MM. Thierry Foucaud et Bertrand Auban

ELÉMENTS DE CONTEXTE

En proportion du PIB, qui augmente plus vite que les prix, les dépenses de retraite sont appelées à progresser fortement au cours des quarante prochaines années :

Dépenses de retraite en % du PIB

Dépense de retraite

2003

2020

2050

Total dont :

11,8

12,6

14,7

Régime général

4,0

4,4

5,8

Fonction publique de l'Etat

2,1

2,3

2,6

Fonction publique territoriale et hospitalière

0,6

0,8

1,2

Source : d'après le 3 ème rapport du conseil d'orientation des retraites - 2005

De fait, tous régimes confondus, la réforme des retraites de 2003 ne permet de combler qu'environ 50 % des besoins de financement des régimes à l'horizon 2020 , et approximativement 30 % de ce besoin à l'horizon 2050, ainsi qu'il ressort du tableau suivant :

Evolution prévisionnelle des besoins de financement des régimes de retraite
en conséquence de la réforme des retraites de 2003

(en % du PIB)

2003

2020

2050

Sans réforme

0,0

- 1,7

- 4,3

Après réforme

0,0

-0,8

- 3,1

Effet de la réforme

0,0

+ 0,9

+ 1,2

Source : maquette de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques - 2005

En application de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le conseil d'orientation des retraites (COR) doit effectuer prochainement un bilan complet de la réforme sur la base duquel, avant le 1 er janvier 2008, le gouvernement « élabore un rapport faisant apparaître :

« 1° L'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans ;

« 2° L'évolution de la situation financière des régimes de retraite ;

« 3° L'évolution de la situation de l'emploi ;

« 4° Un examen d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite.

Ce rapport est rendu public et transmis au Parlement ».

Il s'agit du « rendez vous » de 2008 .

CHAPITRE PREMIER

MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »


La mission « Régimes sociaux et de retraite » , qui permet essentiellement d'assurer l'équilibre financier de plusieurs régimes spéciaux de retraite, représente :

1. En termes de crédits budgétaires : 4,98 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 1,86 % du total des crédits de paiement du projet de loi de finances pour 2007 ;

2. En termes d'emploi : aucun emploi n'est autorisé au titre de la présente mission.


La mission « Régimes sociaux et de retraite » est composée de 3 programmes , dont les moyens sont récapitulés par le tableau ci-dessous :

Décomposition des moyens de la mission « Régimes sociaux et de retraite »

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement pour 2007

Part des crédits de la mission

Evolution des crédits 2007/2006

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite ds transports terrestres »

3,29

66,05 %

9,63 %

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

0,72

14,43 %

5,03 %

Programme 195 « Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers »

0,97

19,52 %

20,63 %

Mission « Régimes sociaux et de retraite »

4,98

100 %

10,90 %

Les crédits dévolus en 2006 à la présente mission marquent une progression de 10,9 % par rapport aux crédits ouverts pour 2005.

Les régimes concernés, qui connaissent des situations démographiques déséquilibrées, représentent environ 875.000 pensionnés ou allocataires en 2006. Ces déséquilibres sont accentués par une évolution défavorable des transferts de compensation démographique 1 ( * ) pour trois des grands régimes concernés : SNCF, ENIM 2 ( * ) , régime des mines.


Les ressources humaines participant à la mise en oeuvre des actions de la mission : bien qu'il n'y ait pas d'emplois directement autorisés au titre de la présente mission, il est prévu que le régime spécial des marins -l'ENIM-, principal opérateur du programme « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins », occupera 463 ETPT 3 ( * ) en 2007, contre 474 ETPT en 2006.

I. PROGRAMME 198 « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE DES TRANSPORTS TERRESTRES »

Les finalités du programme « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » sont, d'une part, de contribuer à la compensation de la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers (première action), et d'autre part, de contribuer à l'équilibre des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP (seconde action) .


