M. Roland du LUART

Madame, Monsieur,

Le budget du ministère de la justice progresse de 4 % à périmètre identique en 2005 (contre 1,8 % pour le budget général). Alors même que le nombre d'emplois autorisés dans le projet de loi de finances pour 2005, au total pour l'ensemble des services de l'Etat, est réduit de 7.188, il est prévu 1.100 emplois nouveaux pour le seul ministère de la justice.

Les crédits pour la justice s'inscrivent pleinement dans la logique de la troisième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 (LOPJ).

Pour autant, ces éléments ne sauraient suffire à considérer comme excellent le budget du ministère de la justice pour 2005.

En effet, il est grand temps, à la veille de la mise en oeuvre complète de la loi organique n ° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de passer d'une culture de moyens à une culture de résultats.

Un budget qui augmente et prévoit des créations d'emplois n'est satisfaisant que si, parallèlement, les moyens alloués -c'est-à-dire l'argent des contribuables- sont utilisés « au mieux », avec des résultats tangibles pour les citoyens.

A cet égard, les ministères « favorisés » en allocation de moyens, loin d'être exemptés d'une politique rigoureuse, doivent faire preuve d'une gestion exemplaire.

Tel est l'esprit dans lequel votre rapporteur spécial a examiné le présent budget.

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- Les taux d'exécution de la LOPJ s'établiront, à la fin de l'année 2005 , c'est-à-dire après trois exercices sur cinq, à 52 % pour les créations d'emplois et à 55 % pour les dépenses ordinaires . Au 31 juillet 2004, le taux d'engagement des autorisations de programme s'établissait à 44 %, alors même que, après une année et demie d'application, le taux théorique serait de 30 %. Il existe un décalage dans le temps entre les autorisations de programme et les crédits de paiement, compte tenu des délais de préparation des projets. De la sorte, les crédits de paiement devraient monter en puissance au cours des prochains exercices.

- Malgré le développement d'un programme substantiel de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires, les conditions de détention demeurent « une humiliation pour la République » 1 ( * ) , en raison de la vétusté de la plupart des prisons et d'un taux de surpopulation carcérale qui s'élevait en moyenne à 114,2 % au 1 er octobre 2004, ce qui implique l'existence de « pointes » .

- L'augmentation de 40 % en deux ans des frais de justice (dépenses d'expertise, d'interprétariat, d'écoutes téléphoniques, par exemple) est préoccupante, singulièrement à la veille de la mise en application de la LOLF qui confèrera un caractère limitatif à ces crédits . La « liberté de prescription » du magistrat devrait pourtant être compatible avec une gestion rigoureuse des dépenses , comme le ministre de la justice l'a lui-même souligné.

- La capacité des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à assurer la tutelle de budgets souvent gérés par des associations demeure à démontrer , comme l'a relevé à bon escient la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003.

- L'effort engagé par le ministère de la justice pour préparer les objectifs et indicateurs de performance , destinés à l'évaluation de la politique publique dans le cadre de la LOLF , mérite d'être souligné et salué . Certains indicateurs pourraient avantageusement être par la suite déclinés au niveau des ressorts de cours d'appel, voire de certaines juridictions de premier degré .

- Plusieurs indicateurs gagneraient cependant à être précisés et/ou simplifiés . D'autres devraient être créés, par exemple, sur la régularité du suivi médico-psychologique des délinquants sexuels ou, sur un autre plan, pour connaître le montant et l'évolution du taux de transposition des directives de « compétence chancellerie » dans les délais requis par celles-ci.

- Il convient de se féliciter du développement de la politique de communication du ministère de la justice, et, singulièrement, de la nomination, dans le ressort de chaque cour d'appel, de magistrats délégués à la communication , destinés à mieux faire connaître, au travers de son fonctionnement quotidien, l'institution judiciaire à nos concitoyens.

- En revanche, il faut souligner que des mesures de régulation budgétaire ont provoqué des retards dans la poursuite de plusieurs projets informatiques, pourtant indispensables au renforcement des moyens de la justice et susceptibles de susciter des économies budgétaires . Il serait souhaitable que ceux-ci ne soient plus systématiquement utilisés comme variable d'ajustement.

I. LA GESTION 2003 : CERTAINES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES POUR LESQUELLES LA LOLF DEVRAIT FAVORISER UNE RÉPONSE

Le projet de budget pour 2005 doit être analysé en tenant compte des difficultés rencontrées à propos du dernier exercice clos (2003) et dans la perspective de la LOLF, pleinement applicable à partir du 1 er janvier 2005, soit pour le projet de loi de finances pour 2006.

