M. Roland du LUART

IV. LE PROGRAMME 182  « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE »

A. UN PROGRAMME ORIENTÉ VERS LES MINEURS DÉLINQUANTS ET LES  « JEUNES MAJEURS »

Le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ) assure la mise en oeuvre des mesures d'investigations et éducatives prescrites par l'autorité judiciaire pour les mineurs délinquants ou en danger . Il concerne aussi la protection des « jeunes majeurs » (18 à 21 ans) en grande difficulté.

Les services chargés de la mise en oeuvre du présent programme, complément du programme « Justice judiciaire », doivent coordonner leurs interventions avec celle des conseils généraux ainsi que de divers partenaires publics ou privés .

L'action n° 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » concerne la mise en oeuvre des mesures éducatives intervenues dans le cadre d'une décision pénale se rapportant à des mineurs. Ces mesures sont financées par l'Etat à 100 %, dans les secteurs public et associatif.

L'action n° 2 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » concerne les mesures d'assistance éducative pour les mineurs en danger. Elle a également trait aux mesures prises en faveur des jeunes majeurs ayant sollicité une poursuite de l'action éducative.

S'agissant des mineurs en danger, l'Etat finance les mesures exécutées dans le secteur public ainsi que celles pour l'investigation, l'orientation éducative et les enquêtes sociales exécutées par le secteur associatif. Les départements couvrent les dépenses exécutées par les services d'aide sociale à l'enfance et par le secteur associatif (placement direct).

Les mesures nécessaires aux jeunes majeurs en difficulté sont prises en charge par l'Etat à 100 % dans les secteurs publics et associatifs.

Les mesures susceptibles d'être prises, selon les situations et les publics concernés, sont les suivantes : investigations et enquêtes préalables, prise en charge (avec maintien dans le milieu familial, dans des structures de placement, ou au sein d'un établissement pénitentiaire).

L'action n° 3 « Soutien » concerne la fonction support du présent programme et l'action n° 4 « Formation » se rapporte à celle assurée par le Centre national de formation et d'études (CNFE) et ses neufs pôles territoriaux de formation.

B. LA PRÉPONDÉRANCE DE L'ACTION « MISE EN oeUVRE DES MESURES JUDICIAIRES : MINEURS DÉLINQUANTS »

L'action n° 1 relative aux mesures à l'égard des mineurs délinquants absorbe près de la moitié (48,9 %) des moyens du programme et l'action n° 2, ayant trait aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs, en consomme près du tiers (33,2 %).

C. DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN PROGRESSION DE + 8 %

Le présent programme comporte, hors fonds de concours 49 ( * ) , 821,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 799,7 millions d'euros en crédits de paiement, en progression respectivement de + 11 % et de + 8 % (63,7 millions d'euros).

Les dépenses de personnel (titre 2) augmentent de 21 millions d'euros, soit + 5,6 % . Les rémunérations d'activité progressent de 14,5 millions d'euros, soit 6,1 %, en raison, notamment, de la création d'emplois en lien avec l'ouverture de nouveaux quartiers pour mineurs, de nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) et de nouveaux établissements pour mineurs. Les cotisations et contributions sociales augmentent, pour leur part, de 7,2 millions d'euros (+ 5,6 %), tandis que les prestations sociales et allocations diverses régressent de 0,7 million d'euro (- 11,3 %).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) augmentent de 42,8 millions d'euros (soit + 12,7 %). Cette hausse des crédits de fonctionnement s'explique, pour une grande part, par la croissance des crédits consacrés à l'action n° 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » qui progressent de 33,6 millions d'euros, soit + 21,4 % . Cette évolution est due, notamment, à l'augmentation des crédits nécessaires au fonctionnement des CEF, qui constituent l'un des objectifs prioritaires de la LOPJ et bénéficieront d'une dotation de 55,9 millions d'euros en 2007 . L'action n° 2 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » voit, de son côté, ses crédits de paiement augmenter de 9,8 millions d'euros (+ 6,2 %).

