M. Michel Charasse

II. STRATÉGIE ET RÉFORMES INDUITES PAR LA LOLF

A. UN EFFORT DE LISIBILITÉ AVEC LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE

Cette mission est rattachée à un document de politique transversale (DPT) intitulé « Politique française en faveur du développement », qui s'est désormais substitué à l'ancien « jaune » et tient compte de l'ensemble des missions du budget général et des comptes spéciaux qui concourent à cette politique. Cette présentation doit permettre de mettre en évidence une politique transversale pilotée par plusieurs institutions (telles que le CICID) et processus communs (en particulier les stratégies sectorielles et documents cadres de partenariat ). Le chef de file de ce DPT est le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

Le DPT expose ainsi le contenu et les crédits d'APD des neuf programmes budgétaires, dont sept n'appartenant pas à la mission APD 4 ( * ) , et les trois comptes d'opérations financières extra-budgétaires qui concourent à la politique française d'aide au développement. Ces programmes témoignent des limites de la LOLF dans l'amélioration de la lisibilité de l'action gouvernementale. Ce document revêt une importance majeure, compte tenu de la multiplicité des intervenants (ministère ou opérateurs), de la difficulté du MAE à faire valoir son rôle de chef de file dans ce domaine, et de la traditionnelle discordance entre la nomenclature budgétaire et la comptabilisation des crédits d'APD au sens du CAD.

Bien qu'il comporte toujours trois axes stratégiques inchangés 5 ( * ) et treize objectifs exposés ci-après, le DPT a sensiblement évolué par rapport à celui annexé au PLF pour 2006, en cohérence avec les évolutions des indicateurs des programmes sous-jacents, qui sont désormais beaucoup mieux renseignés :

- le premier objectif comporte désormais un indicateur sur l'amélioration de l'accès à l'éducation de base, tandis que celui relatif aux secteurs prioritaires est supprimé ;

- le troisième objectif, auparavant relatif à la promotion des thèses françaises au sein des organisations et des conférences internationales, est remplacé par l'objectif « Contribuer à la gouvernance démocratique et à la consolidation de l'Etat de droit », auquel trois indicateurs (et non plus un seul) sont associés. Parallèlement, est créé l'objectif n° 7 « Garantir l'accès des jeunes Français de l'étranger à l'enseignement français et faciliter celui des élèves étrangers », auquel deux indicateurs sont associés ;

- les indicateurs de l'objectif n° 5 « Promouvoir le développement par la culture, la formation et la recherche » ont été en partie révisés, de même que ceux de l'objectif n° 6 « Contribuer au développement du Sud par le partenariat scientifique et technologique » (insertion d'un nouvel indicateur et relèvement de la cible afférente à l'indicateur de co-publications). L'objectif n° 13 (« Assurer un service culturel et de coopération de qualité ») inclut désormais deux indicateurs plus pertinents, au lieu d'un seul.

Les troisième et quatrième annexes, relatives aux prévisions de l'effort budgétaire d'APD en 2006 et 2007 et à la ventilation globale de l'APD, permettent notamment d'identifier plus clairement l'ensemble des dépenses du budget général, ventilées par mission et programme, contribuant à l'effort d'APD. Il apparaît ainsi que quatre missions, outre la mission « Aide publique au développement », contribuent de façon significative à l'APD budgétaire :

- la mission « Recherche et enseignement supérieur », pour un montant estimé à 1.192 millions d'euros en 2002, au titre de l'écolage et de la coopération en matière de recherche ;

- la mission « Solidarité et intégration », qui comprend les crédits d'aide aux réfugiés à hauteur de 440 millions d'euros en 2007 ;

- la mission « Action extérieure de l'Etat », qui contribue à hauteur de 256 millions d'euros et finance de nombreuses actions de coopération technique ainsi que, pour une part réduite, certains organismes internationaux ;

- la mission « Outre-mer », désormais identifiée dans la ventilation au même titre que la mission « Sécurité » (dont la contribution à l'APD est évaluée à 18 millions d'euros en 2007), pour un montant estimé à 230 millions d'euros.

