M. Michel SERGENT

SYNTHÈSE ET PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

De façon logique, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative a retrouvé en avril dernier son périmètre d'avant mai 2002, et présente désormais une structure cohérente avec les missions de ses services déconcentrés comme avec la future mission budgétaire « Sport, jeunesse et vie associative », désormais ministérielle.

Malgré un budget en diminution de près de 3 % à structure constante , le ministère entend assurer en 2005 la continuité de ses efforts dans certains domaines, tels que la formation de ses personnels, la lutte contre le dopage et l'accès au sport pour certains publics, tout en amplifiant le mouvement de modernisation des structures que requiert l'application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et de la stratégie ministérielle de réforme (SMR).

Le budget des sports pour 2005 positionne la variable d'ajustement dans les dépenses budgétaires d'intervention, mais la forte hausse des crédits du FNDS tend comme en 2004 à compenser cette diminution par voie extra-budgétaire. Les moyens consolidés du ministère s'inscrivent ainsi en légère augmentation de 0,8 %.

I. UN BUDGET QUI SE CONCENTRE SUR CERTAINES PRIORITÉS

Faute de moyens financiers importants et comme en 2004, le ministère concentre ses nouvelles mesures budgétaires sur des actions visibles, symboliques et populaires, mais qui mobilisent des moyens souvent insuffisants au regard des enjeux.

A. LE SPORT COMME FACTEUR DE COHÉSION SOCIALE

Comme ses prédécesseurs, l'actuel ministre des sports est attaché à la promotion du sport pour le plus grand nombre, qui est assez largement tributaire de l'impact médiatique des grandes manifestations. Après les championnats du monde d'athlétisme de 2003, les Jeux olympiques d'Athènes ont créé une nouvelle demande dans certaines disciplines (escrime en particulier). Il faut aujourd'hui convertir en pratique pérenne ce qui peut relever de la curiosité , et diffuser la pratique du sport comme un enjeu de santé publique. L'évolution des modes de vie occidentaux tend en effet à exacerber deux pôles : une augmentation de la sédentarité et de l'obésité, et à l'opposé une exigence de performance et d'entraînement toujours plus grande dans le milieu amateur. Entre ces deux extrêmes, une large part de la population ne pratique une activité sportive que de manière épisodique.

Le ministère tient également compte de l'évolution des pratiques , particulièrement marquée depuis une dizaine d'années, et d'une double tendance à la segmentation croissante des activités (apparition de nouvelles disciplines) comme à une plus grande « fongibilité » entre loisirs, vacances, sports et mode. Les activités physiques et sportives en milieu naturel , pratiquées par plus de 30 millions de Français, connaissent en particulier une évolution spectaculaire, et leur développement maîtrisé représente une vraie opportunité pour la préservation et la valorisation des espaces naturels. Leur organisation s'inscrit nécessairement dans l'élaboration de politiques concertées et globales tant au niveau local, national qu'européen. La stratégie nationale pour le développement durable (SNDD), adoptée fin 2002, s'inscrit dans cette perspective, de même que la création fin 2003 d'un pôle national de ressources des sports de nature 1 ( * ) , au sein du CREPS Rhône-Alpes, sur le site de Vallon Pont d'Arc.

Le sport étant un loisir accessible au plus grand nombre, le ministère porte une attention plus prononcée à l'accès au sport pour certains publics spécifiques , démarche que votre rapporteur spécial soutient. Des actions et financements nouveaux sont ainsi prévus en 2005 au profit des handicapés (extension du réseau des correspondants « sport et handicap », création d'un pôle au CREPS de Bourges) et de la promotion des femmes dans les instances sportives , milieu que l'on peut en effet qualifier pudiquement de « masculin ».

Le sport se veut également vecteur d'insertion sociale par l'emploi . Le dispositif « plan sport emploi » y contribue en facilitant la structuration de l'encadrement des associations sportives par l'attribution d'une aide financière, forfaitaire et dégressive. Le développement de ce plan a permis la création de 7.063 emplois de 1996 à fin 2003 . En 2005, le maintien de l'effort de professionnalisation de l'encadrement sera pris en considération sur les crédits de la part régionale du FNDS, mobilisée à hauteur de 10 %. En outre, le CIVIS sport permet à des jeunes de 18 à 22 ans d'être embauchés, avec le soutien financier de l'Etat, sur des contrats à durée déterminée par des associations oeuvrant dans le domaine du sport pour défendre des projets destinés à lutter contre la violence dans le sport, développer des activités sportives à caractère éducatif et favoriser des activités s'appuyant sur le sport comme facteur de cohésion sociale. Ce dispositif n'apporte pas, pour le moment, les résultats escomptés (110 emplois créés au cours des sept premiers mois de l'année 2004), mais est appelé à évoluer.

