MM. Thierry Foucaud et Bertrand Auban

II. PROGRAMME 742 « OUVRIERS DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS DE L'ETAT »

La deuxième section du compte d'affectation spéciale « Pensions » retrace principalement les opérations du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (FSPOEIE). Les plus gros employeurs des ouvriers de l'Etat sont les ministères de la défense (88 % des pensionnés et 78 % de l'effectif cotisants) et de l' équipement (8 % des pensionnés et 17 % de l'effectif cotisant).

Les quatre premières actions de la présente section concernent respectivement les prestations vieillesse et invalidité , les cessations anticipées d'activité mises en place depuis 1993 dans le cadre de plans de restructuration, les « autres dépenses spécifiques » et la gestion du régime. La cinquième et dernière action du programme 742 retrace les dépenses et les recettes du fonds relatif aux rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) .

Le FSPOEIE, dépourvu de personnalité morale, est géré par la Caisse des dépôts et consignations . Ce régime connaît un fort déséquilibre démographique avec, à fin 2005, quelque 55.000 cotisants pour plus de 106.000 pensionnés , soit 0,51 cotisant pour un pensionné .

L'enjeu du programme 742 est celui d'une plus grande transparence des mouvements du FSPOIE, les charges relatives au paiement des pensions n'étant pas, jusqu'alors, retracées dans les comptes de l'Etat. Cependant, à la différence de la première section du CAS « Pensions », le présent programme ne fait pas apparaître des taux de contribution employeurs correspondant à la charge réelle des pensionnés .

En effet, la contribution patronale, maintenue au taux de 24 % , ne permet pas d'équilibrer le FSPOEIE, et une subvention de l'Etat continue à être versée en complément. Cette subvention est répartie au prorata des effectifs des pensionnés relevant des programmes concernés (en lieu et place des sections budgétaires jusqu'en 2005).

Ainsi, le degré de responsabilisation des gestionnaires est ici inchangé par rapport à la situation qui prévalait avant la mise en place du CAS « Pensions » . Si ce degré de responsabilisation était alors « supérieur » à celui qui prévalait pour les pensions civiles et militaires en l'absence de contribution patronale, il est désormais « inférieur » à celui qui résulte du fonctionnement de la première section du présent CAS , caractérisée par une contribution patronale d'équilibre entièrement assise sur les effectifs employés (alors que la subvention d'équilibre qui complète la contribution patronale est ici répartie en fonction de la politique de recrutement passée).

Décomposition des opérations relative au FSPOEIE

Les charges du programme 742 comprennent au titre de ses quatre premières actions :


les dépenses de pension :

- les prestations de vieillesse et d'invalidité ;

- les majorations de pensions au titre du minimum vieillesse ;

- le coût de cessation anticipée d'activité financée par les établissements ou organismes sous tutelle du secteur de la défense ;


les transferts financiers à la CNAV et à l'IRCANTEC au titre des titulaires sans droits (c'est-à-dire ayant moins de 15 années de service) ;


le coût des charges de gestion du régime, qui est ici pris en compte, à la différence de la première section du CAS « Pensions ».

Figurent en recettes:


• les cotisations et contributions
:

- les cotisations salariales au taux reconduit de 7,85 % ;

- une contribution de l'employeur (Etat ou établissement concerné) au taux reconduit de 24 % (soit 349 millions d'euros en 2007) ;

- la contribution du ministère de la défense , qui représente le surcoût engendré par les départs anticipés avec bonification d'annuités prévus par différents dispositifs de cessation anticipée d'activité mis en place depuis 1993 68 ( * ) ;

- la subvention d'équilibre inscrite sur les programmes ministériels rémunérant des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (931,5 millions d'euros en 2007) ;


• les transferts :

- un transfert de compensation inter-régimes qu'explique une situation démographique ici très dégradée par rapport aux autres régimes de sécurité sociale ;

- diverses recettes dont, notamment, le remboursement par le fond de solidarité vieillesse des majorations de pensions au titre du minimum vieillesse.

*

Il apparaît que le taux de cotisation employeur , fixé à 24 % depuis le 1 er janvier 1999 (au lieu de 10,34 %) , est étonnamment faible au regard des taux d'équilibre de l'Etat. Pour les fonctionnaires militaires, dont le rapport démographique est cependant plus favorable que celui des ouvriers de l'Etat, le taux d'équilibre est fixé à 100 %...

Il paraîtrait donc logique de réviser à la hausse 69 ( * ) le taux de 24 % afin d'aboutir à une responsabilisation équitable des gestionnaires.

Cependant, votre commission des finances estime qu'une démarche purement comptable pourrait entraîner des effets pervers : faire supporter l'intégralité des coûts des pensions des ouvriers de l'Etat par les cotisations employeurs pourrait avoir un effet totalement dissuasif pour les gestionnaires, alors même que des recrutements s'avèreraient indispensables, et finalement précipiter une dégradation du rapport démographique qui déboucherait sur de nouvelles augmentations de cotisations. Au total, les gestionnaires seraient injustement pénalisés au titre des effectifs déjà employés.

Par ailleurs, il n'est pas indifférent que certains des plus gros employeurs d'ouvriers de l'Etat (Giat, imprimerie nationale, monnaies et médailles) évoluent dans un environnement relativement concurrentiel qui incline aussi à prendre en compte le niveau globalement plus faible des taux de cotisation de retraite du secteur privé.