Indépendamment des observations formulées plus haut sur l'écart entre la comptabilisation budgétaire et la notification de l'APD au CAD, votre rapporteur spécial juge ce document éclairant et satisfaisant mais formule les réserves suivantes :

- l'objectif n° 7 (« Garantir l'accès des jeunes Français de l'étranger à l'enseignement français et faciliter celui des élèves étrangers ») et son premier indicateur ne sont qu'indirectement reliés à l'évaluation de l'APD et révèlent une appréhension ambiguë de l'apport des établissements d'enseignement français à l'étranger ;

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'Etat » n'est pas retenu dans la liste des programmes concourant à la politique transversale d'APD, bien que sa quote-part d'APD soit la plus élevée des programmes de cette mission ;

- l'indicateur de type « sondage » de l'objectif n° 9 « Améliorer la qualité de la contribution du ministère de l'écologie et du développement durable à l'action internationale de la France » est anecdotique, sujet à caution dans sa méthodologie, et trop éloigné de la mesure de la performance de l'APD. Votre rapporteur spécial préconise la suppression de cet objectif et de son indicateur ;

- les prévisions d'APD ventilées par type d'activité sont plus floues que dans les « jaunes » antérieurs , du fait de l'apparition d'une ligne « Divers », de la suppression de la distinction de l'APD apportée aux Etats étrangers (donc hors TOM) et de l'absence de distinction, au sein de l'aide multilatérale, entre les concours aux banques et fonds multilatéraux et aux institutions des Nations Unies ;

- les informations relatives aux annulations de créances Coface sont à peine enrichies par rapport à celles du DPT de 2006 ; le questionnaire budgétaire constitue donc un complément indispensable.

B. LES OUTILS DE PILOTAGE ET DE COORDINATION DE L'AIDE

1. Les dernières orientations du CICID

Le CICID, qui se réunit au moins une fois par an, a validé en 2004 et 2005 un certain nombre d'orientations stratégiques pour l'APD française, qui répondent en partie à certaines des critiques et recommandations formulées par l'OCDE dans l' « examen par les pairs » de l'aide française, achevé en mai 2004. Les conclusions du CICID du 19 juin 2006 ont plus particulièrement porté sur les points suivants :

- le lancement d'une nouvelle série de projets de co-développement en appui aux initiatives des migrants ou de leurs associations (pour un montant de 22 millions d'euros) et l'organisation, avant la fin de l'année 2006, d'une conférence rassemblant tous les acteurs français concernés ;

- la mise en place d'un « compte épargne codéveloppement » permettant des déductions fiscales pour les migrants qui investissent dans le développement économique de leur pays d'origine.

- l'intégration de l'ensemble des pays d'Afrique sub-saharienne n'appartenant pas à la ZSP dans le champ d'intervention des prêts de l'AFD. Des documents cadres de partenariat (DCP) seront élaborés pour tous ces pays ;

- l' extension, à titre expérimental, des activités de l'AFD en Inde et au Brésil et poursuite de ses interventions en Indonésie et au Pakistan , dans le cadre de la préservation des « biens publics mondiaux ». Un bilan sera réalisé par le CICID en 2008 pour décider des suites à donner à cette activité ;

- la création de « l'Alliance pour le développement », placée sous la responsabilité du MAE, qui interviendra dans les domaines de la santé, de l'assainissement et de l'accès à l'eau.

- la mise en oeuvre du plan d'action interministériel de sensibilisation de l'opinion publique sur le développement sera coordonnée par le ministre chargé de la coopération, qui en assurera également le suivi. Ce plan prévoit la mise en place d'un logo unique pour toutes les actions menées par le dispositif de l'Etat à l'étranger et la création d'une « lettre du développement » interministérielle sur support électronique.

2. Des instruments de coordination destinés à pallier la multiplicité des intervenants

Depuis 2004 et en application des décisions du CICID, un certain nombre d'outils a été mis en place pour renforcer la programmation stratégique de l'aide et la cohérence des intervenants :

- les documents-cadre de partenariat ( DCP ) : le CICID a décidé la mise en place de 30 DCP, puis leur extension à l'ensemble des pays de la ZSP. Validés par la COSP, ces documents constituent, pour chaque pays, l'instrument de cadrage pluriannuel (pour une durée de 5 ans) de l'APD française, et tendent à renforcer la concentration sectorielle de l'aide affectée à la réalisation des OMD. Depuis septembre 2005, 16 DCP ont été signés 6 ( * ) , dont l'essentiel concerne les pays africains de la ZSP 7 ( * ) . Ces DCP feront l'objet d'une revue annuelle .

