M. Marc Massion

III. PROGRAMME 220 « STATISTIQUES ET ETUDES ECONOMIQUES »

A. UNE FINALITÉ CLAIRE, SERVIE PAR DEUX ACTEURS D'IMPORTANCE INÉGALE

Le programme 220 est essentiellement tourné vers la fourniture d' informations macroéconomiques, sectorielles, démographiques et sociales , aux pouvoirs publics, aux agents économiques et au grand public.

A ce titre, il comprend l'ensemble des tâches assurées par l'INSEE de collecte, de traitement et de commentaire des statistiques . L'une de ses dimensions les plus importantes renvoie à la tenue du recensement annuel de la population , selon des modalités rénovées qui porteront leur fruit en 2008 7 ( * ) .

Alors que le programme 221 « Stratégie économique et financière et réforme de l'Etat » se caractérise par une très grande hétérogénéité, tant des directions concernées que des objectifs poursuivis, le programme 220 est plus homogène et comprend deux entités d'importance inégale . Ainsi, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) y tient un rôle prééminent, tandis que le service des études et des statistiques industrielles (SESSI) y est plus en retrait même si, d'une part, ses attributions ne peuvent, évidemment, être regardées comme secondaires et que, d'autre part, le chef du SESSI est associé aux décisions de gestion le concernant dans le programme.

Le responsable du programme est M. Jean-Michel Charpin , directeur général de l'INSEE.

B. LA PRÉÉMINENCE DES ACTIONS « INFRASTRUCTURE STATISTIQUE » ET « SOUTIEN » : 35 % ET 29,3 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME

Le présent programme est composé de cinq actions parmi lesquelles les actions « Infrastructure statistique » et « Soutien » se distinguent de par leurs poids budgétaires respectifs : 156,4 millions d'euros en crédits de paiement pour la première (soit 35 % du programme) et 130,3 millions d'euros pour la seconde (soit 29,3 % du programme) .

Il convient de rappeler que l'action « Infrastructure statistique » regroupe les activités à caractère régalien ou normatif : comptabilité nationale et indice des prix à la consommation, registre des personnes physiques et des entreprises (SIRENE), fichier électoral, recensement annuel de la population, action internationale et mise à disposition de l'information.

L'action « Soutien » , pour sa part, renvoie aux fonctions de direction, de gestion des moyens, de communication et de formation continue lorsqu'elles bénéficient indistinctement à l'ensemble des actions.

Les cinq actions du programme « Statistiques et études économiques »

(en millions d'euros)

Action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Infrastructure statistiques

156,6

156,4

Information sur les entreprises et synthèse économique

73,5

73,4

Information démographique et sociale

62,9

63

Formation

22,6

22,6

Soutien

131

130,3

Total

446,7

445,9

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DES DÉPENSES DE PERSONNEL : 83,1 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME

Le programme connaît un recul sensible de son enveloppe budgétaire au regard des crédits ouverts en loi initiale de finances pour 2006. Ainsi, hors fonds de concours, les autorisations d'engagement s'élèvent-elles à 466,7 millions d'euros (- 3 % par rapport à 2006) et les crédits de paiement à 465,9 millions d'euros (- 1,4 % par rapport à 2006) .

Les fonds de concours passent, quant à eux, de 20,8 millions d'euros à 20 millions d'euros 8 ( * ) .

Les crédits de ce programme sont à 83,1 % composés de dépenses de personnels (titre 2) , soit 370,9 millions d'euros de crédits de paiement sur un total de 445,9 millions d'euros. Ces dépenses de personnel connaissent une baisse de 3,1 % par rapport à leur niveau fixé par le projet de loi de finances initiale pour 2006.

Cette évolution à la baisse trouve, d'ailleurs, son corollaire dans une réduction de 241 ETPT pour le plafond d'emplois de ce programme, qui ressort pour 2007 à 6.242 ETPT . Cette baisse très significative s'explique, notamment, par un transfert de 121 ETPT aux services statistiques ministériels (ministère de l'équipement, du tourisme et de la mer, par exemple) et à différentes directions du Minefi employant des statisticiens (direction générale du trésor et de la politique économique, notamment). Ces transferts peuvent être considérés comme salutaires dans la mesure où, d'une part, ils traduisent la fluidité des carrières des statisticiens et, d'autre part, ont pour conséquence de ne faire supporter au présent programme que le coût des personnels travaillant effectivement pour le compte de l'une de ses actions.

