M. Serge DASSAULT

V. UNE CONSTANTE POUR 2005 : 60 % DES MOYENS DU TRAVAIL DESTINÉS AUX EXONÉRATIONS DE CHARGES

A. L'INTÉGRITÉ RETROUVÉE DU BUDGET DU TRAVAIL

Le budget du travail avait subi, ces dernières années, de multiples modifications de son périmètre qui en avaient fortement restreint la cohérence, et qui nécessitaient de procéder à un calcul consolidé afin de recouvrer une vision satisfaisante du coût de la politique de l'emploi.

Depuis la disparition du FOREC, dont disposait opportunément l'article 34 de la loi de finances pour 2004, la compensation des allègements généraux de charges auprès de la sécurité sociale est à nouveau supportée par le budget du travail. Ainsi, la hausse spectaculaire des crédits pour 2004, supérieure à 100 %, correspondait à une hausse de 2,91 % dans le nouveau périmètre budgétaire.

Les tribulations du budget du travail

La politique d'allègement des charges sociales, pesant en particulier sur les emplois peu qualifiés, a connu une montée en charge progressive, notamment à partir de la mise en place, en 1993, de la ristourne dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé ».

Dans un premier temps, la compensation par le budget de l'Etat de ces exonérations de cotisations sociales avait entraîné une forte progression du budget du travail, passé de 12,87 milliards d'euros en 1993 à 22,93 milliards d'euros en 1997. Au cours de la même période, en effet, le montant des exonérations de cotisations sociales compensées était passé de 1,84 milliard d'euros à 10,17 milliards d'euros. Logiquement, une part croissante des crédits inscrits au budget du travail était consacrée au financement de ces compensations d'exonérations de charges sociales, de 14,3 % en 1993 à 44,4 % en 1997.

Puis la politique de réduction du temps de travail suivie par le précédent gouvernement à partir de 1997 l'a conduit à procéder à certaines modifications du périmètre du budget du travail.

Certes, la première modification, intervenue en loi de finances initiale pour 1999, allait dans le bon sens, puisqu'elle consistait en un transfert des crédits finançant la « ristourne Juppé » pour un montant de 6,10 milliards d'euros du budget des charges communes vers le budget du travail.

Mais à compter de 2000, la création du FOREC s'est traduite par une débudgétisation massive , le budget du travail se voyant priver, au profit de l'établissement public, des crédits destinés à compenser les exonérations générales de cotisations sociales. Cette orientation a été systématisée jusqu'en 2003, le FOREC accueillant même, à compter du 1 er juillet, le dispositif unifié de compensation d'exonération de charges sociales programmé par la « loi Fillon ».

Ainsi, le coût prévisionnel des allègements de charges financés par le FOREC en 2003 devait s'élever à 16,56 milliards d'euros, soit un montant pour la première fois supérieur à celui qui avait été prévu pour le budget du travail (15,72 milliards d'euros).

Il est possible, pour appréhender correctement l'évolution du coût de la politique de l'emploi, de reconstituer, depuis 2002, l'évolution d'un budget du travail qui aurait enregistré le coût de la compensation des exonérations prise en charge par le FOREC jusqu'en 2003.

Le tableau suivant retrace cette évolution consolidée, qui fait apparaître une stabilité globale des moyens depuis 2002 :

Evolution des moyens du travail dans le périmètre 2004

(en milliers d'euros)

 

2002

2003

2004

2005

(périmètre 2004 1 )

évolution 2005 / 2004

FOREC (droits constatés)

15 560 000

15 900 000

-

-

-

Budget du travail

16 754 000

15 724 000

32 332 085

32 943 748

1,89%

Budget du travail

32 314 000

31 624 000

32 332 085

32 943 748

1,89%

1 En majorant les crédits pour 2005 du montant de la compensation de l'exonération de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui fait l'objet d'un transfert sur le budget de l'outre-mer en 2005, les crédits correspondants s'élevant à 719 millions d'euros.

Pour 2005, compte tenu d'une inflation évaluée à 1,8 %, on observe une très faible progression en volume (+ 0,09 %) des moyens mis en oeuvre dans le périmètre 2004.

B. L'AXE MAJEUR DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI : LES EXONÉRATIONS DE CHARGES

La quasi stagnation des moyens de l'emploi en 2005 recouvre les mouvements suivants :

1°) une stagnation apparente (+ 1,3 % en valeur) des moyens mis au service de l'ensemble des dispositifs d'exonération de charges sociales, comme le montre le tableau suivant.

Evolution des moyens consacrés aux exonérations de charges

(en milliers d'euros)

 

2002

2003

2004

2005

(périmètre 2004 1 )

évolution 2005 / 2004

Allègements spéciaux

2 677 760

2 311 470

2 380 290

2 598 580

9,2%

Allègements généraux
budget du travail
(+ FOREC jusqu'en 2003)

15 560 000

15 900 000

17 100 000

17 140 000

0,2%

Total des exonérations de charges budget du travail
(+ FOREC jusqu'en 2003)

18 237 760

18 211 470

19 480 290

19 738 580

1,3%

1 En majorant les crédits pour 2005 du montant de la compensation de l'exonération de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui fait l'objet d'un transfert sur le budget de l'outre-mer en 2005, les crédits correspondants s'élevant à 719 millions d'euros.