Les régimes sociaux des transports terrestres (action 1)

L'action « Régimes sociaux des transports terrestres » finance trois dispositifs :


• Le congé de fin d'activité
(CFA)

Le CFA contribue à la compensation de la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers ; sa mise en oeuvre, qui concerne les conducteurs routiers de voyageurs et de marchandises de plus de 55 ans, ayant respectivement plus de 30 ans et 25 ans de conduite, est assortie d'une contrepartie d'embauche. L'Etat finance 80 % des allocations des conducteurs de plus de 57 ans et demi et des cotisations afférentes (cotisations de vieillesse volontaire et couverture de maladie universelle) ; les 20 % restants sont à la charge des partenaires sociaux. Entre 55 ans et 57 ans et demi, les allocations et cotisations sont prises en charge à 100 % par les partenaires sociaux. Ce dispositif devrait profiter à 4.760 personnes en 2007.


• Le complément de retraite des conducteurs routiers

L'Etat finance l'intégralité du complément de retraite versé par la CARCEPT 4 ( * ) aux conducteurs routiers partis à la retraite à 60 ans avec un nombre insuffisant d'annuités de cotisation pour bénéficier d'une pension complète du régime général. L'effectif concerné serait de 730 personnes en 2007.


• L'aide aux conjoints collaborateurs d'artisans bateliers

L'Etat a mis en place, à compter du 1 er janvier 2005, une aide en faveur des conjoints collaborateurs d'artisans bateliers afin de participer au rachat de trimestres de cotisations sociales. Depuis, 115 demandes ont été traitées.


Les régimes de retraite des transports terrestres (action 2)

L'action « Régimes de retraite des transports terrestres » a principalement pour objet de participer au financement des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, régimes spéciaux qui n'ont pas été concernés par la réforme des retraites de 2003 :


• La subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF

Il s'agit de compenser le déséquilibre démographique du régime de retraite de la SNCF, en application de l'article 30 du cahier des charges de l'entreprise. L'Etat verse à la SNCF une subvention permettant d'équilibrer le régime, ce qu'impose un fort déséquilibre démographique avec 165.000 actifs pour 306.000 pensionnés en 2005 .

Le financement des retraites de la SNCF est assuré par :

- les transferts financiers au titre de la compensation démographique 5 ( * ) , qui ne couvrent que partiellement le besoin de financement induit par le déséquilibre démographique du régime ;

- une « cotisation normalisée », prélevée à un taux (36,29 % 6 ( * ) ) conçu, en théorie 7 ( * ) , pour inclure le coût des avantages spécifiques au régime spécial par rapport aux régimes de droit commun 8 ( * ) ;

- une subvention d'équilibre n'ayant ainsi vocation à couvrir, en théorie, que le coût induit par le déséquilibre démographique non pris en charge par les transferts financiers au titre de la compensation démographique ; la subvention couvre plus de la moitié des charges de pensions et, depuis le début des années 2000, elle augmente plus rapidement que les prestations ;

- par ailleurs, l'article 30 précité implique que les avantages accordés aux retraités depuis le 1 er janvier 1990 sont à la charge de la SNCF et de ses salariés, ce qui se traduit par le versement d'une contribution nette pour avantages supplémentaires, au taux de 4,7 % en 2004.

Le taux de cotisation global (cotisation normalisée plus contribution nette) ressort à 40,97 % en 2004.

Des travaux préparatoires à une réforme du financement du régime de retraite de la SNCF sont actuellement en cours afin d'éviter que l'entreprise ne supporte la charge de provisionnement de l'intégralité de ses engagements de retraite qui deviendra obligatoire en 2007. Cette réforme doit par ailleurs maintenir les droits des pensionnés, conformément aux engagements pris par le gouvernement en 2003.


• La subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP

Le déséquilibre du régime de la RATP, qui concerne 38.800 pensionnés en 2005 pour 43.700 actifs , s'explique notamment par la possibilité qu'il réserve de partir précocement à la retraite, alors même que les taux de cotisation y sont plus bas que ceux du régime général.

Le contexte institutionnel du régime a évolué avec la transformation, le 1 er juillet 2005, du STIF (Syndicat des transports d'Ile-de-France), qui assurait son équilibre, en établissement public territorial, et par l'application des normes comptables IFRS aux entreprises faisant appel public à l'épargne , leur imposant 9 ( * ) de provisionner au plus tard en 2007 les engagements de retraites qui sont à leur charge.

