M. André Ferrand

TROISIÈME PARTIE :
PROGRAMME 104
« INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

I. L'AUTRE VOLET DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE L'IMMIGRATION

Le présent programme 104 regroupe 195,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Il est doté de 239 ETPT, qui proviennent de la direction de la population et des migrations transférée du ministère du travail, pour un montant de crédits inscrit au titre 2 de 13,1 millions d'euros.

Le programme regroupe, d'une part, les emplois transférés de la direction de la population et des migrations et du Haut Conseil à l'Intégration, et, d'autre part, les crédits d'intervention consacrés aux actions d'insertion et de lutte contre les discriminations, les crédits en faveur des aides au retour ou à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine, les dépenses de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations, délocalisée en province, à Rezé depuis 1987, ainsi que les dépenses de personnel.

A. LE CONTREPOINT NÉCESSAIRE DE LA POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

1. 150 millions d'euros au titre des actions des opérateurs en faveur de l'accueil et de l'intégration

La présentation stratégique du programme souligne que « l'intégration des étrangers désireux de s'installer durablement en France et au-delà de solliciter l'acquisition de la nationalité française doit devenir une priorité qui se traduira par un renforcement des actions d'intégration, de formation et de promotion sociale et professionnelle conduites par les opérateurs de l'Etat que sont l'Agence Nationale de l'Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) et l'Agence pour la Cohésion Sociale et l'Égalité des chances (ACSé) ». Ceci suppose une activation de la dépense publique d'intervention, particulièrement importante au sein du présent programme.

Pour cette raison, il convient de souligner, pour le regretter, l'absence totale d'objectifs et d'indicateurs de performances relatifs à l'intégration au sein du présent programme. Ceci démontre l'important travail restant à accomplir par l'ACSé pour formaliser ses priorités. Celles-ci devront faire l'objet d'une convention d'objectifs avec l'Etat.

2. Les autres dépenses

Il convient de relever au sein du présent programme la présence de crédits, pour 3,04 millions d'euros, correspondant à la subvention versée à la cité nationale de l'histoire de l'immigration , établissement public administratif sous la tutelle des ministères chargés de la culture, de l'intégration, de l'éducation nationale et de la recherche, et doté d'un budget global de fonctionnement de 7 millions d'euros.

12,3 millions d'euros sont inscrits au titre des centres provisoires d'hébergement des réfugiés (au nombre de 28, pour 1.083 places), 4,33 millions d'euros au titre de la rémunération des étrangers stagiaires de la formation professionnelle (une dotation de 8 millions d'euros avait été inscrite en loi de finances pour 2007) et 7,29 millions d'euros au titre de la promotion sociale et professionnelle des étrangers. Cette dotation « fourre-tout » regroupe des aides d'urgence pour les réfugiés, mais aussi une quarantaine de subventions à des organismes ou associations en faveur de la promotion sociale et professionnelles des immigrants. Il conviendrait naturellement de vérifier que ces organismes ne sont pas financés, en parallèle, par d'autres « guichets » du ministère de l'immigration, comme celui de l'ACSé.

3 millions d'euros sont prévus pour l'aide au retour à la réinsertion des migrants âgés, vivant seuls, dans leur pays d'origine en application des articles 58 et 59 de la loi du n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion.

Enfin, 1,5 million d'euros sont consacrés aux frais de fonctionnement au titre des naturalisations.

B. L'IMPORTANCE DU CONTRAT D'ACCUEIL ET D'INTÉGRATION DANS LE DISPOSITIF

Le contrat d'accueil et d'intégration constitue la pierre angulaire de l'action de l'Etat en matière d'accueil des personnes étrangères en France.

1. Présentation du contrat d'accueil et d'intégration

La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a rendu la signature du contrat d'accueil et d'intégration obligatoire pour les étrangers admis pour la première fois au séjour en France ou qui entrent régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui disposent d'un titre de séjour d'au moins un an. Toutefois, en sont dispensés ceux des étrangers ainsi définis qui ont effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans.

Le contrat vise à initier les personnes ayant vocation à demeurer sur le sol national aux institutions, à l'organisation et aux valeurs de la République française et, selon leur niveau de maîtrise du français, à leur permettre de bénéficier d'une formation linguistique. L'ANAEM est le maître d'oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration.

Concrètement, les personnes étrangères ont vocation à se rendre dans les plateformes d'accueil et d'intégration 10 ( * ) de l'ANAEM pour bénéficier :

- d'une formation de 30 minutes sur les valeurs de la République ;

- de 30 minutes de bilan personnel, comprenant un test de langue oral de 5 minutes, qui peut aboutir à la prescription d'un cours de langues de 400 heures sur un an ;

- de la vision d'un film intitulé « Vivre en France » ;

- d'une visite médicale obligatoire 11 ( * ) ;

- si possible de la remise du titre de séjour, en fonction des délais de fabrication de celui-ci, qui peuvent atteindre trois semaines.

En ce qui concerne la formation linguistique, le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile adopté définitivement le 23 octobre 2007 par le Parlement prévoit que les tests de langue et les cours de français seront réalisés à l'étranger pour les candidats au regroupement familial. Le texte prévoit un bilan systématique de compétences.

En 2006, 95.693 contrats ont été signés 12 ( * ) (96,6 % des personnes reçues), 94.190 formations civiques ont été programmées (98,4 % des signataires du contrat) et 23.972 formations linguistiques prescrites (25,1 % des signataires du contrat). 20.793 signataires du contrat (21,7 % des signataires du contrat) ont souhaité suivre la journée d'information « Vivre en France » et 10,6 % des signataires ont bénéficié d'un accompagnement social.

