M. Jacques Baudot

III. LE PROGRAMME 169 « MÉMOIRE, RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT »

A. FINALITÉ ET PRÉSENTATION DU PROGRAMME

1. La finalité du programme

Il recouvre l'ensemble des prestations bénéficiant aux :

- anciens combattants des guerres de 1914-1918, 1939-1945, Indochine, Algérie, des combats de Tunisie et du Maroc, des opérations extérieures (OPEX) ;

- victimes civiles ;

- militaires de carrière et appelés ;

- victimes d'attentats terroristes ;

- leurs ayants cause (conjoints survivants, orphelins et ascendants).

Le responsable du programme est le secrétaire général pour l'administration de la défense, M. Christian Piotre, et sa mise en oeuvre incombe à la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) et aux services déconcentrés qui lui sont rattachés, notamment les 18 directions interdépartementales des anciens combattants.

2. Les opérateurs

Deux établissements publics apportent leur concours à la réalisation du programme :

- l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) chargé de l'action sociale en faveur du monde combattant et de la délivrance de la plupart des cartes et titres d'anciens combattants et victimes de guerre ;

- l'Institution nationale des Invalides (INI) dont la mission est l'accueil des plus grands invalides et la mise en oeuvre de soins orientés sur le handicap.

3. La structure

L'action 1 : « Administration de la dette viagère » recouvre les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant.

L'action 2 : « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité » concerne les droits ouverts à des titulaires d'une pension militaire d'invalidité, soit :

- les soins médicaux gratuits ;

- l'appareillage ;

- les réductions sur les transports pour certains pensionnés ;

- le financement du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre.

La DSPRS gère les crédits et propose la politique. Elle assure, grâce au centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) un rôle d'information, de formation, de normalisation, d'évaluation technique qui a une portée interministérielle.

L'Institution nationale des Invalides dispose d'un atelier d'appareillage spécifique qui développe une coopération avec celui du CERAH.

L'action 3 : « Solidarité » recouvre les prestations et les avantages particuliers ouverts au titre de la solidarité aux pensionnés ou titulaires d'un titre d'ancien combattant ou victime de guerre, notamment la majoration des rentes mutualistes. L'Observatoire de la santé des vétérans (OSV), de création récente, lui est rattaché. Cette rubrique recouvre également les subventions pour charges de service public versées aux deux établissements publics opérateurs, l'ONAC et l'INI.

L'action 4 : « Entretien des lieux de mémoire » concerne l'entretien courant des monuments et des lieux de la mémoire combattante, tant sur le territoire national qu'à l'étranger.

Enfin, l'action 5 : « Soutien » regroupe les dépenses directes de soutien des actions 1, 2 et 3 et les dépenses d'administration générale des actions 1, 2, 3 et 4 du programme.

B. LA « RENTE » FISCALE

Les dépenses fiscales accordées aux anciens combattants figurent toutes dans ce programme. Elles interviennent en complément du dispositif de reconnaissance de la Nation à leur égard. A ce titre, même si certaines ne répondent pas, pour tous les bénéficiaires, à un besoin social, il parait difficile d'envisager leur remise en cause. Il convient cependant de continuer à s'interroger sur l'absence d'évaluation pour deux d'entres elles. Pour 2007, leur impact, pour celles qui sont chiffrables, est évalué à 525 millions d'euros, soit 15,8 % des crédits de la mission.

C. L'ÉVOLUTION DES MOYENS

Ce programme disposera de 3.329 millions d'euros en crédits de paiement, en diminution de 1,9 % par rapport au projet de loi de finances pour 2006. Cette baisse de 65 millions d'euros des crédits de paiement ne traduit que partiellement la diminution des bénéficiaires de la dette viagère dans la mesure où la moyenne d'attribution à chaque ressortissant progresse de 2,25 %.

