M. Michel SERGENT

II. DES INCERTITUDES ET MOTIFS DE PRÉOCCUPATION SUBSISTENT

A. DES CRÉDITS D'INTERVENTION EN FORTE DIMINUTION

Les crédits d'intervention du titre IV s'inscrivent en diminution de 15,2 %, à périmètre constant et en intégrant les transferts réalisés au profit des chapitres d'expérimentation. La révision des services votés porte ainsi sur une baisse de 26,8 millions d'euros et concerne plus particulièrement trois postes de dépenses : la formation des emplois jeunes (- 2,25 millions d'euros), les contrats éducatifs locaux « jeunesse » (- 5 millions d'euros), et les actions afférentes au sport menées en partenariat avec les collectivités locales et les associations sportives locales (- 16,9 millions d'euros). L'ampleur de cette baisse inquiète votre rapporteur spécial et érode les efforts menés en matière de promotion de la pratique du sport et d'amélioration de l'emploi . Il est vrai que la régulation budgétaire, importante au cours des deux derniers exercices sur les crédits du titre IV 5 ( * ) , laissait à penser que des marges de manoeuvre étaient disponibles. Votre rapporteur spécial espère donc que cette évolution relève avant tout d'un effort de sincérité budgétaire et que la régulation ne trouvera pas à s'appliquer, le cas échéant, de manière aussi prononcée qu'en 2004.

En outre, la diminution de 1,2 million d'euros des subventions de l'ex-compte d'affectation spéciale FNDVA , au profit des associations appartenant ou non au champ « jeunesse et vie associative » pour des actions de formation des bénévoles, d'études ou la mise en oeuvre d'expérimentations dans le domaine associatif, apparaît contradictoire avec les mesures, mises en avant par le ministère, de soutien à l'encadrement des associations.

On ne peut également que constater que les mesures ciblées précédemment évoquées portent sur des montants budgétaires réduits lorsqu'on les confronte aux enjeux . Le ministère met ainsi en exergue un quintuplement, par rapport à 2002, de la part du FNDS consacrée aux aides à l'accessibilité des équipements pour les handicapés, mais la dotation prévisionnelle de 900.000 euros est pour le moins modeste lorsque l'on considère l'important retard de la France dans ce domaine.

B. LE DIFFICILE SOUTIEN AUX FÉDÉRATIONS SPORTIVES ET AU SPORT PROFESSIONNEL

1. La nécessité de mieux responsabiliser les fédérations

Les fédérations sportives occupent une place centrale dans le service public du sport, et l'Etat est à ce titre fondé à leur apporter un soutien via le FNDS et les contrats de préparation olympique et de haut niveau. Les relations financières entre le ministère et les fédérations ont toutefois été longtemps entachées par une certaine opacité . La démarche de conventionnement pluriannuel, le développement des outils de comptabilité analytique et la mise en place d'une cellule de veille et de prévention au sein de la direction des sports permettent d'améliorer le dialogue de gestion et de mieux justifier l'emploi des fonds. La Cour des comptes a toutefois récemment relevé des irrégularités, la faiblesse persistante de certains systèmes de gestion et une confusion des responsabilités entre l'Etat et les fédérations.

La Cour des comptes déplore également que les conventions ne soient guère utilisées pour évaluer, et le cas échéant sanctionner, les fédérations qui n'auraient pas atteint leurs objectifs. Votre rapporteur spécial considère donc qu'une nouvelle étape pourrait être franchie quant au caractère incitatif de ces conventions , après que les fédérations ont été opportunément conduites à mieux formuler leurs stratégies selon des axes de performance et d'organisation. Après la modernisation bienvenue de la sémantique, c'est dans les résultats que les progrès doivent être enregistrés.

Parallèlement, la Cour des comptes constate qu'il n'existe aucune corrélation entre l'évolution de la subvention de l'Etat et celle du nombre de licenciés . Les fonds publics constituent pour certaines « petites » fédérations un apport essentiel, et pour d'autres se révèlent marginaux et peuvent voir leur justification remise en cause.

