M. Henri Torre

III. LES CREDITS DE LA MISSION : 1,73 MILLIARD D'EUROS

Dans le projet de loi de finances pour 2008, la mission « Outre-mer » représente 1,730 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) contre 1,690 milliards d'euros dans le PLF 2007 à périmètre constant et 1,764 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) contre 1,739 milliards d'euros dans le PLF 2007.

A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION : + 3 %

Pour étudier l'évolution des crédits de la mission, il faut raisonner à périmètre constant en rassemblant dans le projet de loi de finances pour 2007 les actions correspondant à la nouvelle composition du programme « Conditions de vie outre-mer » dans le présent projet de loi de finances et en réduisant les montants de 2007 des actions aujourd'hui transférées au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Evolution des crédits des deux programmes de la mission à périmètre 2008

(en millions d'euros)

AE ouverts en LFI pour 2007

AE demandés pour 2008

Evolution

CP ouverts en LFI pour 2007

CP demandés pour 2008

Evolution

Programme 138 « Emploi outre-mer »

961,7

1.001,7

+ 4,2 %

974,3

1.008,7

+ 3,5 %

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

757,9

762

+ 0,5 %

705,8

721,4

+ 2,2 %

Mission « Outre-mer » 4 ( * )

1.719,6

1.763,7

+ 2,6 %

1.680,1

1.730,1

+ 3 %

Source : projets annuel de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2007 et 2008

Votre rapporteur spécial constate que les crédits de la mission, hors dépenses fiscales, connaissent une augmentation de 3 %, supérieure à la norme applicable à l'ensemble des dépenses de l'Etat .

Toutefois, cette évolution doit être complétée de l'étude de l'évolution des crédits globalement affectés à la politique transversale de l'Etat en faveur de l'outre-mer et de ceux des dispositifs de dépenses fiscales dont l'objet principal contribue aux programmes de la mission « Outre-mer ».

Les conséquences du passage du cyclone Dean aux Antilles

Les 16 et 17 août 2007, le passage du cyclone Dean aux Antilles a occasionné des dégâts importants en Guadeloupe et, dans une moindre mesure, en Martinique.

L'urgence de la situation a conduit l'Etat à mobiliser le fonds de concours pour l'outre-mer, afin de permettre une indemnisation des dommages. Ce fonds de concours a quatre volets. Il vise à indemniser :

- les familles les plus touchées qui nécessitent une aide d'extrême urgence,

- les ménages et entreprises individuelles pour les dégâts causés sur des biens de première nécessité ou des matériels professionnels non assurés,

- les collectivités territoriales, pour les dommages causés à des biens non assurables tels que la voirie ou les réseaux d'eau potable,

- et enfin, les exploitants agricoles pour leurs pertes de récoltes et de fonds.

A ce titre, un décret d'avance pris par le ministre du budget en octobre 2007 a ouvert pour la mission « Outre-mer » 61 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits ont été ouverts sur le programme 160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer », qui n'apparaît plus dans l'architecture de la mission pour 2008.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ces montants seront affectés pour les trois quarts aux exploitants agricoles ayant perdu des fonds et des récoltes. En effet, le cyclone a essentiellement affecté les cultures agricoles.

Toutefois, les montants globaux des dégâts causés par le cyclone et de ses conséquences économiques ne pourront être déterminés qu'une fois que l'ensemble des déclarations de sinistres auront été traitées par les services concernés. Or, ces déclarations pouvaient être faites jusqu'au 14 octobre 2007, ce qui n'a pas pour le moment permis un recueil de l'ensemble des données.

B. UNE MISSION NE REPRÉSENTANT QUE 1,35 % DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE TOTAL POUR L'OUTRE-MER

Les crédits de mission « Outre-mer » ne représentent toutefois que 13,5 % du montant total des crédits affectés, selon le document de politique transversale sur l'outre-mer, à la politique de l'Etat en direction de l'outre-mer.

Celui-ci s'élève en effet à 12,84 milliards d'euros , hors dépenses fiscales, pour 2008. Ce montant est en augmentation de 3,5 % par rapport aux 12,41 milliards d'euros qui y étaient consacrés en 2007. La hausse des crédits en direction de l'outre-mer est donc supérieure aux 50 millions d'euros supplémentaires que fait apparaître le projet annuel de performances annexé à la mission « Outre-mer ».

C. 2,814 MILLIARDS D'EUROS DE DÉPENSES FISCALES

L'évolution des dépenses fiscales dont l'objet principal contribue aux programmes de la mission s'avère particulièrement intéressante dans l'analyse des actions en faveur de l'outre-mer puisque leur montant dépasse largement celui des crédits affectés à la mission « Outre-mer ».