En application de l'article 39 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'Etat s'est engagé, en lieu et place du STIF, à « apporter un concours financier en raison des charges de retraite supportées par la Régie » . Cet engagement s'est entendu avec maintien de l'intégralité des droits et dans le cadre de la création d'une caisse autonome : la caisse de retraite du personnel de la RATP , créée le 1 er janvier 2006. Elle doit être adossée, selon le principe de la neutralité financière 10 ( * ) , aux régimes de droit commun, leur transférant le financement de 11 milliards d'euros d'engagements.

Adossement et neutralité financière

L'adossement aux régimes de droit commun entraîne que les prestations et les cotisations sont déterminées selon les conditions qui seraient applicables si les salariés concernés relevaient de ces régimes de droit commun , financés par des cotisations salariales et employeurs.

Les réformes du financement ont laissé inchangés les droits des affiliés et la part des prestations non couvertes par les régimes de droit commun forment les droits spécifiques , correspondant aux prestations d'un régime « supplémentaire » différentiel.

Concernant la partie adossée, le principe de neutralité financière signifie que les écarts de charges résultant de l'adossement pour les régimes de droit commun doivent être compensés. Ces écarts résultent, d'une part, de la situation démographique et, d'autre part, du niveau et de la structure des rémunérations des affiliés. La compensation de ces écarts prend la forme d'une contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire ( la « soulte » ) ou de taux de validation des droits passés inférieurs à 100 % pour les régimes complémentaires.

Le versement, pour la partie adossée, de cotisations sociales libératoires permettra à la RATP, tout comme aux entreprises du secteur des IEG adossées au 1 er janvier 2005 avec la création d'une caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), d' éviter le provisionnement de la plus grosse part des engagements de retraite de leur personnel .

Source : d'après le dernier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 2006

En résumé, l'adossement des régimes spéciaux au régime général est d'abord organisé pour éviter aux entreprises publiques de supporter dans leurs comptes la charge du provisionnement de leurs engagements de retraites qu'imposent les normes comptables applicables en 2007 .

L 'adossement du régime de retraite de la RATP doit se traduire par les évolutions suivantes, à préciser, le cas échéant, dans des conventions financières en cours d'approbation.

Pour le financement des droits adossés :

- depuis le 1 er janvier 2006, les droits à la retraite acquis dans les régimes de droit commun sont financés par une cotisation des salariés au taux de 12 % (au lieu de 7,85 %) et une cotisation de l'employeur RATP au taux de 18 % (au lieu de 15,34 %), taux correspondant au droit commun ;

- l'impact de l'augmentation du taux de cotisation des salariés (de 7,85 % à 12 %) sur le montant de la rémunération nette du personnel de la régie leur est intégralement compensé, sans toutefois créer de nouveaux droits à la retraite ;

- l'augmentation des coûts induite par la hausse des taux de cotisation, évaluée à 96,3 millions d'euros, est financée par le STIF et compensée par l'Etat aux collectivités territoriales membres du STIF sous la forme de transferts de parts d'impôts (attribution à la Région de points de taxe intérieure sur les produits pétroliers -TIPP- et aux départements d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance -TSCA-) ;

- la neutralité financière de l'adossement vis-à-vis de la CNAVTS conduira au versement, pris en charge par l'Etat, d'une contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire (la « soulte ») dont le montant provisoire a été évalué à 700 millions d'euros ; ce versement, très probablement échelonné sur plusieurs années 11 ( * ) , viendra en augmentation de la subvention d'équilibre.

- la neutralité financière de l'adossement vis-à-vis des régimes complémentaires se traduira par le versement d'un montant de 174,2 millions d'euros , « théoriquement à la charge de la RATP mais qui devrait être pris en charge par le budget de l'Etat en raison de l'incapacité de la régie à le financer 12 ( * ) » ;

Pour ce qui concerne le financement des droits spécifiques :

- la totalité des droits spécifiques passés, validés au 31 décembre 2005, est financée par le budget de l'Etat ;

- les droits spécifiques acquis à partir du 1 er janvier 2006 sont financés par le budget de l'Etat dans la limite d'un volume de 45.000 emplois statutaires 13 ( * ) .

Un crédit de paiement de 354 millions d'euros est inscrit dans la loi de finances de 2007, au titre de la subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP, qui couvre le financement des droits spécifiques ainsi que les transferts de compensation démographique : l'Etat en est redevable dans l'hypothèse où la caisse se trouve, à ce titre, contributrice nette (ce qui est le cas pour 2007 à hauteur de 30 millions d'euros).