A. LES GRANDES LIGNES DE LA GESTION 2003 : UN EXERCICE MARQUÉ PAR LA RÉGULATION BUDGÉTAIRE

Comme les années passées, en 2003 les dépenses de rémunération des personnels atteignent plus de 55 % de la dépense totale, tandis que celles de fonctionnement des services représentent environ 35 %. Le solde (10 %) concerne les dépenses de subventions, d'interventions diverses et d'aide juridique.

1. Les ouvertures de crédits

a) Les crédits de report

Le ministère de la justice a obtenu au titre des reports de la gestion 2002 sur la gestion 2003 :

- l'ouverture de ses reports en crédits d'équipements : 32,54 millions d'euros.

Le montant des reports pour les chapitres inscrits à l'état H s'élève à 145,41 millions d'euros. Ce montant inclut notamment 38,77 millions d'euros ouverts au titre de l'indemnisation de la profession de commissaire priseur.

- les reports attendus en crédits de fonctionnement pour les chapitres soumis à la règle du dixième : 0,46 million d'euros.

b) Les autres ouvertures de crédits

La chancellerie a bénéficié, comme chaque année d'ouvertures de crédits par arrêtés de répartition qui traduisent son implication dans un certain nombre de politiques interministérielles, telles que :

23,85 millions d'euros pour le recrutement des agents de justice ;

0,30 million d'euros pour le Fonds pour la réforme de l'Etat ;

0,26 million d'euros de crédits sociaux ;

0,17 million d'euros pour la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Le montant des fonds de concours rattachés est de 1,34 million d'euros en dépenses ordinaires et de 0,89 million d'euros en dépenses en capital, autorisations de programme (AP) et crédits de paiement (CP).

- des arrêtés de transfert détaillés dans le tableau ci-après :

AP

(en euros)

CP

(en euros)

Provenance

Observations

18.862

18.862

Ministère de l'intérieur

Renforcement des structures des tribunaux d'instance et de commerce de Romorantin

 

166.212

Services du Premier ministre

Transfert d'emplois d'administrateurs civils

 

5.000

Ministère de la fonction publique

Colloque organisé par le Conseil d'Etat « perspectives pour la fonction publique »

18.862

190.074

 
 

2. Les transferts négatifs et les annulations de crédits

a) Les transferts de crédits

Mis à part les transferts des pensions civiles (0,463 milliard d'euros) et à l'INSEE pour les attachés mis à la disposition du ministère de la justice (0,684 million d'euros) la chancellerie a participé financièrement à des opérations, notamment :

AP

(en euros)

CP

(en euros)

Bénéficiaire

Observations

-114.429

-539.262

ministère de l'équipement et ministère de l'intérieur

Travaux de rénovation de restaurants inter administratifs et construction d'un hôtel de police et extension du palais de justice du Havre

 

-758.473

ministère de l'intérieur et ministère des finances

Rétro transfert d'emplois de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements publics

-3.320.000

-3.320.000

ministère de la culture

Relogement de la Cour administrative d'appel de Paris

-549.000

-549.000

ministère de la défense

Changement d'affectation (DPJJ) de l'ex station navale de la Bidassoa à Hendaye

-3.983.429

-5.166.735

 
b) La régulation budgétaire

Afin que le gouvernement puisse respecter ses engagements vis-à-vis du Parlement, par courrier en date du 3 février 2003, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire demandait à la chancellerie de constituer une réserve de précaution de 53,8 millions d'euros en autorisations de programme et de 74,64 millions d'euros en crédits de paiement.

En avril, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé que sur le montant total de 178,40 millions d'euros correspondant aux reports 2002/2003, la somme de 117,54 millions d'euros (89,58 millions d'euros en dépenses ordinaires ; 27,96 millions d'euros de dépenses en capital) soit rendue non disponible.

En octobre, la chancellerie a bénéficié d'un dégel de 41 millions d'euros en dépenses ordinaires.

Un montant de 59,82 millions d'euros en autorisations de programme et de 118,70 millions d'euros en crédits de paiement a été annulé par la loi de finances rectificative n° 2003-1312 du 30 décembre 2003. Les 32,50 millions d'euros restant gelés après la parution de cette loi de finances rectificative, ont été rendus disponibles.

c) Le décret de virement

Le décret de virement n° 2003-594 du 1 er juillet 2003 se décompose de la façon suivante :

Montants annulés en euros

Montants ouverts en euros

Observations

Chapitre

Montant

Chapitre

Montant

31.92

37.92

37.98

-41.000

-449.160

-1.680.000

36.10

2.170.160

41.000 euros : indemnisation par L'Ecole nationale de la magistrature (ENM) des magistrats délégués à la formation

449.160 euros : financement des dépenses induites par le concours complémentaire de l'ENM en 2003.