La somme prévisionnelle de ces dépenses fiscales pour 2008 est égale à 2,814 milliards d'euros .

Votre rapporteur spécial constate que ces dépenses augmentent de 5 % par rapport à l'année 2007, où elles s'élevaient à 2,679 milliards d'euros. Si l'on ajoute ce montant à celui de la politique transversale de l'Etat, l'effort financier global pour l'outre-mer sera de plus de 15 milliards d'euros en 2008 .

Cette hausse peut sembler injustifiée au regard du manque d'analyse de l'efficacité de ces dépenses fiscales. Il apparaît ainsi que les divers dispositifs d'aide fiscale à l'investissement coûtent à l'Etat près de 1 milliard d'euros. Or, bien qu'ils ne soient pas destinés uniquement à créer des emplois, mais aussi à générer de la croissance, on constate que le nombre d'emplois créés grâce à ces mesures est estimé par le secrétariat d'Etat, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, à 1.179. Ainsi, en apparence , un emploi créé nécessite une dépense fiscale de plus de 800.000 euros , ce qui appelle, à l'évidence, une réflexion sur l'éventuelle réforme de ces dispositifs.

Les principales dépenses fiscales et leur évolution entre 2007 et 2008

(en millions d'euros)

Dispositif

Base juridique

Descriptif du dispositif

Evaluation

2007

2008

MENAGES

Impôt sur le revenu

Art. 197-I-3 du CGI

Réduction, dans la limite d'un certain montant, de la cotisation résultant du barème (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion, et 40 % en Guyane).

250

270

Plus-values

Art. 150-O A, 164 B-I-f, 200 A-7 du CGI

Réduction de l'imposition forfaitaire au taux de 16 % des plus-values réalisées dans les DROM et COM par certains associés à l'occasion de la cession de droits sociaux.

4

4

TVA

TVA

Art. 296 du CGI

Application d'un taux minoré de TVA en Guadeloupe, Martinique et Réunion : 8,5 % pour le taux normal, 2,1 % pour le taux réduit.

1.040

1.070

La TVA non perçue récupérable dite « TVA NPR » -

Pas de base légale

Déduction ou remboursement de la TVA non perçue sur les produits.

200

200

Exonération concernant certains produits et matières premières

Art. 295-1-5° et 6° du CGI

Exonération de la TVA pour certains produits, matières premières et pour les produits pétroliers en Guadeloupe, Martinique et Réunion.

80

80

Impôt sur les sociétés

Abattement IS

Art. 217 bis du CGI

Abattement de 33 1/3 % sur le résultat (bénéfices et pertes)

85

90

Défiscalisation pour les investissements

IR - logement, investissement productif

Art. 199 undecies A et B du CGI

Réduction d'impôt de 50 % (majorée à 60 % ou 70 % dans certains cas) du montant de l'investissement productif et réductions d'impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements.

720

780

IS investissement productif

Art. 217 undecies et duodecies du CGI

Déduction des investissements productifs et des souscriptions au capital des entreprises qui réalisent de tels investissements.

160

180

Divers

TIPP

Art. 267 du code des douanes

Exclusion des DOM du champ d'application de la TIPP.

130

130

Réduction taxe sur les salaires

Art. 231-2 bis et 231-5 du CGI

Taxe due par les non redevables à la TVA, avec une diminution du taux à 2,95 % (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) et de 2,55 % en Guyane, et l'exonération des employeurs réalisant des opérations qui seraient soumises à TVA si elle leur était applicable, comme des organismes professionnels et employeurs agricoles.

5

5

IR - déficits industriels et commerciaux

Art. 199 undecies B-I bis du CGI

Imputation sur le revenu des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de locations d'établissements touristiques ayant fait l'objet de travaux de rénovation

3

3

Réduction droit d'enregistrement et de timbre

Art. 1043 A du CGI

Réduction de 50 % des tarifs des droits d'enregistrement et de timbre en Guyane.

2

2

Source : ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Votre rapporteur spécial a relevé tout particulièrement que les prévisions des montants des dépenses fiscales pour une année varient fortement d'un projet de loi de finances à l'autre . Ainsi, par exemple, le coût du taux réduit de TVA est évalué, dans le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances, à 50 millions d'euros de plus que ce que les estimations du projet annuel de performances de l'année dernière prévoyaient. De même, la prévision pour l'année 2007 du coût de la réduction d'impôt de 50 % au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements est supérieure de 120 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances à l'estimation du projet de loi de finances pour 2007.