• La garantie de retraite des anciens agents des services publics d'Afrique du Nord et d'outre-mer

L'Etat garantit les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer, pensions qui sont gérées par la SNCF, la RATP ou la Caisse des dépôts et consignations, selon l'origine des bénéficiaires. L'effectif concerné est évalué à 8.910 personnes en 2007.

A. LES CRÉDITS ET LA JUSTIFICATION PAR ACTION

Le tableau suivant retrace l'évolution des crédits destinés au « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » :

Evolution des crédits dévolus aux régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement pour 2007

Part des crédits du programme

Variation 2007/2006

Action 1 « Régimes sociaux des transports terrestres »

0,09

2,8 %

-0,6 %

Action 2 « Régimes de retraite des transports terrestres »

3,20

97,2 %

10,0 %

Total du programme « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

3,29

100,0 %

9,6 %

L'accroissement spontané de près de 13 % la subvention au régime de retraite de la SNCF explique ici l'essentiel 14 ( * ) de l'augmentation des crédits.

On rappellera que le régime de la SNCF est créditeur net au titre de la compensation démographique (généralisée et spécifique), en raison d'un rapport démographique plus dégradé que celui des autres régimes. Or, si cette source de financement a atteint 18 % des prestations versées entre 1993 et 1998, elle décline depuis cette date pour n'en plus représenter que 8,7 % en 2004. La Cour des comptes, dans son rapport précité, constate que « le « tarissement » progressif de ce financement est reporté sur la subvention d'équilibre qui augmente ».

Justification par action des crédits de paiement pour 2007 du programme « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

(en millions d'euros)

Dépenses d'intervention
LFI 2006

Dépenses d'intervention PLF 2007

Congé de fin d'activité (CFA)

90,5

90,5

Complément de retraite des conducteurs routiers

2,3

2,3

Aide aux conjoints collaborateurs d'artisans bateliers

1,0

0,5

Action 1 « Régimes sociaux des transports terrestres »

93,9

93,3

Subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF

2.458,9

2.771,0

Subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP

374,1

354,0

Garantie de retraite des anciens agents des services publics d'Afrique du Nord et d'outre-mer

74,1

71,6

Action 2 « Régimes de retraite des transports terrestres »

2.907,2

3.196,6

Il est rappelé que la finalisation, en 2007 au plus tard, des opérations d'adossement du régime de la RATP aux régimes de droit commun se traduira nécessairement par le versement par l'Etat à ces régimes de « soultes » d'un montant total approchant 875 millions d'euros, suivant un échelonnement encore à déterminer. Des opérations d'adossement, courant 2007, du régime de la SNCF entraîneraient également une augmentation de sa subvention d'équilibre. Il en ressort des perspectives de dépenses nouvelles pour la mission en 2007, qui n'ont pas été budgétisées .

B. VUE PROSPECTIVE

Le rapport entre l'effectif des cotisants et celui des pensionnés, dénommé « rapport démographique », est une donnée fondamentale des régimes de retraite, car elle permet d'évaluer leur degré de viabilité ou d'autonomie. Il est admis qu'en deçà d'un rapport démographique de 2 (c'est-à-dire avec moins de deux cotisants pour un retraité), un régime connaît des difficultés à assurer son propre équilibre.

Le graphe suivant illustre l'évolution démographique du régime de la SNCF :

Source : graphe construit (sans pondération du rapport démographique) à partir de documents de travail communiqués sur le site du Conseil d'orientation des retraites (COR)

Le graphe suivant illustre l'évolution démographique du régime de la RATP : Source : graphe construit à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Les rapports démographiques demeureront durablement inférieurs à 1, ce qui indique le degré de dépendance de ces régimes vis-à-vis des transferts et des subventionnements.

Bien qu'intrinsèquement plus dégradé, l'évolution du rapport démographique de la SNCF est plus favorable en tendance que celui de la RATP, car le déséquilibre entraîné par les fortes diminutions d'effectifs engagées par la société nationale ces dernières décennies tend à se résorber naturellement dans le long terme avec un volume d'emploi globalement stabilisé.

