M. Roland du LUART

VI. LE PROGRAMME 213 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET ORGANISMES RATTACHÉS »

A. UN PROGRAMME À DOUBLE VISAGE

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », comme son intitulé l'indique, comporte deux axes.

D'une part, il contient les moyens nécessaires à la gestion administrative commune de la mission « Justice », qui correspond à celle de la chancellerie.

Correspondent à cet axe, les quatre premières actions du programme 66 ( * ) .

L'action n° 4 « Gestion administrative commune », à elle seule, représente 74,5 % des moyens du présent programme , avec, principalement, le développement et l'entretien des grandes applications informatiques : le projet Cassiopée d'automatisation de la chaîne de traitement des affaires pénales, le projet SIRH de gestion des ressources humaines de l'administration centrale, des services déconcentrés et des juridictions, et la plateforme d'interceptions judiciaires.

D'autre part, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » inclut les crédits consacrés au fonctionnement d'organismes rattaché s 67 ( * ) .

Il s'agit donc d'un « programme à deux visages », puisqu'il comporte à la fois, la logistique de la mission « Justice » et les crédits d'institutions qui se trouvent « dépendantes » de cette mission et donc de la chancellerie, du moins sur le plan budgétaire.

Cela peut soulever une question de principe, singulièrement pour la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) , dont l'importance n'a pas à être soulignée. En effet, la fongibilité asymétrique autorise, en principe, le responsable de programme, en l'occurrence le directeur de l'administration générale et de l'équipement (DAGE) à la chancellerie, à prélever, en cours d'exercice, des crédits de la CNIL, par exemple, pour alimenter des projets informatiques pris en charge financièrement par l'action n° 4 du présent programme.

C'est en réponse à des préoccupations de cette nature que votre président et votre rapporteur général 68 ( * ) ont suggéré, sans succès, la création d'un programme « Autorités administratives indépendantes » qui aurait figuré au sein d'une mission « Transparence et régulation de l'action publique », au côté d'un second programme « Juridictions financières » 69 ( * ) :

« Le programme « Autorités administratives indépendantes », regrouperait un ensemble d'organismes comme l'Autorité de régulation des télécommunications, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou le Conseil de la concurrence, traités de manière hétérogène dans la nomenclature présentée par le gouvernement le 21 janvier 2004. On rappellera que le gouvernement avait souhaité faire figurer les autorités administratives indépendantes dans les programmes de politiques correspondant à leurs finalités. Toutefois, ce n'était pas le cas de l'ensemble des autorités administratives indépendantes (...).

« Compte tenu de cette diversité et du statut spécifique des autorités administratives indépendantes, il semble que le responsable de ce programme pourrait relever des services du Premier ministre. La mission « Transparence et régulation de l'action publique » revêtirait ainsi un caractère interministériel .

« Le regroupement des autorités administratives indépendantes dans un même programme assurerait la séparation des crédits du régulateur et des administrations compétentes, en évitant que la règle de fongibilité au sein d'un programme ne s'opère au détriment du régulateur. Cette option serait ainsi de nature à conforter et à harmoniser le statut d'autonomie dont jouissent les autorités administratives indépendantes. »

Interrogé à ce sujet l'année dernière par votre rapporteur spécial, le ministère de la justice a fait valoir que l'évolution des crédits de la CNIL, identifiés en tant que tels dans une action, en loi de finances initiale était supérieure à la progression globale du budget de la mission. Ce constat reste valable pour 2007 puique la CNIL bénéficiera d'une enveloppe de 9,8 millions d'euros en crédits de paiement , soit une progression de + 8,9 % contre une augmentation globale du budget du présent programme de + 6,8 %. Par ailleurs, le ministère de la justice a également indiqué que « la CNIL dispose d'une écoute tant à Bercy qu'au plus haut niveau de l'Etat qui la garantit de certaines conséquences ».

B. LES CRÉDITS ET LES EFFECTIFS DU PROGRAMME : LE POIDS DE L'ACTION « GESTION ADMINISTRATIVE COMMUNE »

Le présent programme, qui ne bénéficie pas de fonds de concours, comporte 321,2 millions d'euros d'autorisations d'engagement (montant en baisse de 0,6 million d'euro par rapport à 2006) et 281,8 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de + 6,8 % .

En outre, le programme s'appuie sur 1.619 ETPT , en progression de + 29 ETPT par rapport à 2006.

Les crédits correspondants à la « logistique de la chancellerie » (actions 1 à 4) constituent 89 % du programme , dont 74,5 % pour l'action 4.

Les moyens des « Organismes rattachés » (actions 5 à 8) représentent 11 % de ce programme .

Compte tenu des caractéristiques particulières, ci-dessus évoquées, de ce programme, votre rapporteur spécial a choisi de vous présenter action par action les principaux axes des crédits proposés.

Action n° 1 « Etat major : ministre, cabinet, bureau du cabinet, communication »

Cette action dispose de 12,6 millions d'euros, dont 3,5 millions d'euros hors crédits de personnel, ainsi que de 183 ETPT.

