M. Jean-Jacques JEGOU

PROGRAMME 204 « SANTÉ PUBLIQUE ET PRÉVENTION »

Le programme « Santé publique et prévention » vise principalement à mettre en oeuvre les plans de santé publique, découlant en particulier de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il vise également à assurer le pilotage de la politique de santé publique et contient quelques crédits destinés à assurer le financement de contentieux ou d'indemnisations.

Il se décline en quatre actions dont l'une, d'après la répartition présentée à titre indicatif par le bleu, concentre plus de 76 % des moyens :

Il convient de prendre en compte les crédits de personnels inscrits sur le programme « Conduite et soutien de la politique sanitaire et sociale » de la mission « Solidarité et intégration », qui conduisent à une majoration de 98,3 millions d'euros des crédits de ce programme.

Ce dernier se déclinera en un budget opérationnel de programme (BOP) pour l'administration centrale (et les DDASS de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon) et des BOP déconcentrés dans les 22 régions métropolitaines, les 4 départements d'outre-mer.

Deux opérateurs interviennent dans la mise en oeuvre de ce programme : l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national du cancer (INCA), qui seront financés par le BOP d'administration centrale. Les subventions accordées à ces deux opérateurs représentent 74,9 millions d'euros (+ 10,8 %), soit plus d'un quart des crédits du programme.

Votre rapporteur spécial observe que le ministère de la santé et des solidarités a engagé de premiers efforts pour améliorer la justification au premier euro, qui doivent être poursuivis.

Les relations entre l'INCa et l'INPES

Votre rapporteur spécial avait appelé l'an dernier l'attention du ministère sur la nécessité de clarifier les relations entre l'INPES et l'INCa. Le ministère lui a indiqué qu' une convention de partenariat entre l'INCa et l'INPES définit désormais clairement la collaboration et l'articulation des actions entre ces deux acteurs de la prévention.

Ce partenariat porte essentiellement sur les domaines suivants :

1 Les études sur les connaissances, opinions, attitudes, comportement vis-à-vis des modes de vie et des facteurs d'exposition identifiés comme des déterminants des cancers :


• L'INPES mettra gratuitement à la disposition de l'INCa les données du fichier »enquête cancer 2005 », pour en permettre l'utilisation dans le cadre de l'étude initiée par l'INCa sur « la représentation sociale du cancer » ;


• L'INPES apportera son expertise technique sur les traitements statistiques et l'analyse des données. L'INCa pourra y apporter les compétences et les outils d'analyse géospatiale dont il dispose.

2 Les études sur les économies de la prévention :


• L'INCa et l'INPES s'informeront mutuellement sur toute initiative en matière d'évaluation économique d'instruments de prévention et d'évaluation de stratégies de prévention dans leur ensemble ;


• L'INPES mettra à la disposition de l'INCa des données sur ses budgets historiques de prévention et l'INCa mettra à la disposition de l'INPES ses données sur l'économie du cancer.

3 Les actions d'information et la communication en direction du grand public sur les thèmes de prévention :


• L'INCa participera aux groupes de travail organisés par l'INPES sur les stratégies de prévention tabac, alcool et nutrition ;


• L'INPES et l'INCa se communiqueront leurs documents de programmation portant sur le tabac, l'alcool, la nutrition et les risques solaires, mentionnant les orientations stratégiques retenues.

4 Les actions d'information et la communication en direction des professionnels de santé :


• L'INPES diffuse différents documents à l'intention des professionnels de santé afin notamment de sensibiliser les médecins généralistes aux pratiques de prévention ainsi que des supports de formation pour développer les pratiques d'éducation du patient ;


• L'INCa et l'INPES engageront une étude préliminaire sur le projet d'appel à un réseau de visiteurs médicaux pour communiquer auprès des professionnels de santé.

5 Les actions de proximité et leurs supports pédagogiques :

L'INCa et l'INPES collaboreront pour actualiser l'outil de formation sur le dépistage des cancers édité par l'INPES.

6 La documentation et la veille documentaire sur les théories et les pratiques relatives aux domaines de la prévention et de la promotion de santé, appliquées au domaine du cancer.

L'INCa participera aux travaux initiés par l'INPES sur la mise en place d'un réseau documentaire.

