M. Adrien GOUTEYRON

IV. LE PROGRAMME 151 : « FRANÇAIS À L'ÉTRANGER ET ÉTRANGERS EN FRANCE »

Les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France » représentent un montant limité de 310,6 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et en crédits de paiement, dont 189,9 millions d'euros de dépenses de personnel (titre 2, en crédits de paiement), soit 61 % du total. Les emplois, exprimés en ETPT, correspondant au montant inscrit au titre 2, s'établissent à 3.560, contre 3.398 pour l'exercice 2006.

Les crédits des fonds de concours rattachés au programme 151 font l'objet d'une prévision de 150.000 euros.

A. LES FINALITÉS DU PROGRAMME ET LES ACTIONS

1. Les finalités du programme

Le programme 151 a pour objet de fournir aux Français établis hors de France ou de passage à l'étranger les services des 232 postes du réseau consulaire et d'instruire les demandes de visas. Le responsable du programme est M. Alain Catta, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France.

L'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) participe à ce programme.

Il se trouve réduit de 49,39 millions d'euros et de 137 ETPT en raison :

- d'une part, du transfert de l'action 3 « Instruction des demandes de visa » (à raison de 99 ETPT, soit 4,489 millions d'euros de masse salariale) ;

- d'autre part, du transfert de l'action 4 « Garantie de l'exercice du droit d'asile, avec ses 38 ETPT (soit 1,575 million d'euros de masse salariale) et 43,33 millions d'euros de subvention pour charge de service public à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) (43 millions d'euros) et pour le soutien aux associations de demandeurs d'asile (0,33 million d'euros).

2. La structuration en actions

Le programme est structuré en trois actions.

Action n° 1 : Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger ( 192,3 millions d'euros )

Elle a pour objet d'assurer la meilleure sécurité possible aux Français résidant à l'étranger, comme aux Français de passage, et de leur offrir des services essentiels, sans pour autant chercher à reproduire à l'étranger, à l'identique, les services de toute nature disponibles sur le territoire national .

Elle correspond à une part importante de l'activité de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France et des postes consulaires à l'étranger.

Action n° 2 : accès des élèves français en réseau AEFE (51,4 millions d'euros )

Cette action déjà décrite dans le commentaire de votre rapporteur spécial sur le programme 185, doit permettre de faciliter l'accès de l'enseignement français à l'étranger par un système de bourses.

Action n° 3 : instruction des demandes de visas (51,4 millions d'euros )

Cette action a pour finalité d'organiser l'accès au territoire national des étrangers désireux de se rendre en France. Elle vise à mettre en oeuvre la politique initiée par le nouveau ministère de l'immigration, de l'asile et de l'intégration.

Répartition du programme 151 par actions avant et après ventilation
des prestations d'appui du programme et des crédits polyvalents affectés
à d'autres missions 23 ( * )

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2008 « Action extérieure de l'Etat »

B. UNE RÉPARTITION DES RÔLES AVEC LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » EN QUESTION

1. Une cohérence nécessaire entre le ministère de l'immigration et le ministère des affaires étrangères

L'administration de l'immigration est composée de services épars, aux cultures de travail différentes, parfois antagonistes, aux relations empreintes de méfiance, qui doivent désormais faire preuve de davantage de cohérence.

La création du nouveau ministère dirigé par M. Brice Hortefeux participe de la modernisation de notre politique de l'immigration. On peut se demander si, dans le passé, une telle politique a existé, faute d'outils cohérents pour mettre en oeuvre une réelle gestion des flux migratoires.

Dans ce contexte, l'organisation administrative retenue entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la politique de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui conduit le Quai d'Orsay à garder la compétence sur les services des visas, correspond à un équilibre précaire, susceptible de produire des cloisonnements administratifs dommageables . Celui-ci ne sera pas durable et conduira tôt ou tard au transfert de la compétence administrative, fonctionnelle et budgétaire (51,4 millions d'euros) sur les services des visas au nouveau ministère de l'immigration. Ce transfert n'a pas été opéré jusqu'à présent pour prendre en considération la demande légitime des agents des consulats à garder leur « statut » de fonctionnaire du Quai d'Orsay : ce point illustre néanmoins l'urgence de créer des corps administratifs interministériels.

Dans cet équilibre difficile, votre rapporteur spécial souhaite que le Quai d'Orsay joue le jeu du nouveau ministère de l'immigration , qui doit permettre d'organiser un service public cohérent, et performant, d'accueil des personnes étrangères dans notre pays, au service de l'attractivité économique, culturelle et scientifique de la France. En conséquence, votre rapporteur spécial appelle à éviter les doublons administratifs, dont la recréation notamment d'un service des visas, certes limité, chargé de suivre ce que ferait le nouveau ministère de l'immigration est un exemple.

Il invite surtout à transférer les crédits informatiques liés aux visas à la mission « Immigration, asile et intégration » , comme l'a fait de son côté le ministère de l'intérieur pour l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (projet « Grégoire »). Il proposera ainsi un amendement de suppression de 6.500.000 euros de crédits de paiement correspondant aux dépenses informatiques attribuées au système informatique « réseau mondial visa » afin d'inciter le gouvernement à les inscrire sur la mission adéquate, la mission « Immigration, asile et intégration ».

