M. Adrien Gouteyron

IV. LE PROGRAMME 151 : « FRANÇAIS À L'ÉTRANGER ET ÉTRANGERS EN FRANCE »

Les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France » représentent un montant limité de 287,1 millions d'euros d'autorisations d'engagements (AE) et de crédits de paiement, dont 189,5 millions d'euros de dépenses de personnel (titre 2, en crédits de paiement), soit 66 % du total. Les emplois, exprimés en ETPT, correspondant au montant inscrit au titre 2, s'établissent à 3.398, contre 3.406 pour l'exercice 2006.

Les crédits des fonds de concours rattachés au programme 218 font l'objet d'une prévision de 180.000 euros.

Votre rapporteur spécial se félicite que le contrat de modernisation 2006-2008 ait abouti à un retour au programme 151, à hauteur de 50 %, des recettes issues des frais de visas 29 ( * ) , qui devraient enregistrer en 2006 80 millions d'euros, et en 2007 120 millions d'euros. Ceci devrait permettre de financer le développement inéluctable des visas biométriques.

Cette satisfaction exprimée, votre rapporteur spécial déplore vivement qu'un premier accroc ait été porté à ce contrat. Alors que le retour que devrait légitimement attendre le programme 151 sur les frais visas devrait représenter en 2006 40 millions d'euros, seul un montant de 24 millions d'euros, déjà acquis en loi de finances initiale pour 2006 est désormais prévu. Le programme de développement de la biométrie est ainsi fatalement amené à prendre du retard.

A. LES FINALITÉS DU PROGRAMME ET LES ACTIONS

1. Les finalités du programme

Le programme 151 a pour objet de fournir aux Français établis hors de France ou de passage à l'étranger les services des 227 postes du réseau consulaire (et des 503 consulats honoraires), d'instruire les demandes de visas, de participer à la définition et à la mise en oeuvre de la politique d'asile en s'appuyant sur l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le responsable du programme 151 est le directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France, M. François Barry-Delongchamps.

Deux opérateurs participent fortement à ce programme : l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Le programme est structuré en 2 budgets opérationnels de programme, dont un de transit des fonds vers l'OFPRA, 6 unités opérationnelles centrales et 156 unités opérationnelles locales à l'étranger.

2. La structuration en actions

Le programme est structuré en trois actions.

Action n° 1 : Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger ( 174,6 millions d'euros )

Elle a pour objet d'assurer la meilleure sécurité possible aux Français résidant à l'étranger, comme aux Français de passage, et de leur offrir des services essentiels, sans pour autant chercher à reproduire à l'étranger, à l'identique, les services de toute nature disponibles sur le territoire national .

Elle correspond à une part importante de l'activité de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France et des postes consulaires à l'étranger.

Action n° 2 : instruction des demandes de visas (63,1 millions d'euros )

Cette action a pour finalité d'organiser l'accès au territoire national des étrangers désireux de se rendre en France. Elle ne se limite pas à la seule mission de contrôle préalable d'accès au territoire, et de maîtrise des flux migratoires : elle a également pour objet, par un service rapide et de qualité, de faciliter la venue en France des personnes qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos relations bilatérales. Elle constitue un instrument de politique étrangère 30 ( * ) .

En 2005, 2.400.000 demandes de visas ont été traitées 31 ( * ) , dont un dixième a fait l'objet de refus 32 ( * ) .

Action n° 4 : garantie de l'exercice du droit d'asile ( 49,5 millions d'euros )

Cette action correspond à l'activité de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la commission de recours des réfugiés.

L'office a fait l'objet d'un contrôle sur pièces et sur place 33 ( * ) de votre rapporteur spécial en application de l'article 57 de la LOLF. Il fera un suivi attentif de l'application de ses préconisations. Le prochain conseil d'administration de l'OPFRA, fixé au 23 novembre 2006, devrait faire le point sur les suites données au rapport d'information et la politique de qualité de l'OFPRA. Un tableau de suivi des propositions sera présenté.

D'ores et déjà, afin que le Quai d'Orsay exerce une tutelle utile sur l'OPFRA, votre rapporteur spécial propose d'affecter cinq agents de l'office en ambassade, dans les cinq pays les plus exposés à la demande d'asile , afin qu'ils organisent mieux qu'aujourd'hui la liaison entre les postes à l'étranger et les services instruisant les demandes d'asile.

3. La ventilation analytique des crédits

Le programme 151 a clairement deux finalités distinctes. Il s'agit d'une part du soutien consulaire aux Français de l'étranger . Il s'agit d'autre part de la gestion des flux migratoires .