7 La téléphonie « santé » :

L'INPES est mandaté pour organiser le dispositif de la téléphonie « santé ». Cependant l'INCa, subventionnant la ligne « cancer info service » dont la gestion est assurée par la Ligue nationale de la lutte contre le cancer, intègrera cette ligne dans le périmètre d'évolution de la téléphonie « santé ».

8 Suivi et monitorage du Plan cancer concernant les actions de communication et information du public et des professionnels de santé, concernant la prévention des cancers :


• L'INPES adressera trimestriellement à l'INCa un relevé d'informations sur les actions réalisées répondant aux objectifs du Plan cancer ;


• L'INCa communiquera à l'INPES le bilan annuel de la mise en oeuvre du Plan cancer.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

A. LES ENJEUX DU PROGRAMME

1. Un changement de périmètre important, qui fait fi de la décision prise par le Parlement l'an passé

L'action n° 2 « Déterminants de santé » connaît une progression très forte de ses crédits qui s'explique par un transfert entre le programme « Drogue et toxicomanie » et le programme « Santé publique et prévention ».

En effet, il convient de rappeler que l'an passé, votre rapporteur spécial avait constaté que plus de 18 millions d'euros inscrits sur cette action correspondaient à la mise en oeuvre de la partie sanitaire du plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool 2004-2008 et à d'autres actions visant notamment à subventionner des réseaux de soutien ou des structures d'accueil pour toxicomanes.

Ceci n'apparaissait pas cohérent avec l'existence, au sein de la mission « Santé » d'un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. Il était apparu à votre rapporteur spécial que ce choix avait clairement été guidé par une logique de frontières administrative s, le programme « santé publique et prévention » étant placé sous la responsabilité du directeur général de la santé tandis que le programme « drogue et toxicomanie » est placé sous celle du président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT).

Aussi votre rapporteur spécial avait-il proposé de transférer ces 18 millions d'euros vers le programme « Drogue et toxicomanie » . Ce choix avait été confirmé, contre l'avis du gouvernement, par le Sénat, puis par la commission mixte paritaire.

Cette décision a été mal reçue par la direction générale de la santé, ainsi que votre rapporteur spécial a pu le constater à l'occasion d'un contrôle mené cette année. Ainsi, elle s'est efforcée de retarder ou de bloquer la mise en oeuvre de la décision prise par le Parlement. En outre, le présent projet de loi de finances fait comme s'il ne s'était rien produit l'an passé et réintègre ces crédits au sein du programme « Santé publique et prévention ».

Votre rapporteur spécial considère que ces agissements ne sont acceptables et, en conséquence, afin d'avoir un débat de fond avec le ministère sur ce point, vous propose de transférer à nouveau ces crédits vers le programme « Drogue et toxicomanie ». Le projet annuel de performances précise que ces crédits s'élèvent en 2007 à 14.406.199 euros : 3.050.380 euros au titre des déterminants alcool et tabac (hors actions cancer) et 11.355.819 euros au titre des autres pratiques à risque, c'est-à-dire essentiellement au titre des actions de prévention ou de prise en charge des toxicomanes et de réduction de ces risques.

L'analyse du ministère de la santé (direction générale de la santé)
sur le transfert opéré l'an dernier

« La mise en application du Programme DT reconfiguré a suscité des difficultés de définition des champs d'interventions respectifs du responsable de BOP, et du responsable de l'UO santé.

« Plusieurs hypothèses ont été envisagées :

« 1/ laisser la responsabilité de la gestion des crédits à la DGS/UO MILDT-santé, ce qui aurait préserver la logique antérieure et respecter les missions de chacune des institutions

« 2/ centraliser la gestion de ces crédits au sein de la MILDT, responsable du programme D T. Une telle option aurait amputé le ministère de la santé d'un levier d'action important auprès de ses partenaires associatifs.

« 3/ confier la gestion des crédits à la DGS/UO MILDT-santé avec une autorisation formelle et expresse de la MILDT par le biais d'une cosignature de l'ensemble des conventions.

« C'est cette dernière solution qui a été retenue en mai 2006.