La lutte contre les incivilités et la violence dans et autour du sport s'inscrit dans un dispositif interministériel et a bénéficié de plus de 3 millions d'euros de crédits en 2004, dont l'essentiel provient du FNDS. Le ministère est également l'un des partenaires des contrats éducatifs locaux qui visent à réunir sur un territoire « à taille humaine » (le quartier, la commune, la communauté de communes, selon le contexte) la totalité des acteurs locaux concernés par l'éducation avec pour objectif d'ouvrir les jeunes aux pratiques culturelles et sportives. Les actions de formation et de promotion de l'arbitrage au plan local et dans les filières d'accès au sport de haut niveau, reconduites en 2005, participent aussi de la prévention de la violence.

Votre rapporteur spécial approuve enfin les axes d'évolution prévus pour le dispositif « coupon sport », qui a connu certaines dérives . Il s'agit désormais de cibler beaucoup plus précisément les destinataires de coupons sport pour les réserver aux seules familles connaissant des difficultés socio-économiques graves, et de constituer des fonds départementaux d'aide à la pratique sportive des jeunes.

B. LA PROMOTION DE LA FRANCE COMME GRANDE NATION DU SPORT

Les Jeux olympiques et paralympiques d'Athènes se sont clôturés par un bilan relativement satisfaisant pour la France quoique inférieur à celui des Jeux de 2000 à Sydney. Notre pays a ainsi terminé au septième rang mondial (au second rang européen derrière l'Allemagne) aux Jeux olympiques et à la neuvième place pour les disciplines paralympiques. L'année 2005 sera marquée par la préparation de la Coupe du monde de rugby, qui aura lieu en France en 2007, et surtout par le choix de la ville qui accueillera les Jeux de 2012 . La France présente vraisemblablement le meilleur dossier avec Madrid, et votre rapporteur spécial se félicite de la cohésion, de la rigueur et de l'humilité des partenaires du groupement « Paris Ile de France 2012 », dont le professionnalisme conforte les aspects techniques de cette candidature.

La double réussite sportive et professionnelle des sportifs de haut niveau mobilise depuis longtemps et avec un certain succès les acteurs du monde sportif (direction des sports et directions régionales du ministère, directions techniques nationales des fédérations, établissements publics, groupement d'intérêt public « Sport d'élite et préparation olympique »). De nombreux dispositifs existent et sont structurés en trois catégories : les aides financières (aides personnalisées, prêts bonifiés aux sportifs créateurs d'entreprise, primes aux médaillés olympiques), l'appui à la formation et aux concours (filière « sport-études », aménagement, de scolarité dans les établissements d'enseignement supérieur, dérogations d'âge et de titre pour les concours de la fonction publique, dérogations aux concours d'accès aux formations paramédicales, quota d'accès au concours des professeurs de sport), et les aides à l'insertion professionnelle et les aménagements d'emploi dans les entreprises et la fonction publique.

Cette réussite sportive est aussi tributaire d'écoles et d'installations performantes. A ce titre, votre rapporteur spécial se réjouit que la rénovation de l'INSEP soit enfin engagée . Cet établissement, qui emploie 400 personnes et accueille 820 sportifs de haut niveau, constitue en effet un outil essentiel de la promotion du rang sportif de la France, dont la qualité est reconnue sur le plan international, mais dont les installations aujourd'hui très dégradées risquent de compromettre les conditions d'entraînement des sportifs et de les rendre incompatibles avec les ambitions de la France. Les modalités du plan de rénovation, qui doit s'achever en 2008, sont aujourd'hui arrêtées et portent sur un financement innovant et de grande ampleur : 120 millions d'euros au total devraient être consacrés à ce chantier, dont la moitié sera mise en oeuvre par un partenariat public-privé. En outre, la modernisation de l'INSEP ne porte pas uniquement sur la mise à niveau des bâtiments, puisqu'elle devrait également conforter le rôle de l'Institut en matière de recherche, rationaliser la distribution géographique des fonctions et améliorer le suivi médical spécifique à chaque discipline.

Votre rapporteur spécial se réjouit également que l'indispensable recensement des équipements sportifs sur le territoire soit programmé pour 2005 , suite aux préconisations du rapport de notre collègue Pierre Martin, remis au Premier ministre en octobre 2003. La mise en oeuvre de ce recensement national intégral permettra de disposer d'un état des lieux fiable du patrimoine français et partagé, afin de faciliter la prise de décisions adaptées intégrant les objectifs de l'aménagement du territoire et du développement durable.

C. UNE ACCENTUATION DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE ET DE L'INFLUENCE INTERNATIONALE

Le ministère exerce une action pleinement légitime dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le dopage, dont il a fait un de ses thèmes dominants, dans la continuité des actions initiées par Mme Marie-Georges Buffet. Une diminution de la dotation y afférente ne semblait guère concevable : les moyens budgétaires augmenteront ainsi de 7 % en 2005, au profit notamment des contrôles inopinés et du rôle exercé par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, autorité administrative indépendante qui est aujourd'hui mieux reconnue au-delà de nos frontières. Le laboratoire de Chatenay-Malabry , dont la subvention en 2005 serait stabilisée, doit également bénéficier d'un important soutien public pour maintenir sa crédibilité internationale, adapter ses nouveaux axes de recherche à l'évolution malheureusement très rapide des pratiques, et aboutir à des résultats probants sur ses nouveaux tests, après ceux déjà enregistrés pour la détection de l'EPO.