Au sein de cette enveloppe budgétaire dédiée aux dépenses de personnel, il convient de noter que 5,89 millions d'euros ont été prévus au titre de mesures catégorielles. Ces mesures correspondent, notamment, à la mise en oeuvre d' un plan de requalification des emplois , destiné à adapter la structure des emplois aux besoins du programme, et à la prise en compte de la performance par un intéressement lié aux résultats 9 ( * ) .

D. LA RECHERCHE D'UNE ALLOCATION OPTIMALE DES CRÉDITS : DES INTERROGATIONS EN SUSPENS

Les spécificités des actions composant ce programme induisent un certain nombre d'interrogations, certaines d'entre elles ayant déjà été soulevées par votre commission en 2006 10 ( * ) .

1. La dotation de recensement reçue par les collectivités territoriales est-elle suffisante ?

Un aspect essentiel de l'action « Infrastructure statistique » concerne les recensements de population réalisés par l'INSEE. Ainsi, en 2007, l'INSEE réalisera le recensement annuel de population auprès de 8.097 communes de métropole et des DOM , soit une commune de moins de 10.000 habitants sur cinq et toutes les communes de 10.000 habitants et plus. Seront également réalisés, avec le concours de l'INSEE, les recensements de population de Mayotte et de Polynésie française. En fonctionnement, le coût annuel de ces recensements atteindra 7,7 millions d'euros en crédits de paiement .

Ces opérations de recensement nécessitent, toutefois, le déploiement, pendant la phase de collecte, d'un grand nombre d'agents recenseurs, recrutés par les collectivités territoriales. Celles-ci reçoivent une dotation de recensement de 18,1 millions d'euros , calculée en fonction du nombre d'habitants et de logements dans la commune, pour faire face à ces recrutements. Il est, toutefois, permis de s'interroger sur le caractère suffisant de cette dotation, eu égard aux coûts organisationnels supportés par les collectivités territoriales à l'occasion de ces opérations.

2. D'éventuels doublons entre l'INSEE et la Banque de France ?

Au sein du programme, l'action 2 « Information sur les entreprises et synthèses économiques » s'intéresse à la fourniture de données essentielles sur les entreprises, notamment les statistiques conjoncturelles (niveau des stocks, prix à la production...) et structurelles (enquête annuelle d'entreprises). 73,5 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus à cet effet par le projet de loi de finances pour 2007.

A cet égard, on peut relever, comme l'avait déjà fait votre commission l'an dernier 11 ( * ) , que les différentes enquêtes de conjoncture de l'INSEE, dont la qualité est reconnue, sont souvent concurrencées par celles menées par la Banque de France . Votre commission avait, par ailleurs, également soulevé cette question à l'occasion de la publication de son rapport faisant suite à l'enquête de la Cour des comptes consacré au réseau de la Banque de France 12 ( * ) .

Le débat autour d'un éventuel « doublon » des enquêtes de conjoncture reste toujours d'actualité .

3. Combien coûte le centre de recherche en économie statistique (CREST) ?

L'action 4 « Formation » est constituée des deux écoles du groupe des écoles nationales d'économie et de statistique (GENES) : l'Ecole nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE) et l'Ecole nationale de la statistique et de l'analyse de l'information (ENSAI). Les crédits de paiement de cette action (2,3 millions d'euros) concernent, également, le centre de recherche en économie statistique (CREST), qui couvre les domaines de recherche des deux écoles et de l'INSEE. En économie, ce centre se place parmi les trois premiers centres français et les dix premiers en Europe.

Cependant, comme l'avait déjà remarqué votre commission l'an dernier 13 ( * ) , ce centre n'est pas rattaché à l'ENSAE, ce qu'il devrait logiquement être, mais est inclus dans l'action 4. En outre, il ne fait l'objet, dans le « bleu », d'aucune ligne spécifique, ce qui ne permet pas d'en isoler les crédits .

Cette absence d'information spécifique permettant de mieux cerner le coût du CREST trouve une partie de son origine dans la difficulté à distinguer son activité de celle de l'ENSAE, les deux structures étant étroitement liées pour des raisons d'efficacité évidentes. Elle s'explique, toutefois, également par les lacunes en matière de comptabilité analytique du présent programme , aucun système de suivi des coûts n'ayant jusqu'à présent été mis en place.

