MM. Philippe ADNOT et Christian GAUDIN

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOS RAPPORTEURS SPECIAUX

- Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que la présente mission témoigne du respect des engagements présidentiels en ce qui concerne le renforcement des moyens en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cependant, ce satisfecit doit être quelque peu nuancé.

- Ainsi, en ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'augmentation du CAS pensions civiles représente plus de 226,4 millions d'euros, soit 32 % des moyens supplémentaires en CP de ces deux programmes à structure constante.

- Et, en ce qui concerne la recherche, il convient de tenir compte de l' effet de l'augmentation du taux de cotisation aux pensions civiles des salariés des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), qui doit passer de 39,5 % à 50 % au 1 er janvier 2008.

- La montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) , budgétée pour la 1 ère fois cette année, symbolise la progression de la recherche « par projets » dans le paysage national, ce dont vos rapporteurs spéciaux se félicitent. Il est toutefois regrettable que la part de financement « hors projets » de cette agence représente près d'un quart de son budget et augmente encore plus que la part « projets ».

- Les principales mesures annoncées dans la cadre des conclusions annoncées lors du « Grenelle de l'environnement » conduisent à un effort financier de 1 milliard d'euros en 4 ans en faveur de la recherche. Si vos rapporteurs spéciaux se réjouissent de ces annonces, ils s'inquiètent de l'absence apparente de traduction budgétaire de ces engagements qui mériteront d'être précisés. C'est pourquoi ils proposent un amendement tendant à affecter une partie des crédits de l'Institut français du pétrole (IFP) dédiés à « repousser les limites du possible dans l'exploration et la production du pétrole et du gaz », soit 6 millions d'euros, figurant dans l'action n° 3 du programme 188 « Recherche dans le domaine de l'énergie » aux projets de l'ANR relatifs à la thématique « Energie durable et environnement » .

- La mise en oeuvre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a débuté. Dans la perspective du passage au budget global, votre rapporteur spécial souligne la nécessité pour les universités de se doter de moyens de gestion et de comptabilité adéquats, aussi bien humainement que matériellement.

- Les travaux de sécurité des bâtiments universitaires semblent insuffisants à plusieurs titres. L'impact du plan de mises en sécurité 2000-2006 pose de réelles questions d'efficacité de la dépense publique, sur lesquels vos rapporteurs interrogeront la ministre.

- Vos rapporteurs spéciaux considèrent que l'approche du logement étudiant via les crédits de la mission n'est pas pertinente, cette question devant plutôt relever d'une politique plus globale associant notamment les collectivités territoriales.

- La montée en puissance de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) doit assurer une évaluation rigoureuse et suivie d'effet des travaux de recherche menés par les équipes des acteurs publics , gage d'efficacité des moyens investis par l'Etat.

- Des progrès doivent être accomplis dans la cohérence du financement et l'amélioration du pilotage de la recherche publique dans le domaine des sciences du vivant , comme l'a souligné la Cour des comptes dans un récent rapport public.

- L'évolution de la dette du Centre national d'études spatiales (CNES) à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA) doit être maîtrisée . Votre commission, à l'initiative de votre rapporteur spécial, a demandé une enquête à la Cour des comptes afin d'éclairer le Parlement sur cette question.

- Il faudra également éclaircir les conséquences financières pour le présent programme du rapprochement annoncé d'OSEO Innovation et de l'AII . En particulier, il s'agira de déterminer si les 61,5 millions d'euros de crédits demandés pour ces deux structures se justifient encore .

- L'ensemble des crédits, permettant au Palais de la Découverte de procéder aux travaux de sécurité, sont désormais avec le présent projet de budget dégagé. Néanmoins les travaux n'ont toujours pas commencé, en dépit de la budgétisation de 2 millions d'euros en LFI 2007.

- L'application du décret du 14 octobre 2003 fixant les nouvelles modalités de calcul des subventions des établissements d'enseignement supérieur agricole privé n'est pas correcte. Le retard cumulé du financement des engagements de l'Etat s'élèverait fin 2007 à 3,75 millions d'euros.

