M. Henri Torre

II. L'EVOLUTION DE L'ARCHITECTURE DE LA MISSION

A. LA DISPARITION D'UN MINISTÈRE DÉDIÉ À L'OUTRE-MER

La mission « Outre-mer » a initialement été construite autour de grandes actions de l'Etat gérées par le ministère de l'outre-mer, principalement le logement et l'accès à l'emploi.

Au printemps 2007, le ministère dédié à l'outre-mer a disparu pour devenir un secrétariat d'Etat sous la tutelle du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .

Votre rapporteur spécial espère que cette modification aura des effets positifs sur la qualité du travail des services dédiés à l'outre-mer. Elle pourrait répondre à certaines critiques formulées notamment par l'audit de modernisation précité : « enfin, le ministère de l'outre-mer ne coopère pas suffisamment, au titre de suivi territorial, avec le grand partenaire qu'est le ministère de l'intérieur ». De ce point de vue, la réorganisation ministérielle et la création d'un ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales répond à un besoin. Même s'il est encore trop tôt pour savoir comment l'intégration du secrétariat d'Etat à l'outre-mer se fera et si elle aura réellement des effets positifs. On peut déjà relever que la secrétaire générale du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a reçu mission du ministre et du secrétaire d'Etat pour proposer des rapprochements et des mutualisations entre les deux directions du secrétariat d'Etat et les directions du ministère.

Les structures administratives bénéficieraient probablement aussi de davantage de stabilité. On peut rappeler, en effet, que le ministère de l'outre-mer était déjà un secrétariat d'Etat rattaché au ministère en charge de l'intérieur de 1976 à 1986, avant de redevenir un ministère, puis de nouveau un secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'intérieur de 1997 à 2002 et enfin, jusqu'au 18 mai 2007, un ministère dédié.

Cette nouvelle architecture risque aussi toutefois d'avoir des effets négatifs . Elle a, en effet, remis en cause la réforme qui prévoyait la création d'un secrétaire général du ministère, celle d'un service juridique et celle d'une sous-direction de l'évaluation qui aurait aidé le ministère à assumer sa fonction de chef de file de la politique interministérielle. Les principes qui animaient ces évolutions doivent continuer à être poursuivis : renforcement de la capacité d'expertise juridique et développement de l'évaluation des politiques publiques conduites en outre-mer.

B. LA PERTE DE CERTAINES COMPÉTENCES

La justification de l'existence du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, ainsi que de la mission « Outre-mer », réside dans la nécessité d'une bonne expertise et d'une connaissance du terrain en outre-mer que n'ont pas les autres administrations centrales.

Toutefois, en matière d'emploi, le secrétariat d'Etat perdra en 2008 la compétence de gestion de nombreux dispositifs d'aide directe à l'emploi et à la création d'entreprises . A compter du 1 er janvier 2008, ceux-ci seront gérés par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et par conséquent intégrés à la mission « Travail et emploi ». Il faudra veiller à ce que cette intégration des actions outre-mer dans les autres missions du budget de l'Etat ne fasse pas perdre la plus-value qu'apporte l'existence d'une administration et d'une mission dédiées.

Cette évolution plaide pour un recentrage du rôle du secrétariat d'Etat à l'outre-mer sur des fonctions de coordination, pour lesquelles il peut effectivement apporter une réelle plus-value.

C. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DES PROGRAMMES

La nouvelle architecture de la mission « Outre-mer » résulte de la réorganisation ministérielle qui a vu le ministère de l'outre-mer transformé en secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Au niveau budgétaire, cela s'est tout d'abord traduit par la fusion des programmes 2 et 3 de la mission. Ainsi, le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » a été partiellement intégré au programme « Conditions de vie outre-mer », les actions « Collectivités territoriales » et « Coopération régionale » du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » lui ayant été transférées.

La dernière action du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer », qui s'intitule « Soutien et état-major », a quant à elle été transférée aux programmes 108, « Administration territoriale » et 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». L'action « Soutien et état-major » rassemblait en effet les moyens des fonctions de support du ministère et notamment les dépenses de personnel. Ceux-ci sont donc mis en commun avec les crédits du ministère de l'intérieur. Cela peut préfigurer les gains de performance résultant d'une meilleure coordination entre l'administration du ministère de l'outre-mer et celle du ministère de l'intérieure, souhaitée par la mission d'audit sur la dépense de l'Etat outre-mer 3 ( * ) .

Ainsi, dans la maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2008, la mission « Outre-mer » est divisée en deux programmes et neuf actions , en lieu et place des trois programmes et dix actions du projet de loi de finances pour 2007.

D. LA CRÉATION D'UNE ADMINISTRATION DE COORDINATION ?

Divers facteurs conduisent votre rapporteur spécial à souhaiter que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer devienne une administration, non pas de gestion, mais de coordination des politiques de l'Etat en outre-mer .

D'une part, la gestion des crédits gagne à être affectée aux ministères dont c'est le coeur de métier. Ainsi, les crédits relatifs aux aides directes à l'emploi on été transférés au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Par ailleurs, la création d'un secrétariat d'Etat a conduit au transfert au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales des fonctions de soutien administratif.

Le secrétariat d'Etat est donc déjà dépossédé d'une partie importante des crédits sur lesquels une marge de manoeuvre existe. Aujourd'hui, la mission « Outre-mer » regroupe majoritairement des crédits sur lesquels aucune marge de manoeuvre n'est pas disponible puisqu'ils résultent de dispositions légales ou contractuelles.

Toutefois, l'administration dédiée à l'outre-mer est la seule à disposer de l'expertise nécessaire à la mise en oeuvre des politiques nationales en outre-mer. Cette expertise est d'autant plus importante que la situation économique et sociale des collectivités territoriales d'outre-mer présente des spécificités importantes par rapport à celle de métropole. Ainsi, le secrétariat d'Etat peut apporter une réelle plus-value dans le conseil et le contrôle de la mise en oeuvre des politiques en outre-mer. Votre rapporteur spécial est donc favorable à ce qu'il se réoriente ainsi vers une fonction de coordination davantage que vers une fonction de gestion, mouvement d'ailleurs déjà engagé par le présent projet de loi de finances et par la création, prévue au premier semestre 2008, d'un conseil interministériel pour l'outre-mer, présidé par le Président de la République. Cette évolution est par ailleurs préconisée par l'audit sur la modernisation de l'Etat mené conjointement par le contrôle général économique et financier et l'inspection générale de l'administration en février 2007.

* 3 Mission d'audit de modernisation, rapport sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l'Etat outre-mer, février 2007.