A. LES CRÉDITS ET LA JUSTIFICATION PAR ACTION

Le tableau suivant retrace l'évolution des crédits destinés au programme 742 :

Evolution du montant des crédits destinés au programme 742

(en millions d'euros)

Crédits de paiement pour 2006

Crédits de paiement pour 2007

Part des crédits du programme

Variation 2007/2006

Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité »

1.508,3

1.515,63

88,7 %

0,5 %

Action 2 « Cessations anticipées d'activité »

127,9

122,47

7,2 %

-4,2 %

Action 3 « Autres dépenses spécifiques »

2

1,86

0,1 %

-7 %

Action 4 « Gestion du régime »

8,2

8,6

0,5 %

4,9 %

Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires »

58,9

59,8

3,5 %

1,5 %

Total du programme « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat »

1.705,3

1.708,4

100 %

0,2 %

Le tableau suivant fait apparaître l'évolution des ressources et des charges du FSPOEIE, qui recouvre les opérations retracées par les quatre premières actions du programme :

Compte prévisionnel du FSPOEIE

(en millions d'euros)

DEPENSES

Exécution 2005

LFI
2006

PLF
2007

En % des dépenses

Evolution 2007/2006

Pensions

1.613,9

1.636,2

1.638,1

99,4 %

0,1 %

Autres charges

12,8

10,2

10,5

0,6 %

2,9 %

TOTAL DEPENSES

1.626,7

1.646,4

1.648,6

100 %

0,1 %

RECETTES

Exécution 2005

LFI
2006

PLF

2007

En % des recettes

Evolution 2007/2006

Cotisations salariales

113,5

115,9

114,5

6,9 %

-1,2 %

Contributions patronales

346,3

354,2

349,2

21,2 %

-1,4 %

Remboursement défense

138,6

127,9

122,5

7,4 %

-4,2 %

Autres produits

7,8

5,0

5,9

0,4 %

18,0 %

Total 1

606,2

603,0

592,1

35,9 %

-1,8 %

Subvention de l'Etat

951,3

901,4

931,5

56,5 %

3,3 %

Transfert de compensation

142,0

125,0

7,6 %

-12,0 %

Total 2 (moyens d'équilibre)

951,3

1.043,4

1.056,5

64,1 %

1,3 %

TOTAL RECETTES

1.557,5

1.646,4

1.648,6

100 %

0,1 %

Solde

-69,2

0,0

0,0

0,0 %

-

L'augmentation de 3,3 % la subvention d'équilibre s'explique par l'érosion des cotisations et contributions d'une part, et par une forte diminution des transferts de compensation d'autre part.

B. LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Comme pour le programme 741, les objectifs du présent programme correspondent à des engagements pris par l'Etat qui, dès lors qu'il ne les remet pas en cause, n'en maîtrise pas l'évolution. Il est donc difficile, ici encore, de poursuivre de véritables objectifs d'« efficacité socioéconomique », et la recherche de l'efficience de la gestion et de la qualité du service semble devoir primer .

Cependant, le régime de retraite des ouvriers de l'Etat a été concerné par la réforme des retraites (dont la transposition a été permise par deux décrets 70 ( * ) ), et l'on retrouve ici les indicateurs portant sur l'âge moyen de la radiation des cadres et la durée moyenne de cotisation qui ont été mis en place pour les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. Ce suivi est intéressant pour évaluer les effets des mesures prises et le potentiel d'évolution du régime. Ici aussi, les chiffres que comportent ces indicateurs, retracés dans le tableau suivant, suggèrent que la réforme des retraites est encore peu incitative :

Impact de la réforme des retraites à court terme

Age moyen de la radiation des cadres

Durée moyenne de cotisation

Réalisation 2005

58

31,5

"Cible" 2009

57,3

31,5

Source : à partir du « bleu » « Pensions »

Par ailleurs, trois indicateurs concernent l'efficience de la gestion : outre le coût unitaire d'une primo-liquidation, également prévu pour le programme 741, figurent le « Rapport entre les rémunérations servies par l'Etat et le montant des prestations servies », ainsi que le « Taux de récupérations des indus et trop versés ».

Pour ce qui est de la qualité du service de la Caisse des dépôts et consignations, on peut regretter qu' aucun indicateur ne figure au sein du présent projet annuel de performances. En outre, l' objectif « Optimiser la prévision de dépenses et recettes de pensions » , a priori utile dans le cadre d'une gestion équilibrée du programme qui impose de calculer une subvention d'équilibre suffisante, a été supprimé dans le PAP 2007 . Cette suppression « correspond à un souci de simplification et de réduction du nombre d'indicateurs du programme (...), dès lors qu'il est apparu que la qualité de (la) prévision est attestée par l'exactitude du calcul de la subvention ».

Quoi qu'il en soit, cinq des six indicateurs figurant dans le PAP 2006 sont reconduits à l'identique dans le PAP 2007, ce qui augure favorablement de leur suivi, et il est à noter que tous sont désormais correctement renseignés.

Observations de votre commission des finances sur le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat »


• Le « taux employeur », reconduit pour 2007 à 24 % malgré les observations formulées par votre commission des finances à l'occasion de l'examen du PAP pour 2006, paraît faible pour une responsabilisation optimale des gestionnaires.

*


• Continuité du PAP.


• Indicateurs de performance correctement renseignés.

* 68 Dans le cadre de plans de restructuration (Giat Industries, DCN).

* 69 Un taux de cotisation de l'ordre de 50 % -celui des fonctionnaires civils de l'Etat-, entraînerait une diminution substantielle de la subvention d'équilibre, de l'ordre de 350 millions d'euros et aboutirait à un financement du FSPOEIE plus conforme à la recherche d'équité et de vérité des coûts imprimée par la LOLF.

* 70 Voir notamment le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat prévoyant en particulier l'instauration d'une décote progressive analogue à celle instaurée pour les fonctionnaires.