M. Michel MERCIER

I. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UN TOURNANT IMPORTANT POUR LE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les principales mesures du projet de loi de finances pour 2005 concernant les collectivités territoriales traduisent la mise en oeuvre des dispositions introduites par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, par la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution et relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales et par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

La mise en oeuvre de ces trois textes fondamentaux pour les finances des collectivités territoriales permet de mesurer l'évolution des ressources et des charges des collectivités territoriales. Les évolutions récentes montrent en effet un bouleversement important des modalités de financement des collectivités territoriales, s'agissant tant des concours financiers de l'Etat que de la fiscalité locale. Ainsi, les mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2005 mettent en oeuvre deux principes fondamentaux introduits dans la Constitution par la loi n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République :

- le principe d'autonomie financière les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ») ;

- le principe de péréquation des ressources entre les collectivités territoriales la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales »).

Il convient de souligner le fait que ces réformes se mettent en place dans un contexte de bonne santé financière des collectivités territoriales, mais également de profonde inquiétude des élus locaux , exprimée notamment lors du récent congrès des maires. Cette inquiétude émane surtout des élus de territoires ruraux, qui constatent une réduction des services publics locaux sur leur territoire. Elle implique toutefois que des garanties puissent être apportées quant à l'évolution des ressources des collectivités à l'occasion des réformes engagées par le projet de loi de finances pour 2005.

Dans sa présentation de la note de conjoncture des finances locales pour 2004, M. Jacques Guerber, président du directoire de Dexia-Crédit local de France, constatait, en résumé, pour l'année 2004 :

- un accroissement de la pression fiscale plus modéré (les taux d'imposition de la fiscalité directe locale n'augmentent, en 2004, que de 1 %, toutes taxes et collectivités confondues);

- des investissements porteurs (l'investissement local devrait progresser de 4,3 % au total) ;

- une situation financière toujours parfaitement saine (les collectivités territoriales enregistrent ainsi un niveau record d'épargne brute, soit plus de 31 milliards d'euros).

Il considérait que « ces bonnes données factuelles, qui sont en pleine cohérence avec les travaux de la DGCL, de la DGCP, de l'Observatoire des finances locales, de l'INSEE..., tranchent toutefois avec les échos venant des élus locaux, qui évoquent l'avenir avec inquiétude . Ils se demandent en effet s'ils auront la capacité de maintenir à la fois leur effort d'investissement et leur bonne santé financière... et à quel prix pour le contribuable local ».

B. UNE ÉVOLUTION SATISFAISANTE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2005 se traduit par une évolution favorable des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales , puisque ceux-ci augmentent de 4,4 % avant la substitution du produit fiscal de la taxe sur les conventions d'assurance à 880 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements .

La reconduction des dispositions relatives au contrat de croissance et de solidarité permet aux dotations de l'Etat « sous enveloppe normée » de progresser de près d'un point supplémentaire par rapport à l'ensemble des dépenses de l'Etat. Cette indexation, qui résulte du niveau élevé de la croissance prévisionnelle du produit intérieur brut pour 2004, permet, grâce à la réforme de l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales engagée par la loi de finances initiale pour 2004, de dégager des marges de manoeuvre d'environ 1,2 milliard d'euros pour la péréquation.

Le projet de loi de finances pour 2005 engage une réforme de la répartition de la DGF des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et de leurs groupements. Cette évolution doit permettre de mieux répartir la croissance des dotations entre les collectivités, de manière à réduire l'écart de ressources entre les collectivités les plus riches et les plus pauvres. Elle va de pair avec le renforcement de l'autonomie financière des collectivités territoriales et recueille l'assentiment de votre rapporteur spécial, qui considère qu'elle permettra de mettre en oeuvre de manière progressive et sans rupture majeure avec le système actuel, une péréquation des ressources plus efficace entre les collectivités territoriales .

C. LES GARANTIES ET LES LIMITES DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, et les dispositions introduites par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, offrent de nouvelles garanties aux collectivités territoriales quant aux modalités de financements des transferts de compétence qui seront mis en oeuvre de 2005 à 2008, en application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales précitée.

Votre rapporteur spécial considère que ces garanties sont nécessaires afin de rassurer les élus locaux, inquiets quant à l'évolution de leurs charges, s'agissant notamment de la garantie de non-baisse des ressources fiscales transférées en compensation des transferts de compétences ou de la composition et des missions de la commission consultative sur l'évaluation des charges. Votre rapporteur souligne toutefois les limites des garanties offertes par la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

- en premier lieu, il considère qu' il convient d'appliquer de manière stricte le texte organique, en inscrivant dans la loi de finances, ou dans un document annexé, les fractions de taux ou de tarif des impositions attribuées aux collectivités territoriales revenant à chacune d'entre elles , afin d'assurer une transparence absolue des transferts de ressources devant le Parlement ;

- en deuxième lieu, il souligne l'importance de transférer aux collectivités territoriales des ressources fiscales dynamiques et modulables, afin de leur permettre de financer l'évolution des coûts des compétences transférées sans devoir augmenter la fiscalité directe locale dont l'obsolescence des bases est de plus en plus patente , et dont la prise en charge par l'Etat via les mécanismes de dégrèvements et d'exonération est croissante. Il insiste sur les difficultés soulevées par le financement par les départements du revenu minimum d'insertion (RMI) : la charge a été nettement plus dynamique en 2004 que l'évolution de l'assiette de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers (TIPP), dont une fraction de tarif a été attribuée aux départements par l'article 59 de la loi de finances initiale pour 2004. Il s'inquiète, à cet égard, de l'évolution de la ressource transférée aux départements et aux régions, compte tenu de la faible progression - par ailleurs souhaitable - de la consommation des carburants sur le territoire national ;

- en troisième lieu, il s'interroge sur la méthode retenue pour réformer la fiscalité directe locale, s'agissant des réformes annoncées de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Il remarque qu'il devient de plus en plus difficile de trouver des impôts dont la base serait localisable et le taux, modulable, et que les solutions permettant d'assurer l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales appellent sans doute des évolutions majeures, soit par la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives, soit par l'instauration de nouveaux impôts partagés dans le cadre d'un nouveau contrat entre l'Etat et les collectivités territoriales ;

- enfin, il insiste sur la nécessité de mieux contrôler les transferts de charges vers les collectivités territoriales résultant des textes de loi ordinaires . Il souligne que la création d'une conférence nationale des services d'incendie et de secours (SDIS) permettra d'améliorer la concertation, s'agissant de l'évolution des charges afférentes aux SDIS, mais que de nombreux transferts de charges sont opérés, sans compensation ni même, parfois, et évaluation, par les différents projets de loi portant sur l'action sociale.