M. Henri TORRE

III. L'AIDE AU LOGEMENT

A. LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT OUTRE-MER

1. Un objectif central du ministère

Interrogé sur ce point par votre rapporteur spécial, le ministère de l'outre-mer lui a transmis les éléments reproduits ci-après :

« Le logement reste avec le développement économique, la priorité dans les départements d'outre-mer. La politique du logement doit s'inscrire dans un contexte de contraintes spécifiques où dominent :

« - des besoins très importants liés au rattrapage des retards actuels et à une croissance démographique très forte (1,6 % par an), quatre fois supérieure en moyenne à celle de la métropole.

« - un revenu moyen peu élevé reflétant une forte proportion de bas salaires et un taux de chômage élevé de 28 % en moyenne.

« - des disponibilités foncières limitées liées à l'environnement naturel (risques, morphologie) et au sous-équipement des villes et des quartiers.

« - des collectivités locales en situation financière difficile.

« - un parc de logements insalubres ou sous-équipés qui, bien qu'en diminution, reste très important » .

2. Les moyens mis à disposition

Concernant la mise en oeuvre de ses objectifs, le ministère souligne les éléments suivants :

« Pour répondre à l'ampleur et à la diversité des besoins dans les DOM, l'Etat privilégie les aides à la pierre, regroupées sur un ligne budgétaire unique (LBU) du ministère de l'outre-mer, totalement fongible et laissant au niveau local des possibilités d'adaptation. Outre la construction neuve de logements sociaux, l'amélioration et l'accession, la LBU concourt également à la résorption de l'habitat insalubre. Le fongibilité totale des crédits au sein de la LBU permet ainsi une souplesse spécifique à l'outre-mer qu'il convient de conserver ».

Les crédits consacrés au logement sont donc rassemblés dans une ligne budgétaire unique, ce qui permet une plus grande adaptabilité.

Dans le projet de budget pour 2005, les crédits du logement font l'objet d'une expérimentation qui anticipe en fait la mise en place de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : les crédits sont regroupés au titre VI sur un même chapitre.

B. UNE AMÉLIORATION DE LA GESTION DE LA LIGNE BUDGÉTAIRE UNIQUE DEPUIS 1998 ?

1. Les évolutions des dernières années

L'évolution des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) depuis 1998 présente certaines caractéristiques satisfaisantes :

- au 1 er janvier 1998, les autorisations de programme « en compte », c'est-à-dire ouvertes et non encore totalement couvertes par des crédits de paiement, représentaient un montant de 2,3 millions d'euros. A cette date, 1,5 million d'euros avait été dépensé pour couvrir ces AP. la « dette » de la LBU, c'est-à-dire les crédits de paiement à dépenser pour achever de couvrir l'ensemble des AP ouvertes, s'élevait à 0,8 million d'euros.

Les CP disponibles pour 1998 s'établissant à 184,4 millions d'euros, il aurait fallu, en reconduisant chaque année cette dotation, en la consommant intégralement, et en l'absence de l'ouverture de nouvelles AP, 4,5 années pour achever de couvrir les AP déjà ouvertes ;

- au 1 er janvier 2002, la « dette » avait diminué et le niveau de CP disponibles pour 2002 permettait de couvrir les AP déjà ouvertes en 3,1 années.

Depuis 1998, la gestion budgétaire des crédits de la LBU a gagné en « réalisme » et la capacité de couvrir les AP ouvertes par des crédits de paiement s'est améliorée . L'augmentation du montant des nouvelles autorisations de programme a été trois fois inférieure à celle des crédits de paiement supplémentaires, ce qui a permis de faire diminuer le stock d'AP « en compte » et de ramener de 35 % à 30 % la proportion des AP ouvertes au 1 er janvier de l'année n'ayant pas encore été couverte par des crédits de paiement.

2. Une dégradation ?

Les prévisions pour 2003 faisaient apparaître que l'évolution favorable constatée depuis 1998 pourrait être inversée. Les données prévisionnelles pour 2004 semblent indiquer une poursuite de la dégradation, avec une « dette » qui augmente.