I. PRÉSENTATION DE LA MISSION : 6 MINISTÈRES ET 12 PROGRAMMES

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) présente un fort caractère interministériel puisque pas moins de 6 ministères sont intéressés par au moins l'un des 12 programmes de la mission.

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) en est le chef de file.

A. LES PRINCIPAUX CHIFFRES

1. Les crédits et les fonds de concours : 23,279 milliards d'euros de crédits de paiement

La mission est dotée , dans le projet de loi de finances pour 2008, de 23,372 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 23,279 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), ces derniers affichant une hausse de 4,7 % à périmètre constant par rapport à 2007.

Les fonds de concours attendus pour 2008 s'élèvent à 50,8 millions d'euros .

Cette hausse va au-delà des engagements figurant dans l'article 1 er de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche . Les crédits de paiement relevant du périmètre de la loi (c'est à dire hors crédits affectés à la vie étudiante et hors dépenses fiscales attachées à l'enseignement supérieur) augmentent en effet de 7 % à structure constante.

Récapitulation des crédits de la MIRES par programme

Ministre intéressé

CP demandés pour 2008

(en euros)

Plafond d'emplois autorisés pour 2008

(en ETPT)

Emplois hors plafond rémunérés par les opérateurs

(en ETPT)

Formations supérieures et recherche universitaire

MESR

11.279.825.281

148.520

19.527

Vie étudiante

MESR

1.950.453.251

1.687

12.758

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

MESR

5.004.608.150

0

52.740

Recherches dans le domaine des milieux et des ressources

MESR

1.220.812.427

0

17.424

Recherche spatiale

MESR

1.277.747.726

0

2.420

Recherche dans le domaine des risques et des pollutions

Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

279.843.057

0

1.667

Recherche dans le domaine de l'énergie

Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

671.485.965

0

2.031

Recherche industrielle

Ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

576.470.182

0

462

Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat

Ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

379.273.132

0

1.903

Recherche duale (civile et militaire)

Ministre de la défense

200.000.000

0

0*

Recherche culturelle et culture scientifique

Ministre de la culture et de la communication

157.298.690

609

1.161

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Ministre de l'agriculture et de la pêche

281.296.008

2.691

868

* Les opérateurs de la recherche duale ont été comptabilisés dans d'autres programmes de la mission.

Source : projet de loi de finances pour 2008, annexe « Recherche et enseignement supérieur »

Extrait de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche


Article 1 er

La programmation des moyens consacrés par l'État à la recherche, telle qu'annexée à la présente loi, est approuvée.

Ces moyens augmenteront de manière à atteindre un montant cumulé de 19,4 milliards d'euros supplémentaires pendant les années 2005 à 2010 par rapport aux moyens consacrés en 2004.

Ils comprennent, conformément à l'annexe, l'ensemble des crédits budgétaires de la mission " Recherche et enseignement supérieur ", hors programme " Vie étudiante ", ainsi que les ressources extrabudgétaires et le montant des dépenses fiscales qui concourent au financement des activités de recherche et d'innovation.

Le Gouvernement déposera, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, un rapport visant à déterminer les conditions du développement de la recherche en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique, à en définir les objectifs et, le cas échéant, à proposer de nouvelles dispositions tenant compte de leurs situations particulières.

Annexe : programmation des moyens consacrés par l'Etat à la recherche

(en millions d'euros (*))

2004 (**)

2005(**)

2006

2007

2008

2009

2010

MIRES (hors programme « Vie étudiante »)

18.205

18.561

18.950

19.360

19.919

20.365

20.800

Agences de financements sur projets (hors Agence de l'innovation industrielle)

0

350

630

910

1.100

1.295

1.500

Dépenses fiscales

650

950

1.290

1.570

1.620

1.660

1.700

Total recherche

18.855

19.861

20.870

21.840

22.639

23.320

24.000

Effort supplémentaire cumulé par rapport à 2004

-

1.006

3.021

6.006

9.790

14.255

19.400

(*) Les montants de ce tableau ne comprennent pas la contribution française aux programmes et actions communautaires en matière de recherche, de développement technologique et d'innovation.