Ces 3,5 millions d'euros de crédits de fonctionnement sont destinés à la politique de communication de la mission « Justice » : ils seront utilisés notamment pour :

- la réalisation d'une campagne d'information gouvernementale en direction du grand public sur le fonctionnement de la justice ;

- la création, la diffusion de supports d'information destinés à l'information sur l'institution judiciaire.

Action n° 2 « Activité normative »

Cette action ne comporte que des crédits de personnel : 20,8 millions d'euros de crédits de paiement pour 339 ETPT, dont 112 magistrats, cette enveloppe incluant les rémunérations, les cotisations sociales, vieillesse y compris, et les prestations sociales.

Les activités normatives concernent les domaines civil, pénal et de droit public, tant en plan interne que par ses aspects européens et internationaux.

Action n° 3 « Evaluation, contrôle, études et recherche »

Cette action est dotée de 13,1 millions d'euros, dont 2,3 millions d'euros hors crédits de personnel, ainsi que de 174 ETPT (dont 52 ETPT de magistrat).

Elle supporte principalement les dépenses de documentation de la chancellerie et comporte aussi des subventions pour la mission « Droit et justice » (0,7 million d'euros) et pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en faveur notamment de son unité de recherche dans le domaine de la justice : 0,2 million d'euros.

Action n° 4 « Gestion administrative commune »

Il s'agit de l'action principale de la branche « soutien » du présent programme. Elle est dotée de 199,7 millions d'euros de crédits de paiement, dont 144 millions d'euros en dehors des crédits de personnel.

Cette action, qui s'appuie sur 811 ETPT , comporte en particulier les moyens nécessaires à la politique informatique de la chancellerie.

Parmi les grands projets informatiques du ministère de la justice, le projet Cassiopée 70 ( * ) (6,3 millions d'euros en crédits de paiement pour 2007 ), notamment, a pour objet de fournir un système complet d'automatisation de la chaîne de traitement des affaires pénales dans les TGI.

Les gains attendus de ce projet sont évalués à 162 ETPT après achèvement du projet en 2009. La dépense totale initialement prévue avait été évaluée à 40 millions d'euros, répartis entre 2001 et 2007. Elle est désormais actualisée à 45,8 millions d'euros 71 ( * ) , échelonnés entre 2001 et 2009.

Le projet de système d'information pour la gestion des ressources humaines (SIRH) concerne aussi bien l'administration centrale et déconcentrée que les services extérieurs.

La dépense prévisionnelle totale, répartie entre 2004 et 2008 / 2009, s'élève à 22 millions d'euros 72 ( * ) .

Les crédits de paiement pour 2007 se chiffrent à 4,4 millions d'euros.

L'action fournit également les moyens de la politique immobilière de la chancellerie et ceux de la politique sociale pour le personnel.

Action n° 5 « Commission nationale informatique et libertés » (CNIL)

La CNIL est dotée de 9,8 millions d'euros de crédits de paiement, dont 3,7 millions d'euros hors dépenses de personnel. Elle dispose de 100 ETPT (+ 10 ETPT par rapport à 2006).

Le nombre des dossiers traités par la CNIL a progressé sensiblement ces dernières années, passant de 25.230 en 2003 à 38.318 en 2005 et 41.000 en estimation pour 2006.

La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel étend les missions de la CNIL, notamment dans le cadre des contrôles a posteriori et pour l'animation d'un réseau de « correspondants informatiques et liberté ».

Les dépenses de fonctionnement (hors personnel) représentent environ 37,7 % du budget total. Le poste des dépenses immobilières est le plus important et correspond à la réalisation du projet de déménagement des locaux de la CNIL permettant de regrouper ses trois anciens sites et, ainsi, de disposer de bureaux adaptés à l'augmentation du nombre de ses agents et à ses nouvelles missions .

Action n° 6 « Haut Conseil au commissariat aux comptes »

Le Haut Conseil au commissariat aux comptes est chargé d'assurer la surveillance de la profession et de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance de ces professionnels (article L. 821-6 du code de commerce).

Il disposera en 2006 de 0,9 million d'euros, dont 0,3 million d'euros hors dépenses de personnel, ainsi que de 12 ETPT (contre 10 ETPT en 2006).

Action n° 7 « Ordre de la Légion d'Honneur »

L'Ordre de la Légion d'Honneur bénéficiera en 2007 d'une subvention de 23,7 millions d'euros.

Action n° 8 « Ordre de la Libération »

L'Ordre de la Libération fera l'objet en 2007, lui aussi, d'une subvention pour charge de service public qui s'élèvera à 0,8 million d'euros.

C. UNE BONNE MESURE DE LA PERFORMANCE, MAIS DES RÉSULTATS ENCORE PERFECTIBLES

Les objectifs et les indicateurs du présent programme n'ont fait l'objet d'aucune modification substantielle, dans la mesure où ils mesuraient déjà bien, dans le PAP pour 2006, la qualité du service ou son efficience et paraissaient satisfaisants , comme l'avait d'ailleurs souligné votre commission.