Les dépenses d'intervention, qui s'établissent à 3.329 millions d'euros 6 ( * ) , et représentent 96,7 % du total, diminuent de 63 millions d'euros (- 1,8 %). Les dépenses de personnel (titre 2) et les dépenses de fonctionnement qui augmentent respectivement de 8,3 % et 1,7 % se partagent le reste de ces crédits.

Le projet de loi de finances pour 2007 permet de poursuivre l'augmentation des aides allouées par l'ONAC en matière de secours, d'aide ménagère et de prise en charge des frais d'aménagement pour le maintien à domicile des ressortissants âgés à mobilité réduite, notamment en faveur des veuves d'anciens combattants. Ces aides s'élèveront à 13,6 millions d'euros (contre 13,1 millions d'euros en 2006).

Il convient également, de relever que l'article 43 rattaché (voir sa présentation en fin de rapport) propose de relever à nouveau de 2 points d'indice le montant de la retraite du combattant, à compter du 1 er janvier 2007. Le coût de cette mesure est estimé à 40 millions d'euros.

Après de nombreuses années marquées par une certaine stabilité, la dotation au titre de l'appareillage a été réévaluée pour une somme globale de 9,8 millions d'euros afin d'assurer un meilleur remboursement de l'appareillage des grands mutilés.

Le soutien aux opérateurs de l'Etat est confirmé, les variations constatés résultant surtout, d'une part, de l'arrivée à terme d'investissements pour l'ONAC et, d'autre part, de la prise en compte de nouveaux investissements pour l'INI :

- la subvention versée à l'ONAC s'établit à 35,9 millions d'euros (36,17 millions d'euros en 2006).

- la dotation de l'Etat à l'INI s'élève à 9,7  millions d'euros (9,8 millions d'euros en 2006).

Enfin, même si elle n'est pas inscrite dans le projet de budget pour 2007, la décristallisation complète des "prestations du feu", c'est-à-dire des retraites du combattant et des pensions militaires d'invalidité des anciens combattants de l'armée française citoyens des Etats anciennement placés sous souveraineté française, a été annoncée, lors du Conseil des ministres du 27 septembre dernier. Elle mettrait les prestations perçues par ces anciens combattants au niveau de celles versées en France et prendrait effet au 1 er janvier 2007. Son coût, en année pleine, est évalué à 110 millions d'euros. La mesure devrait concerner 80 000 bénéficiaires.

D. LES EFFECTIFS

Le plafond d'emplois du programme 169, pour 2007, s'établit à 1.352 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Il bénéficie également de 1.810 ETPT hors plafond d'emplois du ministère et rémunérés par les opérateurs qui lui sont rattachés :

- 1.404 ETPT pour l'ONAC,

- 406 ETPT pour l'INI.

E. OBJECTIFS ET INDICATEURS

Les prestations relevant du programme étant ouvertes de droit, et la population concernée ne devant que diminuer, des objectifs révélant l'évolution du coût et de la qualité du service rendu ont été retenus avec des indicateurs de coût, de délais et d'adéquation des effectifs à la charge de travail. Ces indicateurs portent sur les domaines d'intervention les plus significatifs du programme.

Pour les pensions et retraites du combattant les 3 indicateurs sont pertinents, à l'instar du nombre moyen de dossiers traités par agent ou du délai moyen de traitement d'un dossier de pension. Pour le règlement des soins médicaux gratuits et les prestations d'appareillage 3 indicateurs du même type ont été retenus.

En ce qui concerne les indicateurs visant les deux opérateurs :

- pour l'ONAC, le nombre moyen de dossiers de cartes et titres traités par agent est un bon indicateur de productivité. La mesure de la dépense moyenne par acte de solidarité est limitée aux instructions des demandes de secours ;

- pour l'INI, la valeur cible retenue pour l'indicateur de coût reste tributaire de données nationales, trop généralistes au regard de la spécificité son activité hospitalière. Quant à l'indicateur de satisfaction des patients il a été abandonné.