(**) Périmètre reconstitué en 2004 et 2005, sur une base constante 2006 hors programme « Vie étudiante ».

(***) Financements de l'Agence nationale de la recherche et concours supplémentaires à OSEO-Anvar en faveur de la recherche.

2. Les dépenses fiscales : 2,4 milliards d'euros

Les dépenses fiscales dont l'objet principal contribue à la mission et qui lui sont donc rattachées représentent 2,4 milliards d'euros , soit 10,4 % des CP de la mission. Les principales dépenses fiscales sont :

- le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR), dont le coût pour 2008 est estimé à 1.390 millions d'euros . Cette estimation intègre la réforme du CIR proposée à l'article 39 du présent projet de loi de finances qui prévoit, en particulier, le triplement de la part dite « en volume » de ce crédit d'impôt, la disparition de sa part dite « en accroissement » et le déplafonnement du CIR ;

- la taxation réduite des plus-values professionnelles à long terme de certains produits de la propriété industrielle , estimée à 600 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur , dont le coût pour 2008 est évalué à 175 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l'innovation , dont le montant est estimé à 140 millions d'euros ;

- l'exonération partielle ou totale des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement , qui devrait coûter 50 millions d'euros à l'Etat en 2008 ;

- l'exonération de l'impôt sur le revenu des salaires perçus par les étudiants introduite par la loi n° 2007-1233 du 2007 relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat (TEPA), dont le coût est estimé à 40 millions d'euros ;

- l'exonération de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune pour les versements en faveur des établissements d'enseignement supérieur, les fondations, les projets de thèse, conformément aux nouvelles dispositions introduites par la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et la loi TEPA. L'impact de ces dispositions est évalué à 25 millions d'euros en 2008.

A ces mesures, il convient d'ajouter l'exonération de taxe sur les salaires dont bénéficient désormais les établissements d'enseignement supérieur qui délivrent des diplômes sanctionnant au moins 5 ans d'études après le baccalauréat. Cette mesure introduite par la loi de finances rectificative pour 2006 à l'initiative de vos rapporteurs spéciaux est entrée en vigueur en septembre 2007. Elle représente un montant de 60 millions d'euros pour les universités et 25 millions d'euros pour les autres établissements d'enseignement supérieur.

3. Les plafonds d'emplois : 153.507 ETPT et 112.961 ETPT rémunérés par les opérateurs

Le présent projet de loi de finances octroie à la MIRES un plafond d'emplois de 153.507 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2008 , soit 6,9 % de l'ensemble des plafonds d'emplois 1 ( * ) .

96,8 % des emplois sont portés par le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » .

Toutefois, afin d'avoir une vision plus précise des emplois rémunérés par les crédits de la présente mission, il convient de tenir compte des emplois hors plafond rémunérés par les opérateurs, soit au total 112.961 emplois ETPT .

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS TRANSVERSALES DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le renforcement confirmé des moyens en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche

a) Le traitement prioritaire de la mission

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent du respect des engagements présidentiels en ce qui concerne le renforcement des moyens en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'existence de plusieurs périmètres, tout comme la présence de différentes sources de financement, complexifient la lecture et l'appréciation des évolutions proposées par le présent projet de budget.

Ainsi, à structure constante, les crédits de paiement de l'enseignement supérieur 2 ( * ) augmenteraient de 5,6 % (+ 703,7 millions d'euros) et ceux de la recherche de 3,4 % (+ 297,6 millions d'euros). Au total, les crédits de la MIRES hors agences évolueraient à structure constante de 4,7 %.

Si l'on intègre à ces crédits, les crédits supplémentaires de l'Agence nationale de la recherche et d'OSEO (soit + 190 millions d'euros), ainsi que les dépenses fiscales, les dépenses en faveur de l'enseignement supérieur au sein de la mission augmenteraient de 6,1 % (+ 768,7 millions d'euros de crédits de paiement) et celles en faveur de la recherche de 8,2 % (+877,6 millions d'euros de crédits de paiement). L'évolution globale de ces dépenses serait de 7,1%.

