M. François TRUCY

I. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le projet de budget de la défense pour 2005 s'élève, au total, à 42,42 milliards d'euros, dont 9,5 milliards d'euros de pensions, soit un montant hors pensions de 32,92 milliards d'euros . Par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2004, la progression atteint + 1,8 % , soit + 1,6 % hors pensions, à comparer avec une hausse de 4,3 % en 2003.

Le budget de la défense pour 2005 s'inscrit résolument dans les perspectives tracées par la loi de programmation 2003-2008, mais des décrochages substantiels se font jour.

Votre rapporteur spécial se félicite que tout en participant à l'effort de maîtrise budgétaire général, le ministère de la défense veille à poursuivre l'amélioration des conditions de vie et de travail des militaires. Il remarque néanmoins que cet effort de restauration ne soustrait pas ce budget aux contraintes financières qui sont perceptibles, notamment quand l'on regarde l'évolution du titre III et des emplois.

A. UN BUDGET DE CONSOLIDATION

Dans la conjoncture budgétaire extrêmement difficile que l'on connaît, le budget du ministère de la défense reste axé sur la réalisation de la loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, mais il s'agit plus cette année de consolider les efforts entrepris que de rattraper le retard .

Certes, la France accuse un déficit budgétaire élevé, mais les raisons qui l'ont conduite à entamer sur le moyen terme la remise à niveau de notre défense sont, plus que jamais, valables. Les menaces n'ont pas diminué, bien au contraire. La multiplication des foyers de violence, la mondialisation du terrorisme soulignent la vulnérabilité des pays développés et la nécessité de se tenir prêt à réagir.

La France doit être en mesure de protéger à travers le monde ses ressortissants comme ses intérêts. Plus généralement, si notre pays veut continuer à conserver le statut de grande puissance, il doit s'en donner les moyens car il ne faudrait pas qu'un relâchement de notre effort, soit nous rende vulnérable, soit nous conduise à être à « la remorque » de la superpuissance américaine.

La sécurité coûte cher et elle doit être garantie même en temps de crise économique. Il n'en reste pas moins que cet engagement en faveur du redressement de notre effort de défense n'est pas un blanc-seing .

Le projet de budget pour 2005 est un budget de consolidation pour le titre III. C'est dire que les moyens préservés par le gouvernement ont été calculés strictement en fonction des besoins et que l'on peut relever ici ou là des signes de pression pour inciter les armées à réduire les coûts.

B. UNE CONTRIBUTION SUBSTANTIELLE À LA MAÎTRISE DE L'EMPLOI PUBLIC

Comme l'a reconnu le chef d'état major des armées, le titre III du projet de loi de finances pour 2005 a été construit sur la base d'un sous-effectif de 3 % du personnel, comme en 2004. Ce sous-effectif correspond en fait aux effectifs réalisés en 2004, qui furent contraints, essentiellement pour l'armée de terre, afin de participer à l'effort général de maîtrise du déficit public.

879 postes sont supprimés, dont 759 emplois civils.

Le décalage avec les effectifs prévus par la loi de programmation militaire atteint, en 2005, 3.809 postes.

Les armées contribuent donc très sensiblement à la maîtrise de l'emploi public en acceptant de ne pas remplacer globalement un départ à la retraite sur deux, taux pouvant aller jusqu'au non remplacement total en ce qui concerne l'armée de terre.

Il y a là un effort extrêmement appréciable qui devrait faire taire un certain nombre de critiques sur le traitement par trop privilégié des armées par le budget pour 2005. Les seules marges de manoeuvre sont obtenues par transformation d'emplois, c'est-à-dire par redéploiement.

C. DES EFFORTS À POURSUIVRE POUR PRÉSERVER L'ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS DES ARMES

Le gouvernement s'est mobilisé pour l'amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et la consolidation de la professionnalisation. Des emplois sont créés, parfois dans des proportions très appréciables comme dans le secteur médical, mais on peut se demander si cela va suffire à éliminer les déficits, surtout dans l'hypothèse où l'on connaîtrait de nouvelles tensions sur le marché du travail.

Des emplois ont été créés, des primes instaurées ou augmentées, cela doit permettre de prévenir toute hémorragie à court terme, mais la plus grande vigilance s'impose. De ce point de vue, il faut souligner que les questions financières et de conditions de travail sont importantes, mais pas toujours déterminantes. D'où l'importance des actions de communication qui sont indispensables aux armées pour qu'elles assurent le renouvellement leur personnel tant militaire que civil, nécessaire à leur vitalité.

La professionnalisation des armées exige de telles actions.

D. UNE DISPONIBILITÉ ET DES NIVEAUX D'ACTIVITÉ ENCORE PERFECTIBLE

En dépit d'une augmentation des dotations, malgré des réformes de structure d'envergure comportant notamment la création de services de maintenance spécialisés, les armées n'arrivent pas à retrouver immédiatement une disponibilité opérationnelle appréciable par suite de la politique de renoncement qui a caractérisé l'exécution de la précédente loi de programmation militaire, celle pour les années 1997-2002.

Les pourcentages dont il est fait mention, qui tournent autour de 60 % pour des matériels aussi emblématiques que les avions de combat ou les chars Leclerc, ne sont pas satisfaisants.

En outre, on ne peut qu'être inquiet pour l'avenir dès lors qu'il faudra, à la fois, faire face aux coûts considérables consécutifs à de « l'acharnement thérapeutique » sur des matériels hors d'âge tels les véhicules blindés de transport de troupe, et aux coûts liés à l'introduction de nouveaux matériels dont « l'hypersophistication » a pour contrepartie des frais de maintenance exorbitants.

E. VERS UNE BUDGÉTISATION DES OPEX...

La France est présente sur les principaux théâtres d'opérations. Elle déploie 13.324 hommes au 1 er juin 2004, et les récents évènements en Côte d'Ivoire vont sans doute contribuer à une augmentation conséquente de l'effort fourni en la matière et du surcoût pour les armées.

Le coût des OPEX pourrait être prévu en grande partie en loi de finances initiale, on ne parlerait plus alors de « surcoût » qu'en cas de reprise d'un foyer d'instabilité ou d'ouverture de nouvelles hostilités dans un pays.

Votre rapporteur spécial se félicite de ce que le présent gouvernement ait rompu avec la pratique antérieure consistant à faire financer en exécution les coûts supplémentaires liés aux opérations extérieures (OPEX) par des annulations de dépenses en capital en lois de finances rectificatives .

En 2004, le financement des OPEX devrait être assuré en grande partie par l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative.

En 2005, 75,6 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévues pour le financement des OPEX par le projet de loi de finances initiale pour 2005. Si l'on ajoute la dotation de 24,39 millions d'euros tendant au financement des rémunérations des forces stationnées de manière permanente en Afrique, ce sont près de 100 millions d'euros qui sont inscrits au budget pour 2005 au titre des OPEX.

Ce n'est pas encore suffisant au regard des 650 millions d'euros que devraient coûter les OPEX en 2004, et encore s'agit-il d'une estimation datant de juillet 2004, et ne prenant pas en compte les récents évènements. Néanmoins, votre rapporteur spécial salue l'effort réalisé cette année, qui va dans le sens d'une meilleure gestion des crédits du ministère de la défense et d'une plus grande sincérité budgétaire.