*

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu que le gouvernement devait, avant le 1 er janvier 2008, élaborer un rapport rendu public et transmis au Parlement, sur la base des travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR). Ce rapport permettra de dresser un premier bilan de la réforme, et s'il devait s'avérer que de nouvelles évolutions soient nécessaires à la sauvegarde de l'équilibre financier des régimes de retraite, les principes, d'une part, d'équilibre entre les générations, et d'autre part, d'équité inter-régimes joueraient nécessairement un rôle : « l'intérêt de faire évoluer certaines règles de fonctionnement et certaines caractéristiques « historiques » vers une plus grande harmonisation mériteront d'être examinées en 2008, sans préjuger des réflexions à venir » 15 ( * ) .

Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale 16 ( * ) , la Cour des comptes a consacré un développement important sur les régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières, de la RATP et de la SNCF, dont la synthèse est reproduite ci-dessous :

Synthèse du chapitre X du rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale

1. - En 2004 et 2005, le régime des IEG et le régime de la RATP ont fait l'objet d'une réforme de leur financement. L'adossement aux régimes de droit commun (régime général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC) a été organisé pour éviter que les entreprises (EDF, GDF et RATP) supportent la charge du provisionnement de leurs engagements de retraite.

En revanche, ces réformes n'ont pas touché aux droits des affiliés . L'opportunité n'a pas été saisie d'adapter les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite dans ces régimes, comme cela a été fait dans les fonctions publiques lors de la réforme des retraites de 2003.

Aucune réforme n'est encore intervenue dans le régime de la SNCF.

2. - Les droits spécifiques représentent un avantage important . La réforme du financement des régimes des IEG et de la RATP a permis d'isoler et de mesurer le poids des droits spécifiques dans le montant de la pension liquidée. Ces droits complètent la pension versée par les régimes de droit commun. En 2005, ils représentaient, dans le régime des IEG, 35,7% des pensions versées.

3. - L'âge de départ à la retraite est précoce dans les régimes spéciaux des entreprises publiques en raison des bonifications d'annuités. L'importance des droits spécifiques dans ces régimes s'explique par le salaire pris en considération pour le calcul de la pension, la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein et, surtout, par la précocité de l'âge de départ en retraite .

Dans le régime de la SNCF, l'âge de départ à la retraite est fixé à 55 ans. Par le jeu des bonifications d'annuités liquidables accordées en raison de la nature des emplois occupés, les catégories actives peuvent anticiper leur départ à la retraite de cinq ans et liquider à partir de 50 ans (SNCF, RATP) ou de 55 ans (RATP, IEG)). Il en résulte que près de 20 % des retraités de ces régimes spéciaux ont moins de 60 ans.

De plus, ces régimes ont conservé la règle des 37,5 annuités accomplies dans le régime pour liquider à taux plein et aucune pénalisation financière sous la forme d'une décote n'est appliquée quand la condition de durée d'assurance n'est pas satisfaite pour obtenir le taux plein. Quelle que soit la durée de la carrière validée, le taux d'annuité est constant et garanti (2 %) alors que dans le régime général, cette durée est de 40 annuités et devrait passer à 41 annuités en 2012.

4. - Les droits spécifiques ne sont pas financés par leurs bénéficiaires . La réforme du financement du régime de la RATP a mis à la charge du budget de l'Etat la totalité du financement des droits spécifiques des agents de la régie. Dans le régime de la SNCF, la subvention publique d'équilibre finance plus de la moitié des prestations versées. Dans le régime des IEG, les droits spécifiques passés relevant des activités régulées sont financés par une nouvelle taxe sur la consommation, la CTA.

5. - Dans le futur, la détérioration de la situation financière des régimes spéciaux augmentera la charge du financement des droits spécifiques . Dans le régime de la RATP , la subvention d'équilibre du compte retraite devrait, en euros constants, être multipliée par trois à l'horizon 2050 , en raison de la forte détérioration de sa situation financière. Après la réforme du financement de 2005, cette subvention finance les droits spécifiques et elle est, à présent, directement versée par le budget de l'Etat.

Dans le régime de la SNCF , la détérioration des comptes serait concentrée dans les dix prochaines années . La subvention d'équilibre devrait être multipliée par 1,3 .

Le régime des IEG est théoriquement équilibré puisque les besoins de financement sont comblés par appel de cotisations auprès des employeurs. Il n'échappera cependant pas à la forte augmentation du coût des pensions qui devrait être multipliée par 2,3 à l'horizon 2050.