Répartition du programme entre actions, avant et après ventilation analytique

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2007 « Action extérieure de l'Etat »

Répartition du programme 151 par actions avant et après ventilation
des prestations d'appui du programme et des crédits polyvalents affectés à d'autres missions 34 ( * )

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2007 « Action extérieure de l'Etat »

B. LA JUSTIFICATION DES CRÉDITS AU PREMIER EURO

Votre rapporteur spécial souhaite attirer l'attention sur trois points particuliers de la justification au premier euro, issues des conclusions de ses missions de contrôle.

1. L'insuffisance des moyens de gestion de crise

La justification au premier euro fait apparaître 650.000 euros au titre d'une application informatique de gestion des crises. Il s'agit de moderniser l'actuelle application de gestion de crise nommée CriseTel. Ce programme a été mis en place dans le milieu des années 90 avec pour fonction unique la gestion des appels téléphoniques. Il est installé en cellule de crise sur un serveur dédié et n'est pas accessible depuis un autre site. Il est impossible de le déployer dans nos représentations à l'étranger dans des délais courts.

Le Quai d'Orsay, souhaitant tirer les leçons des récentes crises (Côte d'Ivoire, tsunami, Liban), se propose de développer un nouvel outil. Cette préoccupation rejoint celles émises par votre rapporteur spécial lors de sa communication devant la commission des finances, le 8 novembre 2006, sur le dispositif de soutien aux ressortissants français durant la crise libanaise.

Votre rapporteur spécial s'est ainsi inquiété rétrospectivement de du contraste entre le professionnalisme des agents ayant géré la crise au quotidien, à Beyrouth, et l'absence d'outils pour l'affronter. Le Quai d'Orsay manque d'outils de gestion de crise dans ses postes à l'étranger . Si le ministère est doté d'une cellule de crise, à Paris, fonctionnant dans des conditions très satisfaisantes, sous-traitant à la société Axa une partie de l'assistance téléphonique, les postes affrontent les crises de manière très artisanale. L'ambassade de France au Liban ne disposait pas, le 13 juillet 2006, au déclenchement de la crise, de logiciels ad hoc , et de système organisé, pour enregistrer les appels de nos ressortissants.

Votre rapporteur spécial propose de permettre aux voyageurs français d'enregistrer leurs coordonnées en ligne, sur le site internet du ministère des affaires étrangères, afin qu'ils puissent être joints en cas de difficulté . L'ambassade n'a pas, en effet, été en mesure de connaître le nombre de ressortissants français présents au Liban, nombre d'entre eux disposant de la  double nationalité et ayant pénétré sur le territoire avec un passeport libanais.

De plus, la coopération interministérielle est incontournable dans la gestion de crise. Il convient de mieux organiser les modalités de travail en commun entre le ministère des affaires étrangères et celui de la défense dès le déclenchement d'une crise, en évitant que le Quai d'Orsay ne duplique les structures et les outils existants au ministère de la défense .

Enfin, le ministère des affaires étrangères, dont les effectifs en administration centrale ne sont pourtant pas insuffisants, a éprouvé des difficultés à recruter des volontaires pour renforcer les équipes présentes au Liban et à Chypre. Il recommande de constituer une « réserve » de volontaires susceptibles de partir en renfort, immédiatement, pour gérer une crise.

2. La nécessaire gestion des emplois de soutien par les services administratifs et financiers uniques

Votre rapporteur spécial s'est félicité que l'action « réseau diplomatique » du programme 105 regroupe la quasi-totalité des crédits de fonctionnement déconcentrés dans le réseau diplomatique, consulaire et culturel. Ceci est de nature à donner une véritable consistance aux services administratifs et financiers uniques dans les postes à l'étranger. Ceux-ci pourront ainsi mieux gérer les moyens de fonctionnement des postes, et les mutualiser le cas échéant.

Il est nécessaire d'aller encore plus loin en leur confiant la gestion des emplois affectés à des fonctions « soutien » (gardiens, chauffeurs etc..). Votre rapporteur spécial propose ainsi d'expérimenter la gestion de ces emplois par les services administratifs et financiers uniques dans les postes qui seront peu concernés par le développement des visas biométriques, où des réallocations d'effectifs pourraient devoir intervenir en 2007. Il est ainsi proposé de transférer une enveloppe d'emplois soutien à concurrence de 3 millions d'euros pour gestion « consolidée » par les services administratifs et financiers uniques.