Toutefois, compte tenu du fait que le coût des allègements généraux devrait dépasser de 600 millions d'euros celui qui est budgété en raison de l'intention affichée du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d' utiliser, à due concurrence, les reports existants , un tableau plus réaliste de l'évolution des moyens consacrés aux exonérations de charges a pu être dressé.

Evolution des moyens consacrés aux exonérations de charges, en tenant compte des reports destinés aux allègements généraux en 2005

(en milliers d'euros)

 

2002

2003

2004

2005

(périmètre 2004 1 )

évolution 2005 / 2004

Allègements spéciaux

2 677 760

2 311 470

2 380 290

2 598 580

9,2%

Allègements généraux
budget du travail
(+ FOREC jusqu'en 2003)

15 560 000

15 900 000

17 100 000

17 740 000

3,7%

Total des exonérations de charges budget du travail
(+ FOREC jusqu'en 2003)

18 237 760

18 211 470

19 480 290

20 338 580

4,4%

1 En majorant les crédits pour 2005 du montant de la compensation de l'exonération de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui fait l'objet d'un transfert sur le budget de l'outre-mer en 2005, les crédits correspondants s'élevant à 719 millions d'euros.

En réalité, les moyens consacrés aux exonérations de charge augmentent donc de 4,4 %.

Cette augmentation recouvre elle-même deux mouvements d'inégale ampleur : une très forte augmentation des ressources consacrées aux dispositifs spéciaux d'exonération (9,2 %) , et une moindre -quoique substantielle- augmentation des moyens consacrés aux dispositifs généraux d'exonération (3,7 %) ;

2°) en contrepartie, la hausse des moyens consacrés aux autres dispositifs de l'emploi est limitée à 2,8 %. Encore cette dernière est-elle imputable, et au-delà, à la mise en oeuvre de l' aide à l'emploi dans la restauration créée par l'article 10 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement, pour laquelle une mesure nouvelle de 549,5 millions d'euros a été inscrite. Sans cette mesure , les crédits du budget du travail pour 2005 hors prise en charge des exonérations se seraient élevé à 12,66 milliards d'euros, en baisse de 1,45 % .

Evolution reconstituée des moyens du travail hors exonérations de charges

(en milliers d'euros)

 

2002

2003

2004

2005

(périmètre 2004 1 )

évolution 2005 / 2004

Budget du travail (+ FOREC jusqu'en 2003, et en tenant compte des reports destinés aux allègements généraux en 2005)

32 314 000

31 624 000

32 332 085

33 543 748

3,7 %

Total des exonérations de charges
(+ FOREC jusqu'en 2003, et en tenant compte des reports destinés aux allègements généraux en 2005)

18 237 760

18 211 470

19 480 290

20 338 580

4,4 %

Part des exonérations de charge

56,4 %

57,6 %

60,2 %

60,6 %

2,8 %

Budget du travail hors prise en charge des exonérations

14 076 240

13 412 530

12 841 795

13 205 168

2,8 %

1 En majorant les crédits pour 2005 du montant de la compensation de l'exonération de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui fait l'objet d'un transfert sur le budget de l'outre-mer en 2005, les crédits correspondants s'élevant à 719 millions d'euros.

Au total, il apparaît que les exonérations de charges, qui dépassaient pour la première fois en 2004 le seuil de 60 % des moyens dévolus au travail, poursuivent pour 2005 leur progression relative, s'établissant à 60,6 % des moyens dévolus au travail compte tenu des retraitements opérés par votre rapporteur spécial.

Le tableau suivant, qui récapitule, dans le périmètre budgétaire de 2004, l'évolution des moyens consacrés à l'ensemble des dispositifs d'exonération. Les résultats qui précèdent en dérivent.

Compensation des exonérations de charges - évolution des moyens dans le périmètre 2004

(en milliers d'euros)

 

2002

2003

2004

2005

évolution

2005 / 2004

LFI 2002 LFI 2003 LFI 2004 PLF 2005

Contrats d'apprentissage

824 750

814 520

791 340

773 130

-2,3%

Contrats de qualification jeunes

423 700

411 980

363 340

176 000

-51,6%

Contrats de professionnalisation jeune

-

-

-

240 000

n.s.

Contrats de qualification adultes

31 710

3 200

0

-

n.s.

Contrats de professionnalisation adulte

-

-

-

39 200

n.s.