S'agissant de l'enseignement supérieur, il convient d'ajouter l'impact de l'exonération de la taxe sur les salaires (+ 85 millions d'euros), qui porterait l'effort supplémentaire fait en faveur de l'enseignement supérieur à 853,7 millions d'euros sur la base des crédits de paiement.

Ces évolutions positives dans un contexte budgétaire très tendu recueillent l'approbation de vos rapporteurs spéciaux qui considèrent que les dépenses en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche sont des investissements indispensables à l'amélioration de la croissance économique française et de sa compétitivité . Toutefois, il convient d'apprécier à sa juste valeur l'augmentation des moyens prévus.

b) Ombres et lumières de l'augmentation des moyens
(1) Quel effort pour l'enseignement supérieur ?

Ce satisfecit est néanmoins nuancé par deux remarques.

D'une part, il existe une incertitude. L'amélioration structurelle des performances de cette mission, notamment en ce qui concerne les moyens alloués à l'enseignement supérieur, nécessite un effort pluriannuel sur lequel le Président de la République s'est engagé. Toutefois, il reste des ambiguïtés quant aux évolutions futures, et à ce titre, vos rapporteurs spéciaux souhaiteraient avoir, de la part de la ministre, des précisions quantitatives sur l'effort envisagé.

D'autre part , il convient de souligner le caractère « contraint de l'augmentation des moyens du PLF 2008.

Concernant les moyens supplémentaires alloués à l'enseignement supérieur, il convient ainsi de remarquer que l'augmentation du CAS pensions civiles représente pour les programmes 150 et 231 plus de 226,4 millions d'euros, soit 32 % des moyens supplémentaires en CP de ces deux programmes à structure constante.

En outre, une part importante de l'augmentation résulte du respect des engagements pris par l'Etat les années précédentes, que ce soit au niveau des contrats de plan Etats Régions 2000-2006, ou de la mise en oeuvre de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche qui avait conduit en 2007 à augmenter le recrutement de différents personnels.

Néanmoins, des nouvelles mesures importantes sont financées dans le cadre du présent budget comme la rénovation du système d'aides sociales ou la mise en oeuvre du plan Licence, qui selon, vos rapporteurs spéciaux, mériterait une action renforcée compte tenu de son importance. Dans cette perspective, ils vous proposent un amendement afin de revaloriser le financement de ce plan. Cette modification serait gagée sur les crédits du logement étudiant. En effet, l'approche du logement étudiant nécessite d'être profondément rénovée.

(2) Une augmentation appréciable de l'effort de l'Etat pour chacun des trois « piliers » de la recherche

Pour ce qui concerne la recherche, et comme l'avait déjà relevé le rapport de votre commission sur la présente mission dans le projet de loi de finances pour 2007 3 ( * ) , l'effort financier de l'Etat est à la fois important quantitativement et équilibré, renforçant chacun de ses trois « piliers » (organismes, recherche sur projets et dépenses fiscales).

Ainsi, à périmètre constant, les programmes « recherche » de la mission enregistrent une augmentation de crédits de 3,4 % par rapport à 2007. De plus, comme indiqué supra , les crédits de l'ANR passent de 825 millions d'euros à 955 millions d'euros (le cas d'Oséo Innovation, plus flou, sera évoqué au sein du programme « Recherche industrielle »).

Enfin, l'encouragement à la recherche privée, traditionnel point faible du financement de la recherche et du développement en France, apparaît clairement dans la réforme du CIR proposée à l'article 39 du présent projet de loi de finances.

Vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de la poursuite de l'effort ainsi entrepris , qui vise à renforcer l'ensemble des acteurs du monde de la recherche.

(3) EPST : une forte augmentation « brute » qui doit cependant être nuancée

Ce satisfecit doit cependant être nuancé par la prise en compte du double effet de l'augmentation du niveau des mises en réserve et de l'augmentation du taux de cotisation aux pensions civiles des salariés des EPST , qui doit passer de 39,5 % à 50 % au 1 er janvier 2008.

