté leur intention d'opter pour ce nouveau régime de taxation : Bourbon maritime (Abeilles, Surf), CMN, Maersk France, Pétromarine, la Compagnie Morbihannaise de Navigation, SETAM-SAGEP, STFMO, et la Compagnie maritime nantaise.

Cette mesure fiscale en faveur du transport maritime français a un impact sur les recettes de l'Etat. Le coût de cette mesure a été évalué à 9,0 millions d'euros pour la première année de mise en oeuvre du dispositif.

Votre rapporteur spécial estime que l'aide de l'Etat doit être poursuivie et amplifiée . Le déclin du pavillon français n'est pas inéluctable, comme le montre la croissance constante de la flotte des Pays-bas. La France demeurait avec la Suède le seul pays à pratiquer une fiscalité pénalisante : espérons que les réformes en cours et envisagées permettront à la flotte française de sortir de la situation d'immobilisme qui la caractérise depuis quelques années.

* 4 Rapport à Monsieur le Premier ministre, « Un pavillon attractif, un cabotage crédible : Deux atouts pour la France », par Henri de Richement, sénateur de la Charente, octobre 2002- mars 2003.

* 5 Rapport Richemont précité, p. 45.

* 6 Avec la taxe au tonnage, le bénéfice taxable est calculé non par différence entre les recettes et les charges, mais par application d'un barème, lui-même fonction du tonnage des navires exploités par l'armateur.

* 7 Cette mesure doit être proposée par voie d'amendement dans le collectif budgétaire de fin d'année.