Les principes libéraux qui dominent le droit communautaire, en particulier ceux afférents à la libre circulation des travailleurs et à la concurrence, ont conduit celui-ci à exercer une emprise croissante sur le sport, alors que les compétences de l'Union européenne dans ce domaine sont pour le moins réduites. Le principe de libre circulation des capitaux pourrait également conduire le droit communautaire à exercer une plus grande emprise sur la réglementation française 2 ( * ) . Le constat de l'influence déterminante du droit, de l'internationalisation des enjeux du sport (dopage, financement, normes de sécurité, etc.) et du rôle important joué par les instances privées (fédérations internationales, Comité international olympique et grandes entreprises de biens et services sportifs) incite le ministère à exercer une action volontariste en faveur d'une régulation pas seulement européenne mais également internationale (qui constitue l'échelon pertinent au regard de l'influence des fédérations) , démarche que votre rapporteur spécial approuve sans réserves . Les efforts que déploie la France en faveur de l'adoption d'un code mondial, d'une convention internationale de lutte contre le dopage (prévue pour 2006), et d'une action plus visible et coercitive de l'Agence mondiale antidopage doivent être soutenus. Les disparités actuelles entre les réglementations nationales ne permettent pas, en effet, d'endiguer réellement les trafics et incitent à des contournements.

La France doit adapter sa législation sur le dopage aux nouvelles règles internationales d'ici les Jeux olympiques de Turin de 2006, et un projet de loi devrait être examiné dans les prochains mois. Considérant la relative sévérité de la réglementation française actuelle, votre rapporteur spécial espère que cette évolution ne constituera pas l'occasion d'un « nivellement par le bas » afin de « rassurer » les fédérations internationales et le Comité international olympique, en particulier dans la perspective du choix de la localisation des Jeux de 2012.

D. LA POURSUITE DE CERTAINES ACTIONS DE PROMOTION DE LA JEUNESSE ET DES ASSOCIATIONS

Les politiques de la jeunesse et de la vie associative sont à bien des égards complémentaires de celle des sports : les jeunes en sont un public privilégié 3 ( * ) et peuvent acquérir certaines valeurs comme l'esprit d'initiative par la pratique d'un sport, et un grand nombre d'associations de proximité poursuivent un objet sportif. L'implication des jeunes dans la société requiert aussi d'autres moyens , destinés à leur donner le goût de l'engagement, la prise de responsabilités et une ouverture sur l'extérieur. Le ministère renforcera à cet égard plusieurs actions en 2005, telles que les opérations « Solidar'été » et « jobs d'été », le concours « Envie d'agir » ou les bourses « Défis jeunes ». Plusieurs organismes ont également pour objet de faciliter le dialogue avec la jeunesse et les échanges interculturels dans un contexte européen ou francophone : conseils national et départementaux de la jeunesse, offices franco-allemand et franco-québecois de la jeunesse. La protection des mineurs constitue également un axe majeur de la politique de la jeunesse : les contrôles des centres de loisirs et de vacances seront accrus en 2005.

Le bénévolat est une immense richesse sociale que l'Etat a vocation à encourager et à structurer, sans qu'il ne perde pour autant son caractère spontané. Le ministère poursuivra donc ses efforts d'incitation à l'engagement associatif, d'information des bénévoles et de renforcement de leurs compétences. La relance des postes FONJEP contribuera également à promouvoir l'emploi associatif et la professionnalisation de l'encadrement. Un projet de loi sur le volontariat sera soumis au Parlement, mais ne créera pas pour autant un statut du bénévole au sens large, assorti d'incitations fiscales . Sur ce point, votre rapporteur spécial partage l'avis du ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur le caractère inopportun d'un tel statut . Il contribuerait certes à sécuriser la situation du bénévolat mais lui confèrerait également une dimension intéressée, qui est contradictoire avec l'esprit de générosité et de réalisation personnelle qui anime le bénévole. La fiscalité ne doit pas représenter un obstacle au bénévolat 4 ( * ) , mais doit être neutre au regard des motivations sociales et éthiques du bénévole.

* 1 Ce pôle est chargé de constituer et d'animer le réseau des experts, de mutualiser les connaissances, d'élaborer un plan national de formation et de créer des outils méthodologiques.

* 2 Notamment au regard de l'impossibilité pour les clubs professionnels de faire appel public à l'épargne et pour un actionnaire privé de détenir des participations dans plus d'un club.

* 3 Constat intégré de longue date dans les campagnes de commercialisation et de promotion des grandes firmes de loisirs et d'équipement sportif, qui investissent en particulier le domaine de la mode urbaine par le canal du « street marketing ».

* 4 L'exonération des frais de transport est à ce titre autorisée depuis la loi de finances pour 2002.