Pour prendre l'exemple du CNRS, sur une augmentation de crédits de 112 millions d'euros par rapport à 2007, 95,1 millions d'euros devraient être affectés à cette dépense nouvelle, ce qui atténue la portée du chiffre annoncé. Toutefois, les équipes du CNRS devraient également bénéficier de l'augmentation des crédits alloués à l'ANR.

De même pour l'INRA, l'augmentation du taux de cotisation explique 85,4 % de l'augmentation des crédits dans le PLF 2008.

2. Une réforme de la recherche qui reste à faire

a) Une montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) non dénuée d'ambiguïté

Tout d'abord, vos rapporteurs spéciaux mesurent à leur juste valeur les avancées contenues dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 précitée .

Outre une programmation financière ambitieuse et pourtant dépassée (voir infra ), ladite loi, qui s'inscrivait plus largement dans un « Pacte » national pour la recherche, affiche une volonté de « pilotage » de l'Etat, dans le respect de l'autonomie des chercheurs dans leur travail, et un souci de plus grande efficacité des moyens engagés. C'est ainsi qu'ont été créés le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), qu'a été encouragée la coopération scientifique et que l'Agence nationale de la recherche (ANR) a acquis un statut d'établissement public et la promesse d'une forte augmentation de ses crédits d'intervention.

De fait, l'ANR, agence de moyens distribuant des fonds sur la base de projets, a pris une place croissante au sein du dispositif public de recherche . Le présent projet de loi de finances propose ainsi de lui attribuer 955 millions d'euros de CP, contre 825 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007 4 ( * ) .

Si, symboliquement, cette montée en puissance correspond à la progression de la recherche « par projets » dans le paysage national, cette réalité doit être nuancée. En effet, en 2007, 192,5 millions d'euros, soit 23,3 % des crédits de l'ANR, ont été affectés dans une catégorie dite « hors appels à projets » qui , pour honorables que soient ses bénéficiaires (les instituts Carnot, les pôles de compétitivité, l'Institut national du cancer (INCa), etc.), ne correspond pas à la vocation de l'ANR . De plus, la programmation pour 2008 validée par le conseil d'administration de l'Agence réuni le 23 octobre 2007, prévoit une augmentation de la poche « hors appels à projets » supérieure à celle des appels à projets .

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent interroger le gouvernement sur la pertinence du choix de maintenir de tels financements au sein de l'ANR : il ne s'agirait pas que la vocation de l'Agence puisse être ainsi dévoyée à terme.

Programmation de l'ANR en 2007 et 2008 par catégories

Catégorie

Crédits pour 2007 (en millions d'euros)

Crédits pour 2008 (en millions d'euros)

Evolution 2007-2008

Biologie et santé

134,7

138,5

+ 2,8 %

Ecosystèmes et développement durable

43,9

66

+ 50,3 %

Energie durable et environnement

107,8

111

+ 3 %

Ingénierie, procédés et sécurité

146,4

140

- 4,4 %

Matière et information

29,4

46

+ 56,4 %

Sciences humaines et sociales et programmes non thématiques

170

182

+ 7,1 %

Financements hors appels à projets

192,5

214

+ 11,2 %

TOTAL

824,7

897,5

+ 8,8 %

Source : ANR

b) L'évolution du modèle des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST)

Au-delà de l'ANR, les grands organismes publics de recherche doivent, eux aussi, évoluer . Il s'agit principalement des acteurs de la recherche dans le domaine des sciences du vivant, qui a fait l'objet d'un récent rapport de la Cour des comptes 5 ( * ) et qui sera plus spécifiquement traité au sein du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ; et il s'agit aussi, bien sûr, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui rassemble, à lui seul, 31.951 ETPT actifs dans l'ensemble des champs du savoir.

De ce point de vue, vos rapporteurs spéciaux partagent les grandes orientations définies par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors de son discours au salon du Bourget, le 23 juin 2007, et dans sa lettre de mission adressée à Mme Valérie Pécresse, ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, à savoir l'évolution des principaux EPST vers un modèle davantage orienté sur la recherche par projet et le renforcement de la recherche européenne sur la base du même modèle .

D'autre part, ils souhaitent que soit encore plus encouragée la mobilité des chercheurs du secteur public, soit vers l'entreprise, soit vers l'enseignement supérieur .