6. - Les régimes spéciaux adossés feront face à des risques financiers. Dans les régimes adossés (IEG et RATP), les droits spécifiques sont équivalents à une pension supplémentaire différentielle qui garantit à la fois un montant de pension et des avantages particuliers sous la forme d'une durée de cotisation plus courte et d'une durée de retraite plus longue par rapport à ce qui prévaut dans les régimes de droit commun.

Le mécanisme de l'adossement aux régimes communs et la garantie accordée à la pérennisation des droits spécifiques sont néanmoins porteurs de risques économiques et financiers dans le futur pour les entreprises et les salariés . En effet, les augmentations des taux de cotisation et la diminution relative des droits dans les régimes de droit commun se répercuteront automatiquement sur le coût des pensions et des droits spécifiques dans les régimes adossés.

Pour conclure, la Cour des comptes formule la recommandation suivante : « En raison des perspectives démographiques et financières des régimes spéciaux, réformer ces régimes en mettant en oeuvre les principes prévus par la loi de 2003 ».

Le tableau suivant fait apparaître, concernant la SNCF et la RATP, les âges moyens de départ à la retraite qui n'excédent guère 55 ans, quelle que soit la catégorie considérée:

Age moyen de départ à la retraite des cheminots et des agents de la RATP

Age moyen de départ à la retraite

SNCF

Agents de conduite

50,3

Autres catégories

55,1

RATP

Hommes

54,8

Femmes

55

Source : rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 2006

De fait, les règles de liquidation et de calcul des pensions dans les régimes précités diffèrent sensiblement de celles du régime général ou des régimes de la fonction publique (Etat et CNRACL 17 ( * ) ), qu'il s'agisse :

- de l'age normal de la liquidation ;

- de la durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation ;

- de la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein ;

- de l'assiette de liquidation ;

- des taux de liquidation (taux plein) ;

- de la décote, absente pour les régimes précités ;

- des règles de revalorisation.

Votre commission des finances a dressé le tableau suivant, qui permet de comparer les droits des assurés des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP avec ceux relevant du régime général et avec ceux des fonctionnaires (de l'Etat, territoriale et hospitalière) :

REGLES DE LIQUIDATION

REGIME GENERAL

FONCTIONNAIRES (civils)

SNCF

RATP

Âge normal de la liquidation

60 ans

60 ans 18 ( * )

Droit commun : 55 ans

Agents de conduite 19 ( * ) : 50 ans

« Sédentaires » 20 ( * ) : 60 ans

(avec 30 ans de service)

Agents de maintenance 2 : 55 ans

Agents d'exploitation 2 : 50 ans

(avec 25 ans de service)

Durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation

Sans objet

15 ans

Droit commun : 25 ans

Agents de conduite : 15 ans

Si plus de 55 ans : aucune

15 ans

Si âge limite de la catégorie : aucune

Durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein

« Durée d'assurance tous régimes » : 40 ans 21 ( * )

37,5 ans y compris les bonifications d'annuités 2

Assiette de liquidation

25 22 ( * ) meilleures années (moyenne)

6 derniers mois hors primes

Eléments de rémunération perçus les 6 derniers mois

Taux de liquidation (taux plein)

50 % 23 ( * )

75 %

Modu-lation

Proratisation en fonction de la durée de cotisation

Proratisation sur 40 ans 4 (160 trimestres)

Proratisation sur 37,5 ans (150 trimestres)

Décote (se superpose à la proratisation)

Décote 24 ( * ) de 5 % par année manquante pour atteindre la durée d'assurance tous régimes, soit 40 ans (ou pour atteindre l'âge de 65 ans, la décote étant alors plafonnée à 25 %)

Absence de décote

Surcote

Après 60 ans et 40 ans de cotisations , surcote de 3 % par an

idem dans la limite de 15 %

Absence de surcote

Activité après limite d'âge (65 ans sauf services actifs)

Possibilité de prolonger l'activité pour obtenir le taux plein

Dans la limite de 10 trimestres pour obtenir le taux plein

Sans objet

Revalorisation

Indice des prix à la consommation hors tabac

Mécanismes de péréquation selon lesquels toute modification des salaires des agents en activité se trouve répercutée sur les pensions

Comparaison des modalités de liquidation et de revalorisation des pensions de la SNCF et de la RATP avec celles des principaux régimes

C. LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Les objectifs du programme correspondent à des engagements pris par l'Etat qui, dès lors qu'il ne les remet pas en cause, n'en maîtrise pas l'évolution. A priori , il ne saurait donc être question de poursuivre des objectifs d'« efficacité socioéconomique ».