« Au total, le transfert de crédits au sein du programme DT a suscité plusieurs difficultés :

«
• Réduction de l'autonomie des DRASS dans l'affectation des crédits en fonction des priorités locales de santé publique du fait de la diminution des marges de redéploiement au sein du programme SPP et de l'absence de telles marges au sein du programme D T en raison de son périmètre budgétaire limité. En particulier, des difficultés de financement des actions VIH/SIDA du programme SPP ont été constatées.

«
• Augmentation du nombre de programmes en gestion au niveau des DRASS,

«
• Retard dans l'instruction des dossiers du fait des difficultés pour mettre en place une procédure respectueuse des missions des différentes institutions et du rôle qui leur a été confié dans le cadre du programme

«
• Dénaturation du rôle de la MILDT : instance de coordination interministérielle, la MILDT s'est ingérée dans la mise en oeuvre et la gestion des actions de santé.

« Complexification de la structuration du programme DT initialement organisé autour d'UO départementales et au sein duquel des UO régionales ont dû être créées, ce qui abouti à un nombre très important d'UO pour un programme au périmètre budgétaire restreint.

« L'ensemble de ses difficultés a conduit le gouvernement à proposer au sein du PLF 2007, la réintégration des crédits Tabac, Alcool et autres pratiques à risques au sein du Programme SPP ».

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

2. Les autres enjeux essentiels du programme (hors opérateurs)

L'action n° 1 « Pilotage de la politique de santé publique » comporte un volant de crédits assez faible (31,3 millions d'euros). Si l'on retire la part de subvention versée à l'INPES, qui sera analysée plus loin, deux éléments importants doivent être relevés.

D'une part, les crédits d'indemnisation , font l'objet d'une forte revalorisation, puisqu'ils passent de 1,425 million d'euros en 2006 à 5,925 millions d'euros en 2007. Votre rapporteur spécial se félicite de cette revalorisation , le montant prévu paraissant plus conforme aux besoins réellement rencontrés.

D'autre part, un montant de 7,3 millions d'euros sert à financer des actions relatives aux inégalités sociales de santé. Ces crédits sont consacrés, selon les données figurant dans le projet annuel de performances :

- à des actions d'accompagnement des publics en situation de précarité pour l'ouverture des droits et l'accès aux soins, notamment par la création de postes de personnes relais, d'équipes mobiles d'intervention, la prise en charge de déplacements pour les personnes isolées géographiquement ;

- à des actions d'information et de formation des professionnels sanitaires et sociaux , afin de les aider à mieux accueillir et prendre en charge les publics en situation de précarité, ainsi qu'à des actions d'information de ces derniers, pour leur donner une meilleure connaissance de leurs droits et des structures de santé en capacité de répondre à leurs besoins ;

- à des actions d'éducation à la santé.

Outre les crédits relatifs à la drogue et à la toxicomanie, qui ont déjà fait l'objet de remarques, l'action n° 2 « Déterminants de santé » comprend une part de la subvention accordée à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), ainsi que des crédits relatifs à la mise en oeuvre du programme national nutrition santé (3 millions d'euros) et du plan santé-environnement (1,7 million d'euros).

L'action n° 3 « Pathologies à forte morbidité/mortalité » concentre l'essentiel des crédits du programme (220,5 millions d'euros).

Si l'on excepte les crédits dévolus aux opérateurs, les principales actions menées sont les suivantes :

L'action n° 4 « Qualité de la vie et handicaps » (6,6 millions d'euros) comprend, outre une part de la subvention versée à l'INPES, 4,3 millions d'euros afin de mettre en oeuvre différents plans de santé publique, notamment au titre de la santé périnatale (1,8 million d'euros) et de la maladie d'Alzheimer (812.122 euros).

3. Les enjeux liés aux opérateurs

Dans la conduite de ce programme, la direction générale de la santé s'appuie sur deux opérateurs : l'INPES et l'INCA.

L'INPES devrait recevoir une dotation de 23,8 millions d'euros au titre de la mission « Santé ». Votre rapporteur spécial regrette que le projet annuel de performances ne permette pas d'avoir une vision précise des ressources dont disposera, globalement, cet opérateur en 2007. Les données qui lui ont été transmises par le ministère de la santé et des solidarités font toutefois apparaître qu'il devrait, au total, disposer d'un budget au moins égal à celui de 2006, soit 113,65 millions d'euros. Il recevrait ainsi 66 millions d'euros en provenance du FNPEIS et mobiliserait son fonds de roulement à hauteur de 20 millions d'euros environ. En outre, une contribution via le programme « Veille et sécurité sanitaire » de la mission « Sécurité sanitaire » serait également envisagée par le ministère, sans que son montant soit arrêté.