Evolution de la « dette » de la LBU depuis 1998

(en millions d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

AP en compte au 1er janvier

2.396,4

2.627,6

1.855,5

2.053,2

1.921,9

1324,6

1385,5

CP en compte au 1er janvier

1.563,6

1.780,4

1.294,7

1.436,5

1.169,4

518,7

451,6

« Dette» au 1er janvier

832,8

847,1

560,7

616,7

752,5

805,9

933,9

« Dette» en % des AP en compte

34,8

32,2

30,2

30,0

39,2

60,8

67,4

Pour autant, cette dégradation apparente (la « dette » passe de 39,2 % en 2002 à 67,4 % des AP ouvertes entre 2002 et 2004) est le résultat des annulations de crédit de paiement (qui connaissent une forte baisse) que ne compense pas une baisse également importante des autorisations de programme.

C. LA CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA LIGNE BUDGÉTAIRE UNIQUE

1. L'engagement des crédits

Les autorisations de programme ouvertes chaque année au titre de la ligne budgétaire unique sont engagées dans l'année dans une proportion très élevée (supérieure à 90 %), mais décroissante depuis 1998.

Entre 1998 et 2001, le montant des AP ouvertes au titre d'un exercice augmenté de 44 millions d'euros alors que celui des reports est passé de 0 à 24 millions d'euros. Par conséquent, plus de la moitié de l'augmentation des AP depuis 1998 s'est traduite par des reports plutôt que par des engagements d'AP nouvelles.

2. Des différences de consommation entre les mesures

En ce qui concerne les autorisations de programme, alors que jusqu'en 2000, la moitié environ de celles ouvertes sur l'article 10 étaient engagées au niveau central, la quasi-totalité des AP sont aujourd'hui déconcentrées depuis la réforme des prêts bonifiés intervenue en 2001.

Seuls sont aujourd'hui engagés au niveau central les crédits consacrés aux prêts à taux zéro ainsi que certaines subventions dans le cadre du secteur pilote pour l'innovation outre-mer. Du fait de la baisse des prêts à taux zéro enregistrée au cours des deux dernières années, aucun engagement n'a été effectué à ce titre en 2003, les subventions versées étant imputées sur le reliquat des engagements des années antérieures.

Compte tenu de l'augmentation des reports constatée jusqu'en 2002, et du fait de l'importance des reliquats disponibles au niveau local liée aux difficultés de lancement de nombreuses opérations prématurément engagées entre 1997 et 2002, il a en effet été décidé d'effectuer en gestion 2003 à une remise à niveau de la dotation de la LBU, en la redimensionnant à un volume financier réaliste au regard des prévisions de réalisation.

Suite à cette remise à niveau importante, l'intégralité des AP disponibles en 2004 (287,5 millions d'euros) devrait être utilisée au cours de l'exercice.

Évolution de la consommation des autorisations de programme du chapitre 65-01

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (prév.)

AP disponibles au titre de l'exercice

- article 10

- article 20

- article 30

232,556

27,035

228,166

37,459

4,573

235,102

45,099

8,003

257,959

38,110

12,576

152,534

45,048

0

236,500

51,000

0

AP déléguées

- article 10

- article 20

- article 30

129,980

27,001

0

108,341

32,134

0

208,256

34,429

0

190,765

29,320

0

191,172

45,048

0

233,500

51

0

AP engagées

- article 10

- article 20

- article 30

102,529

0

0

110,879

0

0

21,276

0

0

12,496

0

0

-38,637

0

0

3,000

0

0

AP reportées sur l'exercice suivant

- article 10

- article 20

- article 30

0,047

0,033

8,946

5,326

3,43

5,569

10,670

8,003

54,698

3,710

11,576

0

0

0

0

0

0

En ce qui concerne les crédits de paiement, jusqu'en 2002, la dotation était supérieure aux besoins annuels du fait de l'importance de l'abondement de la LBU, jusqu'en 2001, par la créance de proratisation, pour laquelle l'intégralité des crédits de paiement nécessaire à la couverture des autorisations de programme ouvertes était inscrite dès l'année de rattachement de la créance, alors même qu'en matière de logement, les opérations s'étalent sur plusieurs exercices budgétaires.