On peut cependant regretter l'absence d'indicateur concernant l'âge moyen de la radiation des cadres et la durée moyenne de cotisation au sein des régimes subventionnés par le présent programme (SNCF et RATP). De tels indicateurs sont mis en place pour les retraites de la fonction publique et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (qui constituent les deux premiers programmes du compte d'affectation spéciale « Pensions »). Ils peuvent alimenter la réflexion sur l'évolution des régimes concernés.

En revanche, il ne fait aucun doute que les deux fonds paritaires 25 ( * ) gestionnaires du congé de fin d'activité, la SNCF et la RATP doivent optimiser les moyens dont ils disposent afin de garantir le meilleur service à l'usager tout en minimisant la dépense du contribuable .

Dans le PAP 2006, les indicateurs avaient été précisés et enrichis, notamment pour l'objectif d'efficience de la gestion des pensions par la SNCF, décliné en quatre indicateurs. Cependant, il pouvait être déploré l'absence de toute mesure de l'efficience de la gestion pour le congé de fin d'activité des conducteurs du transport routier ainsi que pour les retraites de la RATP 26 ( * ) .

Au sein du présent PAP 2007, « dans la mesure où la subvention de l'Etat aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP couvre les frais de gestion » (elle représente environ 1 % du montant total des retraites), le régime de la RATP bénéficie désormais des mêmes indicateurs d'efficience de la gestion que ceux qui préexistaient pour le régime de la SNCF.

Pour ce qui concerne les « cibles » associées aux différents indicateurs et des prévisions pour les années en cours, ces valeurs n'évoluent qu'à la marge dans le PAP 2007.


Observations de votre commission des finances
sur le programme 198
« Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »


• Les précautions qui entourent la construction des indicateurs aboutissent ici à un projet annuel de performances en retrait par rapport aux enjeux réels du programme :

- aucun indicateur ne concerne l'âge moyen de la radiation des cadres et la durée moyenne de cotisation à la SNCF et à la RATP , régimes subventionnés par le présent programme à hauteur de plus de 2,8 milliards d'euros ;

- aucun indicateur d'efficience de la gestion ne concerne le CFA des conducteurs routiers, qui engage l'Etat à hauteur de 90 millions d'euros.


• Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un développement sur les régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières, de la RATP et de la SNCF, qui incline à réformer ces régimes procurant « des droits spécifiques (qui) ne sont pas financés par leurs bénéficiaires ».


• Les opérations d'adossement du régime de la RATP aux régimes de droit commun sont en cours. Leur finalisation, en 2007 au plus tard, se traduira nécessairement par le versement par l'Etat à ces régimes de « soultes » d'un montant total approchant 875 millions d'euros, suivant un échelonnement encore à déterminer. De probables opérations d'adossement, courant 2007, du régime de la SNCF entraîneraient également une augmentation de sa subvention d'équilibre. Il en ressort des perspectives de dépenses nouvelles pour la mission en 2007 , qui n'ont pas été budgétisées.

*


• Le régime de la RATP bénéficie désormais des mêmes indicateurs d'efficience de la gestion que celui de la SNCF, ce qui répond à un souhait émis par votre commission des finances à l'occasion de l'examen du PAP 2006 .


• Les indicateurs existants sont précis, exhaustifs et bien renseignés.

* 1 Mécanisme de solidarité entre régimes, mis en place en 1974 (compensation généralisée) et complété en 1984 (compensation spécifique vieillesse entre les seuls régimes spéciaux) visant à compenser entre régimes les écarts de nature essentiellement démographique.

* 2 Etablissement national des invalides de la marine.

* 3 Equivalent temps plein travaillé.

* 4 Caisse autonome de retraite complémentaire et de prévoyance du transport.

* 5 Il s'agit d'un mécanisme de solidarité entre régimes, mis en place en 1974 (compensation généralisée entre l'ensemble des régimes) et complété en 1984 (compensation spécifique vieillesse entre les seuls régimes spéciaux), qui vise à compenser les écarts démographiques.