Pour chaque DCP, deux ou trois secteurs doivent normalement être sélectionnés parmi les sept secteurs faisant l'objet d'une stratégie validée par le CICID (cf. infra ). Votre rapporteur spécial constate cependant que trois DCP (Cameroun, Madagascar et Maroc) mettent en exergue quatre secteurs de concentration . Si la négociation de ces DCP peut être tributaire des circonstances politiques locales, elle ne doit pas pour autant aboutir à une dispersion de l'aide pour satisfaire les autorités locales mais plutôt à la définition de réelles priorités , la France n'étant pas en mesure d'aider significativement un champ vaste de pays dans tous les secteurs ;

- les sept stratégies sectorielles : le CICID a validé les stratégies afférentes aux sept secteurs que sont l'éducation, l'eau et l'assainissement, la santé et la lutte contre le VIH/SIDA, l'agriculture et la sécurité alimentaire, le développement des infrastructures, la protection de l'environnement et de la biodiversité, le développement du secteur productif. Une stratégie pour la gouvernance doit également être mise en place par la DGCID ;

- la Conférence d'orientation stratégique et de programmation ( COSP ) : préparée par le co-secrétariat du CICID, elle réunit les acteurs publics de l'APD française et le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), sous la présidence du ministre chargé de la coopération ;

- les conventions d'objectifs et de moyens conclues avec les opérateurs. Outre l'AFD (cf infra ), une convention a été conclue avec l'Association française des volontaires de progrès (AFVP), et deux autres sont encore en cours de négociation avec FCI et CulturesFrance (issue de la fusion de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française). Deux autres conventions sont prévues en 2007 avec le CIRAD et l'IRD, initiative que salue votre rapporteur spécial , compte tenu du flou qui entoure parfois leurs actions de recherche et leur contribution à l'APD ;

- la modernisation des instruments de pilotage et de gestion de l'AFD : révision des statuts par le décret n° 2006-530 du 9 mai 2006 ; plan d'affaires pour 2006 en application du plan d'orientation stratégique ; projet de convention cadre entre l'Agence et ses trois ministères de tutelle (soumis à l'approbation du conseil de surveillance du 12 octobre 2006) ; contrats d'objectifs avec le MINEFI et le MAE pour les années 2006 à 2008 8 ( * ) ; cadres d'intervention pays déclinant pour l'Agence les axes retenus dans les DCP ; recours accru aux évaluations externes ; réunions trimestrielles avec la DGCID pour faire le bilan des chantiers stratégiques en cours et à venir ; établissement d'un programme annuel de recherche et d'études, conjointement avec le MAE et le MINEFI.

Votre rapporteur spécial rappelle que la formalisation de la convention cadre et des contrats d'objectifs liant l'AFD à ses tutelles a pris du retard et s'est étalée sur plus de deux ans . Les projets qu'il a eu l'occasion de consulter lui semblent néanmoins satisfaisants. Il regrette cependant que les statuts de l'AFD ne prévoient pas, par parallélisme des formes avec l'Assemblée nationale, un membre supplémentaire issu du Sénat au sein du conseil de surveillance.

3. La poursuite des transferts sectoriels et de la réforme de l'assistance technique

Rappelons que le CICID de juillet 2004 a élargi la compétence opérationnelle de l'AFD , qui s'étend désormais aux secteurs suivants : agriculture et développement rural, santé et éducation de base, formation professionnelle, environnement, secteur privé, infrastructures et développement urbain. Le MAE intervient quant à lui dans les secteurs suivants, notamment via le FSP : soutien à l'Etat de droit, à la réforme de l'Etat, à la gouvernance institutionnelle et financière et à la définition des politiques publiques, soutien à la coopération décentralisée et non gouvernementale, appui à la francophonie et à l'enseignement du français, coopération culturelle et scientifique, formation et enseignement supérieurs, recherche.

Cette redéfinition des secteurs de compétence a conduit au transfert à l'Agence de 47 projets du FSP en 2005 et 8 projets en 2006 , pour un montant total de 90 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 19,6 millions d'euros de crédits de paiement. En outre, 320 assistants techniques (dont 136 vacants) seront in fine , d'ici fin 2008, transférés à l'AFD, qui s'est engagée à maintenir le potentiel de l'assistance technique résidentielle.

Le CICID a également précisé la doctrine d'action en matière d'assistance technique . Il a notamment clarifié les principes de financement et de gestion de l'assistance technique (désignée par les termes d' « experts techniques internationaux » - ETI) mise en oeuvre par l'AFD sur crédits délégués du MAE. Le groupement d'intérêt public France Coopération Internationale ( FCI ) est placé au service de l'ensemble de l'assistance technique française, et est plus particulièrement chargé de recruter et de gérer les ETI financés par l'AFD . Il est ainsi prévu que FCI procède au recrutement de 72 ETI en 2006. Il s'agit d'un véritable défi pour FCI 9 ( * ) , compte tenu de l'inadaptation de son organisation et de ses moyens 10 ( * ) , qui prévalait jusqu'au premier semestre de 2006, ainsi que votre rapporteur spécial l'a constaté à l'occasion de sa mission de contrôle budgétaire en mars 2006.