Les crédits d'investissement (titre 5) s'élèvent à 22,1 millions d'euros et enregistrent un léger recul  (- 2,6 %) qui recouvre, notamment, deux évolutions en sens contraire. D'une part, une baisse des dépenses d'investissement de l'action n° 3 « Soutien » (- 28,3 %), et, d'autre part, un progrès de celles liées à l'action n° 4 « Formation » (+ 45,4 %). En particulier, 9 millions d'euros de crédits de paiement sont affectés au financement des travaux de construction de l'école nationale de la PJJ (ENPJJ) à Roubaix (le site actuel étant à Vaucresson).

Les dépenses d'intervention (titre 6) restent stables à 3 millions d'euros.

D. LA NÉCESSITÉ DE RÉSORBER LE PASSIF NÉ DES REPORTS DE CRÉDITS CONCERNANT LE SECTEUR ASSOCIATF HABILITÉ (SAH)

Comme en 2005, le présent programme a fait l'objet de mesures de régulation budgétaire au cours de l'exercice 2006. Cette régulation a porté, au 30 juillet 2006, sur un montant total de 2,5 millions d'euros, une première annulation de crédits ayant eu lieu à l'occasion de la mise en place du « Plan banlieues » (1,9 million d'euros) 50 ( * ) et une seconde étant intervenue en vue du financement des mesures de lutte contre le chikungunya et la grippe aviaire (0,6 million d'euros) 51 ( * ) .

La réserve obligatoire initiale , qui était de 15,5 millions d'euros en crédits de paiement, a été débloquée (juin 2006), et ses crédits ont été entièrement consacrés à payer les reports de charge du secteur associatif habilité (SAH).

Il en va de même pour les crédits de report , 10,1 millions d'euros, qui ont également été attribués intégralement au SAH.

Le tableau suivant retrace la situation des crédits, hors dépenses de personnel (titre 2), du programme « Protection judiciaire de la jeunesse» (au 30 juillet 2006), après intervention des mesures de régulation et d'annulation.

L'effet de la régulation budgétaire sur les crédits de la PJJ

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

(hors titre 2)

Crédits ouverts en loi de finances pour 2006

365

Plan banlieues

- 1,9

Reports de crédits (arrêté 28 mars 2006)

10,1

Annulation de crédits (décret 27 mars 2006)

- 0,7

Crédits disponibles

372,5

En 2005, faute de disposer de leurs crédits de report, les directions régionales de la PJJ avaient été contraintes d'utiliser les crédits de l'exercice pour le financement des opérations engagées mais non mandatées en 2004.

Ces difficultés financières créées par la régulation budgétaire en 2005 avaient rendu délicat le dialogue de gestion avec les services déconcentrés, les prévisions d'actions effectuées en début d'année ne pouvant être respectées. Votre commission avait regretté, l'année dernière, cette situation au moment de la mise en oeuvre de la LOLF et alors même que l'expérience de déconcentration des crédits était bien avancée à la PJJ.

Sur l'exercice 2006 , les crédits ouverts pour la prise en charge des prestations effectuées par le SAH se révèlent à nouveau insuffisants au regard des besoins (augmentation des décisions de justice confiées à ce secteur et mise en oeuvre du programme CEF, notamment).

Alors que les crédits ouverts en loi de finances pour 2006 s'élèvent à 269 millions d'euros, l'estimation de la charge 2006 est, en effet, de 344 millions d'euros. En dépit de l'abondement de la ressource budgétaire à hauteur de 13,7 millions d'euros par des reports et des dégels, les crédits obtenus au 30 juillet 2006 sont donc insuffisants de 61,3 millions d'euros au regard de cette prévision.

Au total, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2006 pour le financement du SAH ne permettent donc pas de faire face aux dépenses prévues en raison, d'une part, de l'importance du report de charges, et, d'autre part, de l'évolution de l'activité dans les CEF. De fait, cette situation revient à faire peser la charge de la trésorerie de l'Etat sur le SAH, depuis plusieurs années, via des reports de charge successifs .