* 6 Somme des taux de cotisation salariale (7,85 %) et patronale (28,44 %).

* 7 Le taux de la cotisation normalisée est inchangé depuis 1991, ce qui peut sembler anormal car certaines modifications intervenues ultérieurement dans les régimes de droit commun aboutissent à accroître le poids relatif des avantages spécifiques du régime de la SNCF.

* 8 CNAVTS et régimes complémentaires obligatoires ARRCO et AGIRC.

* 9 La norme « IAS/IFRS 19 » relative aux avantages servis au personnel impose à la régie d'inscrire ses engagements de retraite au bilan alors qu'elle n'aurait pas la capacité de les provisionner .

* 10 Dans des conditions analogues à celles définies récemment pour le régime spécial des industries électriques et gazières (IEG), avec la création d'une caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) le 1 er janvier 2005. L'adossement se traduit par le versement, par la nouvelle caisse, de cotisations à la CNAV et aux régimes complémentaires. En contrepartie, le régime des IEG bénéficie d'une prise en charge partielle de ses prestations par le régime général et les régimes complémentaires. Ces transferts financiers sont complétés par le versement d'une soulte, dont la fonction est d'assurer la neutralité de cet adossement pour le régime général et les régimes complémentaires. De même, la neutralité de l'adossement pour le régime général doit être ici assurée par le versement d'une soulte, financée par l'Etat.

* 11 La soulte « IEG », d'un montant de 7,65 milliards d'euro, a donné lieu à un premier versement représentant 40 % de cette somme, le solde faisant l'objet de versements échelonnés sur 20 ans.

* 12 Dernier rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale, septembre 2006

* 13 Au-delà de cette limite, ils seront à la charge de la RATP.

* 14 Pour 2007, les charges de pension du régime de la SNCF augmentent de 2,2 % en volume.

* 15 Extrait d'une réponse au questionnaire budgétaire.

* 16 Rapport de septembre 2006.

* 17 Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dont relèvent les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

* 18 55 ans (ex : policier) voire 50 ans (ex : infirmière) pour les personnels en « service actif » (emplois dangereux ou pénibles, soit 40 % des recrutements).

* 19 Régime dit des « bonifications d'annuités » : jusqu'à 5 années de bonifications au titre de l'emploi occupé (ex : « bonification de traction » à la SNCF).

* 20 Catégorie concernant 15 % des emplois de la RATP.

* 21 Alignement progressif des fonctionnaires sur le régime général, avec une augmentation de la durée de cotisation de 37 ans et demi en 2003 à 40 ans en 2008. La loi portant réforme des retraites prévoit ensuite que la durée de cotisation sera portée progressivement à 41 années de 2008 à 2012, sous réserve de l'évolution des conditions démographiques, économiques et sociales. La durée de cotisation serait ensuite portée à 41 années et trois trimestres en 2020.

* 22 A partir de 2008 (nombre d'années majorée d'une unité par an depuis de la réforme du régime général en 1993, date à laquelle 10 années étaient prises en compte). Les salaires « portés en compte » sont indexés sur les prix à la consommation,et non sur le pouvoir d'achat.

* 23 Le régime général est complété par les régimes complémentaires obligatoires, AGIRC et ARRCO, qui fonctionnent selon la technique du « point » ; si, pour un profil de carrière identique, la prise en compte de la carrière aboutit à faire valider des salaires moins élevés que dans les régimes spéciaux publics, la base de calcul comprend l'intégralité de la rémunération, alors que les primes sont, dans l'ensemble, exclues de l'assiette de liquidation des régimes spéciaux.

* 24 Dans le régime général, le taux annuel de la décote doit être progressivement ramené de 10 % à 5 % jusqu'en 2013, au rythme de 0,5 point par an . Parallèlement, l'instauration de la décote dans les régimes de la fonction publique s'effectue progressivement de 2005 à 2020.

* 25 Le fonds pour la gestion du congé de fin d'activité (FONGECFA transports) et l'association pour la gestion du congé de fin d'activité (AGECFA voyageurs).

* 26 Pour la SNCF, la participation du ministère chargé des transports aux conseils d'administration lui conférait alors, en tant que ministère de tutelle, la légitimité d'un droit de regard sur la gestion.