Comme le souligne notre collègue André Ferrand dans son rapport sur la mission précitée, « dans le contexte d'une remise en cohérence des systèmes d'information liés à la politique de l'immigration , dont le cloisonnement actuel est la suite directe d'un cloisonnement administratif déjà évoqué précédemment, et dont la conséquence a été, selon la Cour des comptes, dans son rapport précité de novembre 2004, dommageable à l'efficacité de l'action de l'Etat, il faut s'interroger sur les raisons qui conduisent à ne pas inscrire les crédits liés à l'application « réseau mondial visa » au titre du présent programme, alors que certaines données sont communes aux différentes applications informatiques et que leur interopérabilité se doit d'être assurée. Il convient également d'évoquer la nécessité de simplifier à l'extrême la vie des visiteurs étrangers. Il ne paraît pas concevable de leur demander plusieurs fois les mêmes informations pour la seule raison que les applications informatiques des administrations françaises resteraient construites et gérées de manière autonome sur un plan budgétaire ».

2. Un indicateur de délai d'instruction des demandes de visas non pertinent

Il n'a été tenu aucun compte dans le projet annuel de performances des remarques de votre rapporteur spécial concernant l'indicateur de délais en matière de visas, formulées dans son récent rapport de contrôle sur le sujet 24 ( * ) .

Votre rapporteur spécial avait été frappé, en visitant les consulats du Royaume-Uni, de l'exemplarité britannique en matière de suivi des délais . L'agence des visas UK Visas est en effet astreinte à plusieurs indicateurs de performance visant à mesurer la qualité de service. Deux indicateurs concernent les délais. Le premier est constitué du pourcentage de décisions prises en matière de visas de court séjour dans un délai de 24 heures, pour les dossiers ne nécessitant pas un entretien. La cible est de 90 % : le résultat 2005/2006 s'établissait à 93 %. Un deuxième indicateur concerne les dossiers nécessitant un entretien avant décision ou des investigations supplémentaires. 90 % des décisions doivent être prises dans un délai de 15 jours après le dépôt d'un dossier complet. En 2005/2006, les résultats se sont établis à 93,6 %.

Chacun de ces indicateurs fait l'objet d'un suivi poste par poste.

Un indicateur de délai est également présenté au Parlement dans le projet annuel de performances. Il est constitué du pourcentage de décisions en matière de visas de court séjour prises en moins de 11 jours. La cible est de 80 %. En 2006, le pourcentage était déjà de 83 % selon le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2006. Ce pourcentage constitue une moyenne et ne permet de pas de prendre connaissance des pics de délais, qui interviennent par exemple au moment des vacances d'été.

L'indicateur présente, en outre, des défauts tels qu'il est impossible d'en tirer des conclusions en termes de qualité de service.

Tout d'abord, le délai court entre le moment du dépôt de la demande de visa et de la date de mise à disposition du passeport, en retour. Or 40 postes, parmi les plus importants, permettent le dépôt des demandes sur rendez-vous. Pour le demandeur de visa s'adressant à ces postes, le délai d'attente est constitué du délai nécessaire pour obtenir un rendez-vous auquel s'ajoute le délai de traitement de la demande. C'est donc le délai global d'attente qui doit être mesuré. Or, interrogés par votre rapporteur spécial, les consulats manifestent des modes de mesure très différents des délais. A l'évidence, aucun ne dispose d'un tableau de bord précis de suivi, prenant évidemment en compte le délai pour obtenir un rendez-vous. Même l'indicateur présenté au Parlement n'est pas décliné dans les postes consulaires.

Enfin, la transparence doit être de mise en matière de délai, vis-à-vis des demandeurs. Ce n'est pas vraiment le cas. Votre rapporteur spécial suggère vivement une publication des délais en ligne, comme le pratiquent les consulats américains 25 ( * ) , de prendre des engagements en termes de délais et de s'y tenir.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France »

- Votre rapporteur spécial constate que l'organisation administrative retenue entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la politique de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui conduit le Quai d'Orsay à garder la compétence sur les services des visas, correspond à un équilibre précaire, susceptible de produire des cloisonnements administratifs dommageables . Il appelle à éviter les doublons, par la recréation notamment d'un service des visas chargé de suivre ce que fait le nouveau ministère de l'immigration, et à transférer les crédits informatiques liés aux visas à la mission « Immigration, asile et intégration » , comme l'a fait de son côté le ministère de l'intérieur pour le projet « Grégoire ».

- Les préconisations de votre rapporteur spécial relatives à la production d'un réel indicateur de mesure des délais de délivrance des visas n'ont pas été prises en compte . Ceux-ci doivent être publiés en ligne dans tous les consulats. De la même manière, votre rapporteur spécial souhaite que le ministère des affaires étrangères dresse un tableau de suivi régulier du processus d'externalisation des procédures « visas ».

-Le rapport d'audit de modernisation sur les besoins en effectifs des consulats liés au déploiement de la biométrie n'est toujours pas parvenu à votre rapporteur spécial.

* 23 En logique analytique, le programme bénéficie de crédits, au prorata du poids budgétaire du programme et des ETPT, des actions soutien et réseau diplomatique du programme 105.

* 24 Rapport d'information n° 353 (206-2007) : « Trouver une issue au casse-tête des visas ».

* 25 http://travel.state.gov/visa/temp/wait/tempvisitors_wait.php