Votre rapporteur spécial estime que quatre orientations apparaissent donc nécessaires à moyen terme : une plus grande professionnalisation de l'encadrement des fédérations, le renforcement du rôle de conseil et d'assistance technique du Comité national olympique et sportif français, la mutualisation de certaines fonctions support et de gestion pour des fédérations de taille comparable, et la diversification des ressources des fédérations, notamment auprès de partenaires privés . Sur ce dernier point, la loi n° 2003-708 du 1 er août 2003 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives constitue un progrès.

Il reste que certaines fédérations, minées par des dissensions internes aux conséquences inacceptables, ou exaltées par les succès et insuffisamment rigoureuses dans la gestion de leur budget, font preuve de négligence ou pêchent par incompétence . La situation de la fédération française de ski, qui a déposé son bilan le 19 mai 2003, de la fédération française des sports de glace (FFSG), et dans une moindre mesure de la fédération française de tennis (dont la Cour des comptes a dénoncé certains frais de représentation), incite à la plus grande vigilance. Le ministère doit faire preuve de sévérité dans la mise en oeuvre des conventions d'objectifs, comme il l'a fait avec la FFSG, et les ambitions trop étendues de certaines fédérations ne doivent pas fournir un motif à l'indulgence.

Votre rapporteur spécial s'inquiète également de la montée de la violence et des actes xénophobes dans les stades de football . S'il importe de ne pas médiatiser à outrance ce type de comportement pour ne pas aboutir à l'effet inverse de celui recherché, les sanctions doivent en revanche être exhaustives, sévères et faire l'objet d'une large publicité.

2. Sport professionnel : un compromis délicat entre solidarité financière et développement

Le soutien au sport professionnel , vecteur déterminant de spectacle et d'adhésion au sport, mais susceptible de dévoyer certaines valeurs du sport, est également soumis à des exigences contradictoires et est donc propice aux ambiguïtés. Le ministère a pour l'heure adopté une position équilibrée et permis quelques assouplissements par la loi du 1 er août 2003 6 ( * ) , de nature à rendre les clubs professionnels plus performants. Le rapport de M. Jean-Pierre Denis 7 ( * ) , remis au ministre des sports en novembre 2003, propose toutefois d'aller plus loin et recommande notamment les orientations suivantes :

- prendre l'initiative, en liaison avec nos principaux partenaires, de promouvoir à l'échelle européenne un dispositif de contrôle de gestion des clubs, discipline par discipline, pour garantir une plus grande équité sportive entre les compétiteurs 8 ( * ) . Votre rapporteur spécial soutient fortement une telle initiative ;

- aligner le régime juridique des sports professionnels sur le droit commun des sociétés anonymes en les autorisant à faire appel public à l'épargne. Bien que cette solution ne remette pas nécessairement en cause le principe de solidarité financière entre les clubs, votre rapporteur spécial demeure réservé sur cette perspective et rappelle que les exemples étrangers ne sont guère probants ;

- alléger et moderniser les prélèvements sur les clubs professionnels grâce, en particulier, au remplacement de l'actuelle taxe sur les spectacles, impôt jugé archaïque, par une TVA à taux réduit ;

- reconnaître à l'ensemble des joueurs professionnels un « droit à l'image » sur le modèle de celui des artistes-interprètes ;

- proposer aux sportifs professionnels, non pas une fiscalité dérogatoire, mais des outils d'épargne et de retraite les préparant à leur reconversion après les « belles années ». Votre rapporteur spécial juge cette piste intéressante, estime que de tels instruments ne doivent pas conduire à exonérer les sportifs de leur nécessaire responsabilité personnelle sur la gestion de leur reconversion, et considère tout allègement de la fiscalité des sportifs professionnels comme infondé voire inconstitutionnel.