3. La prise en compte incertaine des conclusions du « Grenelle de l'environnement »

Les principales mesures annoncées dans la cadre des conclusions annoncées lors du « Grenelle de l'environnement » conduisent à donner une place spéciale à la recherche compte tenu des enjeux à relever : réduction de moitié de l'usage des pesticides (ce qui implique le développement des agents biologiques) bâtiment à énergie positive, lutte contre le réchauffement climatique...

La nécessité d'approfondir la recherche a été abordée par l'ensemble des groupes de travail de manière plus ou moins exhaustive. Le tableau ci-après récapitule les recommandations les plus importantes.

Cette référence constante à la recherche par les groupes de travail a été reprise lors du discours du Président de la République, le 25 octobre 2007, à l'occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l'environnement. Il a en effet annoncé le dégagement d'un milliard d'euros sur quatre ans et la nécessité d'élever le niveau de la recherche sur les technologies propres et la prévention des atteintes à l'environnement au même niveau que la recherche nucléaire.

Le volet « Recherche » du Grenelle de l'environnement

Groupe de travail

Conclusions

Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie.

Le groupe souhaite une augmentation du budget de la recherche sur les thématiques en relation avec le changement climatique et l'efficacité énergétiqu e, et s'accorde pour placer en première priorité la recherche sur l'énergie d'origine photovoltaïque (solaire), sur l'efficacité énergétique et sur les transports collectifs.

Préserver la biodiversité et les ressources naturelles

Le groupe s'est prononcé en faveur de la création d'une fondation de recherche en biodiversité dès le premier semestre 2008 doté d'un budget annuel de 3 millions d'euros et un renforcement de la recherche scientifique en biodiversité qui passe notamment par une meilleure coordination des différents acteurs et une meilleure valorisation des résultats.

Instaurer un environnement respectueux de la santé

Le groupe s'est prononcé en faveur d'une meilleure prédiction des dangers et des risques physiques, chimiques et biologiques grâce à un saut quantitatif et qualitatif sur les moyens consacrés à la production de connaissances en santé environnementale , dans le cadre d'une politique d'excellence de la recherche et de la formation. 90 millions d'euros dont 30 consacrés à des appels à projets seraient nécessaires

Adopter des modes de production et de consommation durable

Le groupe recommande d'orienter la recherche vers les modes de production à haute valeur environnementale. Le renforcement de la recherche appliquée en 2008, assis sur un réseau de référence, est préconisé afin de définir des nouveaux modes techniques immédiatement applicables par la profession. Cette action permettrait de dégager les thèmes de réflexion à long terme.

Construire une démocratie écologique

Le groupe réaffirme l'importance de la recherche :

« Rejoindre une trajectoire de développement durable nécessite à la fois : la compréhension des risques de dérèglements et de blocages auxquels conduisent les pressions exercées sur les ressources de notre planète et ses écosystèmes ; et de mobiliser toutes les ressources scientifiques et techniques permettant de réduire ces pressions. La recherche est donc concernée à tous les niveaux, de la production de connaissances aux politiques d'innovation, en passant par la production de références scientifiques pour les politiques de développement durable. Par ailleurs il n'y a pas de bonne expertise sans recherche. »

Le groupe recommande un développement spécifique de la recherche finalisée concernant l'anticipation des risques, mais aussi de la recherche en appui des politiques publiques de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable.

Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité

Le groupe propose notamment de favoriser la recherche en menant une politique ambitieuse en matière de recherche-développement pour les innovations éco-responsables , en stimulant les projets de recherche visant à évaluer les impacts socio-économiques des politiques environnementales, en mettant en place au sein de l'ADEME un fonds de soutien au développement de démonstrateurs de technologies éco-responsables.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de ces annonces. Toutefois, ils s'inquiètent de la mise en oeuvre de ce volet « recherche » , qui soulève plusieurs questions quant à la pertinence du budget et du fonctionnement de la MIRES.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent que le Grenelle de l'environnement constitue une épreuve pour le système de recherche français dont le pilotage et la réactivité ont fait l'objet de réformes législatives importantes . Dans cette perspective, ils souhaitent formuler quelques recommandations et interroger le ministère de la recherche quant aux orientations budgétaires de certaines thématiques de recherche :