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit une augmentation de 43 millions d'euros de l'enveloppe budgétaire consacrée au SAH , de manière à faire face à la montée en charge de ce secteur tout en engageant un travail de résorption des reports.

Votre rapporteur spécial souhaite souligner, à cette occasion, la nécessité d'assainir le « passif des années écoulées », celui-ci rendant plus difficile l'appréciation sur les moyens inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007. Il souhaite que la régulation budgétaire n'hypothèque plus une part trop importante des moyens alloués au présent programme, compte tenu de ce passif .

E. DES EFFECTIFS EN PROGRESSION, NOTAMMENT LES PERSONNELS DU GREFFE, DE L'INSERTION ET DE L'ÉDUCATIF

Le programme dispose de 8.806 ETPT, en progression de + 76 ETPT.

L'action n° 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » est dotée de 4.408 ETPT, constituant la moitié des effectifs du présent programme (50 %).

L'action n° 2 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » fonctionne avec 2.130 ETPT (24,1 % du programme).

Les actions n° 3 et n° 4 (« Soutien » et « Formation ») totalisent 2.278 ETPT, soit 25,9 % du programme.

L'augmentation des effectifs est particulièrement significative concernant les emplois du greffe, de l'insertion et de l'éducatif : + 127 ETPT .

F. DES MARGES DE MANoeUVRE EN MATIÈRE DE PERFORMANCE

L'une des caractéristiques principales de la PJJ est de travailler en partenariat , avec les départements et le secteur associatif. De ce fait, l'atteinte de ses objectifs ne dépend pas exclusivement de son action ( par exemple , le taux de départements ayant mis en place un dispositif d'accueil d'urgence). En outre, des éléments de contexte relatifs au comportement des jeunes concernés peuvent également interférer sur la réalisation des objectifs, sans que la PJJ puisse avoir une « prise » suffisante .

Conformément au souhait émis par votre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le nombre d'objectifs et d'indicateurs a été revu à la baisse . L'objectif tendant à « favoriser par l'action éducative l'intégration sociale, l'insertion scolaire et professionnelle des jeunes sous mandat judiciaire » et l'indicateur qui lui était associé, relatif au taux d'inscription dans des dispositifs de droit commun en fin de mesure, ont été supprimés 52 ( * ) . De même, disparaît du PAP pour 2007 l'indicateur mesurant le suivi des préconisations proposées par le service éducatif dans le rapport d'investigation par les magistrats prescripteurs 53 ( * ) .

En matière de performance, il convient de souligner les progrès notable du taux de suivi éducatif continu auprès des mineurs incarcérés : 60 % réalisé en 2004 mais 90 % en 2005 avec une prévision de 100 % en 2006.

Toutefois, les délais de prise en charge, s'ils progressent globalement entre 2004 et 2005, sont systématiquement inférieurs, en réalisation pour 2005, aux prévisions. Ces résultats illustrent, en particulier, la « pression » à laquelle est confrontée la PJJ sur la prise en charge en milieu ouvert , le délai étant, par exemple, de 24,35 jours pour les mesures de milieu ouvert pénal (18,18 jours en prévision pour 2006 et 12 jours en prévision pour 2007).

En outre, les taux d'occupation des établissements laissent apparaître des marges de manoeuvre. Ainsi, en 2005, ce taux est-il de seulement 67,8 % pour les CEF gérés par le secteur public (prévision de 70 % en 2006). Ce résultat, qui n'est pas satisfaisant, s'explique, notamment, par un fort taux de rotation des publics concernés par ce type d'hébergement.

De même, le nombre de mesures d'investigation et d'orientation éducative réalisées en 2005 et rapportées au nombre de psychologues est très inférieur à la prévision qui avait été fixée : 30,9 en réalisé contre 40 en prévision. Cette contre-performance trouve son origine dans la difficulté d'associer, dans la mise en oeuvre de ces mesures, une équipe nécessairement pluridisciplinaire et de dépasser le problème posé par la moindre disponibilité des éducateurs dont la charge de travail est croissante.