3. Le nécessaire renforcement des crédits alloués aux secours des Français et élèves des écoles françaises à l'étranger

Les crédits alloués aux aides aux personnes atteindraient 16,1 millions d'euros en 2007, les sociétés de bienfaisance étant dotées de 800.000 euros. Ces ressources seront très probablement insuffisantes après les évènements qu'ont connus les communautés françaises dans certains pays en crise, comme au Liban. Au cours d'une récente mission, conduite du 15 au 18 octobre 2006 dans ce pays, votre rapporteur spécial a été averti des difficultés de nombreux parents pour pouvoir acquitter, par exemple, les frais d'écolage de leurs enfants.

Il est donc proposer de revaloriser ces crédits à hauteur de 500.000 euros.

C. LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS

Le programme 151 affiche trois objectifs :

- veiller à la sécurité des Français à l'étranger ;

- assurer un service consulaire de qualité ;

-garantir l'examen des demandes d'asile conformément aux textes en vigueur.

S'agissant des deux premiers objectifs, les indicateurs proposés apparaissent satisfaisants. Votre rapporteur spécial est beaucoup moins satisfait de ceux relatifs à la demande d'asile, qu'il a été amené à étudier dans son rapport d'information sur l'OFPRA 35 ( * ) , et au sujet desquels il a proposé des évolutions, restées lettre morte. Il convient de le rappeler : les objectifs fixés ont vocation à être tenus. S'agissant de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés, il n'en sera rien, ni en 2006, ni en 2007, ni même sans doute en 2008 sans une réforme profonde, appliquée à la commission de recours des réfugiés. S'agissant d'un objectif rappelé le 14 juillet 2006 par le Président de la République en personne (60 jours pour un délai moyen de traitement de demande d'asile, 90 jours pour un délai moyen de recours), il y a là un vrai motif d'inquiétude.

1. Les objectifs de délai de traitement des demandes d'asile en 60 jours pour l'OFPRA et de 90 jours pour les recours ne seront pas tenus

L'indicateur retenu pour mesurer la performance de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés est le délai moyen de traitement d'un dossier de demande d'asile ou d'un recours. L'indicateur mesure le nombre de jours écoulés entre le dépôt d'une demande et la prise de décision la concernant.

Objectifs de délai moyen de traitement de dossiers par l'OFPRA et réalités

(en jours)

2005

2006

OFPRA : prévision

101

60

OFPRA : réalisation

108

142

Source : OFPRA

Objectifs de délai moyen de traitement de dossiers par l'OFPRA et réalités

(en jours)

2005

2006

2007

2008

CRR : prévision

284

90

90

90

CRR : réalisation

283

306

206

150

Source : commission de recours des réfugiés

S'agissant de l'OFPRA , il existe trois raisons essentielles pouvant expliquer cette augmentation:

- les dossiers haïtiens entendus lors des missions foraines répétées en 2005 en Guadeloupe, auraient fait en grande partie l'objet d'une décision au cours du premier semestre de l'année 2005, avec donc un certain retard après leur enregistrement ;

- l'office, durant l'été 2006, aurait résorbé pour une grande part ses dossiers les plus anciens. Les dossiers de plus d'un an qui représentaient 6% du stock au 1 er juillet 2006, n'en constituent plus que 2,5% au 30 octobre 2006. Le prix de cette opération certes indispensable aeu un coût très lourd en terme de délais.

- compte tenu de la baisse de la demande d'asile, l'office a réduit son nombre de dossiers en instance de 11.800 au 1er janvier 2006 à environ 8.000 au 30 octobre 2006, ce qui entraîne une dégradation mécanique de l'indicateur.

Pourtant en termes de délai, il faut rappeler que 53,2% des décisions prises en 2006 par l'OFPRA concernent des dossiers dont l'ancienneté maximale est de 3 mois.

S'agissant de la commission de recours des réfugiés , le rallongement du délai constaté est lié au type de recours ayant fait l'objet de décisions en 2006. La commission s'est attachée en 2006 à inscrire aux rôles des audiences des recours anciens pour réduire le stock d'anciens dossiers : fatalement, l'indicateur a connu une hausse.

Les deux années à venir devraient permettre une réduction des délais, mais sans jamais pouvoir atteindre le délai moyen de 90 jours. La capacité de jugement en nombre de rapporteurs de la commission de recours des réfugiés, qui était de 69,6 ETPT en début d'année 2006, puis a diminué jusqu'à 65,4 ETPT en milieu de cette même année, est actuellement de 80 ETPT. Un renforcement supplémentaire devrait permettre, en 2007, et dans l'hypothèse d'un nombre de recours en baisse de l'ordre de 10 %, de traiter les dossiers entrants et de résorber une partie du stock.