1.680.000 euros : augmentation de la capacité d'hébergement sur le site d'Agen de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP)

TOTAL

-2.170.160

 

2.170.160

 
d) La loi de finances rectificative

La traduction pour le ministère de la justice de la loi de finances rectificative n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 se décompose de la façon suivante :

Montants annulés en euros

Montants ouverts en euros

Observations

Chapitre

Montant

Chapitre

Montant

33.92

34.05

34.34

34.51

34.98

36.10

37.33

37.92

37.94

37.96

37.98

41.11

46.12

57.51 AP

57.51 CP

57.60 AP

57.60 CP

66.20 AP

66.20 CP

-355.904

-4.084.623

-4.565.377

-2.031.296

-610.000

-2.220.000

-29.184.002

-14.431.895

-166.273

-165.770

-5.752.229

-1.632.327

-12.000.000

-1.200.000

-2.027.653

-56.824.978

-36.424.461

-1.800.000

-3.046.758

37.11

37.23

37.91

46.01

30.000.000

2.500.000

3.000.000

4.326.832

Frais de justice

Réparations civiles

Santé des détenus

Commissaires priseurs

TOTAL AP

TOTAL CP

- 59.824.978

-118.698.568

TOTAL AP

TOTAL CP

0

39.826.832

 

Les crédits ont été annulés en autorisations de programme et en crédits de paiement sur les crédits gelés lors de la régulation budgétaire.

3. La récapitulation d'ensemble

S'agissant du taux de consommation des crédits en 2003 , il se situe, en paiement effectués sur crédits disponibles pour l'année, à :

- 96,39 % en dépenses ordinaires,

- 80,02 % en dépenses en capital,

- 95,38 % pour le total

Le tableau ci-après récapitule l'exécution du budget du ministère de la justice pour 2003, par titre et par agrégat .

( 2003 en millions d'euros )

Agrégats

2003

LFI

Crédits ouverts

Exécution Titre III

Exécution Titre IV

Exécution Titre V

Exécution Titre VI

Exécution
Total

11 - Services judiciaires

2.122

1.940

1.725

324

84

 

2.133

12 - Conseil d'Etat et juridictions administratives

153

157

148

 

5

 

153

13 - Services pénitentiaires

1.493

1.531

1.286

7

130

 

1.423

14 - Services de la protection judiciaire de la jeunesse

566

593

556

3

11

 

570

31- Administration générale

703

473

195

1

2

 

198

Total

5.037

4.695

3.910

335

232

 

4.477

Source : compte rendu de gestion budgétaire 2003 (justice).

B. L'ANALYSE DU CONTRÔLEUR FINANCIER CENTRAL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Dans son rapport sur l'exécution du budget de la justice pour 2003, le contrôleur financier central observe que les dépenses ordinaires ont globalement augmenté de 7,21 % en 2003, par rapport à 2002 (soit + 5,59 % pour les dépenses en personnel et + 9,38 % pour les autres dépenses).

Deux chapitres ont connu une baisse significative de leurs dépenses en 2003 :

- le chapitre 41-11 (subventions en faveur des collectivités territoriales) a enregistré un recul de 44,11 %, résultant de la quasi extinction des charges afférentes aux remboursements des emprunts contractés par les collectivités et remboursés par le ministère de la justice ;

- le chapitre 34-05 (dépenses d'informatique et de télématique), en recul de 24,82 %. Cette évolution résulte, d'une part, d'un changement de nomenclature au profit du chapitre 34-51 (dépenses de fonctionnement du Conseil d'Etat et des juridictions administratives) et, d'autre part, à l'engagement en fin d'exercice du projet de la nouvelle application pénale (CASSIOPEE), qui n'a donné lieu, en 2003, qu'à très peu de paiements.

Trois chapitres ont progressé sensiblement :

- le chapitre 34-51 précité (+ 51 %), en raison du même changement de nomenclature ;

- le chapitre 34-98 (moyens de fonctionnement et de formation de l'administration centrale) augmente de plus de 11 %. Le contrôleur financier central relève que près de 35 % de la dotation de ce chapitre (12,73 millions d'euros) sont consacrés au paiement des locations immobilières ;

- le chapitre 46-12 (aide juridique) est en hausse de 23 %, en raison d'une progression sensible du nombre des admissions, due en partie à l'application de dispositions favorisant l'accès à l'aide juridique.