A l'heure où la recherche constitue un avantage comparatif essentiel dans le contexte d'une économie mondialisée, il serait, pourtant, intéressant de connaître le coût du CREST .

4. La relocalisation de l'école nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE) est-elle toujours d'actualité ?

La question de la relocalisation de l'ENSAE avait, elle aussi, déjà été soulevée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 14 ( * ) et les termes en sont simples.

Alors que l'ENSAI a été délocalisée à Rennes en 1996, dans les meilleures conditions, l'ENSAE, située dans le bâtiment de l'INSEE à Malakoff, souffre à l'évidence de locaux peu adaptés compte tenu des contraintes et des effectifs de l'école. Un terrain avait été acheté, dès les années 1980, à Marne-la-Vallée, et un concours d'architecture avait même été lancé. Aucune suite concrète n'a, néanmoins, été donnée à cette initiative, et le terrain, toujours propriété du Minefi, est, aujourd'hui encore, en friche, ce qui représente un coût d'opportunité certain .

D'autres projets ont été évoqués, comme une délocalisation de l'école vers le plateau de Palaiseau. Aussi, votre rapporteur spécial estime-t-il urgent de répondre à la question de la relocalisation de l'ENSAE , qui développe une activité internationale croissante et mériterait, à l'évidence, de nouveaux bâtiments offrant de meilleures conditions de travail et la possibilité de faire jouer des synergies avec d'autres pôles d'excellence.

E. UN PROGRAMME QUI RÉPOND À L'EXIGENCE DE PERFORMANCE

L'analyse des indicateurs de performance attachés à ce programme fait ressortir un résultat d'ensemble satisfaisant, témoignant d'une bonne prise en compte par les différents personnels de l'exigence de résultats .

Il convient, par ailleurs, de souligner l'extrême clarté de la construction de la « feuille de route » de ce programme : chacun des six objectifs fixés étant mesuré par un unique indicateur rendant suffisamment bien compte de l'efficience recherchée.

L'objectif 1 « Respecter les engagements de la France par rapport à l'Europe en termes de délais de diffusion des résultats économiques de la France » a fait l'objet de plusieurs modifications sémantiques mineures au regard de sa présentation dans le projet de loi de finances pour 2006. D'une part, son libellé porte, désormais, sur la diffusion (et non plus la publication) et sur les résultats économiques (et non plus macroéconomiques). D'autre part, il ne renvoie plus qu'à un seul indicateur (et non plus deux).

Cet objectif vise la qualité et la rapidité de la production des informations de comptabilité nationale, deux éléments effectivement décisifs pour ce programme. L'indicateur qui lui est attaché témoigne, a cet égard, de livraisons trimestrielles respectant les délais prévus par les engagements européens de la France .

L'objectif 2 « Respecter les engagements de la France par rapport à l'Europe en termes de diffusion des résultats sectoriels conjoncturels » constitue une innovation et ne figurait pas en tant que tel dans le projet de loi de finances pour 2006, même si un indicateur y mesurait tout de même déjà cette performance. Cette nouveauté s'explique par l'importance devant être attachée à la « fraîcheur » de l'information s'agissant d'enquêtes conjoncturelles.

Si l'indicateur associé à cet objectif montre une dégradation du résultat en la matière, celle-ci n'est qu'apparente et résulte, essentiellement, d'une modification du délai de diffusion prévu par la réglementation européenne 15 ( * ) .

L'objectif 3 « Améliorer, d'ici 2008, la précision des estimations de population par commune (du point de vue de l'usager) » présente un intérêt évident, et est mesuré par l'indicateur « Pourcentage cumulé de communes (de moins de 10.000 habitants) ayant bénéficié depuis 2004 d'une estimation de population de qualité suffisante pour permettre sa publication » . Il se situe dans le cadre de la réforme de la procédure de recensement engagé en 2004, qui doit déboucher, en 2008, sur une nouvelle estimation de l'ensemble de la population. Dans cette perspective, il rend compte d' une progression régulière et satisfaisante : 40 % réalisé en 2005, 60 % prévu en 2006, 80 % prévu en 2007 et 100 % prévu en 2008.