F. LES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LES COMMISSIONS DES FINANCES ET DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Ces commissions ont adopté trois amendements de modification de la répartition des crédits de la mission en faveur de ce programme 169 par prélèvement sur le programme 167.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté un amendement visant à financer, pour 5 millions d'euros, la création d'une allocation différentielle spécifique pour les veuves d'anciens combattants et un amendement pour relever le plafond majorable de la rente mutualiste de 2,5 points d'indice pour un montant de 4,45 millions d'euros.

La commission des finances a adopté également un amendement visant ce dernier objectif, mais relevant ce plafond de 7,5 points d'indice pour un montant de 42,05 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial sera attentif aux décisions prises en séances publiques à l'Assemblée nationale, sur ces amendements, et vous fera part de son avis lors de la réunion de notre commission du 23 novembre, portant sur l'examen définitif du projet de loi de finances pour 2007.

Les principales observations de votre rapporteur spécial sur le programme 169

« Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant »

- La baisse de 65 millions d'euros des crédits de paiement ne traduit que partiellement la diminution des bénéficiaires de la dette viagère dans la mesure où la moyenne d'attribution à chaque ressortissant progresse de 2,25 %.

- La progression des crédits destinés aux actions de solidarité de l'ONAC, à l'attention des anciens combattants et de leurs ayants cause, est poursuivie. Ces aides s'élèveront à 13,6 millions d'euros (contre 13,1 millions d'euros en 2006). Pour avoir participé aux travaux du groupe de travail sur la situation des veuves, votre rapporteur spécial sait combien l'action de l'ONAC est déterminante envers cette population particulièrement fragile.

- Votre rapporteur spécial apprécie, également, l'abondement des crédits d'appareillage, notamment en faveur des grands mutilés, pour une somme globale de 9,8 millions d'euros.

Principalement, au regard de la somme qu'il engage , il convient de se réjouir que le processus de décristallisation des pensions des anciens soldats coloniaux , entamé voici 2 ans par le ministre, ait reçu le soutien du Président de la République et trouve ainsi son aboutissement . Cette mesure qui interviendrait à la suite du dépôt d'un amendement gouvernemental déposé à l'Assemblée nationale, prendrait effet au 1 er janvier 2007, coûterait en année pleine 110  millions d'euros et devrait concerner près de 80 000 bénéficiaires.

- Les anciens combattants bénéficient de dépenses fiscales accordées en complément du dispositif de reconnaissance de la Nation à leur égard. A ce titre, même si certaines ne répondent pas, pour tous les bénéficiaires, à un besoin social il parait difficile d'envisager leur remise en cause. Il convient cependant de s'interroger sur l'absence d'évaluation pour deux d'entres elles.

- L'évolution du plafond de la rente mutualiste est restée en sommeil depuis le bond de revalorisation de 7,5 points en 2003. Votre rapporteur spécial continue à regretter l'abandon du principe d'une augmentation annuelle qui mettait fin à toute polémique sur le sujet.

- Tout aussi regrettable est le retard pris dans le traitement du dossier "campagne double". Le dysfonctionnement administratif qui a conduit au dépôt différé du rapport rédigé par l'inspecteur général Gal sur le bureau du Conseil d'Etat a été mal ressenti par les associations d'anciens combattants. Il semble, à votre rapporteur spécial, qu'il aurait été judicieux de diffuser ce rapport, ce qui, dans l'attente de l'avis du Conseil d'Etat, aurait permis à chacun de se forger un avis sur le dossier.

- Votre rapporteur spécial appelle également votre attention sur le cas des militaires participants aux opérations extérieures (OPEX) qui souhaiteraient, par alignement sur ce qui a été accordé, il y a quelques années, aux anciens combattants d'AFN, se voir attribuer la carte du combattant dès 4 mois d'intervention. Plusieurs raisons plaident en faveur d'une telle décision.