Deux chapitres ont connu un dépassement de crédits, malgré un abondement par la loi de finances rectificative. Les crédits en cause, certes évaluatifs, deviendront limitatifs à partir de l'exercice 2006, en application de la loi organique n ° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s'agit des chapitres ci-après :

- le chapitre 37-11 (frais de justice), abondé de 30 millions d'euros au titre de la loi de finances rectificative, qui laisse néanmoins apparaître un dépassement de crédits de 3,3 millions d'euros. L'accroissement des dépenses, de 17,6 %, est imputable essentiellement aux frais criminels médicaux et aux prestations dans le domaine de la téléphonie. Votre rapporteur spécial évoquera ( voir infra ) cette question avec le souci de rationaliser la dépense sans mettre en cause la liberté d'appréciation du magistrat ;

- le chapitre 37-91 (réparations civiles), qui, malgré un abondement de 3 millions d'euros par le « collectif », a connu un dépassement de 1,6 million d'euros et une progression globale de 17,12 %. Cette évolution provient, d'une part, de la progression du nombre des condamnations prononcées contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme et par les juridictions nationales (civiles ou administratives) et, d'autre part, de l'importance des mesures prises par le ministère de la justice pour la protection statutaire de ses agents.

Les autres dépenses ont connu une évolution moins forte, en particulier :

- le chapitre 37-98 (moyens de fonctionnement et de formation des services pénitentiaires) : + 5,13 % ;

- le chapitre 37-92 (moyens de fonctionnement et de formation des services judiciaires) : + 7,20 % ;

- le chapitre 34-34 (moyens de fonctionnement et de formation de la protection judiciaire de la jeunesse) : + 7,24 %.

S'agissant des autorisations de programme, sur les 1.236 millions d'euros disponibles en gestion pour 2003, seul 361 millions d'euros ont été consommés (soit un taux de consommation de 29 %, un peu inférieur à celui de l'exercice 2002, qui s'établissait à 31 %).

Ainsi, 875 millions d'euros d'autorisations de programme restaient disponibles au 31 décembre 2003 (au lieu de 591 millions d'euros en fin d'exercice 2002).

En ce qui concerne les crédits de paiement, la consommation des crédits demeure forte (233 millions d'euros sur les 291 millions d'euros disponibles), soit un taux de consommation de 80 %, à comparer au taux de 91 % en 2002 et de 61 % en 2001.

Taux de consommation des crédits (2001-2004)

( en % )

 

2001

2002

2003

 

Dépenses ordinaires

92

94

96

 

Dépenses en capital

61

91

80

 

Autorisations de programme

42

31

29

 

Source : rapport du contrôleur financier sur l'exécution du budget de la justice pour 2003

S'agissant des effectifs du ministère, l'évolution depuis 1993 et en 2004 du taux moyen de vacances d'emplois s'établit de la manière suivante :

Evolution des effectifs du ministère de la justice depuis 1993

Date

Effectif budgétaire

Effectif réel

Vacances réelles

Taux de vacances

31/12/1993

57.207

55.023

2.184

3,82 %

31/12/1994

57.707

56.958

749

1,30 %

31/12/1995

58.361

57.738

623

1,07 %

31/12/1996

59.775

58.840

935

1,56 %

31/12/1997

60.102

59.166

936

1,56 %

31/12/1998

60.803

60.124

679

1,12 %

31/12/1999

61.794

60.792

1.002

1,62 %

31/12/2000

63.031

62.404

627

0,99 %

31/12/2001

64.409

62.833

1.576

2,45 %

31/12/2002

67.173

64.334

2.839

4,23 %

31/12/2003

69.215

66.764

2.451

3,54 %

31/12/2004

71.390

66.764

4.626

6,48 %

Source : rapport du contrôleur financier sur l'exécution du budget de la justice pour 2003

Evolution des effectifs du ministère de la justice au cours de l'année 2003

Date

Effectif budgétaire

Effectif réel

Vacances réelles

Taux de vacances

01/01/2003

69.215

64.334

4.881

7,05 %

01/02/2003

69.215

64.142

5.073

7,33 %

01/03/2003

69.215

64.417

4.798

6,93 %

01/04/2003

69.215

64.419

4.796

6,93 %

01/05/2003

69.215

64.492

4.723

6,82 %

01/06/2003

69.215

65.114

4.101

5,93 %

01/07/2003

69.215

65.560

3.655

5,28 %

01/08/2003

69.215

65.429

3.786

5,47 %

01/09/2003

69.215

65.647

3.568

5,15 %

01/10/2003

69.215

65.999

3.216

4,65 %

01/11/2003

69.215

66.151

3.064

4,43 %

01/12/2003

69.215

66.055

3.160

4,57 %

Source : rapport du contrôleur financier sur l'exécution du budget de la justice pour 2003