Les objectifs 4 « Améliorer la rapidité d'immatriculation des entreprises au répertoire SIRENE » témoigne de l'attention apportée à la qualité du service rendu aux entreprises . Le taux de rotation des stocks de création d'entreprises, qui constitue l'indicateur de la performance du programme sur cet objectif, a enregistré un résultat exceptionnellement bon en 2005 . Aussi, les prévisions pour 2006 et 2007 sont-elles moins optimistes, tout en restant à un niveau parfaitement acceptable bien au-dessus de la performance réalisée en 2004.

L'objectif 5 « Alléger la charge de réponse des entreprises aux enquêtes statistiques » représente une autre novation et se substitue à l'objectif « Améliorer la pertinence des études sectorielles sur l'industrie française ». S'inscrivant dans la démarche plus générale de simplification administrative, il correspond à un indicateur mesurant la propension des entreprises à remplir leurs formulaires sur internet et, en corollaire, la capacité de l'INSEE à mettre des enquêtes en ligne. Cet indicateur est en progression régulière depuis 2004 (35 % des entreprises en 2004, 40,7 % en 2005 et 45 % en prévision pour 2006), cette évolution devant, toutefois, être rapprochée d'un phénomène plus général : la confiance grandissante des Français vis-à-vis des transactions sur internet.

L'objectif 6 « Maintenir le niveau de qualité des enquêtes auprès des ménages pour un coût maîtrisé » cherche à traduire la fiabilité des résultats obtenus, dans un contexte de difficultés croissantes à obtenir des réponses aux enquêtes adressées aux ménages. A ce titre, il reflète bien l'efficience globale des concepteurs, des informaticiens, des gestionnaires et des enquêteurs de l'INSEE. L'appréciation pouvant être portée sur l'évolution de son indicateur est, toutefois, cette année très limitée, dès lors que l'indice n'a été calculé pour la première fois qu'en 2005 . Il conviendra, donc, d'attendre l'examen du projet de loi de finances 2008 pour mieux estimer si l'objectif est atteint ou pas.

F. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- Le programme connaît une baisse sensible de son enveloppe budgétaire hors fonds de concours : - 3 % en autorisations d'engagement (466,7 millions d'euros) et - 1,4 % en crédits de paiement (465,9 millions d'euros).

- Les crédits de ce programme se caractérisent par une forte proportion de dépenses de personnel : 83,1 % .

- Le montant de la dotation de recensement reçue par les collectivités territoriales (18,1 millions d'euros) est-il suffisant , eu égard aux coûts organisationnels supportés à l'occasion de ces opérations ?

- La question des éventuels « doublons » entre les missions de l'INSEE et de la Banque de France, en ce qui concerne la production d'études de conjoncture, continue de se poser : les études menées apportent-elles des informations suffisamment différentes pour être justifiées ?

- Le coût du CREST reste difficile à identifier , l'absence de comptabilité analytique au sein du présent programme ne pouvant qu'être vivement déplorée.

- Les interrogations concernant la délocalisation de l'ENSAE , dans le but de donner à cette école une chance supplémentaire de se développer, méritent de trouver une réponse.

- Les objectifs de ce programme apparaissent pertinents et ses indicateurs mettent en lumière des performances satisfaisantes .

* 7 De nouvelles dispositions en matière de recensement ont été introduites par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 8 Les fonds de concours de ce programme proviennent de recettes commerciales et de partenariats, de travaux réalisés pour Eurostat (études et conception, enquêtes) et des droits d'inscriptions au concours de l'Ecole nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE).

* 9 Cet intéressement en fonction des résultats s'appuie, pour chaque direction, sur une batterie de douze indicateurs, recoupant largement les indicateurs de performance du PAP.

* 10 Sénat, rapport spécial n° 99 (2005-2006) - Tome III - Annexe 31.

* 11 Sénat, rapport spécial n° 99 (2005-2006).- Tome III - Annexe 31.

* 12 Rapport n° 254 (2002-2003) de M. Jean Arthuis « Réseau de la Banque de France : urgence et nécessité de la réforme ».

* 13 Sénat, rapport spécial n° 99 (2005-2006)- Tome III - Annexe 31.

* 14 Sénat, rapport spécial n° 99 (2005-2006).- Tome III - Annexe 31.

* 15 Règlement européen (EC) n° 1165/98 du 19 mai 1998.