Le coût des mesures judiciaires , par exemple 1.725 euros pour une mesure d'enquête sociale et 731 euros pour une journée en CEF dans le secteur public , paraît, par ailleurs, relativement élevé. Le mode de paiement des investigations et orientations éducatives, passé en 2006 d'un paiement à la journée à un paiement à l'acte, devrait, toutefois, permettre des économies substantielles à l'avenir en la matière. Concernant les CEF, leur coût doit être remis en perspective au regard de la montée en charge de ce dispositif et des charges fixes relativement importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure de l'approche du régime de croisière de ce programme de création de CEF.

L'analyse des coûts des mesures judiciaires fait ressortir des montants unitaires par journée ou par mesure souvent plus élevés dans le secteur public que dans le SAH . Pour réduire ce différentiel, la direction de la PJJ a mis en oeuvre des actions volontaristes ainsi que des réformes structurelles qui passent, notamment, par des objectifs d'augmentation d'activité par travailleur social, d'augmentation du taux moyen d'occupation des structures, la définition d'une carte des emplois, la déconcentration de la gestion des ressources humaines et du recrutement, et, surtout, une plus grande complémentarité entre le secteur public et le SAH afin d'optimiser le recours à ces deux secteurs. Votre rapporteur spécial sera attentif aux résultats obtenus par cette politique en vue d'une meilleure maîtrise des coûts .

Enfin, deux indicateurs ne sont pas renseignés dans le PAP pour 2007 : l'indice mesurant la qualité des mesures d'investigations réalisées par la PJJ ainsi que le taux d'évolution favorable de la situation des mineurs en danger. Ces indicateurs devraient être livrés en 2007, une fois leur mode de calcul finalisé .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LE PROGRAMME 182 « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE »

- Les dépenses de fonctionnement du présent programme augmentent de 42,8 millions d'euros (soit + 12,7 %). Cette évolution est due, pour une part importante, à l'augmentation des crédits nécessaires au fonctionnement des centres éducatifs fermés (CEF), qui bénéficieront d'une dotation de 55,9 millions d'euros en 2007 .

- 9 millions d'euros de crédits de paiement sont affectés au financement des travaux de construction de l'école nationale de la PJJ (ENPJJ) à Roubaix (le site actuel étant à Vaucresson).

- L'appréciation des moyens inscrits pour la PJJ est « brouillée » par le niveau trop important des régulations budgétaires intervenant chaque année .

- Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit une augmentation de 43 millions d'euros de l'enveloppe budgétaire consacrée au secteur associatif habilité (SAH) , de manière à faire face à la montée en charge de ce secteur tout en engageant un travail de résorption des reports de charges des années précédentes.

- L'une des caractéristiques principales de la PJJ est de travailler en partenariat , avec les départements et le secteur associatif. De ce fait, l'atteinte de ses objectifs ne dépend pas exclusivement de son action (par exemple , le taux de départements ayant mis en place un dispositif d'accueil d'urgence).

- Conformément au souhait émis par votre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 , le nombre d'objectifs et d'indicateurs a été revu à la baisse .

- Les taux d'occupation des établissements laissent apparaître des marges de manoeuvre. Ainsi, en 2005, ce taux était de seulement 67,8 % pour les CEF gérés par le secteur public (prévision de 70 % en 2006).

- Le coût des mesures judiciaires , par exemple 1.725 euros pour une mesure d'enquête sociale et 731 euros pour une journée en CEF dans le secteur public , paraît relativement élevé.

* 49 0,2 million d'euros, au titre de la participation de collectivités territoriales à des opérations concernant la PJJ.

* 50 Cette disposition a été introduite au projet de loi de finances initiale pour 2006 via un amendement adopté par l'Assemblée nationale.

* 51 Décret n° 2006-365 du 27 mars 2006 portant ouverture et annulation de crédits.

* 52 La suppression de cet indicateur est justifiée par des biais importants qui fausseraient l'interprétation des résultats produits et dont l'ampleur a été sous estimée lors des travaux préparatoires.

* 53 L'outil permettant d'alimenter les données n'étant pas finalisé.