C. LES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES

En premier lieu, la Cour des comptes s'inquiète des difficultés prévisibles d'évaluation de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) : « à l'évidence, la relation entre la LOPJ et les lois de finances n'a pas été clairement définie, ce qui rendra le bilan de la première particulièrement difficile à réaliser, voire artificiel ». En effet, selon l'article 2 (3 ème alinéa) de la LOPJ, « les crédits prévus par la présente loi s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens d'engagement et de paiement ouverts par la loi de finances initiale pour 2002 et à ceux nécessaires pour faire face aux conséquences, sur le coût des rémunérations, des mesures générales d'augmentation et des ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels ». Cette rédaction ouvre le champ à des discussions récurrentes entre le ministère de la justice et celui du budget sur l'imputabilité ou non à la LOPJ des mesures prises, relève la Cour des comptes qui, ajoute que « le surcroît de moyens accordés laisse entendre que les seules mesures nouvelles allouées au ministère doivent s'inscrire dans le cadre de la LOPJ ; la conséquence est que les mesures décidées par le garde des sceaux sont considérées comme se rattachant à la loi, alors que rien ne justifie directement cette interprétation ».

De plus, les résultats de gestion de l'exercice 2003 font apparaître ou confirment trois domaines de dépenses augmentant rapidement et qui tendent à peser lourdement sur le budget du ministère :

- les frais de justice (expertises, consignations, écoutes téléphoniques, etc.) augmentent de 30 % en deux ans (de 2001 à 2003) 2 ( * ) et restent difficiles à évaluer et surtout à gérer de manière maîtrisée. Les frais d'enquêtes criminelles, notamment, ne semblent ni gérés efficacement ni même prévus de manière précise. Les efforts de la chancellerie pour maîtriser ce type de dépenses (procédures de commandes groupées, par exemple) devront être très sérieusement renforcés, puisque ces crédits, engagés sur la base des demandes des magistrats « donneurs d'ordre », perdront, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), leur caractère évaluatif. Ils seront globalisés au sein d'une enveloppe fermée accordée à chaque juridiction (crédits limitatifs), ce qui devrait ralentir leur progression ;

- le contrôle des budgets du secteur privé habilité ou conventionné de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n'est pas assuré, malgré les efforts accomplis depuis la publication en juillet 2003 d'un rapport public particulier de la Cour des comptes la concernant. Les dépenses se sont en effet accrues de 20 % entre 2000 et 2003 . La Cour des comptes s'interroge à nouveau « sur les capacités des services de la PJJ pour assurer la tutelle de budgets souvent gérés par des associations » ;

- l'amélioration des conditions d'attribution de l'aide juridique et la revalorisation de la rémunération des auxiliaires de justice ont débouché sur un accroissement des dépenses de 44 % en trois ans ( dont 23 % de 2002 à 2003 ), évolution qui devrait se poursuivre dans les années à venir.

En outre, les résultats de la gestion font apparaître un certain nombre de difficultés pour répondre aux besoins considérables d'investissements, transcrits en dotations d'autorisations de programme en forte hausse. Seulement un tiers des dotations disponibles a été utilisé en 2003. La nouvelle agence de maîtrise d'ouvrage de travaux du ministère de la justice (AMOTJ), créée par un décret n° 2001-798 du 31 août 2001, doit encore trouver son rythme de fonctionnement, particulièrement sur les opérations concernant l'administration pénitentiaire. Enfin, la Cour des comptes pointe « la difficulté rencontrée par le ministère à évaluer le coût final de ses opérations ». Pour illustration, la Cour des comptes évoque l'évaluation du coût final estimé du projet de rénovation des cinq grandes prisons, qui a fait l'objet d'une augmentation de 25 % par rapport à mars 2002 et dont les dates lointaines de livraison (2012 pour les Baumettes et Fleury Mérogis, non fixées pour les autres) « laissent craindre une nouvelle dérive ».

* 1 Voir Sénat, rapport de la commission d'enquête présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, et dont notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel était le rapporteur n° 449 (1999-2000).

* 2 La progression s'est aggravée depuis : elle a dépassé 40 % de 2002 à 2004.