Il reste que, compte tenu des nouvelles facultés de choix et de maîtrise de l'assistance technique dont bénéficient les autorités locales, l'offre française doit être financièrement compétitive , la qualité reconnue des experts publics français n'étant pas nécessairement telle qu'elle justifie un surcoût élevé. A cet égard, votre rapporteur spécial déplore qu'aucune étude comparative n'ait été conduite sur le coût et le régime juridique de l'expertise publique française par rapport à celle des principaux bailleurs . Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le MAE reconnaît cependant que « ce sujet mériterait d'être approfondi ».

4. Les efforts d'amélioration du pilotage exercé par la DGCID

L'année 2006 a été marquée par des changements importants dans l'organisation de la DGCID , destinés à prendre en compte l'évolution du rôle du MAE dans la coopération internationale et le développement, la montée en puissance en la matière des acteurs non gouvernementaux et à rationaliser l'action de la DGCID à l'étranger, à travers son réseau.

La direction des politiques du développement (DPDEV) a été créée suite à la réforme de la coopération décidée par le CICID en mai 2005. Elle regroupe la direction du développement et de la coopération technique et le bureau chargé de la stratégie et des affaires multilatérales.

Une sous-direction de la coordination géographique a également été constituée au sein du service transversal des moyens et du réseau (qui inclut également la sous-direction de la programmation et des affaires financières ainsi que les bureaux de la communication de l'évaluation). Elle procède de la fusion des chargés de mission géographiques auprès du directeur général et des bureaux dits « stratégies-pays » et permet à la DGCID de disposer d'une entrée géographique unique, cohérente et lisible.

En appui aux acteurs non étatiques de la coopération, la coopération décentralisée et l'action internationale des ONG font désormais l'objet d'un suivi séparé , sous la responsabilité de deux structures distinctes qui ont vocation à mobiliser les moyens destinés à mieux accompagner les acteurs concernés tout en veillant à la bonne articulation de leurs actions avec celles de l'Etat. La Délégation à l'action extérieure des collectivités locales (DAECL) remplace ainsi le bureau de la coopération décentralisée de l'ancienne mission pour la coopération non gouvernementale. Elle intègre dorénavant le délégué à l'action extérieure des collectivités locales, qui était jusqu'à présent rattaché au secrétaire général et qui se trouve ainsi rattaché à la DGCID

La Mission d'appui à l'action internationale des organisations non gouvernementales ( MAAIONG ) a également été créée pour suivre l'action des ONG. Elle contribue notamment à unifier 11 ( * ) l'instruction et le contrôle des dossiers de subventions, auparavant séparés entre le bureau des ONG (instruction des dossiers et examen des rapports techniques d'exécution des projets) et celui des affaires générales (réception des comptes-rendus financiers d'exécution). D'autres mesures concrétisant les recommandations de la Cour des comptes ont été mises en oeuvre.

Enfin la DGCID a poursuivi la restructuration de son réseau culturel et de coopération .

* 4 Le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat », créé par la loi de finances pour 2006, est désormais inscrit dans ce DPT.

* 5 « Mettre en oeuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies », « Promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français », et « Gérer l'aide publique au développement de façon efficiente ».

* 6 Le premier DCP a été signé avec le Cambodge en octobre 2005.

* 7 Bénin, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Djibouti, Gabon, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Maroc, Mozambique, Sénégal, Tchad, Tunisie et Vanuatu.

* 8 Ces contrats d'objectifs, présentés au conseil de surveillance de l'Agence lors de sa réunion du 12 octobre 2006, comportent chacun une dizaine d'objectifs opérationnels et d'indicateurs associés.

* 9 Cf. rapport d'information n° 346 (2005-2006) « Opérations de contrôle budgétaire effectuées dans le Pacifique, les Grandes Antilles et auprès du GIP France coopération internationale ».

* 10 De fait, FCI n'a pas été en mesure, en 2006, de présenter systématiquement pour chaque poste plusieurs candidatures, comme pouvaient l'espérer les maîtrises d'ouvrage locales.

* 11 Dans le cadre du suivi de l'enquête demandée à la Cour des comptes par la commission des finances et portant sur les subventions accordées par le ministère aux ONG françaises.