- la mobilisation accrue des acteurs et des moyens de la recherche a été abordée de manière très hétérogène selon les groupes de travail. Il convient d'élaborer le plus rapidement possible un document précis et exhaustif des différentes propositions, dont certaines nécessitent d'être précisées, clarifiées, quantifiées et évaluées ;

- ce document de synthèse, qui s'apparenterait davantage à un cahier des charges permettrait d'optimiser la recherche de compétences , que ce soit via la définition d'appel à projets de l'ANR ou la recherche de synergies entre les différents opérateurs de la recherche. La coordination insuffisante des équipes, le manque de synergie ont été à plusieurs reprises abordés. Vos rapporteurs spéciaux estiment que ce travail devrait permettre de tester le pilotage de la mission et la capacité de celle-ci à répondre à des questions qui la concernent dans sa globalité. Ils souhaiteraient savoir quel rôle le ministère de la recherche entend jouer dans « l'après Grenelle » ;

- la traduction budgétaire du « Grenelle de l'environnement » soulève de nombreuses questions et incertitudes comme l'ont souligné les rapporteurs spéciaux lors de l'examen par votre commission de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable ». Compte tenu des calendriers, le projet de loi de finances pour 2008 n'a pas pu prendre en compte les conclusions du travail mené.

Toutefois, s'agissant du volet « recherche » du Grenelle, vos rapporteurs spéciaux remarquent que certaines priorité auraient pu être mieux énoncées et financées dès 2008, si, notamment et par exemple, le conseil d'administration de l'ANR se prononçant sur la programmation 2008 s'était réuni après les conclusions du Grenelle présentées le 24 octobre 2007 et non la veille, c'est-à-dire le 23 octobre 2007.

La programmation de l'ANR pour 2008 n'est pas fondamentalement en porte à faux avec les orientations du « Grenelle de l'environnement » puisqu'elle prévoit notamment une augmentation de 50,3 % des crédits destinés à financer des projets concernant les écosystèmes et le développement durable. Toutefois, l'évolution de certaines lignes est plus problématique . En effet, le montant consacré aux appels à projets concernant la thématique « Energie durable et environnement » n'augmenterait que de 3 % alors que les crédits de l'agence, hors mise en réserve, augmenteraient de 8,8 % et la part « hors appels à projet »  de 11,2 %.

Au regard de ces observations, vos rapporteurs spéciaux vous proposent un amendement tendant à affecter une partie des crédits de l'Institut français du pétrole (IFP) dédiés à « repousser les limites du possible dans l'exploration et la production du pétrole et du gaz » , soit 6 millions d'euros, figurant dans l'action n° 3 du programme 188 « Recherche dans le domaine de l'énergie » aux projets de l'ANR relatifs à la thématique « Energie durable et environnement » . Il semble, en effet, que les sociétés pétrolières pourraient accroître leur participation financière à ce type de recherche. En outre, l'IFP a pleinement vocation à participer aux appels à projets lancés par l'ANR sur les thématiques d'énergie durable et d'environnement, abondés par cet amendement.

* 1 « Pour 2008, le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat, exprimé en équivalent temps plein travaillé, est fixé au nombre de 2.219.035 », article 32 du PLF pour 2008.

* 2 Hors programme 142.

* 3 Rapport général n° 78 (2006-2007), Tome III, annexe 21 de MM. Philippe Adnot et Maurice Blin, « Recherche et enseignement supérieur ».

* 4 En 2007, l'ANR était financée par l'affectation d'une ressource fiscale et ses crédits ne subissait pas les effets de la mise en réserve. En tenant compte de ce phénomène, l'augmentation des crédits d'intervention de l'ANR, passant de 825 millions d'euros à 897,7 millions d'euros, s'élève à 8,8 %, dans l'attente d'un éventuel dégel de la réserve.

* 5 « La gestion de la recherche publique en sciences du vivant », rapport public thématique, mars 2007.