Premièrement, la spécificité de leur mission de sécurisation et de pacification rend inapplicable la règle des actions de feu et d'unités combattantes qui sont actuellement exigées. Deuxièmement, lorsque ces hommes seront en âge de faire valoir leurs droits, dans une vingtaine d'année à peu près, le nombre de ressortissants aura naturellement et inévitablement beaucoup diminué. L'effort budgétaire sera alors plus aisément supportable, d'autant qu'ils ne sont pas très nombreux comparés aux contingents de combattants engagés dans les conflits passés. Enfin, et troisièmement, ils seront, dans l'avenir, la mémoire vivante de l'histoire contemporaine et notre passé militaire ne reposera plus que sur leurs épaules.

- Enfin, il convient de s'inquiéter de l'entretien des lieux de mémoire, notamment à l'étranger. Sans anticiper, sur les résultats définitifs du contrôle sur l'état des lieux de mémoire qui sera présenté au premier trimestre 2007, votre rapporteur spécial souhaite sensibiliser les pouvoirs publics, sur ce problème, dès la discussion budgétaire pour 2007. Il demeure choqué, pour ne pas dire traumatisé, de ce qu'il a pu constater, essentiellement en Algérie, lors des déplacements qu'il a effectués dans le cadre de cette mission de contrôle. Si tout ne peut être parfait partout, il est des choses qu'un pays comme le nôtre ne peut accepter.

Les cimetières militaires et civils étant souvent confondus, il est impossible de se satisfaire du relatif entretien des uns sans se soucier de l'état de délabrement des autres. Si en ce qui concerne les carrés et sépultures militaires le ministère a entrepris une politique de restauration considérable, qui doit être encouragée, l'état des cimetières civils ne peut être occulté. Il est de l'honneur de notre pays de faire respecter ses morts et votre rapporteur spécial attend, qu'en accord avec le ministère des Affaires étrangères, un plan de réhabilitation de ces sites soit élaboré et qu'ils soient à l'avenir préservés, afin que nos compatriotes aient des sépultures décentes et que leurs familles retrouvent un minimum de sérénité.

Certes, le problème de la dégradation des cimetières en Algérie, à l'instar du carré militaire de Mers el Kébir, est en partie la conséquence de la situation de guerre civile subie par ce pays, à partir de 1994 et ce pendant une dizaine d'années. Indépendamment du retour en France du personnel du ministère pendant la durée de la crise qu'elle a entraîné, elle a surtout mis en évidence le dysfonctionnement de notre système de préservation des lieux de mémoire.

En effet, l'action dans ce domaine s'appuie sur deux directions du ministère de la défense la DMPA et la DSPRS dont les moyens relèvent par ailleurs de deux programmes différents de la mission le 167 et le 169, situation que votre rapporteur spécial a déjà déploré l'an dernier. A cela s'ajoute le fait que les interventions et contrôles s'effectuent, pour la majorité des lieux de mémoire situés à l'étranger, par délégation de responsabilité et de crédits au ministère des affaires étrangères. Le moins que l'on puisse en penser est que cette préoccupation, sauf dans le cas de la présence d'un attaché de défense à la fois motivé et efficace, ne figure pas parmi les priorités du personnel diplomatique. Ce fonctionnement est également tributaire de la rotation fréquente de ces personnels.

Dans l'état actuel de ses réflexions, votre rapporteur spécial suggère, pour l'entretien des lieux de mémoire, que l'on s'inspire davantage des systèmes mis en place par les pays étrangers, notamment les anglo-saxons, et que l'on s'oriente vers un recentrage de cette fonction tout en la dotant de moyens permettant d'assurer un suivi sur place et des entretiens plus systématiques.

* 6 Dont 2.782,1 millions d'euros pour l'administration de la dette viagère, 272,7 millions d'euros pour la gestion des droits liées aux pensions militaires d'invalidité et 243,6 millions d'euros pour la solidarité.