Cette situation, qui explique l'importance des reports particulièrement sensible sur l'article 20 (la durée moyenne des opérations de RHI étant estimée de 5 à 7 ans), a pris fin en 2003, exercice au cours duquel la quasi-intégralité des crédits de paiement a été mandatée.

Evolution de la consommation des crédits de paiement du chapitre 65-01

(en millions d'euros)

Article 10

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dot LFI

70,584

83,746

130,954

126,594

131,106

148,845

160,000

LFI mouv.

207,885

180,215

210,066

217,343

207,750

176,787

159,924

Créd.consom

203,875

172,367

196,908

198,429

184,263

162,537

159,783

Taux Conso

98,07%

95,65%

93,74%

91,30%

88,70%

92,05%

99,91 %

Article 20

 
 
 
 
 
 
 

Dot LFI

 

2,927

5,854

8,781

9,147

10,671

13,000

LFI mouv.

 

4,193

28,498

53,717

59,195

55,332

8,042

Créd.consom

 

2,694

6,353

9,965

13,915

15,904

7,910

Taux Conso

 

64,25%

22,29%

18,55%

23,51%

28,74%

98,36%

Article 30

 
 
 
 
 
 
 

Dot LFI

 
 
 

4,573

4,573

1,524

0

LFI mouv.

 
 
 

4,573

6,402

7,926

0

Créd.consom

 
 
 

0

0

0

0

Taux Conso

 
 
 

Néant

Néant

Néant

Néant

D. LES CRÉDITS PROPOSÉS POUR 2005

1. La suppression de la créance de proratisation a amélioré la lisibilité du budget

Depuis la suppression totale de la créance de proratisation dans la loi de finances pour 2002, la lisibilité de l'évolution des crédits en faveur du logement est meilleure.

2. Des crédits en baisse apparente

Le projet de loi de finances pour 2005 arrête à 270 millions d'euros, le montant des autorisations de programme, et à 173 millions d'euros le montant de crédits de paiement inscrits au budget du ministère de l'outre-mer pour le logements social.

Compte tenu du nouveau dispositif de financement, sous forme d'aide fiscale, des prêts à taux zéro à compter de 2005, et de mesures d'économie de gestion, cette dotation devrait permettre de maintenir un niveau de production équivalent à celui des années précédentes.

Le coût du foncier équipé constitue un point des points de blocage majeur à un accroissement de la construction de logements sociaux dans les DOM. Pour pallier cette difficulté, les modalités de fonctionnement des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, qui ont connu une mise en place difficile, ont été aménagées en 2003 et 2004, en vue de parfaire leur efficacité. Désormais, le recours à une institution financière pour gérer les apports des différents partenaires aux FRAFU n'est plus une obligation.

Par ailleurs, à titre expérimental, une prime à l'aménagement des quartiers (PAQ), financée sur la LBU, a été instituée par la circulaire du 12 juillet 2004. Cette prime, prenant la forme d'une subvention forfaitaire par logement social programmé dans le cadre d'une opération d'aménagement initiée par une collectivité locale et sélectionnée dans le cadre d'un appel à projets lancé par les préfets, a pour objet d'encourager les communes à réaliser des opérations globales d'aménagement, prioritairement en centre urbain constitué, destinés à accueillir du logement social, mais aussi dans un souci de mixité sociale et de redynamisation urbaine, d'autres types de logements et équipements publics.

Outre les efforts budgétaires décidés pour le logement social, plusieurs mesures destinées à relancer le logement prévues dans le cadre de la loi de programme pour l'outre-mer du 1 er juillet 2003 auront des effets sensibles sur la situation du logement dès 2004 :

- les mesures de défiscalisation permettront de développer une offre de logements intermédiaires qui favorisera une plus grande mobilité dans le parcours résidentiel des ménages ;

- l'accession sociale sera favorisée par la baisse du taux de TVA pour la construction des logements évolutifs sociaux ;

- l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties permettra aux organismes bailleurs d'intensifier leur politique de réhabilitation des logements en vue de leur mise aux normes parasismiques.