Les dotations versées par l'Etat à l'INCA devraient atteindre 95,57 millions d'euros en 2007 (+ 5 millions d'euros), dont 50,57 millions d'euros provenant de la mission « Santé ». La montée en puissance de cette structure créée en 2004 se poursuit : il devrait ainsi bénéficier de 140 ETPT, contre 135 en 2006.

B. LES OBJECTIFS ET INDICATEURS

Votre rapporteur spécial constate que certains indicateurs ont été revus par rapport à l'an passé.

Toutefois, plusieurs indicateurs ne sont toujours pas suffisamment ciblés pour permettre d'apprécier la performance des actions menées par le ministère de la santé et des solidarités dans le cadre de cette mission, notamment les indicateurs suivants : « consommation annuelle d'alcool par habitant de plus de quinze ans », « pourcentage de la prévalence du tabagisme quotidien dans la population », « nombre d'épisodes d'intoxication au monoxyde de carbone ».

Le ministère de la santé estime que les principaux leviers d'action correspondant à ces indicateurs concernent l'action de la direction générale de la santé, de ses services déconcentrés, de l'INPES, des professionnels de santé et des associations.

Votre rapporteur spécial estime que, dans le cadre du travail de réflexion sur les indicateurs qui se poursuit, un effort particulier doit être mené pour mieux faire ressortir la performance des actions menées dans le cadre de ce programme.

Il prend acte de la suppression de l'objectif « rédiger et publier dans les meilleurs délais les textes d'application des lois et transposition de directives européennes », qu'il avait demandé de compléter par un indicateur faisant apparaître le délai moyen de rédaction des textes d'application.

Il s'interroge sur la pertinence de l'indicateur « Taux de participation des associations aux instances auxquelles elles doivent participer ». Ceci ne reflète pas réellement l'action du ministère. En outre, les cibles fixées sont déjà en dessous ou tout simplement égales aux réalisations, ce qui ne traduit donc aucun effort d'amélioration. Il s'interroge également sur la pertinence des indicateurs mesurant le taux de reconnaissance d'une campagne de communication : mieux vaudrait mesurer l'impact de ces campagnes, en particulier le nombre de personnes ayant modifié leur comportement après les avoir vues.

Il relève enfin que les cibles prévues pour l'indicateur « Coût unitaire du dépistage du cancer du sein » sont très supérieures aux réalisations . Cet indicateur vise à évaluer le coût moyen d'une personne dépistée dans le cadre du programme national de dépistage organisé. Le projet annuel de performances précise que ce coût moyen a vocation à donner une référence nationale pour l'ensemble des départements, l'objectif étant de le stabiliser et qu'il reste inférieur ou égal au coût moyen d'une personne dépistée dans le cadre du dépistage individuel (qui peut être estimé à deux consultations de généralistes/ de spécialistes avant et après l'acte de dépistage soit de 40 à 50 euros). Or les réalisations font apparaître un coût moyen de 20,4 euros en 2004 et 17 euros en 2005. Votre rapporteur spécial s'interroge donc sur la pertinence des cibles fixées.

Les principales observations et questions de votre rapporteur spécial sur
le programme 204 : « Santé publique et prévention »

1) Afin de réaffirmer la position adoptée par le Parlement l'an dernier afin de clarifier la répartition des crédits entre les programmes de la mission, votre rapporteur spécial propose de transférer 14.406.199 euros de l'action n° 2 de ce programme vers l'action n° 1 du programme « Drogue et toxicomanie ».

2) Les crédits prévus pour faire face aux frais de justice ont été réévalués afin de mieux correspondre aux besoins constatés.

3) Un travail important reste à réaliser s'agissant des objectifs et indicateurs associés à ce programme. Votre rapporteur spécial souhaite notamment obtenir des précisions sur l'indicateur relatif au coût unitaire du dépistage du cancer du sein.