M. Bernard Angels

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Sur un plan stratégique, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » connaît quatre axes de réforme majeurs :

- il s'agit tout d'abord, premièrement, de la redéfinition des rôles entre deux ministres de plein exercice à Bercy , le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Eric Woerth, d'une part, et le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, d'autre part. La traduction budgétaire de ce nouvel organigramme gouvernemental est perfectible. Il subsiste trois missions, dont la lisibilité n'est pas assurée. Ainsi distingue-t-on trop peu le partage entre le rôle stratégique, d'état-major, de Bercy, et son rôle opérationnel, lié par exemple au recouvrement de l'impôt. La répartition budgétaire entre les trois rôles du pôle économique et financier - rôle de direction financière de l'Etat, rôle de modernisation des structures et des ressources humaines, rôle de pilotage économique - pourrait être améliorée. Au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », des progrès peuvent être accomplis. La mission compte cinq programmes, contre deux en 2007. Or deux programmes, le programme 221 « stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » et le programme 148 « Fonction publique » procèdent de la même politique : réformer l'Etat. Les deux programmes doivent leur existence à des considérations administratives, afin de respecter les organisations existantes, direction générale de la modernisation de l'Etat d'un côté, direction générale de l'administration et de la fonction publique de l'autre. Pour plus de cohérence, ne faudrait-il pas réunir ces deux programmes en un programme unique « Modernisation de l'Etat, de la fonction publique et des finances » afin de donner plus de lisibilité à cette action essentielle ?

- deuxième axe de réforme important, la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique . Cette fusion est dans la continuité des actions entreprises au cours des dernières années : création d'une application informatique commune COPERNIC et introduction, d'abord pour les grandes entreprises, puis pour les PME, d'un interlocuteur fiscal unique. Elle est aussi cohérente avec les préconisations que votre rapporteur spécial avait faites dès 2000 dans son rapport 1 ( * ) « la Direction générale des impôts à l'heure des réformes : pour une modernisation du service public de l'impôt ». Ce rapport soulignait que l'intégration dans une même administration des services de la DGI et du Trésor Public s'imposait pour supprimer les cloisonnements et les superpositions et qu'une unité d'animation et de gestion au niveau national et au niveau local était indispensable. Le rapport indiquait que l'intégration des réseaux devait obéir à une démarche pragmatique axée sur l'intégration de la chaîne fiscale. Il soulignait enfin la nécessité de prendre en compte l'impact de la réforme sur les agents et le réseau local de la DGCP, très étendu, et qui pouvait donc faire l'objet, si l'on n'y prenait pas garde, de coupes sombres. Dans ce contexte, l'esprit actuel de la réforme sous réserve d'un suivi précis de sa mise en oeuvre peut recevoir une première appréciation positive. La réforme vise à créer ce qui est indispensable : un service fiscal unique pour les particuliers, avec un seul responsable sur le plan national et départemental. Pour autant, le réseau des 3.172 trésoreries n'est pas sacrifié, car ces trésoreries pourraient se voir adjoindre des missions d'assiette, notamment au profit des collectivités locales. Ceci n'empêche évidemment pas une révolution raisonnée du réseau des trésoreries. 597 trésoreries, comptant pour la plupart moins de 3 agents, ont fermé au cours des 4 dernières années. La clé de la réforme réside désormais dans les questions de statuts et de rémunérations.

- troisième axe de réforme, la lutte contre la fraude . M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique vient de recevoir sa lettre de mission du Président de la République. Il a ainsi été investi de la fonction de chef de file de la lutte contre la fraude, évaluée dans ce courrier à 30 milliards d'euros. La lettre de mission prévoit la création d'une organisation administrative nouvelle, le comité national de lutte contre la fraude, dont le secrétariat serait assuré par une délégation nationale à la lutte contre la fraude. Votre commission des finances a examiné à plusieurs reprises les questions de lutte contre la fraude, notamment à travers un récent rapport d'information 2 ( * ) de votre rapporteur spécial, intitulé « Recouvrement des sanctions pénales et fiscales : la fin de l'impunité », à la suite d'une enquête de la Cour des comptes mené en application de l'article 58-2° de la LOLF. Ce rapport montre que le véritable enjeu de la lutte contre la fraude est tout autant dans le contrôle fiscal, ou la répression par les amendes, que dans le recouvrement. Or cette fonction de recouvrement est perfectible, car elle touche à des questions de coordination entre administrations. Il en est ainsi du fonctionnement des bureaux d'exécution des peines, dont l'efficacité est amoindrie par un déni de compétence en matière de recouvrement des amendes, tant par les greffes que par le Trésor public.

Votre rapporteur spécial souhaiterait que la Cour des comptes puisse accepter de réaliser des travaux de suivi de son enquête précédente. Il paraît plus que nécessaire que celle-ci se penche sur le traitement des décisions individuelles des recours, qui a évidemment un impact significatif sur le recouvrement du contrôle fiscal.

- quatrième et dernier axe de réforme : l'informatisation de l'Etat, dont la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est un maître d'oeuvre essentiel. Les actions en cours sont considérables : création d'une informatique fiscale unique, développement d'une nouvelle application de gestion, en remplacement de ACCORD-LOLF, intitulée Chorus, lancement d'une application de paye unique pour l'ensemble des services de l'Etat. La dématérialisation des formalités de dédouanement est par ailleurs un enjeu fondamental pour la compétitivité de nos plateformes portuaires et aéroportuaires à l'échelle européenne.

Ces chantiers doivent relever plusieurs défis :

- tout d'abord respecter les délais et les budgets prévisionnels : or aucun indicateur n'est fourni à ce sujet dans le projet annuel de performances ;

- dégager des gains de productivité. Or ceux-ci ne sont jamais chiffrés en amont : comme le relève la Cour des comptes dans un récent référé sur l'application fiscale COPERNIC, dont les coûts complets avoisinent pourtant 1,8 milliard d'euros, « l'administration fiscale en tire pas suffisamment parti de COPERNIC pour réorganiser ses tâches et ses services et donc pour dégager les gains de productivité importants qui, au même titre que l'amélioration du service rendu, constituent le retour sur investissement du programme ». La notion de retour sur investissement doit apparaître dans les projets annuels de performances ;

- éviter enfin les cloisonnements. S'agissant de l'opérateur national de paye, une interface avec les 40 systèmes de ressources humaines des ministères sera difficile à réaliser. Un chantier d'harmonisation, à défaut d'unification, de ces systèmes informatiques est nécessaire.

Les personnes auditionnées par votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances :

- M. Jean Bassères, responsable du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local », secrétaire général, accompagné de MM. Bruno Parent, directeur général des impôts et Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique ;

- M. Frank Mordacq, responsable du programme 211 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat », directeur général de la modernisation de l'Etat ;

- M. Jérôme Fournel, responsable du programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », directeur général des douanes et des droits indirects ;

- M. Jean-François Verdier, responsable du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière », directeur des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel ;

- M. Christian Babusiaux, président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes, accompagné de M. Jean-Marie Bertrand, président de section, et de M. Jean-Raphaël Alventosa, conseiller-maître.

* 1 Rapport d'information n° 205 (1999-2000).

* 2 Rapport d'information n° 381 (2006-2007).