En effet, les résultats fournis dans les documents budgétaires ne sont que des estimations. A titre d'exemple, et comme votre rapporteur spécial a pu le montrer dans son rapport d'information consacré au logement 5 ( * ) , les dépenses fiscales dans ce secteur ne font l'objet d'une demande d'agrément qu'à compter d'un certain seuil. En conséquence, en dessous de ce seuil, elles ne peuvent être qu'approchées.

De manière générale, les montants prévisionnels des dépenses fiscales pour 2007 dans le projet de loi de finances pour 2007 étaient de 2,504 milliards d'euros. On constate donc une évolution beaucoup plus importante des dépenses fiscales si l'on compare à ce montant les montants prévisionnels pour 2008 du projet de loi de finances pour 2008. L'augmentation des dépenses fiscales sur un an est alors de 12,4 %. Les montants prévisionnels de l'année dernière étaient manifestement sous-évalués.

Par ailleurs, le montant des dépenses fiscales en 2008 sera supérieur de plus de 60 % aux crédits prévus par le projet de loi de finances pour la mission. Le montant des sommes en jeu s'accommode mal du manque de précisions et de la faiblesse des évaluations de l'utilité de ces dépenses fiscales .

La hausse des crédits de la mission doit donc aussi s'apprécier au regard de cette évolution des dépenses fiscales consacrées à l'outre-mer.

D. UNE RÉPARTITION INÉGALE DES CRÉDITS SELON LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

1. Répartition par collectivité territoriale

Les crédits globaux de l'effort budgétaire pour l'outre-mer sont répartis inégalement entre les départements et régions d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer.

Répartition des crédits entre les départements et régions d'outre-mer

Total : 9.490

(en millions d'euros)

La Réunion

3.892

Guadeloupe

2.300

Martinique

1.702

Guyane

1.137

Non répartis

459

Répartition des crédits entre les collectivités d'outre-mer

Total : 3.136

(en millions d'euros)

Polynésie

française

1.369

Nouvelle

Calédonie

1.136

Mayotte

397

Wallis-et-Futuna

128

Non répartis

22

TAAF*

30

Saint-Pierre-et-

Miquelon

54

* TAAF : terres australes et antarctiques françaises.

Source : projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

Ainsi, les crédits des départements et régions s'élèvent à 9.490 millions d'euros, tandis que ceux destinés aux collectivités d'outre-mer sont de 3.136 millions d'euros, soit le quart des dépenses totales.

Il apparaît d'après ces chiffres que, d'une part, les départements et régions d'outre-mer bénéficient de trois fois plus de crédits que les collectivités d'outre-mer et que, d'autre part, au sein de chaque catégorie, la répartition des crédits est inégale.

Ainsi, les départements et régions de La Réunion, de Guadeloupe et de Martinique sont celles qui bénéficient du montant de crédits le plus élevé. Au sein des collectivités d'outre-mer, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie reçoivent à elles deux plus des trois quarts des crédits alloués à l'ensemble de ces collectivités.

2. Répartition par habitant et par collectivité territoriale

Montant des crédits par habitant de la collectivité territoriale

(en euros)

Source : projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances

Trois constats peuvent être faits en rapportant les crédits affectés par le présent projet de loi de finances à la population de chaque collectivité territoriale d'outre-mer :

- trois groupes distincts se dégagent, l'essentiel des collectivités territoriales d'outre-mer se situant dans un groupe relativement homogène où le montant des crédits par habitants s'élève entre 4.200 et 5.700 euros par habitant ;

- les collectivités de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon ont des dotations par habitants largement au-dessus de la moyenne puisque celles-ci dépassent 8.500 euros par habitant. Cette différence peut s'expliquer par la taille relativement faible de la population de ces territoires et le caractère incompressible de certaines dépenses ;

- enfin, les crédits par habitant affectés à Mayotte sont relativement faibles, puisque inférieurs à 2.500 euros par habitant alors que la population mahoraise est de plus de 160.000 habitants. Ce constat résulte en partie de la proximité de l'île de La Réunion qui permet une mutualisation de certaines dépenses. Il indique toutefois que l'Etat doit poursuivre ses efforts en direction de la collectivité départementale de Mayotte.

* 4 Les montants pour 2007 sont indiqués au périmètre de la mission dans le projet de loi de finances pour 2008.

* 5 Rapport n° 88 (2006-2007), « Le logement en outre-mer : passer du discours à la réalité ».