Contrats initiative-emploi (CIE)

427 920

142 000

47 000

90 000

91,5%

Insertion par l'économique

57 920

42 230

43 710

34 000

-22,2%

Contrats de retour à l'emploi (CRE)

9 910

9 910

9 910

10 000

0,9%

Revenu minimum d'activité

-

-

20 000

10 110

-49,5%

Allègements ciblés relevant le la promotion de l'emploi

901 850

887 630

1 104 990

1 226 140

11,0%

ALLEGEMENTS SPECIAUX

2 677 760

2 311 470

2 380 290

2 598 580

9,2%

2002 / 2003 : FOREC en droits constatés & LFI 2004 PLF 2005

Exonération de cotisation d'allocation familiale

-

-

10 000

10 000

n.s.

Ristourne bas salaires 1,3 SMIC (jusqu'au 1er juillet 2003)

4 615 000

2 138 000

0

0

n.s

Allègement « Aubry I »

2 218 000

2 073 000

890 000

300 000

-66,3%

Allègement « Aubry II » (jusqu'au

1 er juillet 2003)

8 249 000

4 190 000

0

0

n.s.

ARTT "de Robien"

478 000

530 000

408 000

100 000

-75,5%

Allègement unique « Fillon » (à compter du 1 er juillet 2003)

-

6 969 000

15 792 000

16 730 000

5,9%

ALLEGEMENTS GENERAUX

15 560 000

15 900 000

17 100 000

17 140 000

0,2%

COUT TOTAL DES EXONERATIONS DE CHARGES (budget du travail + FOREC jusqu'en 2003)

18 237 760

18 211 470

19 480 290

19 738 580

1,3%

FOREC (droits constatés)

15 560 000

15 900 000

-

-

-100%

Budget du travail

16 754 000

15 724 000

32 332 085

32 943 748

1,9%

Budget du travail (périmètre 2004)

32 314 000

31 624 000

32 332 085

32 943 748

1,89%

Part des exonérations dans le budget du travail (périmètre 2004)

56,44%

57,59%

60,25%

59,92%

-0,6%

Le tableau suivant récapitule l'évolution des moyens consacrés à l'ensemble des dispositifs d'exonération dans le périmètre budgétaire de 2005, qui correspond à la présentation gouvernementale.

Compensation des exonérations de charges - évolution des moyens dans le périmètre 2005

(en milliers d'euros)

2004

2005

évolution

2005 / 2004

Contrats d'apprentissage

791 340

773 130

-2,3%

Contrats de qualification jeunes

363 340

176 000

-51,6%

Contrats de professionnalisation jeune

-

240 000

n.s.

Contrats de qualification adultes

0

-

n.s.

Contrats de professionnalisation adulte

-

39 200

n.s.

Contrats initiative-emploi (CIE)

47 000

90 000

91,5%

Insertion par l'économique

43 710

34 000

-22,2%

Contrats de retour à l'emploi (CRE)

9 910

10 000

0,9%

Revenu minimum d'activité

20 000

10 110

-49,5%

Allègements ciblés relevant le la promotion de l'emploi

1 104 990

507 140

-54,1%

ALLEGEMENTS SPECIAUX

2 380 290

1 879 580

-21,0%

Exonération de cotisation d'allocation familiale

10 000

10 000

0 %

Allègement « Aubry I »

890 000

300 000

-66,3%

ARTT "de Robien"

408 000

100 000

-75,5%

Allègement unique « Fillon » (à compter du 1 er juillet 2003)

15 792 000

16 730 000

5,9%

ALLEGEMENTS GENERAUX

17 100 000

17 140 000

0,2%

COUT TOTAL DES EXONERATIONS DE CHARGES

18 811 640

19 019 580

1,1%

Budget du travail (périmètre 2005)

31 663 435

32 224 748

1,77%

Part des exonérations dans le budget du travail (périmètre 2005)

59,41%

59,02%

-0,7%

C. L'IMPACT DES 35 HEURES : PROBABLEMENT 10 MILLIARDS D'EUROS EN 2005

Dans le rapport d'information précité 30 ( * ) , nos collègues députés Patrick Ollier et Hervé Novelli avaient obtenu de la direction du budget une reconstitution de l'évolution du coût des allègements de charge qui aurait eu lieu sans la réduction du temps de travail instaurée par les lois Aubry.

Pour 2005, à partir de ces informations et compte tenu des inscriptions budgétaires, votre rapporteur spécial évalue à environ 10 milliards d'euros le coût des 35 heures en terme de compensation d'exonérations de charges, comme le montre le tableau suivant :

Impact de la réduction du temps de travail sur les finances publiques

(en milliards d'euros)

2003

2004

2005

« Ristourne Juppé » reconstituée

7,3

7,6

7,9

ARTT « de Robien »

0,5

0,4

0

Coût total des allègements de charge dans le scénario de référence sans RTT (A)

7,9

8

7,9

Coût effectif des allègements de charges (B)

15,9

17,1

17,7 31 ( * )

Estimation du coût des allègements de charge sans RTT (B-A)

8

9,1

9,8

Source : direction du budget et bleu « emploi et travail »

* 30 Rapport n° 1544, XII ème législature, « La France des 35 heures : une économie fragilisée, une société divisée ? » XII ème législature, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 avril 2004.

* 31 Compte tenu de l'utilisation, annoncée par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, de 600 millions de reports.