Dès lors qu'il s'agit d'objectifs politiquement sensibles, votre rapporteur spécial est conduit à s'interroger : faut-il changer les objectifs ? Faut-il modifier les indicateurs ? Faut-il revoir profondément le travail des deux organismes concernés ? Les trois pistes doivent être envisagées de concert.

En tout état de cause, comme votre rapporteur spécial le rappelait dans son rapport d'information précité, les indicateurs décrits plus haut sont insuffisants pour rendre compte de la performance des établissements et de la qualité de leur décision.

2. Les indicateurs relatifs à l'OFPRA et à la CRR doivent être complétés

Dans son rapport d'information, votre rapporteur spécial appelait à compléter les indicateurs de délai par des indicateurs liés à la qualité de la décision. S'agissant des délais d'examen, il faisait valoir que d'autres indicateurs que le délai moyen pouvait avoir de la pertinence du point de vue du Parlement.

Il en est ainsi du délai médian, mais aussi du rapport entre le nombre de dossiers en stock rapporté à la capacité d'examen ou de jugement des organismes. Il faut rappeler que les indicateurs pourraient être harmonisés avec les indicateurs des juridictions du programme 165 « conseil d'Etat et autres juridictions administratives », évalués par des indicateurs liés au « délai prévisible moyen de jugement des affaires en stocks » ou la « proportion d'affaires en stock depuis plus de x (année ou mois) ». De même, la qualité des décisions de l'OPFRA et de la CRR pourrait être analysée à l'aune d'un indicateur concernant le taux d'annulation par la CRR ou de cassation des décisions par le Conseil d'Etat.

Ce ne sont pas ces indicateurs qui ont été retenus par le responsable de programme dans le cadre des objectifs du programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France » dont dépend l'OFPRA et la CRR.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France »

- Votre rapporteur spécial se félicite que le contrat de modernisation 2006-2008 ait aboutit à un retour au programme 151, à hauteur de 50 %, des recettes issues des frais de visas. Cette satisfaction exprimée, votre rapporteur spécial déplore vivement qu'un premier accroc ait été porté à ce contrat. Alors que le retour que devrait légitimement attendre le programme 151 sur les frais de visas devrait représenter, en 2006, 40 millions d'euros, seul un montant de 24 millions d'euros, déjà acquis en loi de finances initiale pour 2006 est désormais prévu. Le programme de développement de la biométrie est ainsi fatalement amené à prendre du retard.

- Les objectifs de délai de traitement des demandes d'asile en 60 jours pour l'OFPRA et de 90 jours pour les recours devant la commission de recours des réfugiés ne seront pas tenus, ni en 2006, ni en 2007, ni même probablement en 2008. Faut-il changer les objectifs ? Faut-il modifier les indicateurs ? Faut-il revoir profondément le travail des deux organismes concernés ?

* 29 Conformément à la décision du Conseil des communautés européennes du 20 décembre 2001, le gouvernement applique des frais de dossier au moment du dépôt de la demande de visa. Ceux-ci s'élèvent désormais à 60  euro, puisque en, contrepartie du retour des frais de visas, le Quai d'Orsay a proposé à nos partenaires européens membres de l'espace Schengen, et l'a obtenu, le relèvement des frais de visas (auparavant de 35 euros). Le refus du visa ne donne lieu à aucun remboursement des frais de dossier perçus.

* 30 Verra-t-on un jour une mission interministérielle « accueil et intégration des étrangers en France », où cette action constituerait un programme à part entière, avec en outre les crédits de l'OFPRA. Figureraient dans la mission les crédits favorisant l'intégration des étrangers, ainsi que ceux relatifs aux reconduites à la frontières des personnes sans titre de séjour. Il est vrai que la disparition des actions 2 et 3 remettrait en cause l'existence même du programme 151.

* 31 Soit 100.000 de moins que l'année précédente.

* 32 Le pourcentage était d'un cinquième l'année précédente.

* 33 Rapport d'information n° 401 (2005-2006) : « l'OFPRA : impératif de performance administrative et exigences du droit d'asile ».

* 34 En logique analytique, le programme bénéficie de crédits, au prorata du poids budgétaire du programme et des ETPT, des actions soutien et réseau diplomatique du programme 105.

* 35 Rapport d'information n° 401 (2005-2006) : « l'OFPRA : impératif de performance administrative et exigences du droit d'asile ».