Sur les six premiers mois de l'année 2007, 52.952 personnes ont signé un contrat d'accueil et d'intégration et bénéficié des prestations offertes dans ce cadre soit 99,6 % des personnes.

Le projet annuel de performances propose un indicateur lié au taux d'étrangers non francophones qui obtiennent le diplôme initial de langue française (DILF) au terme de leur formation linguistique. Ce taux serait de 65 % en 2007 et l'objectif serait de parvenir à une réussite à hauteur de 70 % en 2008. Le DILF sanctionne le premier niveau de connaissance du français, soit la maîtrise de 500 mots. L'objectif peut paraît limité mais il convient de souligner que la formation s'applique à une proportion significative de personnes n'ayant jamais été scolarisées et ayant, par ailleurs, des difficultés à faire preuve d'assiduité en raison, notamment, de leurs contraintes familiales, liées par exemple à la garde d'enfants.

2. Le coût du contrat d'accueil et d'intégration

Au titre du budget 2008 figurent 44,6 millions d'euros de crédits de paiement dévolus à l'ANAEM.

Pourtant, le coût du contrat d'accueil et d'intégration est supérieur, de l'ordre de 53 millions d'euros prévus en 2007. La prise en charge de cette procédure concerne par ailleurs 37 ETPT, sur les 926 que compte l'ANAEM en 2007.

Pour 2008, le coût du contrat devrait augmenter de 3,4 millions d'euros en application des nouvelles modalités du contrat d'accueil et d'intégration dans le cadre du regroupement familial. En effet, les consulats n'ont pas souhaité, même dans les pays où les flux sont peu importants et l'ANAEM n'est pas présente, prendre en charge le test de langues, ce qui conduit à conclure des marchés avec des opérateurs locaux. 7 millions d'euros doivent, par ailleurs, être prévus au titre du bilan de compétences.

La différence entre les besoins liés au contrat d'accueil et d'intégration, et surtout ceux issus des cours de langues 13 ( * ) , et la dotation budgétaire s'explique par l'importance des taxes et redevances affectés à l'ANAEM ainsi que des ressources propres qui représenteraient 84,9 millions d'euros en 2007. Une augmentation de la taxe sur les attestations d'accueil, de 30 à 45 euros, prévue par l'article 45 rattaché à la présente mission dans le projet de loi de finances pour 2008, rapporterait 3,58 millions d'euros supplémentaires. Le projet annuel de performances indique que certaines redevances pourraient être augmentées par la voie règlementaire. Enfin, l'agence bénéficie d'un fonds de roulement très important, qui fait l'objet de développements ci-après.

C. UNE EFFICACITÉ À FAIRE VALOIR EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

L'ACSé apparaît assez largement comme une « terra incognita » pour le nouveau ministère de l'immigration qui s'est construit, en partie, à partir du comité interministériel de contrôle de l'immigration, dont les objectifs étaient sensiblement différents, sans évidemment être antagonistes.

1. Quels objectifs et quelle efficacité pour les actions en faveur de l'intégration ?

Pourtant, ce ne sont pas moins de 98,9 millions d'euros de crédits d'intervention , c'est-à-dire de subventions à des organismes et à des associations pour des actions en faveur de l'intégration, qui sont prévus au titre du présent projet de loi de finances (en plus des 7 millions d'euros de participation de la mission aux frais de fonctionnement de l'ACSé). Selon votre rapporteur spécial, une « activation » de ces dépenses est indispensable. Aucun objectif ou indicateur de performances n'est, à ce jour, assigné à ces actions.

En 2006, 4.803 organismes étaient subventionnés pour un total de 101 millions d'euros.

2. Des préoccupations partagées par l'ACSé

L'ACSé apparaît consciente de la nécessité de mieux évaluer les actions menées par des associations financées sur fonds publics (9 organismes ont ainsi reçu chacun plus de 1,15 million d'euros en 2006). Elle développe ainsi une politique d'audit des associations financées.

Selon le rapport d'activité de l'ACSé, adopté en conseil d'administration le 19 juin 2007, aucun audit n'a révélé de malversions. Mais, en ce qui concerne plusieurs organismes importants, soutenus de longue date par l'établissement, qui ont été audités en 2006, il en ressort que plusieurs d'entre eux étaient en relative difficulté sur le plan du non-renouvellement du projet associatif et des activités, et de l'essoufflement de la vie associative .

Il a été également relevé, pour plusieurs opérateurs, la « difficulté à intégrer dans leurs projets et leurs pratiques la transformation d'actions d'accueil et de soutien (au sens large) en de véritables actions visant à lutter contre les discriminations ». Il faut s'inquiéter que ces associations éprouvent des difficultés à faire en sorte que leurs actions soient axées sur leur coeur de métier : la lutte contre les discriminations.

* 10 Ce qui milite désormais pour que ces plateformes soient progressivement transférées des associations à l'ANAEM.

* 11 Le coût de cette visite médicale est de 6 millions d'euros et fait l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la revue générale des politiques publiques.

* 12 Sur 130.000 entrées régulières.

* 13 Le nombre de bénéficiaires de formations linguistiques serait de 26.000, pour un coût pondéré du cours de langue de 1.650 euros (5,35 euros /heure de cours x 300 heures (un grand nombre de personnes ne vont pas au bout des 400 heures prescrites)).