Parmi les indicateurs évaluant la qualité de service, le taux de publication des décrets d'application des lois « chancellerie » dans un délai de 6 mois et dans un délai d'un an témoigne d'une performance supérieure en matière de dispositions pénales, respectivement 37,5 % et 75 % en 2005, que s'agissant des dispositions civiles (31 % et 54 %). Une pondération, en fonction de nombre de dispositions concernées par un même décret, permet toutefois d'affiner l'analyse et met en lumière des performances plus équilibrées entre le civil et le pénal (81 % des décrets publiés dans l'année pour le civil et 80 % pour le pénal).

Sur le terrain de l'application des textes, votre rapporteur spécial renouvelle sa proposition de créer un indicateur comparable pour les délais de transposition de « directives européennes chancellerie ».

En matière immobilière, il convient de souligner que les prévisions pour 2005 concernant le coût du m² construit et rénové pour les bâtiments judiciaires ont été dépassées : 4.077 euros contre une prévision de 3.126 euros pour le « judiciaire construit » et 2.697 euros contre 1.156 euros pour le « judiciaire rénové ».

Enfin, il apparaît difficile de porter un jugement sur la gestion des grands projets informatiques menés par le ministère de la justice. En effet, aucun des deux indicateurs s'y rapportant (« Pourcentage de respect de la durée de livraison des opérations (supérieures à 1 million d'euros) pour les opérations livrées dans l'année » et « Pourcentage de dépassement du coût contractuel pour les projets d'un montant supérieur à 3 millions d'euros ») ne présente de données significatives sur 2005, un seul projet étant visé (Cassiopée).

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 213 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET ORGANISMES RATTACHÉS »

- Ce programme comprend deux « volets » , d'une part la logistique de la mission « Justice » et, d'autre part, les moyens nécessaires au fonctionnement d' organismes rattachés .

- Parmi ces organismes rattachés, figure la CNIL. En droit, le principe de la fongibilité asymétrique permet au directeur de l'administration générale et de l'équipement, responsable du programme, de « prélever » des crédits sur la CNIL au bénéfice des services de la chancellerie. En fait, la chancellerie a donné toutes assurances quant à la réalité et à l'effectivité de l'indépendance de cette autorité administrative indépendante. Votre rapporteur spécial rappelle, toutefois, à cette occasion la suggestion avancée en 2004 par votre commission de créer un programme regroupant l'ensemble des autorités administratives indépendantes au sein de la mission « Transparence et régulation de l'action publique ».

- Les indicateurs de performance mesurent utilement la qualité du service ou son efficience.

- A l'instar de l'indicateur sur le taux de publication des décrets d'application des « lois chancellerie », dans des délais de 6 mois et d'un an, il est, à nouveau, proposé un nouvel indicateur pour les transpositions de « directives chancellerie » .

- Il apparaît difficile de porter un jugement sur la gestion des grands projets informatiques menés par le ministère de la justice. En effet, aucun des deux indicateurs s'y rapportant ne présente de données significatives sur 2005, un seul projet étant visé (Cassiopée).

* 66 Part de ces 4 actions dans les crédits de paiement du programme :

- Action n° 1 « Etat-major : ministre, cabinet, bureau du cabinet, communication » : 3,9 % ;

- Action n° 2 « Activité normative » : 6,5 % ;

- Action n° 3 « Evaluation, contrôle, études et recherche » : 4,1 % ;

- Action n° 4 « Gestion administrative commune » : 74,5 %.

* 67 Part de ces institutions dans les crédits de paiement du programme :

- Action n° 5 « Commission nationale informatique et libertés » : 3,1 % ;

- Action n° 6 « Haut conseil au commissariat aux comptes » : 0,3 % ;

- Action n° 7 « Ordre de la Légion d'Honneur » : 7,4 % ;

- Action n° 8 : « Ordre de la libération » : 0,3 %.

* 68 Rapport d'information n 292 (2003-2004) présenté par nos collègues, Jean Arthuis, président et Philippe Marini, rapporteur général : « La nouvelle architecture des lois de finances. Transparence et lisibilité du budget de l'Etat pour moderniser la gestion publique » : page 41.

* 69 Regroupant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, afin de les « sortir » d'une mission relevant de la « sphère de Bercy », compte tenu en particulier du rôle de certification des comptes de l'Etat conféré à la Cour des comptes par le 5° de l'article 58 de la LOLF.

* 70 Chaîne applicative supportant le système d'information orientée procédure pénale et enfants.

* 71 Soit 3,4 millions d'euros de rémunération de personnels travaillant directement sur le projet ; 13 millions d'euros pour la conception de l'application ; 21 millions d'euros pour le développement, 5,1 millions d'euros pour son déploiement et 3,3 millions d'euros pour les matériels.

* 72 Soit 2,3 millions d'euros de frais d'étude, 7,1 millions d'euros pour l'acquisition et le paramétrage, 1 million d'euros pour le personnel, 11,2 millions d'euro pour les logiciels et 0,4 million d'euros de frais divers.