C. LE FUTUR CENTRE NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT DU SPORT

En application de la LOLF, le FNDS est appelé à disparaître sous sa forme actuelle en 2006 . La solution adoptée par le ministère, consistant en la création d'un établissement public dénommé « Centre national de développement du sport » est conforme aux conclusions des Etats généraux du sport de 2002, formulées dans le document de synthèse relatif à la place de l'Etat dans le sport. Ce document précise que la LOLF a supprimé la parafiscalité qui permettait d'affecter des taxes à des organismes privés, mais n'a pas remis en cause la possibilité d'affecter des ressources fiscales à des établissements publics. Ces prélèvements affectés ont en principe un objet proche de la spécialité de l'établissement (redevances perçues sur les usagers, prélèvement social...) mais certains cas (le fonds de réserve des retraites par exemple) montrent que la conception de cette proximité peut être extensive. Les avantages escomptés de la formule de l'établissement public au regard des objectifs poursuivis étaient les suivants : possibilité d'affecter des recettes fiscales sans limitation juridique, absence de règles spécifiques tenant à cette affectation, gestion publique et contrôle public, association du mouvement sportif (dualité présidence/direction générale, composition du conseil d'administration), définition claire des missions (principe de spécialité) et des responsabilités (conseil d'administration, direction générale).

Les inconvénients étaient en revanche les suivants : un risque d'inconstitutionnalité d'un établissement public qui serait une copie conforme du FNDS ; un risque juridique accru si l'établissement était une simple coquille vide ; une affectation des ressources contraire à la politique de budgétisation des établissements publics (transformation des taxes affectées en subvention) ; un risque de duplication avec le budget des sports, voire le ministère lui-même ; des lourdeurs de gestion (encaissements des recettes, mise en place des financements) sauf à ce que l'établissement ne soit qu'une coquille vide ; une certaine inadéquation à une gestion largement déconcentrée.

Le groupe de travail avait finalement recommandé la mise en place d'un tel établissement public administratif , financé par une fiscalité affectée analogue à celle du FNDS (un prélèvement indifférencié et forfaitaire sur les enjeux reçus par la Française des Jeux) et non par subvention ; dans le souci de réduire les aléas liés à son rendement et de simplifier son recouvrement. Les politiques financées par cet établissement seraient de dimensions nationale (accès à la pratique sportive, sport et santé, équipements et aménagement du territoire, événements sportifs) et régionale (développement de la pratique sportive par conventions et politiques régionales d'équipement).

Votre rapporteur spécial rappelle qu'aucune des solutions envisagées n'était susceptible de ne réunir que des avantages, et que la création d'un établissement public constitue vraisemblablement la « moins mauvaise » des hypothèses, considérant notamment la souplesse d'organisation qu'il offre pour maintenir le principe de la cogestion Etat / mouvement sportif . La volonté manifestée de préserver les acquis du FNDS et de ne pas reproduire la situation du Fonds national pour le développement de la vie associative (intégralement budgétisé) ne doit cependant pas conduire à en dupliquer les défauts , en particulier au regard de la consommation des crédits et de l'indépendance de jugement à l'égard des fédérations.

* 5 Le décret n° 2004-962 du 9 septembre 2004 a ainsi disposé l'annulation de 18 millions d'euros sur le chapitre 43-91, soit 21 % de la dotation disponible et la totalité des reports.

* 6 Droit d'utilisation du numéro d'affiliation, possibilité de cession de la marque par l'association support à la société sportive, réforme de la propriété des droits audiovisuels (qui donne toutefois lieu à des incertitudes sur la valorisation comptable de ces droits et leur caractère éventuel d'immobilisation incorporelle), modernisation du statut et des instances dirigeantes des fédérations.

* 7 Rapport de M. Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, au ministre des sports sur certains aspects du sport professionnel en France, novembre 2003.

* 8 Il est vrai que la France dispose en ce domaine d'un bilan appréciable et d'une forte crédibilité, en particulier avec la Direction nationale du contrôle de gestion pour les clubs de football.